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1) PAROISSE, PREAMBULE
PAROISSE, PREAMBULE
La paroisse est la cellule de base de la vie religieuse, de la communauté des fidèles, ceci depuis le concile du Latran (1215).
On en décompte approximativement 35 000 à 40 000 en France au XVIIIe siècle. Elle correspond à la subdivision d’un évêché et donc à l’élément de base de l’organisation de l’Eglise. Si tout individu est capable de nommer la paroisse dans laquelle il habite, ce n’est pas toujours le cas en ce qui concerne les autres circonscriptions comme le baillage, la sénéchaussée.
Cette sensation d’appartenir à la même communauté entraîne malheureusement parfois un sentiment d’exclusion vis-à-vis de ceux que l’on considère comme des étrangers, le horsain.
En 1789, Jean Bonvallet-Desbrosses 1 mentionne que le clergé béarnais, tant séculier que régulier, comprend quatorze cents individus. Il dresse le tableau ci-dessous :
- Evêques, dignitaires de chapitres, chanoines, prieurs, curés, vicaires… : 800 membres
- Religieux réguliers : 360 membres
- Religieuses régulières : 240 membres
Les curés, proprement dits, s’élèvent à trois-cent-quatre-vingt-seize.
La carte de l’organisation de l’Eglise dans le Béarn ne correspond pas exactement avec les frontières politico-administratives de la province. L’Intendant Pinon 2 précise en 1698 que la majorité des paroisses qui dépendent du diocèse de Lescar s’élèvent à 178 tandis que celles relevant de celui d’Oloron sont de 209. Mais il ajoute que ce dernier « s’étend dans toute la Soule, qui est composé de 64 paroisses ». Pour compliquer le tout, certaines paroisses béarnaises relèvent alors à des diocèses tels ceux de Dax et de Tarbes. En ce qui concerne celui de Dax, quinze paroisses des environs d’Orthez en dépendent, quant au diocèse de Tarbes ce sont vingt et une paroisses du Vic-Bilh et des alentours de Pontacq. Mais selon Christian Desplat cela n’a guère de conséquences sur la vie religieuse des fidèles, de plus, « les quatre évêchés tutélaires, tous bien minces, restèrent suffragants de l’archevêché d’Auch. » 3
Selon l’Intendant Pinon le chapitre d’Oloron, au début du XVIIIe siècle, est constitué de seize chanoines (prêtres membres d’un conseil de l’évêque qui célèbrent l’office), d’un archidiacre (administrateur du temporel de l’évêché) désignés par l’évêque et l’assemblée des chanoines et de huit prébendiers. L’évêque d’Oloron, qui réside à Sainte-Marie, perçoit des revenus relativement peu importants, en 1786 ils s’élèvent à 13 000 livres. A ce montant, il faut ajouter ceux qui sont issus des seigneuries dont ils sont possesseurs et de la dîme. Le poste lui doit l’entrée aux Etats de Béarn.
L’Intendant Pinon écrit au début du XVIIIe siècle que le revenu du chapitre monte à 10 000 livres. 1 L’Intendant Lebret, plus tard, mentionne 12 000 livres.
Quant au chapitre de Lescar, le même Intendant Pinon nous apprend qu’il était composé de seize chanoines et de huit prébendiers (ecclésiastique qui prend rang au chœur après les chanoines) et évalue ses revenus à 13 à 14 000 livres. L’Intendant Lebret, plus tard, mentionne 24 000 livres, en rajoutant qu’il était endetté. Il précise aussi qu’il y avait en plus quatre musiciens et trois enfants de chœur. 4 En 1789, ce budget s’élève à 71 880 livres (les dépenses : 88 508 livres). .
L’évêque est détenteur de plusieurs seigneuries (Bénéjacq, Bordères, Bourdettes…), dix en tout, et plusieurs dîmes, trente-neuf. En comparaison, le budget de l’évêché en 1762 est de 44 891 livres (dépenses : 28 345 livres) alors qu’en 1788 il monte à 46 119 livres (dépenses : 35 785 livres). 5
Si le plus souvent paroisse et communauté coïncident, il arrive qu’une paroisse corresponde à plusieurs communautés, ou, à l’opposé, qu’une seule communauté soit divisée entre plusieurs paroisses. C’est le cas par exemple des communes de Lacommande et d’Aubertin qui durant plusieurs siècles ont délégué leur vie religieuse dans une unique paroisse, ce qui a d’ailleurs suscité la saisine d’une requête auprès de la Cour de la part des marguilliers au sujet des frais engagés par eux à l’église et au presbytère en 1783, notamment la refonte de 2 cloches fêlées. Nous sommes le 13 décembre, exactement lors de la séance de la communauté de Lacommande, lorsque le conseil prend acte de cette dite saisine. Déjà en procès avec cette communauté, celle d’Aubertin est déléguée par un syndic. Un des membres du conseil est étonné d’apprendre que le budget de la fabrique peut être consacré à cet usage. Il blâme les Aubertins d’avoir engagé des dépenses, ils n’ont qu’en assumer les conséquences. Les Lacommandais se sont acquittés de leur quotité. Il est suivi dans son raisonnement par les autres membres de l’assemblée qui optent pour la désignation d’un syndic afin de suivre le procès. Il faudra que l’évêque, lors de sa visite, tranche l’affaire, il décide que l’on refonde les cloches. Les deux communautés s’inclinent et, lors de la délibération datée du 5 avril 1788, elles décrètent que chacune d’entre elles subventionne, pour 7/8 pour Aubertin et 1/8 pour Lacommande. Mais en réalité, l’affaire ne s’arrête pas là comme le démontre Jean-Claude Lassègues 6
Cette attitude procédurière se retrouve également dans les relations entretenues par les conseils de fabrique et les conseils municipaux.
L’édit d’avril 1695 permet aux évêques de créer de nouvelles paroisses.
Selon le juriste Jousse (conseiller au Présidial d’Orléans) « la marque principale qui caractérise les Paroisses & qui les différencie des autres Eglises, est lorsqu’il y a des Fonts Baptismaux & un Curé qui exerce toutes les fonctions curiales. » 7
La présence d’un curé est « la marque distinctive d’une paroisse. Il pouvait être soit une personne physique, soit une personne morale, comme un chapitre collégial, appelée alors curé primitif. » 8
Elle possède ses institutions, son lieu de culte l’église (dont la cloche rythme le temps), son guide religieux le curé qui depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 et le concile de Trente de 1563 doit tenir le registre des baptêmes - pour contrôler la majorité ou la minorité (article 51), des mariages - afin de surveiller la vacance des bénéfices - et des sépultures. Les curés sont obligés de déposer ces registres au greffe du bailli ou du sénéchal royal. Un des canons du Concile de Trente ajoute qu’il faut y adjoindre les noms des parrains et des marraines. L’ordonnance de Blois de 1579 lui succède, imposant que les registres soient déposés au greffe du tribunal royal. De même, le For d’Henri II d’Albret de 1552, institue que les curés tiennent les registres de baptêmes, mariages et décès.
Dans deux délibérations de Nay, datées de 1718 et 1734, on note qu’ils doivent être déposés à l’Hôtel de Ville. Quelques années plus tard, en 1773, une autre délibération fait mention d’un arrêt du Parlement de Navarre rappelant que les Corps de Ville de tous les chefs-lieux sont dans l’obligation de remettre « au greffe du bailliage sénéchaussée ou siège royal les registres des baptêmes mariages et sépultures déposés dans leurs archives et ce dans huitaine. » 9
Comme le rappelle François Bluche, un Français lorsqu’il s’agit de localiser son lieu de résidence fait référence à la rue et à la paroisse. S’il a besoin d’un certificat de baptême, il va l’obtenir dans sa paroisse. Même pour l’acquisition d’un poste dans la fonction publique, il lui est nécessaire de se procurer une attestation de communion pascale et, même celui qui cherche à acquérir un office a besoin à la fois du curé pour qu’il lui donne un certificat de catholicité et de deux notables de la paroisse pour une attestation prouvant ses bonnes mœurs. 10
Ségolène de Dainville-Barbiche mentionne que l’on appelle, en matière financière, « paroisse » ou « collecte » la « circonscription de base pour la répartition et la collecte de la taille » depuis le XIVe siècle. Elle rajoute que la « paroisse fiscale ne recouvrait pas forcément la paroisse ecclésiastique ».8
Sous la Révolution, exactement en 1792-1793 - la paroisse en tant que circonscription ecclésiastique et administrative - va laisser la place à la commune. Dans son souci de réorganiser le royaume - Etat, administration - l’Assemblée nationale constituante subordonne l’Eglise.
Déjà lors de l’adoption du décret sur la Constitution civile du clergé du 12 juillet 1790 promulguée le 24 août il est prescrit dans l’article 15 : « Dans toutes les villes et bourgs qui ne comprendront pas plus de six mille âmes, il n'y aura qu'une seule paroisse ; les autres paroisses seront supprimées et réunies à l’église principale. »
Le nombre des évêchés passe de 134 à 83. Michel Vovelle rappelle que la « carte religieuse se modèle sur la carte administrative : les anciens diocèses sont supprimés, et l’on prévoit un évêque par département ». 11 Ce dernier est alors élu par une assemblée d’électeurs départementaux au suffrage direct. Le curé est nommé par une assemblée d’électeurs du district au suffrage censitaire (par les citoyens riches). Vu que le patrimoine de l’Eglise est vendu comme bien national depuis les 2 à 4 novembre 1789 et que les redevances ecclésiastiques sont abrogées, il est prévu que les ecclésiastiques reçoivent un traitement de l’Etat. Celui des évêques s’élève de 12 à 50 000 livres.
En échange, ils doivent prêter serment à la Constitution comme tous les fonctionnaires publics. Ceux qui refuseront, comme le pape qui la condamne (de même qu'il rejette la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen), seront dénommés les prêtres « réfractaires ». De plus, certaines tâches dévolues aux prêtres leur sont enlevées telles l’éducation et l’assistance.
Sous l’Ancien Régime, les paroisses étaient très diverses ce qui explique que la Révolution va chercher à les uniformiser, et, pour y parvenir va les circonscrire. Le décret du 28 octobre 1790 décide que ceux qui gèrent les biens des fabriques « seront tenus de rendre compte tous les ans en présence du conseil général de la commune, ou de ceux de ses membres qu’il voudra déléguer. » Deux ans plus tard, le 19 août 1792, la loi confirme que « les revenus des fabriques seront régis et administrés par les officiers municipaux des lieux ». En 1795, une autre loi qui assure la liberté des cultes supprime le budget des paroisses. Démontrant que la séparation existe entre les paroisses et les communes elle assure que ces dernières ne peuvent pas financer les dépenses des premières.
Ce remplacement de la paroisse par la commune sera abrogé quelques années plus tard par le Consul Bonaparte et le pape Pie VII lors du Concordat de 1801.
L’article LX : « Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de paix. Il sera, en outre, établi autant de succursales que le besoin pourra l’exiger. » 12
Dans la paroisse, plusieurs autorités cohabitent, le seigneur, l’abbé laïque, le curé, le Corps municipal. Chacune d’entre elles cherche à faire prévaloir leurs droits.
Par exemple, à Pontacq, en 1773, l’abbé laïque mécontent que l’on n’ait pas respecté ses privilèges, la préséance saisit la justice : « La cour de Pau, par acte du 4 août 1773, considérant que Messire Pierre Daniel de Boyrie , Seigneur et Abbé lay de Nousty, Conseiller au Parlement de Navarre, s’est plaint de ce que Jacques Lestorte-Daban et Marie Despiaud, son épouse, ont fait brûler à diverses reprises et fait des honneurs sur la tombe de Despiaud, leur beau-père, à l’instigation de parents étrangers, ignorant que de tels honneurs appartiennent seuls à la Maison et famille du Seigneur, leur défend pareils actes ; les constituants reconnaissant leur tort et le droit du Seigneur, s’en excusent implorent grâce, promettant de ne plus recommencer. » Ce dit seigneur leur pardonne mais… se réservant une nouvelle action en cas de récidive et se désistant de l’action déjà intentée… ». 13
Références :
1- Bonvallet-Desbrosses Jean, Richesses et ressources de la France, Impr. J Jacquez, Lille, 1789.
2- Intendant Pinon, Mémoires concernant le Béarn, BULL.SSLA., 1905, tome 33, 2e série, p.49.
3- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, tome 1,J & D Editions , p . 604.
4- Intendant Lebret, Mémoires sur le Béarn, BULL.SSLA., 1905, tome 33, 2e série, p.73.
5- A.D.P.A., L. 529.
6- Lassègues Jean-Claude, Lacommande, de l’Hôpital à la commanderie et au village, Centre généalogique des Pyrénées-Atlantiques, 2012, p.114.
7-Jousse Daniel , Traité du gouvernement spirituel et temporel des paroisses, chez Debure Père, Saint Paul, 1769, p. 17.
8- Ségolène de Dainville-Barbiche, article : paroisse, Dictionnaire de l’Ancien Régime, (dir : Lucien Bely, Editions Puf, 2002.
9- A.D.P.A., Nay BB 17, f°20 r°.
10- Bluche François, La vie quotidienne au temps de Louis XVI, Hachette littéraire, 1980, p. 177.
11- Vovelle Michel, Nouvelle histoire de la France contemporaine, La chute de la monarchie, Editions Seuil, tome 1, 1999.
12- Titre IV, section première, ARTICLES ORGANIQUES DE LA CONVENTION DU 26 MESSIDOR AN 9.
13- A.D.P.A., III E 5389.
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