• 2) PRATIQUE DE LA RELIGION DANS LA PAROISSE

    2) PRATIQUE DE LA RELIGION DANS LA PAROISSE

     

    LA RELIGION

     

     

     

    On a vu que la religion donne le ton pour tous les moments de la vie d’un paroissien, prenons l’exemple du mois de février, il correspond à la fête des chandelles, exactement le 2 février, soit 40 jours après Noël. Elle a comme origine la purification de Marie, la présentation de Jésus au temple dans la ville de Jérusalem mais elle symbolise également une ode à la lumière et à la nature vu que la durée de la journée s’allonge; les gens allumaient pour l’occasion toutes les bougies chez eux préalablement bénites par le prêtre. Bénédiction opérée dans d’autres circonstances comme lors des semences, les départs aux estives…On pourrait citer la semaine sainte…Les hommes sont tenus de suivre tous les préceptes religieux et les sacrements de la naissance à leur mort. Durant la journée, on se signe de la croix plusieurs fois, on procède de la même façon sur le pain que l’on va consommer, on formule les prières comme celle d’avant de manger, le bénédicité. N’importe quel acte entrepris peut devenir un événement sollicitant une bénédiction comme par exemple la femme qui vient d’accoucher se doit alors de se faire bénir par le curé afin d’être purifiée du péché de chair. L’image de Dieu et de tous les saints est omniprésente à la fois dans le paysage à travers bien sûr l’église, le cimetière, les croix dans les carrefours, des oratoires mais aussi chez soi avec les crucifix, les illustrations et les livres pieux.

     

    Surtout dans le monde des campagnes, la vie des individus est rythmée par le calendrier religieux. Les travaux agricoles sont très liés, par exemple, aux fêtes des saints et des fêtes liturgiques. La morte-saison correspond à Noël et à Pâques. A la Pentecôte, on bénit les semences. Au mois de mai, les agriculteurs invoquent des protecteurs, les « saints de glace », pour écarter tous les aléas climatiques liés comme le gel. Ces saints sont Mamert (évêque de Vienne sur le Rhône du Vème siècle qui a écarté la ville de nombreuses calamités) , Pancrace de Rome (protecteur de la fin IIIème siècle et du début IVème siècle des animaux domestiques dans plusieurs régions françaises) et Servais (évêque de Tongres du IVème siècle dont son tombeau connut un prodige, celui de ne pas être couvert de neige alors que la région en reçut toute la nuit) que l’on célèbre les 11, 12 et 13 mai.

     

     

     

    Si la religion est omniprésente dans l’univers mental de tous les paroissiens comme on vient de le voir, des curés se plaignent avant 1789 que les fidèles montrent des sites d’incroyance. En même temps, ils constatent que les superstitions et les récits « merveilleux » restent encore bien présents. Par exemple, à Paris, des comètes et des météores (17 juillet, un météore appelé le bolide de Melun est observé dans le sud de l’Angleterre et une large partie de la France) effraient tant les Parisiens que les prêtres voient affluer nombre d’entre eux dans leurs confessionnaux.

     

     

     

    Si avant la fin de l’Ancien Régime, le territoire d’une paroisse correspond plutôt à un village ou un quartier dans une ville, après la Révolution, nombre de paroisses deviendront des communes.

     

     

     

    Les confréries jouent également un rôle important dans les manifestations populaires de la croyance. En effet, il ne faut guère omettre ces associations de dévotion et de bienfaisance dont sont affiliés de nombreux paroissiens. Elles sont facultatives.

     

    Quel est le but d’une confrérie ? C’est une association de laïcs qui s’engagent à remplir des rites religieux sous l’invocation de saints patrons qui serviront d’intercesseurs à leur mort. Par conséquent, ils cherchent à garantir leur salut éternel. Installée dans une chapelle à l’intérieur d’une église, on la dote de statuts qui ont été approuvés par l’évêque. Parmi elles, certaines outre leurs rôles religieux et funéraires servent de cadre à des institutions charitables ou professionnelles. 

     

     

     

    François Bluche cite une localité dont on dénombre 112 feux en 1789 et qui détient trois confréries actives, la confrérie du Saint-Sacrement, celle de la Vierge et celle des trépassés.1 Dans les provinces du Midi, les confréries de Pénitents se répandent des villes vers les campagnes.2

     

    Les confréries les plus communes sont celles du Saint-Sacrement et du Rosaire. Le même auteur écrit qu’elles augmentent en nombre dans tous les diocèses durant le XVIIème et le début du XVIIIème siècle. Leur objectif consiste à « favoriser parmi leurs membres la dévotion à l’eucharistie, notamment par la pratique de l’exposition et du salut du saint sacrement. Et de rajouter que les points communs de toutes les confréries résident dans le fait d’être des « sociétés de secours mutuel » » (spirituel et matériel) et d’assurer aux membres une « bonne mort » c’est-à-dire s’assurer que les confrères veillent à ce que le défunt ait des services funèbres, qu’ils prient pour le repos de son âme. En ce qui concerne le Béarn, la quasi-totalité des confréries nait à la suite du concile de Trente puisque celles qui existaient au Moyen Age à caractère corporatif étaient inexistantes au XVIIIème si on exclut celle des tisserands palois, ceci à la suite de la réforme protestante implantée par Jeanne d’Albret. Lors de sa venue en Béarn, Louis XIII ne fut pas étranger non plus à un renouveau du catholicisme. Christian Desplat 3 cite le nombre de quarante-quatre, la plus importante dédiée au Saint-Sacrement pour 43,1% d’entre elles.

     

    Le même auteur précise qu’il y aurait entre les XVIIème et XVIIIème siècles environ une cinquantaine de confréries véhiculant le message de la Contre-Réforme. « Plus de la moitié étaient sous l’invocation du Saint-Sacrement, ensuite venait la dévotion mariale, Saint-Jacques-de-Compostelle, les Ames du Purgatoire, les Compagnies de Pénitents, les Congrégations de bourgeois et artisans, les Saints intercesseurs et enfin les Charités. » 4 La venue de Louis XIII en 1620 en Béarn contribue aussi à leur diffusion. La durée de vie de ces confréries n’est pas élevée pour celles qui sont nées dans la première moitié du XVIIème siècle du fait de la désaffection des notables et de leur refus de participer à « des manifestations publiques ».

     

    Le XVIIIème siècle est une période florissante, on peut citer par exemple la naissance de confréries à Labastide Céseracq en 1703 ou celle de Nay en 1779.Celles qui perdurèrent sont celles qui revêtaient un caractère populaire dans les campagnes.

     

     

     

    En comparaison du milieu rural, la distinction sociale est plus nette en milieu urbain. La ségrégation sociale était de mise, Christian Desplat mentionne qu’à Nay, la confrérie Saint-Jacques était composée d’officiers issus des notables « les plus imposés des artisans de la laine » et rejetait les domestiques. Si on prend un autre exemple, celui de la confrérie des Pénitents Bleus, au moment de sa fondation et l’autorisation accordée par l’évêque Sr de Vigneau par l’ordonnance de février 1635 et par le Parlement de  Navarre, on y trouve « huit dévots…recommandables par leur piété » (sous l’invocation de Saint Hiérôme ou Jérôme) c’est-à-dire des jurats, des bourgeois, des avocats au Parlement, tous habitant Pau. Ils acquièrent un terrain pour une valeur de douze cents livres tournois en 1639 dans le faubourg de Pau et édifient une chapelle dont les travaux dureront de 1639 à 1642. Ils sollicitent une participation du Corps de Ville de Pau soit dix ou douze pieds d’arbres en argumentant sur le bien-fondé de leur action puisque le lieu de culte servirait à la fois aux croyants du quartier et offrirait un ornement pour la vue. On ne leur octroya que 6. Pour donner une idée de l’importance de cette chapelle, il faut s’imaginer un bâtiment de 26,30 m de long sur 15,60 m de large, l’ensemble couvrant environ 500 m2. L’intérieur est divisé en une nef centrale et de deux bas-côtés sur lesquels se dressent deux tribunes, à l’extrémité de l’un des collatéraux une cheminée trône sur un mur d’une petite chambre alors que sur l’autre une petite chambre n’en détient pas. Une chambre sert d’accueil aux prédicateurs qui sont sollicités par les pénitents. Un clocher et une sacristie réunis en un corps campent derrière le chœur qui peut être visible aussi par une tribune élevée au-dessus de la sacristie. Les murs sont faits de pierres de taille et de cailloux, les ardoises couvrent le toit. Dans la chapelle, la présence de sépultures nécessite le nivellement régulier du sol. La rue dans laquelle est édifiée ladite chapelle porta plusieurs noms d’abord rue Saint-Jérôme pour finir avant la Révolution par la rue des Pénitents. Pour la tenue l’article 2 des statuts de 1603 nous en donne une description détaillée. « L’habit ou sac sera de couleur bleuë approchant du violet, pour mieux représenter le deuïl de la pénitence, ainsi que les Prélats et Princes sont ordinairement les jours des Advents et Carême. L’étoffe sera de treillis, la ceinture de la même couleur avec un dizain blanc qu’ils porteront sans aucun excez , ni superfluité , et les habits seront faits par un coûturier exprez sans aucun ply, tous d’une façon et sur l’épaule gauche chacun portera une petite image de S. Jerôme ». Le droit d’entrée, énoncé dans l’article 14, s’élève à deux écus que l’on verse au Trésorier plus un écu le Jeudi Saint de chaque année. Cette contribution sert à la fois à gérer les frais de la Compagnie, à célébrer le « service ordinaire » de l’autel et les messes pour les membres défunts. L’article 17 prescrit la présence des membres de la Confrérie à trois heures du matin des trois premiers Vendredi du mois afin d’effectuer les dévotions (comme les Matines) avec un cierge à la main. Puis ils se rassembleront à nouveau l’après-midi « pour dire leurs Vêpres de la Croix, à voix pleine…». Ce rituel se pratique à huis clos excepté les Vendredi de Carême « qui est le temps destiné à la Pénitence ». L’article 18 fait référence au jeudi saint, les confrères sont tenus, pieds nus, munis de torches, de parcourir, vers six heures du soir, les différents «  saints monuments de la ville par les quatre paroisses et Couvents de la Ville…en chantant choses de la Passion». Autre procession réglementée le « Dimanche à la Procession dans l’octave de la Fête-Dieu à sept heures du matin portant le S. Sacrement » toujours pieds nus et chantant des psaumes. Le règlement stipule dans l’article 16 que si un membre se comporte mal il sera admonesté une fois – le menacer d’une amende -, s’il récidive encore il devra s’en amender selon « la discrétion des Supérieurs », par contre à la troisième fois il sera exclu de la Confrérie.5   

     

     

     

    Les membres, globalement,  sont peu nombreux. Christian Desplat écrit qu’à Pau « au milieu du XVIIIe siècle le nombre des confrères représentait à peine 10 % des Palois inscrits sur les rôles de la capitation. » De plus, il précise que les confréries se sont féminisées « largement jusqu’à la Révolution française et cela en dépit de leurs statuts, généralement hostiles à la présence de « confréresses ».

     

     

     

     

     

    Géographiquement, l’auteur les situe majoritairement aux environs de Pau, dans la vallée inférieure du gave de Pau, par contre il constate qu’elles sont moins nombreuses dans le Piémont des Pyrénées, en Vic-Bilh et à l’Ouest de par la « survivance » du protestantisme. Ces confréries, datant pour la plupart d’entre de la fin du XVIIe jusqu’à la fin du XVIIIe, sont le résultat le plus souvent de la volonté du clergé. Elles incarnaient à ses yeux une affirmation envers les doctrines protestantes et leur interdiction de toutes processions (interdiction d’images pieuses, de reliques…).

     

    Autre constat, la féminisation des membres, par exemple en prenant le cas de la confrérie des Pénitents bleus de Pau, Christian Desplat dénombre un pourcentage de 8 % en 1754 tandis qu’entre 1779 et 1789 elles représentent 63,6 %. Il faut rajouter que si l’idée d’accepter des femmes dans la Confrérie est approuvée par l’ordonnance du pape Urbain VIII le 5 septembre 1641, il faut attendre le 14 mai 1733 pour que le Corps de ladite Confrérie dresse les règlements à cet effet. Il est alors prévu une tenue adéquate c’est-à-dire de « deux aulnes de taffetas bleu, elles le porteront sur la tête en forme d’écharpe avec une petite plissure sur le derrière et les bouts pendants des deux côtés », on remarque que leur tenue est incomplète puisque, par exemple, elles ne portent point de cagoule. Il leur est assigné, dans la chapelle, une « tribune particulière où elles se tiendront avec la modestie convenable », elles sont dirigées par des hommes – exclusion d’autonomie propre-, elles sont exemptées de marcher pieds nus lors des processions et sont tenues de ne guère chanter avec les membres masculins. Pour finir, il faut attendre 1746 pour que l’acte officiel soit appliqué et , autre point, et pas des moindres, le droit de réception s’élève à trente livres plus deux cierges d’un poids d’une demie livre à quoi il faut ajouter une cotisation annuelle de quatre livres  ce qui montre bien le caractère quelque peu élitiste de l’admission.6

     

    Christian Desplat explique cette évolution par un « reflux de la piété des élites sociales ».Il note toutefois que le pouvoir décisionnel reste entre les mains des hommes. Il continue de préciser que les femmes sont plus nombreuses dans les confréries de type marial dans lesquelles le caractère social est important.

     

    Pour assurer leur mission, les confréries possédaient une chapelle dans les églises, par contre ne détenaient guère de propriétés foncières vivant des contributions des adhérents, des dons.7

     

    Sous la Révolution, les confréries sont supprimées, leurs biens confisqués et vendus.

     

     

     

    Afin d’illustrer cette analyse citons en exemple celle de Mirepeix nommée « Notre-Dame des Agonisants et du très Saint Sacrement » dans le but de préparer les malades à entrer au Paradis. A la fin de l’Ancien Régime, les adhésions augmentent. Périodiquement, on procède à des processions et à des pèlerinages notamment le 1er mars, le jour de la Saint-Aubin, ancien évêque d’Angers que l’on invoque pour guérir les enfants. Autre période de ferveur collective, l’été, exactement au mois de juillet, les Mirepeixois  vont se recueillir au sanctuaire de Notre-Dame de Pietat, faire des dons. Les mêmes convient les marguilliers à préparer plusieurs événements festifs comme les feux de la Saint-Jean.

     

    Pour que ces processions puissent avoir lieu, les communautés se doivent de payer les déplacements des magistrats pour affaires communales. Par exemple, le garde de Gélos, le 20 mai 1694, mentionne  sur le registre  les sommes versées aux jurats, gardes, régent, chantre et sonneur de cloches afin de les dédommager lors de la procession de L’Ascension s’effectuant en direction du bois de la même localité. Toujours, en 1694, les mêmes sommes sont reversées pour la procession de la Fête-Dieu.8

     

     

     

                                       

     

     

     

    Références:

     

     

     

    1- Bluche François, La vie quotidienne  au temps de Louis XVI, Hachette littéraire, 1980, p 178.

     

    2- Lebrun François, Histoire de la vie privé, de la Renaissance aux Lumières, Editions Seuil, 1986,   tome  3, p. 90.

     

    3- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe, thèse doctorat Pau, collection « Terres et Hommes du Sud », tome 2, 1992, p.1161.

     

    4- Desplat Christian, La Principauté de Béarn, Société Nouvelle d’Editions Régionales et de Diffusion,  Pau, 1980, p.339.

     

    5- Laborde J.B. abbé, la Compagnie de Messieurs les Pénitents Bleus de la ville de Pau (1635- 1799), Bull.SSLA, 2e série tome 40, 1912-1913, p. 8 à 10, 14, 16, 27-28.

     

        Voir aussi: article intitulé « Chapelle des pénitents bleus » de Cécile Devos tiré de l’ « Atlas historique des villes de France », p.128.

     

    6-  A. C. de Pau, GG 207-GG 209      

     

    7- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe, op.cit., p. 1161 à 1173.

     

    8- Loubergé J., Quelques aspects de la vie à Gélos dans les siècles passés, Revue de Pau et du   Béarn, n°15, 1988, p.69.

     

     

     

    Google Bookmarks

    Tags Tags : , ,