• 1) EGLISE, LIEU DE CULTE

     

    Au XVIIIème siècle, l’église, lieu de culte, est un bâtiment relativement ancien. 

    Si on remonte au début du Moyen Age, le Béarn voit plusieurs églises se construire selon le style roman telles celles de Morlaàs, de Lescar… Ce sont autant de grands bâtiments que de petits tels que l’on peut observer dans les villages comme Simacourbe par exemple. En ce qui concerne le style gothique, notamment lors des derniers siècles du Moyen âge, les XIVème et XVème siècles, peu d’églises sont édifiées (Monein) si ce n’est que l’on se contente de réaliser des ajouts. Le style renaissance se répand à travers des éléments décoratifs tels des portails (Lembeye, Monein…), des fenêtres (Baleix). 

    Plusieurs édifices religieux ont subi des dommages au XVIème siècle lors des guerres de religion. L’armée de Montgoméry s’illustre en saccageant, en détruisant des églises, des monastères en 1569. On peut citer les églises d’Asson, d’Igon comme exemples de bâtiments brûlés mais aussi les abbayes de Sarrance, d’Orthez. Tous les bâtiments religieux telles les chapelles et les églises qui ne sont « point d’une structure assez solide pour tenir contre l’impatience des réformateurs étaient abattues et rasées jusqu’aux fondements »[1]  . Jeanne d’Albret, protestante, s’attaque aux biens de l’Eglise catholique béarnaise en confisquant. Afin d’illustrer ces propos il suffit de rappeler qu’une unique église dans la vallée de Barétous ne remonte actuellement qu’au-delà du XVIIème siècle. 

    A l’opposé les lieux de culte conçus avec des matériaux plus solides ont davantage résistés.  

    Lors des XVIIème et XVIIIème, on tente d’effacer toutes ces destructions. On restaure ou si les dégâts sont trop importants on édifie un nouveau bâtiment religieux. Ceux qui s’en chargent sont notamment les communautés religieuses A Oloron, les Cordeliers sont à l’œuvre, à Sarrance ce sont les Prémontrés, à Arthez les Augustins.  

    Ailleurs, ce sont les évêques qui se lancent dans cette tâche ; pensons aux évêques d’Oloron Joseph et François de Révol. Au premier on doit l’introduction dans les églises de plusieurs retables. Au second, la cathédrale Sainte-Marie s’est agrandie de quatre chapelles rayonnantes doublant les bas-côtés.  

    Si certaines restaurations sont réalisées rapidement comme à Igon au début du XVIIème d’autres traînèrent en longueur. A Pontacq, par exemple, les travaux s’échelonnent de 1606 à 1783, à Bruges, même constat, on entreprend à des remédiations les plus pressées mais elles continuent vers 1780. Ou encore l’église de Luc-Armaud qui est réparée globalement en 1642 mais qui devra attendre 1749 pour voir son clocher restaurée.  

    Les causes de ses retards sont multiples : l’ampleur des destructions, les rénovations nécessaires de bâtiments religieux anciens qui s’ajoutent aux précédentes,  

     Victor Allègre regrette que les XVIIème et XVIIIème siècles aient revêtu pour certains décideurs l’occasion de profiter de ces aléas pour détruire des édifices anciens « que l’on sacrifia au goût du moment… La plupart se trouvent évidemment dans les vallées ravagées des gaves de Pau et d’Aspe, en soule, etc., etc.…»[2]  . Le même auteur écrit que ces « retables et ces chaires » réalisés lors de la période qui nous intéresse « sont les œuvres d’artisans organisés en véritables ateliers, parfois très renommés, sculpteurs locaux comme Pradines d’Izeste, Dartigacave de Sainte-Marie d’Oloron (auteur du retable de l’église Sainte-Croix), Jérôme Ribère (qui travaille pour Arette, Arros, Bedous, etc… au XVIIIème siècle), citons encore les Caron, de Lescar (auteurs du chœur sculpté de la cathédrale), les Ferrère, d’Asté, artistes de père en fils ; Guillaume Navarret, maître sculpteur de Lescar (peut-être Espagnol), fit le retable de Bruges, etc… »[3]  . 

    En compulsant la « Revue des Etudes Historiques et Religieuses » on est informé que les évêques lors de leurs visites épiscopales sont navrés de l’état délabré de plusieurs églises comme par exemple celle du village de Salles-Montgiscard[4]  . Le 22 avril 1739, on note qu’il ya : « un trou dans le mur, au levant, qui répond au dessous du sanctuaire. Avons ordonné qu’il fût muré, dès aujourd’hui, pour mettre fin à la superstition où on étoit d’y faire passer les enfants à la mamelle pour les empêcher de pleurer ». 

    L’Intendant Lebret, lui-même, mentionne que la cathédrale de Sainte-Foy « menace ruine ».  

    La Révolution de 1789 a continué à faire subir des outrages à ces anciens bâtiments. En 1793, le représentant en mission de la Convention Monestier, ex-prêtre et défroqué (ancien chanoine de Saint-Pierre de Clermont, envoyé par le Puy-de-Dôme), est chargé de déchristianiser la région. Il transforme les églises soit en salles d’assemblées populaires soit en Temples de la Déesse Raison ou, enfin, il décrète leur fermeture. Ce qu’il entreprend, le 29 ventôse 1794, en ce qui concerne l’église de Nay. De plus, il pousse la population à la piller, à détruire toutes les images pieuses et la statuaire. Il est aidé en cela par la Société populaire qui avait entrepris avant sa venue de  fustiger ce symbole d’un « fanatisme » certain à travers des déclarations La Société populaire de Nay, est fière lors de la présence de Monestiers, d’affirmer que «… dans un moment, tous les hochets de la superstition et du fanatisme disparaissent : toute la séquelle des saints sont foutus par terre et le génie de la liberté leur assigne un emploi, celui de faire du salpêtre… »[5]  . L’église est ensuite convertie en temple de la Raison. 

    Dans le réquisitoire de l’agent national du district de Pau, le quatrième article décrète : « L’invitation aux habitans des communes de prendre en possession des ci-devant églises pour y établir des temples voués à la raison, où l’on célèbrera les décades, et où les sociétés populaires tiendront leurs séances.»[6]   

    Autre document montrant le passage de statut de l’église Saint Martin en temple de la Raison. Dans une lettre du représentant Monestier écrite à Pau, le 12 ventôse de l’an II (2 mars 1794) on lit dans l’article 1 : « De retirer de la cy devant Eglise de St Martin tous les meubles et effets consacrés au cy devant culte catholique… », dans l’article 2 : « De constater dans une délibération qui d’après le vœu des républicains de Pau réunis en masse d’abord dans la Société populaire ensuite dans la ci devant Eglise de St Martin , et édifice sera désormais consacré sous le nom de temple de la raison pour y célébrer le culte des hommes vertueux et républicains et pour servir provisoirement le lieu de séance aux sans culottes qui composent la société populaire régénérée de Pau. » et  dans l’article 6 : « … chaque decadi, un officier municipal en écharpe lira dans ce temple pendant la mauvaise saison et dans les mauvais jours les lois et les décrets qui dans les beaux jours seront à l’autel de la patrie; cette lecture sera suivie d’une explication brève et claire… »  

    Cette lettre est adressée au conseil général de Pau. Pour terminer mentionnons l’article 7 qui décrit le déroulement de la fête. « Cette fête civique sera toujours précédée de chants républicains et terminée également par des hymnes patriotiques , et par les cris vifs et souvent répétés de vive la république une et indivisible autant que faire se pourra la Société réunira ou des tambours ou des musiciens de Bataillons ou de garde nationale, ou des musiciens amateurs qui iront prendre les sans culottes dans la salle de la société ou les municipal et l’administrateur du district revêtu de son cordon auront le soin de se rendre. La marche partant de là les républicains traverseront les rues les plus importantes pour avertir et recueillir les bons citoyens et citoyennes.»[7]   

     Même procédé pour les cathédrales de Lescar et d’Oloron où on les dépouille des statues, des objets précieux… Après leurs « forfaits », les « coupables », contents d’avoir remplie un juste cause procèdent à fêter l’événement comme à Lescar le 9 avril 1794 en dansant la Carmagnole sur la place la Hourquie, nouvellement débaptisée place de la Liberté[8]  . 

    Ailleurs, notamment à Lescar on plante l’arbre de la Raison, le décadi 23 février 1794, face à la cathédrale .Avant la venue du représentant Monestier, le 7 mars 1794, on marque sur la façade du bâtiment : « Temple de la Raison ».La conversion est établie. 

     A Bétharam, lors de l’installation du culte de la Raison, les participants s’en prennent au lieux de culte puisque l’église est pillée, le calvaire est détruit[9]  . 

    Les destructions touchent comme on le voit outre les bâtiments, les statues, les clochers du fait du symbole qu’ils incarnent, le mobilier comme le confessionnal, les croix, les vases, les tableaux… Tout ce qui est métaux précieux, or et argent, sont privilégiés. En ce qui concerne les cloches (signes extérieurs du culte catholique), les paroisses ont le droit d’en garder une seule jusqu’en mars 1794.où il est décrété de conserver uniquement celle sonnant l’heure.  

    Prenons un exemple de mesure prise au sujet des cloches par l’agent national de Pau. Dans son réquisitoire daté du 3 mars 1794, il décrète dans l’article 1 : « Je requiers une invitation aux municipalités pour la descente définitive des cloches qui ont resté dans chaque commune. », dans l’article 2 : « Pour la démolition de tous les clochers des ci-devant églises, et la conversion de celles de cette commune en magasins de fourrages, ateliers d’armes, et fabriques de salpêtres.»[10]   

     Ce qui intéresse les révolutionnaires est de récupérer le bronze afin de les fondre pour fabriquer des canons. D’abord, c’est la fonderie d’Orthez qui en a la charge, ensuite elle est dévolue à la fonderie des canons de Tarbes. La totalité des cloches apportées aurait permis de récupérer cinquante mille livres  

    Autre matériau recouvré, la corde, la marine en bénéficiera  

    Certaines paroisses choisissent de ne pas appliquer les décrets. On connaît les noms de Maslacq et de Denguin Ces décrets datent du 12 ventôse 1793 (fermeture des églises paloises), du 26 germinal 1794, du 2 ventôse 1794… 

    Prenons l’exemple de celui du 26 germinal an II (15 avril 1794) pris par le représentant du peuple dans les « départemens des Hautes et Basses-Pyrénées ». En préambule, il est écrit : Considérant que les progrès rapides de la raison dans ces départemens, sont tourner chaque jour, au profit de la République, les matières d’or & d’argent qui y servoient aux momeries de la superstition & du fanatisme; & qu’il en résulte une branche nouvelle de comptabilité, pour la marche & la garantie de laquelle il importe d’établir des règles positives & appropriées aux localités & aux circonstances ; ARRÊTE : Article Premier. Toutes les matières d’or & d’argent provenantes des églises des départemens des Hautes & Basses-Pyrénées, quels que soient les lieux où elles ont été provisoirement déposées, seront versées, sans délai, dans les caisses des payeurs-généraux »[11]  .  

     Dans le district d’Orthez, en 1795, dix-neuf cloches sont « sauvées » sur trente-sept[12]  . 

    La décision de détruire les clochers ne fut pas totalement appliquée, seule la fermeture des églises le sera. 

    Son zèle le poussera à faire arrêter et exécuter le curé de Bénéjacq qui s’était opposé à la profanation de son église.  

    Le 2 juillet 1794, un décret déplace le représentant Monestier dans le département des Hautes-Pyrénées. Cette décision a pour effet de ralentir « le zèle » des Béarnais « avant la fin du Gouvernement révolutionnaire, le clergé était à peu près partout rétabli dans le département, la masse de la population n’ayant pas été convaincue par les efforts de déchristianisation des représentants en mission »[13]  . 

     

          Quelques notions sur les églises en général: 

    a- Dans le style roman, les forces des murs et des voûtes sont dirigées du haut vers le bas alors dans le style gothique, c’est l’opposé puisqu’il s’agit de s’élancer vers le ciel, la lumière. Vu que le poids de la voûte, énorme, tend à écarter les murs sur les côtés, on les épaule par des arcs-boutants. 

    - Au sujet du plan, d’après Fernan Schwarz[14]   on peut le subdiviser en deux : 

    * au sol, la nef correspond au Monde souterrain, le transept à la Terre et le chœur au Ciel. 

    * verticalement, la crypte équivaut au monde souterrain, le sol à la Terre et les voûtes au Ciel. 

    En ce qui concerne le Monde souterrain, l’auteur écrit qu’il ne faut pas le confondre avec l’Enfer, il s’agit du milieu où « se nourrissent les racines des êtres ». La crypte « est liée aux mystères de la résurrection et de la transmutation », coïncide aussi aux « baptistères des premiers sanctuaires chrétiens ». 

    * Le plan suit le corps de l’homme : la tête se réfère à l’autel, le cœur à la croisée du transept, les pieds et les mains aux portes. 

    * le plan suit l’orientation du lever et du coucher du soleil. A partir du XIIIème siècle, la tête de l’église indique l’est. 

    - Systématiser les voûtes de pierre (qui existaient à l’époque romaine) dès la fin du Xème siècle, utiliser les arcs-doubleaux afin de séparer les voûtes. Néanmoins les charpentes de l’architecture carolingienne et les plafonds de bois perdurent encore notamment dans l’Ouest de la France.  

          Le plan type des églises béarnaises est celui d’une nef unique, il existe également celles qui présentent un ou deux collatéraux. L’église de Monein, par exemple, est partagé par une nef principale très large et un bas-côté plus étroit. Dans le pays de Morlaàs, la proportion pour les deux cas est la moitié chacun. 

    Pour ce qui est des voûtes, les grands édifices sont réalisés en pierre tandis que le bois est utilisé dans de nombreuses églises rurales. Dans ce cas-là, ce sont soit des lambris naturels (celui de l’église de Baleix réalisé par un menuisier de Lembeye Mouret-Burie en 1750), plâtrés ou peints qui s’offrent aux yeux des fidèles ou alors simplement la charpente comme à Maubecq. 

    La façade ouest correspondant à l’entrée du lieu est soit magnifiée par un portail joliment décoré (Sainte-Marie, Monein, Lembeye…), soit marquée par un simple mur-pignon ou clocher-mur, une tour-porche…  

     Au XVIIIème siècle peu d’églises sont édifiées, excepté des chapelles conventuelles, des adjonctions comme le porche soutenu par quatre colonnes à la fin du XVIIIème siècle de l’église Saint-Martin de Baleix. On remanie plutôt les anciennes constructions.  

     On détruit les jubés bâtis depuis le XIIème siècle dans les grandes églises. Clôtures du chœur liturgique, elles délimitaient l’emplacement réservé au clergé et au maître-autel. Faits de bois ou de pierre, généralement magnifiquement décorés, on les juge malheureusement inutiles au XVIIIème siècle puisqu’ils empêchent aux fidèles de voir l’autel. La même pensée se retrouve pour les tombeaux situés dans les chœurs qu’on retire. On veut des églises plus éclairées, si on garde les anciens vitraux, on lance des campagnes d’élargissement des fenêtres, on pose des vitraux de couleur claire, des carreaux de verre blanc. Toujours dans le but d’illuminer l’intérieur de l’église et du fait du changement des goûts artistiques on badigeonne les peintures médiévales de chaux blanche ou du blanc d’Espagne, ceci dès le XVIème siècle avec la Contre-Réforme. 

    On cherche à mettre en valeur les maîtres-autels avec des retables polychromes qui ont pour objectifs de décorer, d’illustrer des scènes des Evangiles et d’éveiller la dévotion, ceci après l’impulsion donnée par la Contre-Réforme. Le style baroque dominant offre aux yeux des fidèles une myriade de couleurs, chaudes surtout. L’or symbolise la pureté, le Christ du fait de sa nature solaire, le bleu représente le ciel, le blanc est associé à la pureté. Si les retables du XVIIème siècle apparaissent plutôt extravagants et surchargés, ceux du XVIIIème siècle sont davantage sobres. Ils sont pourvus de tableaux  peints sur bois ou toiles, des statues ou statuettes.  

    Le marbre ou le stuc est souvent utilisé pour décorer ces retables, les murs, les plafonds… 

    L’église, lieu de culte des catholiques, est au Moyen âge, avec le château, souvent les seuls bâtiments en pierre. Elle apparaît solide aux paroissiens mais aussi un monument que l’on transforme à travers les époques selon les goûts, les styles. Si on prend l’exemple de l’église Saint Laurent à Morlanne – symétriquement opposée au château-fort le long de la rue principale -, on aperçoit un bâtiment à la fois moyenâgeux car  fortifié avec 3 tours dont une crénelée, des archères sur les murs munis d’un chemin de ronde. Construite au XIIIème siècle, de style gothique, l’église a été fortifiée au XIVème mais par la suite on l’a modifiée en lui adjoignant un portail classique à baldaquin du XVIIème dans sa partie méridionale. Si l’intérieur garde une majorité d’éléments caractéristiques du Moyen âge et plus particulièrement du style gothique, un chœur aux voûtes sexpartites, de belles clefs de voûte dont une représentant Saint Laurent sur son gril, une voûte à six nervures, des chapiteaux historiés dont un montre un individu dormant sur son sac. On trouve également des éléments postérieurs comme un lutrin du XVIIème siècle, un confessionnal, un bénitier du XVIIIème siècle et une chaire en bois doré baroque muni d’un abat-voix aussi du XVIIIème siècle. 

          La paroisse est protégée par un saint patron. Les fidèles se doivent honorer Jésus à travers les saints et les saintes et ce, par exemple, lors de la « fête patronale » ou « fête du saint ». Ce jour, par le biais, de pèlerinages, correspond à une occasion de rencontre et de dialogue entre les membres de la communauté. L’église de Lacommande est placée sous le patronage de Saint Blaise, celle d’Igon de Saint Vincent… 

          De l’église le son de la cloche se répand dans le village et symbolise la communauté et la paroisse.

     

    Outre leur fonction religieuse, elle sert à délimiter les paroisses. En effet, les limites étaient calculées selon le rayon que couvrait le son au départ de l'église, Si la paroisse était importante en superficie,  on choisissait une cloche de taille imposante en conséquence.

    Hugues Neveux cite l’exemple de l’ « Angelus » qui « intègre ces deux fonctions, laïque et ecclésiastique; il rythme le déroulement de la journée tout en invitant à la prière. »[15]   

     En réalité, elles sont plusieurs. Elles sont fixées et suspendues dans le haut du clocher et chacune émet un son différent afin d’informer les habitants. Apparues à l’âge du bronze, elles sont dissemblables du fait  de leurs formes et de leurs sonorités[16]  .  Elles sont fabriquées à l’aide de matériaux différents (airain, fer, fonte…). Elles sont baptisées au moment de leur inauguration puisqu’on leur donne un nom. Un parrain ou une marraine (ou les deux ensemble) leur sont attribuées. 

    Elles signalent les fêtes et les cérémonies religieuses. Elles rythment les étapes de la vie quotidienne des paroissiens. Elles auraient le pouvoir d’éloigner les orages, les foudres, les grêles, elles préviendraient les gens d’un incendie, d’une attaque… 

    Le tocsin annonce le danger, le glas la mort. 

     

    On cite l'anecdote suivante survenu le 1 juillet 1617, journée où toutes les cloches du Béarn se mirent à sonner au même moment du fait d'un important tremblement de terre qui aurait secoué tout le Béarn.

     

    En Béarn, deux cloches datées du Moyen âge existent, l’une de 1464 sous Gaston XI de Béarn et l’autre de 1610 sous Henri IV). Si la première, le tocsin, porte des inscriptions gothiques au sujet de formules de prières permettant d’écarter toutes les catastrophes tirées de l’office de Sainte Barbe, on peut relever sur la seconde la citation : « Sancte Petre Ora Pro Nobis »  signifiant Saint Pierre prie pour nous vu que la paroisse en a fait son patron. 

    A Buziet, le clocher carré de l’église de Saint Justin de Bigorre bâtie en 1734 supporte une cloche fondue en 1791possédant la vertu d’éloigner les orages. 

     On sonne les cloches lors des obsèques des personnages les plus importants de la communauté. A Pontacq, la sonnerie à la volée se pratique vis-à-vis de l’abbé laïque, l’archiprêtre, le curé, les membres du Corps municipal. En dehors de ces catégories, on n’hésite pas à intenter des procès ou tout simplement à s’opposer. On connaît des exemples, tel le cas de ce noble, Jean de Bataille, seigneur de Castelnau, qui revendique le droit aux nobles de jouir de la sonnerie à la volée[17]  . 

     Outre la cloche, il existe un autre procédé pour annoncer aux habitants des nouvelles. A Claracq, dans le Vic-Bihl, une estrade en pierre (aujourd’hui disparue) permettait au crieur public de procéder à cette fonction.  

    1) EGLISE, LIEU DE CULTE

      Eglise de Claracq:    à côté du portail un escalier à 2 marches conduisait à une estrade du crieur public.

    Lors de la messe, les notables de la paroisse (seigneurs, marguilliers…) s’installent au premier rang des bancs réservés. Si celui des nobles est un symbole de leurs privilèges, les autres sont souvent loués ou transmis de père en fils .Ces derniers à coffre ou à queue sont placés non loin du chœur. Ils peuvent contenir un prie-Dieu. A Arros, à Osse-en-Aspe (au-dessus de la tribune), on peut observer encore des bancs dévolus aux jurats. 

    Le reste des habitants cherche à trouver une chaise de libre ou un banc pour s’asseoir. Les chaises se sont généralisées afin que les fidèles puissent bénéficier de bonnes conditions d’écoute du sermon vu que les offices deviennent plus longs à partir de la Contre-Réforme. 

    Dans plusieurs églises, dans plusieurs régions béarnaises les hommes s’installent sur une tribune ou galerie telle que l’on peut la voir dans la vallée de Barétous (à l’exception de celle d’Aramitz). 

    En ce qui concerne les tribunes, il en existe une servant aux chantres ou chanteurs lors des services religieux (exemples : à Lembeye, à Sainte-Colome [à gauche de la porte de la sacristie].  

    La réforme tridentine, au sujet de la messe, tend à développer deux types de dévotion en apparence contradictoire selon François Lebrun, une piété personnelle et une piété collective, mais « en fait complémentaire »[18]  . Le fidèle récite la prière en commun. 

    A la suite de nombreux auteurs théologiens, on tente de d’inciter davantage les fidèles à participer lors des messes. Par exemple l’archevêque de Rouen, François II de Harlay de Champvallon, dans son ouvrage la « Manière de bien entendre la messe de paroisse[19]   écrit notamment en 1651 que les fidèles vis à-vis du prêtre soient «… attentifs à la prière qu’il va faire pour vous et pour tous les assistants et que vous pensiez au sacrifice là présent, en l’offrant et vous offrant par le prêtre dans l’esprit et l’union de l’Eglise. »  

    Ce type d’engagement explique, d’après François Lebrun, que dans certaines églises on abat des jubés, surtout dans les villes, et on réagence les chœurs afin de « rendre le culte plus vivant et plus communautaire, de rapprocher l’autel… de l’assemblée des fidèles… »[20]  . 

    Dans le même esprit on entreprend de publier des missels dans lesquels on a traduit les textes du latin en français. Mais son usage d’après François Lebrun « reste exceptionnel » excepté « quelques grandes paroisses urbaines ou dans les chapelles de communautés religieuses ouvertes aux fidèles ». Un constat est dressé, « les tentatives pour faire participer étroitement les assistants aux prières liturgiques récitées à l’autel par le célébrant échouent. »[21]  . 

     Les paroissiens assistent aux messes non seulement les dimanches mais aussi lors des fêtes dites religieuses ou d’obligation. L’Eglise, surtout par le biais des évêques, a cherché à réduire ces dernières pour différentes raisons comme par exemple diminuer le nombre de jours chômés pour des gens aux revenus modestes mais aussi baisser la fréquentation des fidèles dans les cabarets et non pas dans les églises. On est passé « d’une moyenne de 35 à 40 au début du règne de Louis XIV… à une vingtaine  à la veille de la Révolution. »[22]   

    La fête a-t-elle cessé d’être un facteur de cohésion sociale avec des tensions qu’elle engendre parfois ? On peut le penser lorsqu’on observe les évêques tenter de remettre les participants, les professionnels de la comédie dans le rang et de les menacer de l’excommunication et de leur nier le droit d’être inhumé.  

    L’Eglise n’est pas la seule à vouloir réduire le nombre des fêtes d’obligation, les autorités civiles, par souci d’éviter tout débordement, appuient son action. 

    Le nombre de jours travaillés augmente au XVIIIème siècle – pas le nombre d’heures quotidiennes.  

     Lors de la rédaction des cahiers de doléances en 1789 de nombreuses paroisses rurales les plus pauvres demandent la suppression de fêtes chômées.  

    Il est nécessaire de rappeler qu’auparavant les assistants devaient s’asseoir par terre puisque les sièges étaient absents. Ces derniers se sont répandus à partir du XVIIème siècle en France à partir de la Contre-Réforme. 

    Sur les murs, des tableaux, des statues pieuses permettent d’illustrer la vie de Jésus, de la Vierge et des saints. 

    Le confessionnal apparaît dans les églises.  

    Les messes ne s’effectuent pas dans le silence le plus rigoureux comme aujourd’hui. Les gens discutent à l’époque, de tout. Toutefois on s’abstient de bavarder lors de certains rites comme par exemple au moment dans lequel le curé élève l’hostie ou le calice. Il est vrai qu’on prévient les fidèles par des coups de clochette. De plus, le paroissien ne comprend pas le curé lors de la messe vu qu’il use du latin. Il se contente de répéter et de chanter comme lui le « Pater Noster », « l’Ave Maria », le « Credo », de réciter le chapelet… Il sait que ces paroles relèvent du sacré. Le curé utilisera leur langue lors du prône. 

    Philippe Martin écrit que la séparation des sexes daterait de la Contre-Réforme (1564), accentuée vers la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle. Les femmes portent des foulards22. 

    Dans les églises des sépultures sont présentes. Depuis l’Antiquité, les inhumations, chez les chrétiens, se pratiquaient ad sanctos c’est-à-dire près des reliques, des tombeaux des saints et, par conséquent, dans un espace comprenant l’église et ses dépendances (cloître…). Cet espace sacré voit donc s’adjoindre dans son enclos le cimetière et cela au sein de la communauté des fidèles. Les vivants et les morts « cohabitent ». Néanmoins tous les villages ne possèdent pas de cimetières.  

    Depuis le Moyen Age, on peut inhumer dans les lieux de culte, surtout dans les monastères.  

    Cette liberté est liée alors à des dons ou des legs et se produit soit du vivant du décideur, soit par un de ses proches. Cet argent permet alors à entretenir l’église. En ce qui concerne les prêtres, les évêques sont enterrés dans le chœur des cathédrales tandis que les curés dans celui des églises. Quant aux laïcs, le seigneur dont dépendait la paroisse ou le fondateur du sanctuaire, ils ont également droit à ce lieu d’inhumation. Concrètement, il peut s’agir d’un enfeu, d’un caveau individuel, d’un caveau familial. Il peut s’agir aussi de l’emplacement du banc sur lequel le seigneur s’asseyait lors des offices et l’on ensevelissait dessous comme on va plus loin le voir à Lacommande. Mais les notables se font également enterrer dans une chapelle ou dans le haut de la nef. Les plus humbles, eux ont droit au bas de la nef ou dans le cimetière. C’est également un droit qui se monnaye. En 1683, conjointement le curé Thimothée Bonnecaze, le corps de Ville et la fabrique vendent le droit de sépulture à deux individus dénommés Jean de Sarthou et Jean de Laborde pour une somme s’élevant à 50 francs[23]  . 

    Cette pratique avait concrètement des inconvénients. Si des dalles recouvraient le sol, il était nécessaire de les enlever, de rapporter de la terre, de la niveler…  

    Pourtant le 10 mars 1776 une ordonnance royale décide de refuser tout enterrement dans les églises – exception faire pour quelques cas limités et prévus (comme par exemple les hauts dignitaires de l’Eglise). Il est à noter que Jeanne d’Albret avait également décrété cette interdiction dans le passé à travers les ordonnances ecclésiastiques du 26 novembre 1571 de Pau. 

    En théorie, il est spécifié de vider les fosses des ossements périodiquement et de les transférer dans une fosse commune ou un ossuaire. 

    En même temps, on encourage le transfert des cimetières en dehors des villes et des bourgs déclenchant parfois des émeutes de « résistance » de la part des populations – et surtout des curés et des marguilliers - comme à Lille en 1779 ou à Cambrai en 1786. Ces déplacements, en effet, outre ces rébellions, ont débouché malgré des amendes sur des procès, des expertises commanditées afin de déceler si l’insalubrité était bien avérée et si la décomposition des corps entraînait bien des risques du fait de « leur redoutable chimie ». 

    Ces décisions sont à mettre en relation avec le souci cher au « siècle des Lumières » de lutter contre l’impureté de l’air et d‘avoir un « air pur ». En effet, dans le dernier tiers du XVIIIème siècle, les individus sont en quête d’une meilleure hygiène et un bon assainissement et, pour y parvenir, cherchent avant tout à éradiquer les maladies, les épidémies… 

    On est alors contraint d’acquérir un terrain pour y enterrer  les sépultures et le clore de murs.  

    Cette démarche consistant à prohiber les sépultures dans les églises se poursuit le 23 prairial an XII (12 juin 1804) par le Décret Impérial sur les Sépultures. Dans l’article premier il est spécifié : « Aucune inhumation n'aura lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et généralement dans aucun édifice clos et fermé où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes, ni dans l'enceinte des villes et bourgs ».  

    Les notables, après avoir reçu une autorisation préfectorale au préalable, opteront pour l’enterrement dans des chapelles funéraires familiales. 

    Afin d’illustrer ces propos, prenons le cas de Lacommande. Entre 1724 et 1780, le relevé des sépultures nous renseigne que la localité obéit à l’ordonnance royale du 10 mars 1776 puisqu’ elles cessent à partir de 1777. Jean-Claude Lassègues écrit que 67,9% des inhumations se font entre 1724 et 1776  dans le cimetière, 25,6 % dans la nef de l’église Saint-Blaise  4,8% dans la chapelle du Saint-Sacrement  et 1,7% dans la chapelle Notre-Dame. L’auteur rappelle que la population à l’époque s’élevait à 1 500 personnes ce qui lui paraît très important. Il cite trois exemples d’individus qui ont été enterrés dans l’église comme l’ont été en majorité des membres de la noblesse, du clergé et de ceux ayant une fonction « reconnue » comme les jurats. 

    « Le 18 octobre 1744 mourut la Demoiselle Marie Thérèse de Navailles  Mirepeix agée d’environ 5 mois, fille légitime du seigneur François de Mirepeix et de la Dame (d’Aspremont) d’Orthe son épouse. Son corps a été enterré le lendemain dans la présente église, sous le banc dudit seigneur. » 

    Autre exemple d’un noble non originaire de la localité mais qui y est mort- plus exactement dans le château -. Cet « invité » dénommé Henri de Bourbon a également une sépulture dans l’église.  

    « Le cinq décembre 1772 mourut le noble Henry de Bourbon, natif de la ville d’Oloron, âgé d’environ 40 ans, et le lendemain fut enterré dans la chapelle du Saint-Sacrement, à l’assistance de la plus grande partie de mes paroissiens. Témoins le sieur Henry de Bourbon, curé de Ledeuix, et Sylvestre Bergeret qui ont signé avec moi, Dabbadie curé. » 

    Pour finir, terminons avec un ecclésiastique, le curé Lassalle-Atas (ou Athas). 

    « Noble Arnaud de Lassalle-Atas, curé agé d’environ 54 ans, mourut subitement le 27 janvier 1730 et fut enterré le jour suivant à l’assistance de plusieurs ecclésiastiques et de presque tous les paroissiens dans le sanctuaire de cette église au coin de l’Evangile. Présents et témoins qui ont signé les sieurs Jean de Lespitau, marchand de Lacommande, et Antoine de L’Eglise, régent d’Aubertin. » [24]   

    Quant à l’article 2 du Décret, il s’attache à éloigner les cimetières hors des villes puisqu’il est prévu : « Il y aura, hors de chacune des villes ou des bourgs, à la distance de trente-cinq à quarante mètres au moins de leur enceinte, des terrains spécialement consacrés à l'inhumation des morts ».  

    En ce qui concerne le souci de salubrité, il persiste vu que les lieux choisis pour implanter les cimetières doivent correspondre à des critères bien définis : « Les terrains les plus élevés et exposés au nord seront choisis de préférence; ils seront clos de murs de deux mètres au moins d’élévation. On y fera des plantations, en prenant les précautions convenables pour ne point gêner la circulation de l’air. »[25]   

    L’église sert  souvent de lieu de rassemblement de la communauté des habitants du village, de l’assemblée générale et donc à caractère politique souvent. Ce point démontrant que l’église s’intègre aussi dans l’espace social de la communauté villageoise.  Au préalable, le curé lors de la messe annonce la convocation de l’assemblée villageoise. On le rappellera également par une annonce opérée de porte à porte, au son du tambour. 

    1) EGLISE, LIEU DE CULTE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Eglise d'Abos: banc destiné à la fabrique (assemblée de paroissiens qui administre les biens de l'église paroissiale)

     

    Si les habitants, à cette occasion, se réunissent  souvent dans la nef principale, ce n’est toujours pas le cas. Quelques églises possèdent des endroits dévolus à ce type d’occupation, un couvert porté par une charpente orienté vers un côté du bâtiment par exemple. Dans d’autres, on s’assemble sous le porche (exemple : à Lembeye).  

    1) EGLISE, LIEU DE CULTE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Eglise de Lembeye : porche où se tenait l'assemblée des habitants.

    Mais l’assemblée peut se tenir aussi en plein air ou alors dans des bâtiments comme une halle, une école  ou une maison commune. 

    L’église Saint-Vivien de Bielle en est un bon exemple, sur la façade nord un escalier extérieur permet d’accéder à une salle de réunion appelée « segrari » où s’assemblait « l’Universitat d’Ossau » puisque la localité de Bielle sert de capitale ou « Capdeuilh ».  

    Si la réunion a lieu un dimanche, à la sortie de la messe, les gens, bien habillés pour l’occasion, se sépareront, les femmes (excepté  les veuves par exemple qui deviennent par la force des choses chefs de famille) et les enfants se dirigeront vers leurs domiciles tandis les hommes, chefs de famille ou célibataires payant un impôt à l’occurrence la taille, s’assembleront pour prendre les décisions lors de votes. 

     

         Dans certaines églises béarnaises une porte, un bénitier  sont  destinés dès le Moyen Age aux cagots ou « crestians » gascons. Ces marginaux institutionnalisés continuent d’exister au XVIIIème siècle. A la fin du XIVème siècle, ils représentent environ 2% de la population béarnaise. Dès le XIème siècle, des documents établissent une relation entre les lépreux et les « crestias ». Discriminés à la suite d’une erreur médicale (la découverte du bacille de Hansen ou ce que l’on nomme couramment la lèpre date de 1874), ils subissent l’idée reçue selon laquelle ils seraient les descendants des malades de cette dite maladie. Ils sont soumis à la juridiction ecclésiastique. Le For de Béarn de 1551 promulgué par Henri II d’Albret contribue à les mettre à l’Index en les excluant de la société et à les obliger à se cantonner dans certaines tâches comme celle du bois, de fossoyeur ou de médecin et  dans certains espaces. Cette ségrégation résultant de la peur des autres habitants à une possible souillure physique. Par la suite, aux XVIIème et XVIIIème siècles , des contemporains font remonter leurs ascendances aux Wisigoths, aux Sarrasins… 

    Les articles 4 et 5 tirés de la rubrique de la qualité des personnes leur sont alloués. Celui qui concerne plus spécifiquement  l’église est l’article 4 : « Les cagots ne doivent pas se mêler avec les autres hommes pour des relations familières. Ils doivent dorénavant habiter séparés des autres habitants et ils ne se mettront pas devant les hommes et les femmes à l’Eglise, ni aux processions, sous peine d’une amende majeure chaque fois qu’ils contreviendront. »13 

    Ces exclusions perdureront jusqu’en 1789 bien que le pouvoir royal, notamment par l’action de louis XIV et de son ministre Colbert sous l’instigation de l’Intendant du Béarn M. Dubois du Baillet  aient  tenté de lutter contre elles (notamment pour des raisons financières en leur permettant de s’affranchir en s’acquittant en le monnayant). Des lettres patentes furent distribuées. Toutefois  les institutions,  les communautés locales et l’opinion publique sont intervenus pour s’y opposer. Songeons à Mgr François de Revol, évêque de Sainte Marie (1742-1783) , qui refuse à tout cagot de recevoir les sacrements. A la fin du XVIIIème siècle, leur intégration au sein de la population  est bien établie, ils deviennent des citoyens aussi bien que les Juifs et les Protestants  qui le furent par l’édit de Versailles de 1787 signé par Louis XVI.  On sait actuellement que la lèpre n’est pas transmissible. Malheureusement, à l’époque elle a servi de prétexte à des discriminations ; nous connaissons des cas où la ségrégation perdurera encore au milieu du XXème siècle. 

     

         Dans l’église les cagots portent un signe distinctif cousu sur leurs vêtements – épaule gauche –, une patte d’oie  ou de canard rouge. Benoît Cursente note que cette obligation est mentionnée sur un certain nombre de documents datés de 1550 à 1650. De plus, elle a été imposée seulement dans certaines régions et durant un temps donné. 

    Ils doivent entrer souvent par une porte distincte des autres paroissiens, le plus souvent latérale au bâtiment.

     

    A ce sujet, une hypothèse contredit quelque peu l'existence des portes des cagots, il s'agirait en fait de portes latérales dédiées aux messes de semaine. Les fidèles pénétraient par les portails centraux pour assister aux messes dominicales ou aux cérémonies religieuses importantes (celle d'obligation comme l'Ascension, Noël...). Il faut rappeler que les messes de semaines ont un statut inférieur, elles sont plus dépouillées et sont pratiquées dans le chœur ou dans des chapelles latérales d'où la présence des portes permettant l'accès. Alors que lors des messes du dimanche, les chrétiens se rassemblent dans le but de participer à l'Eucharistie.

    Poussés par les interdictions à leur encontre ils pratiquent l’endogamie ou la recherche de conjoints dans d’autres contrées. Cette porte est souvent conçue pour les obliger à se courber, basse et étroite. De plus, un bénitier  leur est destiné. Ils doivent se placer souvent au fond du bâtiment cultuel, parfois séparés du reste des fidèles par une balustrade.  Au moment de la bénédiction du pain, ce dernier leur est jeté et non pas offert dans la corbeille, l’eau bénite n’est prise qu’au bout d’un bâton ou une fourchette de bois de la part d’un bedeau comme à Lucarre lorsqu’il n’existe qu’un seul bénitier. Même l’hostie est également tendue au bout d’une planchette. Ils ne peuvent s’approcher de la « sainte table » qu’à la suite des autres croyants. On les baptise le soir. Néanmoins, du fait qu’ils soient baptisés ils reçoivent tous les autres sacrements.  A Arbonne, le cagot doit se contenter de baiser une étole disposée sur une croix d’argent alors que les autres paroissiens ont le droit d’y apposer un baiser directement sur la dite croix. 

     Même les cloches ne sonnaient pas de manière semblable, à Olesse, l’Angelus a un son différend lorsqu’’il s’adresse aux cagots ou aux autres fidèles. 

    A  Sauvagnon, autre discrimination, le curé procède à la procession solennelle avant qu’il effectue ensuite la procession dominicale spécialement pour les cagots seulement dans leur cimetière dévolu. 

    Lors des processions on leur interdit de porter des cierges, ils se placent à l’arrière. De plus ils ne pouvent guère s’affilier à n’importe quelle confrérie excepté celles qui les acceptaient au prix de droits d’entrée très élevés. 

    Ils ne peuvent appartenir à aucune fabrique. 

     

     Porte des cagots : église d’Abitain (actuellement murée) , église d’Accous côté nord, église d’Argelos , église de Béost, église de Notre-Dame de l’Assomption de  Cardesse (linteau décoré d’un arc en forme d’accolade ) , chapelle romane de Caubin près d’Arthez-de-Béarn (est aujourd’hui murée , haute de 1,50 m) , église d’Escos (mur sud) , église d’Issor,  église de Lembeye, église de Monein, église de Navarrenx (bas côté gauche) , église d’Oraàs (mur ouest), église Saint André de Sauveterre-de-Béarn (petite porte à gauche du portail surmonté d’un chrisme), église de Serres-Castet ( mur sud , arc brisé  à grosse moulure à larmier), église de Sévignacq, église de Simacourbe au (au nord).

     

    Cette énumération correspond à celle de la tradition, celle qui de génération en génération désigne les portes latérales des églises - qui seraient, en réalité, dévolues aux messes de semaine.

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    1) EGLISE, LIEU DE CULTE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Eglise Saint-André de Sauveterre: porte des cagots à droite de l'entrée.

    Dans les cimetières, on leur dévolue un espace à part. A Claracq, si on plante du buis sur les tombes des paroissiens, on met du houx sur celles des cagots. A Issor,  la porte des cagots mène au cimetière. 

    Les cagots construisent les charpentes des églises (probablement dans l’église de Saint-Girons de Monein dès 1464).  

    ·        Sculpture  d’un cagot dans l’église de Monein dans le mur sud, à la base du pilier du fond près du bénitier des cagots. 

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    Eglise de Monein: bénitier des cagots et masque.

     Bénitier : église d’Argelos, église d’Issor, église de Monein, cathédrale d’Oloron Sainte-Marie, église de Précilhon (déplacé à l’église de Billère), église de Sainte Colome (sculpture de tête d’une Vierge archaïque),   église de Serres-Castet, église Saint-Girons de Monein.

    1) EGLISE, LIEU DE CULTE

    Cathédrale d'Oloron-Sainte-Marie: bénitier des lcagots -fin XIIe - chasse au lièvre - pilier gauche

    Emplacement des  cagots dans l’église : église de Saint-Orens de Bosdarros, nord du collatéral est = encoches creusées dans des piliers où des cloisons s’emboîter pour les séparer des autres paroissiens.

    · Cimetière des cagots : Sauvagnon, Salies-de-Béarn, Sérée.

     Un chemin à Lons mène à l’église et porte le nom : « chemin des cagots ».

    1) EGLISE, LIEU DE CULTE

     A côté de tous ces éléments architecturaux, décoratifs…, ces fonctions l’église peut en remplir d’autres. A Escoubes, au-dessus du grand porche, une salle tient lieu d’école. Plus surprenant, à Sainte-Colome, une prison est présente, une porte y donne accès sur la façade nord de l’église. 

     


    [1]  - Poeydevant abbé , Histoire des troubles survenus en Béarn dans le 16e et la moitié du 17e siècles , Pau, 1879, tome 1,  p. 399.)

    [2]   Allègre, Victor, Les vieilles églises du Béarn. Etude archéologique, Toulouse, Imprimerie régionale, 1952, Tome 1, p. 61.

    [3]  - Allègre, V., op.cit., p. 62.

    [4]  - Revue des Etudes Historiques et Religieuses, 1895, p. 144.

    [5]  - Jean Annat, Les Sociétés populaires, Pau, 1940, p. 126, 247-249.

    [6]  - A.D.P.A., Imprimé.

    [7]  - Arch. com. de Pau, B.M. Pau D7 f° 43-44.

    [8]  - A.D.P.A., Lescar, t. III, Q. 13 et 16.

    [9]  - Pons-Devier, La déesse Raison et l’Etre Suprême dans les Basses-Pyrénées, Revue historique et archéologique du Béarn et du Pays Basque, 1926.

    [10]  - A.D.P.A., Imprimé.

    [11]   - A.D.P.A., Imprimé.

    [12]   - Batcave, Cloches du district d’Orthez, Revue historique et archéologique du Béarn et du Pays Basque, 1926, p. 195.

    [13]  - V. Allègre, op.cit., p. 68.

        Voir A. Richard, Gouvernement révolutionnaire des Basses-Pyrénées, Paris,  Paris, F. Alcan, Bibliothèque d'histoire révolutionnaire, nouvelle série, tome VII, 1926, 243 p.  

         Rivarès, Pau et les Basses-Pyrénées pendant la révolution, Editeur : Pau, Léon Ribaut (1875),

          Extrait du « Bull.SSLA de Pau », 2e série, tome 4 ;

          Pons-Devier, « La déesse Raison et l’Etre suprême dans les Basses-Pyrénées, Revue historique et archéologique Béarn et Pays Basque, 1926.

    [14]   F. Schwarz, Symbolique des cathédrales, Les Editions du Palais, 2012, p. 38.

    [15]  - Hugues Neveux, Histoire de la France rurale, (dir: Georges Duby et Armand Wallon), Editions Seuil, tome 2, 1975.

    [16]   - Voir : https://periersamuel.wixsite.com/lesvoixdescathedrale/une-breve-histoire-des-cloches)

    [17]   - A.D.P.A., B 5001.

    [18]  - François Lebrun, Histoire de la vie privée, (sous dir. de Ph. Ariès et G. Duby, tome 3, p.73.

         Rouen, pour servir d'instruction à ses diocésains, rééd. Paris, Muguet, 1685.

    [19]  - François Lebrun, op.cit., p. 75.

    [20]  - Idem., p. 76.

    [21]  -Temps de travail et fêtes religieuses au XVIIIe siècle, Dans Revue historique 2012/3 (n° 663), pages 609 à 641. 

    [22]  - Philippe Martin, Le théâtre divin. Une histoire de la messe du xvie au xxe siècle, édition de poche Paris, CNRS Éditions, coll. « Biblis », 2010, 383 p.

    [23]  - Jean-Claude Lassègues, Lacommande, de l’Hôpital à la commanderie et village, Centre généalogique des Pyrénées- Atlantiques, 2102, p. 83-84.

    [24]   - A.D.P.A., E .1560.

    [25]   Bulletin des lois de la République française | 1804-009-22 | Gallica (bnf.fr), p. 75-76.