• 1) PREAMBULE

     

           Les maisons qui charmèrent Arthur Young ont évolué aux XVIIème et XVIIIème siècles.

    Citons d’abord le voyageur anglais qui relate sa vision de la campagne de Pau à Monein, le 12 août 1787 : « …je suis tombé sur une scène si nouvelle pour moi en France, que je n’en pouvais à peine croire mes yeux. Une longue suite de chaumières bien bâties, bien closes et confortables, construites en pierres et couvertes en tuiles, ayant chacune son petit jardin entouré d’une haie d’épines nettement taillée, ombragée de pêchers et d’autres arbres à fruit, de beaux chênes épars dans les clôtures, et ça et là de jeunes arbres traités avec ce soin, cette attention inquiète du propriétaire, que rien ne pourrait remplacer. De chaque maison dépend une ferme, parfaitement enclose ; le gazon des tournières dans les champs de blé est fauché ras, et ces champs communiquent ensemble par des barrières ouvertes dans les haies. 1

     

    Ces maisons (ostau) , dans les Pyrénées , correspondent aux habitations familiales.

    Elles sont à la fois une unité de résidence et une unité économique de production. Elles peuvent varier dans le temps surtout dans l’affectation des parties au cours des générations.

     

    En Béarn, la relation unissant la maison et ses propriétaires est si fusionnelle que les maisons portent chacune d'entre elles un nom qui lui appartient et ce dernier correspond au dit habitant Ce qui n'empêche pas sous l'Ancien Régime, qu'un nom se transmette, parallèlement, de père en fils (transmission en ligne directe masculine) ce qui explique que des familles possèdent deux noms. Mais alors le nom de la maison suit celui de la famille.2

     

    En conséquence, lors du baptême, en effet, on donne à l'enfant le nom de la « case » ou de l' « ostau ». Cette coutume facilite la transmission du patrimoine dans la même famille et lors de la succession la donation des biens se fait à l'amiable au sein de la famille notamment lors du mariage. L’aîné des enfants est promu à l'occasion ou « cap d'ostau ». A cette occasion, on lui délègue l'ensemble des biens et on « distribue » aux cadets des compensations.

     

    Anne Zinck en étudiant le village d’Azereix a constaté qu’entre les années 1636 et 1792 le nombre de feux avait augmenté de 116 à 171 alors que la superficie totale des maisons au sein du village n’avait pas évolué. « C’est sur l’enclos familial que le fils, le frère, le gendre ont édifié une nouvelle maison ». 3

    Comme on vient de le mentionner, le nom de la maison servait à identifier les personnes puisque la maison donne le nom de famille. Et il dérivait des traits distinctifs qui la caractérisaient de par sa localisation (exemple : Poey provenant de colline). De par la règle qui décerne l'héritage au fils aîné et la coutume qui regroupait sous un même toit le couple, ses enfants et les parents, la maison pyrénéenne offre une vision importante. A ce sujet, vu que l'ostau prédomine, la fille aînée, dans certaines vallées, hérite du patrimoine et son époux (l'adventice) sera

    considéré comme un gendre et c'est lui qui viendra s'installer chez sa conjointe et qui amènera une dot. En vallée d'Aspe, par exemple, la femme jouissait d'un statut privilégié par rapport à d'autres contrées de par le droit de primogéniture. 4

     

    La description d’Arthur Young nous dépeint une modification qui s’est opérée dans l’édification des maisons béarnaises. Les raisons sont diverses. D’abord une croissance économique pas très importante mais indéniable, le souci de varier les matériaux existants dans la province et la possibilité pour le cadet de quitter la maison où trônait jusqu’à présent l’aîné et de s’installer dans sa propre demeure, quoique modeste, surnommée la « borde » ceci grâce au changement qui s’est opéré dans le droit successoral à l’époque.

     

    Il ressort, par conséquent, que l'aîné, chef du lignage, doit garantir la continuité du patrimoine transmis et qu'il doit assurer le rassemblement des familles des cadets après leurs consentements et les arrangements faits dans l'ostau. Mais lorsque les conditions économiques, de vie deviennent problématiques, c'est-à-dire que les ressources de la propriété n'arrivent pas à subvenir aux besoins, l'émigration offre alors une solution comme d'ailleurs la limitation de la natalité.

     

    Il faut savoir que comme ailleurs, les habitats avant l'Ancien Régime étaient édifiés en pisé, torchis ou bois - avantages de se situer dans un Bassin sédimentaire ; le bois servant notamment dans la confection des poutres servant d’assises-, les ressources naturelles sont utilisées pour éviter de transporter des matériaux trop pesants sur de longues distances. Les parois sont confectionnées en bois ou en terre, quant au toit soit on utilise du chaume ou des bardeaux jusqu’aux XVIIe et XVIIIe siècles.

     

    Références:

     

    1-Young Arthur, «  Voyages en France »,   traduction Lesage   Guillaumin   Paris   1882   tome 1, p. 75

     

    2- Voir l'article de Régis de Saint-Jouan, Le nom de famille en Béarn et ses origines ,Revue internationale d'onomastique, année 1952, 4-1, pp, 45-59)

     

    3- Zinck Anne : « Azereix, une communauté rurale à la fin du XVIIIe », Paris, 1969

     

    4- Voir : G. Dupont, Du régime successoral dans les coutumes du Béarn, Rousseau, 1914, CORDIER (E.), Le droit de famille aux Pyrénées (Barège, Lavedan, Béarn et Pays Basque), Paris, Durand, 1859, 119 ; La reproduction familiale et sociale en france sous l'ancien régime, Le rapport au droit et aux valeurs, Jérôme-Luther Viret, dans Histoire & Sociétés Rurales, 2008/1 (Vol, 29), pages 165 à 188)