• 3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

     

    La couverture

    L’Encyclopédie de Diderot décrit la couverture comme suit :

     « la partie extérieure d’un bâtiment la plus élevée, qui défend toutes les intérieures des injures de l’air, & qui est soutenue de tout côté sur des bois appuyés d’un bout sur les murs de la maison, & de l’autre aux arc-boutés ou assemblés, soit ensemble soit avec d’autres bois qui font partie de la charpente. On couvre les maisons ou de plomb, ou d’ardoise, ou de tuile, ou de bardeau, ou de chaume. Plus la matiere est pesante, plus le toit doit être bas ; pour l’ardoise, on peut​ donner au toit une hauteur égale à sa largeur. Pour la tuile, la hauteur n’en peut être que les deux tiers ou tout au plus les trois quarts de la largeur. S’il y a des croupes ou boîtes de toit qui ne soient point bâties en pignon, mais couvertes en penchant comme le reste du comble, il faut tenir ces croupes plus droites que les autres couvertures. Autrefois on ne faisoit que des couvertures droites, hautes, & boîtes de toit qui ne soient point bâties en pignon, mais couvertes en penchant comme le reste du comble, il faut tenir ces croupes plus droites que les autres couvertures. Autrefois on ne faisoit que des couvertures droites, hautes, & n’ayant de chaque côté qu’une pente terminée en pointe au comble. Ces toits avoient des avantages, mais ils occasionnoient trop de dépense en tuile, en ardoise, en charpente, &c. & ils renfermoient trop peu d’espace ; on les a donc abandonnés pour les mansardes. Le toiser de la couverture n’a rien de difficile, les dimensions étant données ; mais il est quelquefois dangereux de les prendre sur le toit. Quand on les a, il faut supposer la couverture plane, & ajoûter au produit pour le battelement un pié quarré ; pour la pente un pié quarré ; pour le posement de gouttiereun pié quarré ; pour une vûe de faîture six piés ; pour un œil de bœuf commun dix-huit piés ; pour les lucarnes, demi-toise ou toise, selon leur forme. Il n’est pas difficile de savoir ce qu’il doit entrer d’ardoise ou de tuile dans une couverture, les dimensions de l’ardoise étant données, l’étendue de la couverture, & la quantité de pureau ; ce qu’on a toûjours. On appelle couverture à la mi-voie, celle où l’on a tenu les tuiles moins serrées que dans la couverture ordinaire. Cette maniere de couvrir convient à tous les atteliers où il faut ménager une issue à la fumée ou à des vapeurs incommodes ou nuisibles. »

     

       Le Béarn, baigné par le climat océanique, est couvert par des toitures en fortes pentes afin d’éviter les infiltrations qui pourraient mettre à mal la charpente. Les faibles pentes, dans les zones montagneuses françaises, répondent à la recherche d’une certaine isolation de type thermique procurée par la neige par les habitants.

    On a voulu expliquer les toitures aiguës en Béarn par le souci de se préserver des risques liés à la neige (poids…). Or, les chutes de neige sont moins nombreuses sur la plaine, les régions du Vic-Bihl et du Saubestre… Il est à noter que les pentes les plus fortes des toitures en Béarn se localisent dans la zone géographique d’Orthez où les précipitations neigeuses sont moins conséquentes que dans les vallées montagnardes. Plusieurs facteurs sont invoqués par J. Loubergé : l’importance de la romanisation, « la plus ou moins longue durée des couvertures de chaume, qui imposaient une forte pente…, la puissance plus ou moins grande de la végétation forestière donnant des fûts et des branches maîtresses de grande taille pour une charpente en hauteur…, la forte influence que les populations montagnardes ont exercée sur la plaine, grâce aux voies de transhumance qu’elles contrôlaient, et aussi l’unité politique très forte de la vicomté… » [1]

    Les différents terroirs qui composent le Béarn sont différenciés par leurs particularités tant au niveau architectural qu’au niveau de la couverture plus spécifiquement. Les milieux, les faire valoir, les innovations et les modes sont importants pour comprendre la toiture et, notamment, la charpente. Sa lecture est éloquente pour la période qui nous intéresse, plus particulièrement. Au XVIIème, la charpente à « chevron-portant-fermes est courante », tandis qu’au XVIIIème la « jambe de force fait son apparition ». [2]

        Dans le même ouvrage, il est écrit que la figure qui domine dans le Béarn est le rectangle, à l’opposé du Pays Basque où c’est le carré. Pour le rectangle, des avantages lui sont liés : « un linéaire de fondations et de murs porteurs plus économiques…, sa capacité à introduire plus facilement la lumière naturelle à l’intérieur du bâti. »

     

       Abordons la toiture constituée de matériaux d’origine végétale tels la paille, le bardeau de bois. A l’époque, en France, ce sont les matériaux les plus utilisés. Ce sont des produits issus de l’agriculture en majorité, donc financièrement peu couteux.

    1) Pour ce qui concerne la couverture de paille, appelée le chaume, un voyageur bordelais, en juin-juillet 1765, nous a laissé une description dressée à Lestelle. « On commence cette sorte de couverture par le bas de la charpente… et la paille est coupée au ras si ras dans cette partie qu’un de ses tuyaux ne passe l’autre. Cette première rangée est à demi recouverte par une seconde et de même jusqu’au faite, où la paille, bien saisie par une de ses extrémités et formant une petite gerbe, est partagée sur l’un et l’autre côté de la charpente et sert à recouvrir les petits faisceaux de la couche inférieure ? cette sorte de couvertures à toute épreuve préservent l’intérieur des maisons non seulement de la pluie, mais de toutes les influences même de l’air extérieur. » [3]

     Techniquement, globalement, on « procédait par cousudes (bandes larges de 50 cm à peu près). Les liens étaient enchaînées les uns aux autres, que l’on alignait en en frappant  l’extrémité à l’aide d’un tassoir de bois… tenu de la main droite. On réalisait sur une grange d’une quinzaine de mètres de long 2 à 3 cousudes  par jour. Les liens étaient en paille de seigle, le reste parfois en paille de blé, coupée à la faucille et battue à la main sur une table de manière à la conserver intacte sur la plus grande longueur possible. La paille était ensuite peignée.» [4]

    Pierre Bidart et Gérard Collomb, pour leur part, précisent que « les bottes sont posées sur un lattis peu serré, avec un faible recouvrement des bottes entre-elles; chaque rang est maintenu plaqué contre le lattis par de longues perches courantes, placées dans un plan parallèle aux lattes, et fixées à celles-ci par des chevilles de bois, ou par un fil de fer attaché aux chevrons de rive. Le faîtage est également en paille, repliée à cheval sur les deux versants et maintenue par deux perches longitudinales liées ensemble par des chevilles ou des liens... la couverture en chaume est associée fréquemment à une forme particulière donnée aux murs pignons : leur partie supérieure non couverte par le toit à redent, chacun supportant une large ardoise ou une pierre plate qui protège la maçonnerie des eaux. Une des fonctions de ces pignons à redent semble être de protéger les rives du toit de chaume contre le vent, le débordement des ardoises couvrant les gradins assurant l'étanchéité du point de contact entre la couverture et la maçonnerie. » [5] 

    Historiquement, les cultures céréalières ont été adoptées dès l’époque néolithique et ceci notamment dans les plaines. Rappelons, qu’aux alentours de 10 000 ans, le paysage se modifie du fait des modifications climatiques. En Béarn, à partir de 4 000 AVJC les hommes alors cultivent, par conséquent, des cultures céréalières panifiables (avec des outils de pierre polie, ils défrichent) et pratiquent l’élevage, comme par exemples le mouton, le cheval, le bœuf, le porc…, le chien qu’il utilise pour l’aider à surveiller le troupeau. L’homme devient progressivement sédentaire et quitte son état de nomade. Il organise l’espace dans lequel il vit à l’aide des camps et des villages qu’il édifie. L’archéologie a mis au jour des restes de villages fortifiés comme à Bougarber, Asson.

     

    En France, la paille de seigle est le matériau le plus usité. Cette couverture peut durer une vingtaine d’années (Duhamel du Monceau mentionne 12 ou 15 ans « sans avoir de réparations considérables ») et permet une isolation correcte contre le froid et la chaleur, de plus elle protège bien des précipitations. Selon Duhamel du Monceau, elle a l’avantage « d’épargner beaucoup sur la dépense de la charpente ». D’autres qualités sont à adjoindre à cette description, sa souplesse, sa flexibilité, sa longueur. La pente de la couverture est très raide ce qui évite le danger de la stagnation et de l’infiltration des eaux de pluie. Lorsque l’herbe et la mousse apparaissent, il est temps de réparer ; cela se nomme le « manteau ». Cela consiste à remplacer le chaume abîmé par du neuf. Le même auteur écrit qu’elle ne convient point pour les fermes car elles sont trop sujettes alors aux incendies et aux dégradations provoquées par les volailles, les pigeons, les fouines, les rats. Enfin, il cite des chiffres : « Quand les paysans ramassent eux-mêmes le chaume, il ne leur en coûte que la moitié du prix ordinaire pour le faire employer par les Couvreurs ; en conséquence, si l’on paye à ceux-ci 14 livres par millier, il ne leur en coûte alors que 7 livres. » [6]

    Il est à noter que dans les zones climatiques océaniques, on utilisait aussi du genêt ou de la bruyère.

     

       La couverture de chaume ne couvre pas seulement la campagne, on la trouve également dans la ville, bien que les autorités aient cherché, en ce qui la concerne, à limiter son usage. A Lille, les échevins prennent la décision, en 1527, de le prohiber. Mais comme elle n’est guère trop bien suivie, on émettra deux bans en 1566 et 1569. A Jarnages, dans la Creuze, il faut attendre 1785 pour que le Parlement royal interdise l’utilisation de la paille.

    Le risque d’incendie est plus important en ville qu’à la campagne. Il y avait d'autres inconvénients. Outre le fait que l'alternance d'été sec et d'hiver humide faisait pourrir le chaume, ce dernier se révélait être un nid à frelons, de souris...

     Pour information, voici ce que l’Encyclopédie de Diderot décrit au sujet de la couverture des toits en chaume :

    « A la campagne, on couvre de chaume ou de paille de seigle non battue au fleau : après que les faîtes & soûfaîtes sont posés, on y attache avec des gros osiers ou des baguettes de coudriers &c… de grandes perches de chêne, à trois piés de distance ; on lie ces perches avec de plus petites qu’on met en-travers, & l’on applique là-dessus le chaume ou la paille qu’on fixe avec de bons liens. Plus ces liens sont serrés & le chaume pressé & égal, mieux la couverture est faite. Il y a des couvertures de jonc & de roseaux. Quelquefois on gache la paille avec de la terre & du mortier. »

     Les toits de chaume sont réalisés le plus souvent par des paysans et non des artisans. Ils ont acquis de l’expérience.

     

     2) Autre matériau organique, le bois, celui-ci est façonné pour réaliser des planchettes qu’on nomme bardeau (arretge).

    Il présente plusieurs avantages, son poids relativement léger pour le transport et la pression exercée sur la charpente, sa bonne isolation.

     Duhamel du Monceau précise qu’elles sont 12 à 14 pouces de longueur et que leur largeur « varie ». Si elles ont été « fendues dans les forêts, on les fait dresser & réduire à 4 ou 5 lignes d’épaisseur par des Tonneliers, qui se servent pour cela d’une doloire ; on fait aussi du bardeau  avec des douves de vieilles futailles : quand le bardeau a été ainsi travaillé, les Couvreurs l’emploient ; ils le clouent sur la latte  comme l’ardoise. Mais pour tailler proprement le bardeau & le mettre de largeur, les Couvreurs se servent d’une hachette, ils le percent avec une vrille pour y placer le clou, sans quoi le bardeau pourrait se fendre; ces petites planches s’emploient de la même maniere que les ardoises, & font une couverture très-propre… le bardeau résiste mieux aux coups de vent que l’ardoise ; mais l’eau s’amasse contre le re couvrement, & fait pourrir le bardeau assez promptement, à moins qu’il ne soit fait de cœur de chêne de la meilleur qualité : la légèreté de son poids est un des principaux avantages de cette couverture. » [7]

     D’autres théoriciens du XVIIIe siècle affirment que le chaume est plus dangereux que le bardeau en ce qui concerne les incendies.

     Pour sa conception, on peut ajouter que le couvreur fend habituellement une bille de bois (chêne, châtaignier ou sapin selon les zones) d’un mètre en quatre quartiers, soit avec des coins soit avec un départoir, eux-mêmes découpés en trois ou quatre quartiers en épaisseurs de 15 à 18 mn, toujours avec un départoir sur une bille de bois. La réalisation de 100  bardeaux - l’équivalent d’un mètre carré -  peut s’effectuer en 4 heures. Attention à ne pas respecter le fil du bois ou à laisser des nœuds ! Moisissure, humidité pourront raccourcir la durée de la toiture. Le bardeau peut-être retourné, ce qui accroît sa longévité.  On peut l’utiliser sur toutes sortes de toiture puisqu’il s’adapte parfaitement (dôme, clocher…). Sa couleur gris-argent n’est pas désagréable à l’œil, il résiste à la grêle. En ce qui concerne leur pose, on dispose les bardeaux à joints croisés, pour un toit de 45° le recouvrement se fait des deux tiers généralement.

    Toutefois, l’incendie reste le danger primordial. L’historien Nicolas de Bordenave nous a laissé un témoignage de l’incendie qui ravagea sa ville résidentielle, Nay, le 14 mai 1543. Il précise que les « batimens qui estoient faits de bois de sapins et couverts de bardeau de fau » (hêtre, de fagus), ce qui explique que le lendemain, après trois heures d’embrasement, il ne reste de la localité et de ses faubourgs que « charbon,, brasier ne cendres ». En ce qui concerne l’origine, il écrit : « Bodin a voulu rendre quelque chose naturelle de ce feu ; quelques autres ont escrit qu’il estoit provenu du ciel, mais il est certain qu’un petit garçon, qui encores aujourdhuy vivant, par inadvertance, comme il cerchoit un esteuf sous le lict, y mit feu avec une chandelle… »[8]

     J.J. Cazaurang, étudiant les lattis des couvertures, des treillis du poulailler, note que l’on les confectionne « avec des gaules refendues du châtaignier. En montagne, on utilisait le hêtre… ». [9]

     L’usage des bardeaux est attesté encore dans la couverture de moulins dans le Vic-Bihl et même sur l’église de Sainte-Foy de Morlaàs. En effet, le registre de délibérations de la cité mentionne, le 4 octobre 1787, que la toiture du bâtiment est encore couverte de bardeaux. A Sendets, en 1779, pour réparer la toiture du presbytère, un devis marque qu’il est nécessaire d’acheter 8 000 bardeaux à 16 livres les mille.

     3) Les causes de l’abandon du chaume et du bardeau, alors dominants avant le XVIIIe siècle.

    J. Cazaurang [10] émet une hypothèse pour expliquer les améliorations : ce serait par le biais du matériau des murs. Notamment par l’usage des cailloux roulés dans les vallées comportant des terrasses alluviales qui offraient à « bon compte » les éléments de construction. Il l’explique par la généralisation d’un progrès technique, la chaux hydraulique « qui permet d’obtenir le mortier de qualité nécessaire ». Il rajoute que les bardeaux et le chaume seront encore utilisés jusqu’au début du XIXe siècle. En effet, si dans le « Mémorial Béarnais ou feuille d’annonces du département des Basses-Pyrénées  » du vendredi 8 janvier 1819 (supplément du vendredi 25 décembre 1818), nous possédons une description d’un ensemble de bâtiments mis en vente à Pau et se localisant «rue Marca et Tigny », démontrant une preuve de l’évolution. Les corps de logis sont alors constitués de « murs de pierre chaux et sable, et couverts d’ardoises ».[11] D’un autre côté, à Moumy, une saisie fait état « D’une maison bâtie à chaux et sable , couverte le devant en bardeaux, le derrière en tuiles, bardeaux et chaume, et le faîte en tuiles, dans laquelle  il y a four, au dessous duquel est une petite loge pour les oies.  Une grange construite  à chaux et sable et en torchis, couverte en chaume et le faîte en tuiles. »[12] Ceci montre la mixité des matériaux utilisés. Mais il existe encore des maisons couvertes de bardeaux comme celle qui a été saisie à Lucq : « Une maison construite avec des murs à chaux et sable, couverte de bardeaux… » [13]

     Ces bardeaux et la paille seront supplantés par l’ardoise et la tuile. Le même auteur attribue cette évolution à plusieurs causes : la hausse du niveau de vie, « la facilité accrue des communications et charrois » permettant aussi de baisser le nombre des incendies. 

    En règle générale, dans les zones montagneuses et les régions de forêts, on use davantage de bardeaux.  Les toits d’ardoise sont majoritaires dans les vallées montagneuses, tandis que les tuiles plates dominent  surtout dans les régions  de Soumoulou, Lescar et Navarrenx (Vic-Bilh, ribeyres et coteaux).

     

     4) Ardoise

        Le passage entre les couvertures organiques et les couvertures minérales se réalise progressivement. Le remplacement du chaume par l'ardoise s'est réalisé en conservant la majeure partie de la charpente existante. Néanmoins, comme l'écrivent Pierre Bidard et Gérard Collomb, on a reconstruit « une charpente à pannes sur pignons, avec une ou deux fermes intermédiaires, qui recouvre la partie supérieure du mur pignon que le chaume laissait à découvert. » [14]

    L’ardoise est synonyme de couverture dite « noble », puisqu’elle se trouve plutôt sur les châteaux, les églises… surtout couvrant les clochers, les tours rondes. A ne pas la confondre avec la lauze de schiste. L’ardoise apparaît moins épaisse. Elle se présente  comme un schiste argileux résistant, constitué de plusieurs couches.

    L’ardoise (ou lauze) provient des Pyrénées (vallée d’Ossau à Geteu, Gère-Balesten, Louvie-Soubiron, Eaux-Bonnes, vallée d’Aspe à Bedous). De longueur irrégulière, d’une épaisseur atteignant parfois 1 cm, ce qui la rendait robuste, le m2 supporte une vingtaine de kgs.

    La dimension des ardoises se définit par l’écartement de la base aux trous d’attache. Une numérotation s’établissait alors de 4 à 8 pouces.

     Elle prédomine au sud d’une ligne délimitée par les localités de Thèze et de Lembeye. Le couvreur, avant la pose, se sert d’un gabarit nommé « escantilh » en bois qu’il a lui-même fabriqué souvent. Les parties trop longues sont retaillées à l’aide d’un marteau comportant une tête pour enfoncer les clous ou pointeaux et un tranchant (l’assette) et de l’enclume de couvreur. La pose se fait selon un ordre particulier : on débute par le bas en disposant  de grandes ardoises (pour éviter le glissement de la charge neigeuse) et on finit par de petites sur le haut.   Elles se chevauchent sur un tiers de leur hauteur, ceci afin de garder l’étanchéité. Par contre, on remet de grandes ardoises sur le faîte, la « cérimane » pour permettre d’éviter l’arrachement  par leur poids.  Si le chaume a une espérance de vie de 50 ans, l’ardoise peut durer jusqu’à 80 ans, voire 100 ans. Leur résistance est démontrée lors des orages, de la chute de la grêle et, même, lors des gels, vu leur porosité moindre.

    Ces ardoises sont fixées par des chevilles de bois (chêne, buis, sapin, acacia).

    L’ardoise couvre surtout le sud de la province. Elle s’imposera davantage au XIXe siècle et remplacera, de ce fait, les couvertures en bardeau ou en chaume. On avance, pour cela, deux causes majeures. La première, l’usage d’un matériau réputé et, l’autre, la pression exercée par les assurances en fixant des contrats plus onéreux vu le risque plus important d’incendie.

    Duhamel du Monceau fait l’éloge de ce matériau. Les ardoises seraient « impénétrables à la pluie, & elles durent plus long-temps. Elles ont encore l’avantage de ne point charger les charpentes… ». Par contre, il mentionne les inconvénients : « les grands vents  les soulèvent quelquefois, & même qu’ils les emportent, sur-tout quand on emploie de l’ardoise trop mince, ou de mauvaise qualité ; car il y en a telle qui s’attendrit à la pluie, & qui pourrit sur les bâtiments. »[15]

    Son prix est bien entendu plus abordable si une carrière se trouve à proximité, on peut alors les choisir plus épaisses qui « durent autant que les charpentes sur lesquelles elles sont posées » lorsqu’elles sont « bien employées ». Le même auteur prévient qu’il ne faut point utiliser des ardoises trop fines, car  « elles ne résistent point au clou quand le vent les soulève ; d’ailleurs elles se rompent, parce qu’elles n’ont pas assez de consistance pour résister au poids des échelles, ou des cordes nouées du Couvreur. » Il précise qu’il est nécessaire d’avoir trois cent dix-huit ardoises pour obtenir une toise (1,949 m).   

    Avant de couvrir la charpente, le couvreur se doit de donner à l’ardoise une forme plus régulière en utilisant un billot de bois, une enclume et un marteau. Cette enclume est transportée avec lui sur la charpente s’il doit retailler l’ardoise, pour cela, il la cale sur un chevron. Le trou qui permet d’introduire le clou se réalise par le biais du marteau. Pour la pose, Duhamel du Monceau décrit les mouvements du Couvreur, « … on met toujours en dessus la face de l’ardoise où la coupe est en chanfrein & égrignotée ; on les attache à la latte avec deux ou trois clous, dont les têtes doivent être recouvertes par les ardoises supérieures ; & que pour les files soient régulièrement droites, on fait à chaque rang un trait avec un cordeau pour marquer l’endroit où les ardoises doivent aboutir ; & quand il fait trop de vent , on trace avec une regle un trait blanc, & on arrange les ardoises comme on le voit… ».[16]

     On peut ajouter à cette description que le couvreur utilise un gabarit en bois nommé « escantilh » lors de la taille de l’ardoise. Le faîte (« cérimane ») est couvert d’ardoises beaucoup plus grandes et, afin qu’elles adhèrent bien, on enfonce des clous à tête large et plate.

     A côté de l’ardoise, autre couverture minérale, la lauze. Sa nature diffère des gisements, tel le schiste, le flysch… En ce qui concerne la pente de la toiture, outre le flysch, les autres catégories peuvent être posées sur de faibles inclinaisons. Comme matériau, la lauze offre des avantages certains comme sa robustesse, sa stabilité. 

     

     5) La tuile (ou téoule) 

       Si la zone est constituée d’un sol glaiseux, la tuile est aisément produite, on la cuit. Il est nécessaire de bien la cuire sinon elle rompt puisqu’elle a une consistance « tendre » et entraînera des conséquences fâcheuses lorsqu’elle s’imbibera d’eau lors des pluies provoquant son effritement. D’après Duhamel du Monceau, il est nécessaire que le couvreur obtienne effet sonore lorsqu’il la frappe avec un marteau, lui indiquant alors à la fois qu’elle est cuite et qu’elle est fêlée. [17]

     De forme plate et rectangulaire généralement, appelée tuile picon mais qui, selon la région où on l’utilise, est découpée dans sa partie inférieure.

    La tuile plate est accrochée – comme l’ardoise -  à des lattes, soit à des chevilles de bois soit à des picots ou crochets de terre cuite moulée servant à les caler contre les lattes. Ces picots sont conçus simplement par l’artisan qui par son pouce le modèle en produisant un amas de terre.

     Si la tuile est uniquement accrochée, elle peut lors de grands vents se détacher et tomber. On utilise aussi du mortier afin de lier des tuiles bombées.

    Elle est conçue dans la province du fait de la présence abondante des matériaux nécessaires à sa fabrication, l’argile et le bois.  On cite comme ateliers produisant ces tuiles ceux de Bugnein, de Vieillenave, de Susmiou.

    Mais, elle offre l’inconvénient de peser près d’un kg. Si le m2 d’ardoises pèse une vingtaine de kilogrammes, celui de tuiles une soixantaine.

    Par exemple, autour de Lembeye, on la dessine en forme de doubles festons, quant aux environs de  Salies-de-Béarn et d’Orthez, on lui donne un dessin d’écailles de poisson. [18]

     Les couvertures de tuiles s’observent surtout dans le nord du Béarn. Dans le Nord du Vic-Bilh et du Montanérès, c’est la couverture dominante. La tuile est concurrencée par le bardeau jusqu’au XVIIème siècle, notamment à Lembeye.

    En ce qui concerne les tuiles, on en distingue généralement deux catégories. Les tuiles creuses (ou romaines…) nécessitent une faible pente, de l’ordre de 30°. On en trouve, par exemple, au Nord-Est du Montanérès. Elles permettent alors d’élargir les maisons dans leur largeur et d’offrir au spectateur une façade en pignon (mur dont la partie supérieure prend la forme d'un triangle).

    La tuile creuse est aussi utilisée pour le faîtage de couverture en tuiles plates, mais également dans la toiture des appentis.

     L’autre catégorie, la tuile picon (ou plate), détermine, à l’opposé, la présence une toiture comportant une forte pente de l’ordre de 45°, ce qui oblige de bâtir des constructions avec des largeurs moindres et d’exhiber une façade en gouttereau (bord inférieur du toit d’où l’eau de pluie se déverse).

    On pose les tuiles sur un lattis, on prend soin de recouvrir aux deux tiers. Sur le coyau, on place une planche à plat permettant un débordement du toit de 10 à 15 centimètres.[19]

     En ce qui concerne les pignons à gradins, on explique en partie leur origine par la présence de la neige. Du fait de son poids, il est indispensable de la dégager en partie, bien qu’elle revête un avantage au niveau d’isolation comme cela a été écrit plus haut. Ce type de pignon permet plus aisément sur le toit, d’enlever la neige et, bien entendu, de pouvoir réparer la toiture. Outre cette utilité, il offre un aspect décoratif non négligeable tel que nous le présente la façade d’une maison à Oloron datant de 1601.

     Voici ce que l’Encyclopédie de Diderot note au sujet de la couverture en tuile :

    « Quand on couvre de tuile, on place les chevrons à deux piés ou seize pouces au plus de distance. Le millier de tuile du grand moule, fait sept toises de couverture. Ces tuiles ont treize pouces de long, huit de large, & quatre pouces trois lignes de pureau ; on appelle de ce nom, la portion de tuile qui reste découverte quand elle est en place. La grandeur des tuiles du petit moule est communément de neuf à dix pouces de long, sur six de large, & trois pouces & demi de pureau. Les tuiles rondes, ou creuses, ou en s couchée, demandent un toit extrèmement plat. Il y a de l’ardoise de 11 pouces de long sur 6 à 7 de large, & 2 lignes d’épais ; c’est la quarrée forte. La quarrée fine a 12 à 13 pouces de large sur une ligne d’épais. Le millier fait 4 toises de couverture, en lui donnant 3 pouces & demi de pureau ; en la ménageant bien, elle peut former jusqu’à quatre toises & demie. Le bardeau, ou ces petits ais qu’on substitue à la tuile, ne charge pas les maisons ; on les appelle aissis ou aissantes. On les employe communément aux hangards. Il faut qu’ils soient sans aubier. Si on en fait des toits de maison, il ne sera pas nécessaire que la charpente soit forte. Il n’y faudra pas épargner le clou, non plus qu’à l’ardoise. Il durera plus long tems si on le peint à l’huile… On accroche la tuile à la latte ; on y cloue l’ardoise après l’avoir percée d’un coup de marteau ; c’est pour cela qu’on remarque à la tuile une encrénure en-dessous. Le pureau est plus grand ou plus petit selon la distance des lattes. Voilà en quoi consiste tout l’ouvrage de couvreur, qui demande plus de hardiesse & de probité que d’adresse. La latte est attachée sur les chevrons. Comme il est quelquefois difficile de vérifier l’ouvrage de couvreur, il n’a pas de peine à tromper. Il peut compter plus de tuile ou d’ardoise qu’il n’en employe. Il peut employer de mauvaise latte & de la tuile mal façonnée ; il peut disposer la neuve de maniere qu’elle soit mêlée avec la vieille, ou qu’elle lui serve de cadre. Il n’y a que la stipulation avant que l’ouvrage commence, & un examen attentif après que l’ouvrage est achevé, qui puisse mettre à couvert de la tromperie.» 

    Il est à noter que les textes sont vagues dans la désignation. En effet, le mot « teule » peut signaler soit la brique, soit la tuile.

     

     Avant-toits

     Des décorations agrémentent les toitures telles les génoises, les frises et les corniches.

    Dans la Charte architecturale et paysagère (Pays d'art et d'histoire, Pyrénées béarnaises)[20], on lit : « La transition entre le débord du toit et l'arase se fait par une passe de toit. Le débord de toit peut simplement reposer sur des chevrons qui peuvent parfois être enfermés dans un coffre de planches. Plus généralement, la transition entre la façade et le toit est assurée par une corniche en bois, en pierre de taille ou en briques maçonnées et enduites. Dans les architectures les plus nobles, le profil est soigné : denticules, bois sculpté, dessin de la pierre, plâtre mouluré. » De citer les zones auxquelles on peut les apercevoir : le « piémont oloronnais en contact avec le pays de Navarrenx offre quelques exemples de passes de toit traitées en génoises dans lesquelles le maçon fait alterner les rangs de tuiles plates et de tuiles canal. »

     La génoise est une frise composée de tuiles rondes superposées que l’on fixe avec du mortier et que l’on dispose en débord du mur. Son utilité n’est pas aucunement décorative puisqu’elle remplace la gouttière et écarte les eaux des pluies qui coulent du toit. Dans l’étude nommée « L’habitat traditionnel en Béarn des Gaves-Soubestre »[21], on lit qu’il est « fréquent que des lignes de denticules  [suite de petits cubes agencés en lignes horizontales]… de terre cuite, s’insèrent entre les rangs de tuiles pour en souligner l’effet décoratif. »  Il est également écrit que « Souvent la génoise est soulignée d’un bandeau formé d’une surépaisseur d’enduit, ou plus simplement d’un badigeon. Cette frise peut être animée de motifs soignés évoquant les rondeurs des tuiles creuses. » Ce type de décoration est présent aux environs de Salies-de-Béarn, Orthez, Arthez-de-Béarn et Navarrenx dans ce que l’on nomme le Béarn des Gaves-Soubestre. Egalement,  la corniche génoise soutient l’avant-toit protégé par des tuiles dans le nord de la province. Néanmoins, elle est présente dans la zone du sud de Pau jusqu’à Pontacq. Dans une autre étude[22], on précise que « Cette corniche qui soutient les pieds de chevrons, contribue à protéger le mur en écartant les ruissellements des eaux de pluie. La génoise joue un rôle essentiel dans la décoration, déroulant un feston qui anime la tête du mur d’effets d’ombre et de lumière. Il est à noter que la génoise enveloppe la lucarne-fronton, qui se trouve ainsi fermement liée au mur. »

    3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

    Génoise décorant l'avant-toit de l'abbaye laïque de Tarsacq.

     Les corniches, on le voit, présentent des variétés de décoration. Certaines, comme le montre CAUE 64 par des illustrations, sont enduites avec du plâtre avec un décor rapporté de rinceaux, d'autres sont en bois ouvragés avec des modillons constitués d'une planche moulurée, des denticules et des rosettes. Des corniches apprêtent plusieurs rangs de matériaux tels un rang de briques plates, un rang de tuileaux, un rang de tuiles canal et des denticules. [23]

     

     Des débords de toit sur console affichent des éléments d'assemblages de bois : une poutre en console, une jambe de force, une panne sablière et un chevron élégie. Une panne sablière (poutre)  est placée horizontalement à la base du versant de toiture. Le chevron élégi est un chevron élimé à l'extrémité,

     

     La charpente

    Le charpentier revêt en Béarn une importance certaine. J.J. Cazaurang mentionne qu'il faisait partie « avec le forgeron, le tailleur, le maçon, des mestieraous, ceux qui ont un métier, qui ne sont ni pasteurs, ni cultivateurs. Plus aisés que les métayers ou les journaliers agricoles dont beaucoup d'entre eux étaient issus, ils  l'étaient moins que ceux qui avaient de qué, « de quoi », c'est-à-dire un fonds de terre. Le paiement de leurs services dépendait beaucoup des conditions de travail : il avait lieu au forfait, à la tâche (prets heyt), ou à la journée (journau). Ce dernier mode était le plus usité... » [24]

     

    Par rapport à celles existantes dans les régions avoisinantes (Landes, Gers, Pays Basque), la charpente béarnaise se caractérise par ses fortes pentes avoisinant les 45°). L’inclinaison de la pente est attachée au matériau de la toiture. L’usage de la tuile (plate) et de l’ardoise nécessite un versant important. Ce dernier offre au propriétaire le bénéfice de comble conséquente.

    Globalement, les toitures béarnaises se décomposent en deux catégories. Celle à bâtière ou à deux pans ou celle à croupes ou quatre pans.

    Dans la première catégorie, le gain en espace est de l’ordre de vingt pour cent.

     Sur les murs, on pose des grosses poutres qui permettent de soutenir un plancher qui sert de grenier. La charpente, elle-même, est composée de fermes. Jean Loubergé[25] précise que les grosses poutres constituent les entraits (ou tirants), tandis que « les arbalétriers se fixent par embrèvement à leurs extrémités. Quant aux sablières elles surmontent ces poutres auxquelles elles sont fortement assujetties par des clous forgés, et ce sont elles qui soutiennent les chevrons de la toiture. » Ce type de toiture correspond à une charpente dite simple.  Le même auteur distingue une autre, à entrait retroussé, « bien adapté à la forte pente du toit. » Selon lui, la charpente à croupe est très répandue vu que les toits béarnais « sont sous le vent à quatre eaux. » Il précise alors que du « sommet de la dernière ferme s’écartent deux arêtiers qui y sont fixés par de gros clous ; ils soutiennent la croupe et quand celle-ci est complète, une demi-ferme (dite demi ferme de croupe) la soutient en son centre. Dans le cas des toits à quatre eaux, les sablières qui surmontent les murs et supportent les chevrons sont assemblés entre elles à mi-bois et en queue d’aronde, ce qui permet de soulager la poussée de la charpente sur les murs. La pente de la croupe est généralement supérieure à celle des longs pans de la toiture. »

    Les deux pentes, lorsqu’elles sont reliées par des pièces de bois mises assez haut, permettent d’offrir beaucoup d’espace, ce qui explique la présence de greniers, notamment dans les granges et d’emplacement pour loger les domestiques notamment dans le Vic-Bilh.

     Pierre Bidart et Gérard Collomb, analysant les charpentes à chevrons formant ferme, les qualifient d' « archaïques » vu qu'elles couvraient déjà les « grands bâtiments médiévaux ». Voilà intégralement ce qu'ils écrivent à leur sujet :

    « Ces charpentes ne comportent pas de pannes ni d'arbalétriers, le poids du toit étant supporté directement par des chevrons disposés tous les 50 à 80 centimètres. Ces chevrons sont assemblés à mi-bois à leur extrémité supérieure, sans faîtière, et reposent à leur extrémité inférieure sur une sablière prise dans la maçonnerie du sommet des murs gouttereaux. Chaque paire de chevrons est triangulée par un faux-entrait, placé assez haut ; le contreventement de l'ensemble est assuré par un ou deux longs rondins ou pièces équarries chevillés sous chaque chevron et disposés obliquement dans le plan des rampants. Dans les charpentes de ce type, la poussée des deux versants du toit sur les murs gouttereaux est considérable, aussi les sablières sont-elles le plus souvent assemblées avec un entrait formant contre chaque pignon. On peut penser aussi que les poutres qui portent le plancher de l'étage, qui sont solidement engagés dans les murs gouttereaux et qui les traversent complètement, contribuent à la solidité de la maçonnerie et compensent en partie cette poussée. Malgré ces précautions, le risque reste grand, dans cette zone des Pyrénées soumise à de fréquentes secousses tellurique, de voir s'écarter les murs gouttereaux, que l'on doit fréquemment maintenir dans les grands bâtiments par des tirants métalliques retenus par des ancres de chaînage. Lorsque les versants du toit ont une surface plus importante, et que la longueur des chevrons augmente, on assemble un ou deux entraits supplémentaires par paire de chevrons, afin de les soulager en leur milieu. Toutefois l'affaissement à long terme des versants du toit paraît être un risque pour ce type de charpente, aux chevrons généralement de trop faible équarrissage pour le travail qu'ils subissent, ce qui donne aux vieux toits béarnais leur aspect légèrement concave, très caractéristique, accentué encore par l'adoucissement de la pente due à la présence d'un coyau. Cette pièce est en effet indispensable pour permettre la couverture de l'extrémité supérieure des murs, dans la mesure où la sablière qui reçoit les chevrons est placée près de la face interne des murs pour profiter plus efficacement de leur résistance à l'écartement. » En montagne, dans les hautes vallées béarnaises ou bigourdanes, les charpentes sont le plus souvent  réalisées selon le même principe, mais tous les efforts des charpentiers paraissent alors s’appliquer à trouver des solutions pour limiter le risque que fait courir à la toiture le poids d'une couche de neige parfois abondante, et à renforcer la solidité des charpentes ; équarissage plus important des chevrons ou maintien de la sablière par plusieurs tirants disposés dans sa longueur, et sans doute cette contrainte explique-t-elle pour une part l'apparition plus fréquente que dans l'avant-pays de charpentes sur blochet et jambe de force, assurant une meilleure répartition de la poussée des chevrons sur les murs ». [26]

     Jean Loubargé rajoute que le bois de chêne était très répandu notamment dans le « bas pays » vu que sa croissance jouit de bonnes conditions. Le plus souvent, le bois était abattu le plus près possible de l’endroit où on l’utilisait vu l’importance d’eau contenue dans l’arbre (400 kg dans un m3 de bois de chêne) gênant son transport. Il était « coupé en lune descendante, ou « lune vieille », c’est-à-dire après la pleine lune (c’était le contraire pour la coupe du bois de chauffage). Afin d’éviter que les insectes soient attirés par la sève et  pondent leurs œufs, on choisit de couper les arbres lorsque la sève ne circule pas des racines aux feuilles, donc lors de la période nommée « morte ». Un an était nécessaire afin que la perte d’eau se réalise (juste quelques degrés d’hydrométrie sont nécessaires pour éviter que des fentes apparaissent ultérieurement soit 20%), il n’était pas question de le laisser choir sur le sol, car il risquait de pourrir au contact de l’humidité. De plus, il est à noter que la fibre est respectée.

    Les autres essences, autres que le chêne et le châtaigner, comme le sapin et  le merisier sont utilisées. J.J. Cazaurang rappelle que des spécimens vieux de deux ou trois cents ans ont résisté à des attaques d’insectes xylophages. Cette résistance serait due à la « manière et à l’époque de l’abattage que les anciens savaient calculer. 

    Autres éléments, les coyaux, « petites pièces de bois qui, fixées sur les chevrons à une certaine distance de la base de ceux-ci, s’en écartent et débordent le mur sur l’extérieur duquel, elles reposent. Les coyaux adoucissent la pente de la partie inférieure du toit » donnant à la toiture « un certain charme ». Les coyaux ont l’inconvénient d’utiliser davantage de bois, ce qui ne gêne pas les zones densément boisées, mais handicape les autres.

    Pour les charpentes à fermes chevrons, le coyau est un embellissement familier, alors que si le toit est continu, il peut jouer le rôle de protection d'une galerie. 

     Pour le chevillage, très utilisé dans les assemblages de pièces, on utilisait également le bois de chêne, et aussi l’acacia à partir du XVIIIe siècle, date de son expansion dans la région. » [27]

     

       En ce qui concerne les charpentes des granges, elles sont élaborées en demi-croupe au droit du mur pignon. « Cette disposition permet de percer au sommet du mur le outeau ou la claire voie qui favorise le séchage des récoltes ou du fourrage stockés dans le fenil. » [28]

    3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

    3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

    3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

    Trois photographies d'une charpente d'un bâtiment agricole à Las Claverie.

    3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

    Les éléments d'une charpente, source : Wikipédia, article: charpente.

     

     Les lucarnes

    Les toitures, par l’importante surface des combles qu’elles offrent, conviennent pour abriter des greniers dans les maisons afin de ranger, de stocker (sorte de débarras)  ou, dans les granges, de loger du fourrage, des grains… Dans les deux cas, il est nécessaire de prévoir que l’humidité et la pourriture ne s’installent pas. A cette fin, des ouvertures sont établies pour permettre d’aérer et d’éclairer ces parties, ce sont les lucarnes. Leurs dimensions, leurs nombres et leurs formes diffèrent. Communément, un faîtage à deux pentes suffit pour les lucarnes fenêtres, ce que l'on nomme aussi lucarne en bâtière.

    Dans un souci esthétique, ce faîtage est agrémenté d’un versant nommé croupe, généralement triangulaire (croupe droite) ou arrondie (croupe arrondie). La lucarne peut être aménagée sur la façade dans un fronton maçonné. Ce type se trouve globalement dans le Nord du Béarn où on trouve, comme à Arzacq, des lucarnes à capucines (croupe arrondie présentant une capuche de moine). Dans le Vic-Bilh et le Montanérès, la lucarne-fronton est placée « à l’aplomb de la porte d’entrée » et souligne « l’axe de la façade ». [29]

    3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

    Lucarne à capucine aménagée sur une toiture d'un bâtiment agricole à Las Claverie.

    Toujours dans un souci ornemental, on multiplie leur nombre afin d’offrir une vue agréable à la toiture.

     La lucarne avec sa toiture couvrante a le mérite d'amoindrir la chaleur produite par le soleil en été et ainsi limiter la température sous les combles. 

     En ce qui concerne les granges et les étables, elles font également office de portes pour permettre de stocker les marchandises. Souvent, les matériaux de construction diffèrent : à la base, la pierre domine alors que le faîtage est en bois.

    Dans le Haut-Béarn, les granges détiennent une ouverture en pignon sous le toit, elle a une forme de demi-lune. Son rôle est de permettre l’aération de la salle et de ventiler le foin. N’oublions pas que la zone est humide.

     

     Les bardages

    Ce que l’on nomme bardage correspond généralement à une protection provisoire autour d’un ouvrage d’art. Pour ce qui nous intéresse, il est souvent constitué de planches que l’on habille parfois les façades de bâtiments, par conséquent un revêtement. 

    Le mot « bard » est un objet du XIIIème siècle composé de lames de bois assemblées pour transporter des matériaux lourds.
    On pose ces bardages verticalement afin de protéger la bâtisse de l’eau de pluie. La largeur des planches avoisine 15 cm, lors de leur pose, on prend soin de les mettre bord à bord et de couvrir les jointures par de minces lattes. L’armature des bardages est également fréquemment en bois, les deux sont liés par des clous. L’ossature s’appuie soit sur une poutre, soit sur un plancher.

     

    Les galeries

    Pour ce qui nous concerne, c’est un passage de service, relativement étroit et en surplomb. Les arcatures sont portées par des colonnes ou des poteaux. On les positionne le plus souvent aux côtés sud ou est, particulièrement sur une façade secondaire. Leur usage consiste soit à desservir les pièces  soit à stocker des récoltes.

    Des galeries sont édifiées en encorbellement et reposent sur des jambes de force, des corbeaux les supportent alors. Il existe un autre type de galeries, des poteaux les  supportant. Ces dits poteaux reposent sur des socles en pierre afin d'éviter de subir toute infiltration d'eau.

     

    Les murs

      Les béarnais ruraux, comme quasiment tous les paysans français, édifiaient seuls ou avec l’aide de la collectivité pour y parvenir plus aisément (financièrement, matériellement…).

    Les fondations étaient peu profondes généralement, mais cela dépendait de la qualité du terrain. Un mètre est la règle, s’il est nécessaire qu’on creuse davantage. On s’arrange pour élargir plutôt les fondations et la largeur des murs, de l’ordre de 0,50 m. Ces 0,50 à 0,55 m correspondent à l’ancienne coudée. La norme est d’incurver le centre des fondations pour y couler du mortier, puis on dispose, par exemple, les galets dessus en prenant soin de les « immerger » et de les séparer les uns des autres.

    La réalisation de murs épais répond au besoin de se passer « d’organes de raidissement autres que les chaînes d’angles ». Ces dernières sont « constituées de gros blocs qui ne sont taillés que sur trois faces, sont en grès ou en calcaire… il arrive que les constructeurs… aient fait l’économie de ces éléments… les murs ont une hauteur moyenne de 3,60 m à 4 m dans les maisons à rez-de-chaussée, et de 5,80 m à 6,60 m dans les maisons à étage », ceci particulièrement dans le Vic-Bihl et le Montanérès. [30]

    Les maisons des trois vallées montagnardes béarnaises ont été construites très majoritairement en pierre depuis très loin dans le passé, ce n’est pas le cas des maisons du bas pays, faites durant longtemps avec des matériaux dits périssables (bois, chaume…).

     La terre crue.

       Considérée comme un matériau moins durable, elle sera néanmoins utilisée durant des siècles sous forme d’adobe, de pisé ou de torchis.

    Dans l'Aquitaine, elle a été le matériau dominant dans une zone qui s'étendait du Haut Armagnac au plateau de Lannemezan. [31]

    Pour ce qui concerne la terre, elle représente avec le galet, le matériau le plus usité pour le gros œuvre.

    Elle permettait d'édifier des bâtiments de trois niveaux si on utilisait la technique du pisé « banché », les murs étaient larges de 50 à 70 cm,

    En ce qui concerne l’adobe, on peut la définir comme de l’argile séchée que l’on a mélangée avec de l’eau et un liant comme de la paille, on obtient alors des blocs ou des briques que l’on sèche au soleil. On l’étaye par des armatures de bois et on l’utilise fréquemment pour dresser les murs de faible épaisseur des granges. Afin d’éviter que l’humidité occasionne des dégâts sur la base des murs, ces derniers sont dressés sur un solin de maçonnerie. On alterne, par exemple, des assises de galets et des briques crues.[32]

    Quant au pisé, c’est de l’argile légèrement humide (J.J. Cazaurang précise : … tapie, … fait de terre tassée, avec le sable et séchée »[33]) que l’on coule dans des moules de bois ou entre des branches. Pour Claude-Jacques Toussaint,[34] ce matériau est utilisé pour les « constructions de peu d’importance et des bâtimens ruraux » surtout dans les régions du sud de la France. Mais il conçoit que son usage serait possible pour des constructions «  moyennes » si on opère « quelques amalgames et d’un plus grand soin dans sa confection. » Pour le même auteur, la terre doit être graveleuse et peu mouillée.

    On compacte  la terre dans un coffrage par le biais d’une dame. Ce coffrage est de taille réduite ce qui permet de le déplacer lors de l’édification du mur. Le coffrage doit être solide pour tasser le mélange. Tasser permet d'éviter toute poche d'air. Le mur a une largeur supérieure  à 50 cm vu que le damage de la terre à l’intérieur du mur s’avérerait problématique. Les banches (panneaux de coffrage) sont garnies de terre par couche d’une épaisseur avoisinant les 10 à 25 cm. On décoffre lorsqu’on sent que la banchée est achevée, même si la terre reste encore humide vu que la teneur en eau doit avoisiner les 10 %. Si la terre est trop mouillée, elle risque de s'écouler au travers du coffrage. A l’opposé, si elle n’est pas assez humide, la terre ne se lie guère. Dans l'ouvrage cité plus haut, « Les Pays aquitains », les auteurs font mention de « coffrage démontable de quatre mètres de long environ, sur un mètre de hauteur ». De plus, ils précisent que le tassage sur les angles se pratiquait avec un pilon avec un côté pointu. En conséquence, on monte les murs petit à petit afin de les laisser sécher suffisamment.

    Lorsque l’enduit est absent ou en partie apparent, les murs de pisé dressés à l’aide du  banchage sont visibles à l’œil nu.

    Si la technique de confection des murs de pisé est a priori économique, sa lenteur peut être jugée comme un frein. Dans la région de Thèze, on lui préfèrera l’adobe, ou la brique crue.

     

    Enfin, pour ce qui concerne le torchis, on peut le définir comme de l’argile mélangée avec des fibres végétales comme de la paille hachée ou du foin coupé que l’on utilise pour garnir l’armature de poteaux liés par des lattes. J.J. Cazaurang écrit : « Mêlée à des végétaux, herbes séchées, paille, plus tard épis de maïs vidés des grains, soutenue par une armature de petits rondins ou par un lattis, elle fut le composant  principal du torchis (coulounat, tampat, passa-canat) formant parfois des murs de soutien et beaucoup plus souvent des cloisons de séparation. »[35]

    Fréquemment, on privilégie la paille de blé ou le chaume, « groupée en minces faisceaux et torsadée autour de liteaux maintenus dans les poteaux du pan-de-bois… mais on trouve également des branchages minces et des feuilles maintenus par des lattis. »32

    Les avantages de la terre crue sont la rapidité de réalisation, un coût moins élevé (extraite sur place) et une facilité d’exécution qui explique que les propriétaires eux-mêmes pouvaient s’y atteler. Une mare naît sur l’emplacement de l’extraction de la terre. A la fin du XVIIème siècle, on mentionne à Lembeye que près de la moitié des maisons sont réalisées avec du torchis.

    Claude-Jacques Toussaint mentionne que « La terre grasse seule, détrempée, sert de mortier pour lier les moellons des constructions rurales, et parfaitement  des clôtures ; quand on y ajoute une petite quantité de chaux, ce mortier devient assez solide. » [36]

    Par expérience, on sait que la terre crue sous toutes ses formes est un matériau fragile, ce qui explique que la protège par un enduit. Mais ce dernier a l’inconvénient de mal adhérer. Ce qui explique que l’on privilégie son usage pour la confection des granges. Le torchis, par exemple, est utilisé pour les cloisons d’intérieur.33

     

     La pierre (peyre).

       La pierre est le matériau de construction qui confère à son propriétaire le plus de prestige, mais qui s’avère également le plus onéreux. Ceci explique que ce sont les gens fortunés qui entreprennent l’édification de maisons avec ce dit matériau. Par conséquent, outre l’Etat, ce sont des gens issus de la noblesse, du clergé ou de la bourgeoisie qui sont les commanditaires.

    J.J. Cazaurang [37] cite les grands centres d’extraction : « Arudy, Gabas, Izeste, Laruns, Louvie-Juzon, Louvie-Soubiron, Lurbe, Arette pour le calcaire gris ; Arros-Nay, Bosdarros, Cassaber, Orthez pour le calcaire blanc ».

    Il est à signaler à ce propos qu’à l’époque on ouvrait aisément de nouvelles carrières selon les besoins.

     Généralement, pour édifier un mur, on dresse deux parements de pierre de taille qui enserrent un blocage constitué également de rejets de pierres. Si le mur est relativement haut, comme on en trouve dans les villes, on réduit la largeur au fur et à mesure qu’on l’élève ceci en écartant tout blocage. Pour les édifices militaires, il va de soi que l’architecte prévoit d’augmenter les moellons de blocage.

    Pour les murs en pierre que l’on trouve surtout en montagne et dans les « portions de colline ». Si la pierre calcaire est rare dans les « grandes vallées » et dans la plupart des collines », ce n’est pas le cas de l’argile. Les murs reposent sur des fondations, comme cela a été écrit précédemment, peu profondes. Les gisements sont dans l’ensemble locaux.

    Globalement, elle servait parfois à la construction de cheminées, d'encadrement des portes et des fenêtres, remplaçant alors les linteaux et les jambages en bois (en l’occurrence, on usait des pierres tendres afin de mieux les façonner) ou de fondations. On la retrouve également en forme de boules au-dessus des piliers des portails. Le souci de la pierre béarnaise apparaît lorsqu’elle est employée dans certains usages comme dans les portes à faux du procédé en ronde bosse.

    On se met à utiliser les galets roulés provenant des lits des gaves, des ruisseaux ou de gravières, et on remplace le chaume soit par les tuiles, soit par l'ardoise selon la localisation, par exemple le nord du Béarn pour la tuile, car éloigné de la montagne. On emploie plus fréquemment la pierre taillée pour les encadrements de fenêtres. En montagne, on utilise des galets et les pierres de carrières cassées tandis que sur les coteaux, on se sert de moellons de calcaire blanchâtre que l’on taille de manière sommaire pour bâtir les murs.

    Selon J. J. Cazaurang la pierre « dure et façonnable en gros moellons, néoulous, peut s’ordonner à plat, de niveau, en liaison, cette disposition est mise en place. Elle nécessite peu de mortier, à la limite de la maçonnerie à sec. » Ce type de procédé se trouve dans les vallées montagnardes. Par contre, la « pierre à cassure irrégulière entre dans l’érection des murs en opus incertum sans être ordonnée et avec un minimum de liant. » Son usage est avéré « en montagne, … le long des coteaux entre les deux gaves, de Gan à l’est de Salies-de-Béarn à l’ouest. » [38]  

    Toujours, selon le même auteur, ces murs sont en «  en moellons pris dans un mortier dans un mortier composé de chaux naturelle et de sable terreux. Les moellons sont des pierrailles de forme plus ou moins régulière, sauf dans le soubassement pour lequel on choisit de préférence des blocs à surface grossièrement horizontale ».

    Quant aux chaînages d’angle, ils sont réalisés avec des « moellons plats de grandes dimensions » ou avec des « pierres de taille » croisées dans le but d’occasionner un point bien assuré au niveau de l’agencement.[39]

    Mais il s’avère qu’ils sont peu nombreux, comme d’ailleurs les encadrements d’ouverture réalisés plutôt en bois.

     Chronologiquement, il apparaît que c’est par la confection des murs qu’une évolution de l’usage des matériaux s’affirme. 

     

    Les galets (calhaüs,arrebots) sont des matériaux très présents en Béarn (formés par les rivières, les gaves, lors de l’ancien emplacement de la mer). Jean Loubargé précise qu’il est très répandu dans les « grandes vallées  (il affleure dans les saligues) que dans les terrasses et collines argileuses où il n’est jamais à grande profondeur. »

    Leur usage dans la confection des murs s’explique, par conséquent, par leur avantage financier. Leur aspect arrondi et lisse contraint le constructeur à utiliser du mortier pour lier les galets. Leur utilisation est attestée à partir du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle. Auparavant, les maisons sont bâties avec d’autres matériaux plus communs comme la terre et le bois. Vu la quantité de galets extraits des gaves, il arrivait que des procès soient intentés par les propriétaires riverains, mais aussi entre des particuliers et les seigneurs qui utilisaient également ce matériau dans la construction ou la réfection de leurs châteaux ou manoirs. Le seigneur de Saint-Dos est cité en exemple, car il fut sanctionné en 1728  pour une exploitation jugée excessive. En effet, Jean de Majendie, soucieux de restaurer ce château, en majorité de style Renaissance, le fit avec des galets du gave, ce qui occasionna un procès perpétré par les jurats d’Auterrive. Le seigneur qui perdit l’affaire dut verser 400 livres d’amende.

     Les galets sont utilisés dès la confection des fondations comme on l’a vu plus haut. Ils permettent une meilleure stabilité.

    Dans l’édification du mur, ils doivent être disposés selon un alignement en hauteur. Cette mise en œuvre de rangs de galets s’explique par la qualité du mortier et sa consistance. S’il est trop fluide, les galets glissent sur lui et tombent. De plus, il tarde davantage à sécher.

    Or, avant le XVIIIe siècle le mortier utilisé dans la campagne béarnaise n’est pas de bonne qualité vu que la chaux utilisée est le résultat d’une mauvaise préparation dans les fours à calcination existants de conception rudimentaire. Actuellement, dans les Landes, cinq fours à chaux datant du XVIIIème siècle ont subsisté, dont celui d’Oeyregave qui faisait vivre près de 200 personnes, et ce,  jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Ce qui explique que seuls les individus fortunés étaient à même de se procurer des matériaux de plus grande qualité avant le XVIIIème siècle. De plus, comme l’écrit Jean Loubargé, la chaux hydraulique, qui se développe à partir du XVIIème siècle, permet au mortier de sécher plus vite (deux jours) permettant ainsi d’utiliser des galets roulés et de bâtir des maisons moins onéreuses lors des XVIIIème et XIXème siècles.

    Plusieurs types de dispositions existent.

    Alignés en « feuille de fougère » ou en épi ou encore en « arête de poisson », les galets reposent sur une couche de mortier. Les rangées sont disposées de manière oblique et en sens inverse les unes des autres.

    3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

    3) LES ELEMENTS DE CONSTRUCTION D'UN BÂTI ET LES MATERIAUX

    Deux photographies d'une maison à Bugnein, rue Fougère: mur de galets en feuilles de fougère.

    Il est possible aussi de mélanger les galets à des morceaux de roches plates nommées lavasses.

     Les galets peuvent également être assemblés à l’aide de torchis comme cela se produit dans le Vic-Bilh. Il est par ailleurs possible d’ajouter que dans cette région du Béarn (dans la partie nord du Béarn globalement) où on alternait aussi les rangs des galets en les inclinant dans un sens avec un autre complètement opposé, on les séparait par un bandeau de briques plates pour rétablir l’arase à intervalles réguliers.

     Dans la fiche technique éditée par CAUE 64 on peut lire « Les galets sont posés de manière à éviter l’alignement vertical des joints qui provoquerait une fissuration (coup de sabre)… Enfermée entre les deux faces extérieures, cette garniture mortier/éclats de galet se fait sans souci d’ordre (la fourrure).[40]

     Léon Godefroy, au XVIIe siècle, décrit Pau et notamment la façon de construire les maisons. Voilà ce qu'il écrit : « La manière dont on les bâtit est de cailloux qui se prennent dans le gave, lesquels on unit par ensemble avec du mortier, et les coins des maisons étant achevés, on les laisse quelques années à l'air, ce qui les fait mieux porter et puis on les crépit. » [41]

     

    La brique

       Les Romains l’introduisent en Béarn, on observe particulièrement son usage aux châteaux de Morlanne et de Pau (tour de Montaner) par exemple. Comme nous le rappelle J.J. Cazaurang si on la retrouve dans des bâtiments à caractère militaire comme ceux que l’on vient de mentionner, on l’observe aussi sous « une forme de médiocre qualité et de moindre taille, avec le nom de sarrou, on la voit dans les assises, les voussoirs, noyée dans le mortier de l’opus incertum en complément de la pierre, dans les constructions civiles et religieuses, principalement urbaines. » [42] Il rajoute que dans les contrées béarnaises où la pierre est relativement absente comme le Montanérès et le Vic-Bilhl,  elle est « fréquemment utilisée en dalles pour le revêtement des sols des rez-de-chaussée habités. Il en est sans décor, mais il en est aussi qui porte un motif (étoile, oiseau, cercles, etc). » [43]

     

    Pour sa réalisation, les Romains (particulièrement Vitruve) conseillaient d’opter pour les saisons intermédiaires (printemps et automnes) pour que le séchage s’effectue correctement, davantage qu’au moment de l’été. Car lors de cette saison, un rétrécissement et un fendillement peuvent se provoquer à la suite d’un mauvais séchage.

    En apparence, la brique cuite est épaisse de 3 cm approximativement. Point de dimensions types.

     

     Les autres matériaux comme la chaux de mortier sont composés pendant longtemps dans des fours de fortune, par la suite, on chercha à davantage utiliser les calcaires les plus réputés comme ceux d’Arudy ou Orthez…J.J. Cazaurang  précise que « les calcaires de la partie du Béarn au sud de la vallée du gave de Pau se sont prêtés sans difficulté à la cuisson et à la construction « à chaux et sable », indice de solidité. » 41 Le sable, lui, est abondant dans le Béarn le long des gaves et les sablières de grande renommée étaient la propriété de plusieurs riverains. La qualité et la solidité de l’habitat dépendaient du sable. Pour réaliser une maçonnerie correcte, le mortier devait correspondre à l'expression "à chaux et à sable."

    En ce qui concerne la fabrication de la chaux vive (oxyde de calcium), des Béarnais s’y attelaient pour leur usage personnel. Un trou dans le sol suffit, on y introduit des morceaux de pierre calcaire. Sinon, on passait commande à des professionnels utilisant des fours.

    Normalement, les proportions de sable et de chaux sont trois brouettes de sable pour un sac de chaux.  On obtient alors un mortier fin (moins solide que celui du mortier de ciment) mais qui a permis à des constructions telles que les châteaux de résister près de mille ans.

    Certains documents attestent, que pour réaliser du mortier, on mélange du sable, de la terre et du crottin, notamment de cheval.

     Comment se présente un four à chaux ? Schématiquement, il se présente comme un gros pot en brique comportant à la fois une ouverture au sommet et à la base. L’artisan introduit du petit bois au fond du four et il comble tout le reste de l’intérieur par du charbon et de la pierre à chaux en couches alternatives.

    Par conséquent, pour la fabrication de la chaux, il est nécessaire d’avoir une carrière de pierres calcaires et une forêt dans les environs. Même si les gisements ne sont guère trop éloignés, le transport par chars à bœufs depuis la carrière ou de la forêt est à prévoir. Bien entendu, de la capacité du four découle le nombre de chars. Et ce four est implanté si possible près d’un carrefour des axes menant auxdits gisements afin de réduire les coûts de livraison, ou du moins aux abords d’un chemin.

    Il existait, en Béarn, deux grands centres de production de la chaux : Orthez et Montaut. Dans celui-ci, les fours sont fixes, souvent de taille avoisinant les 3 m de diamètre et les 4 m de hauteur. On usait de la pierre non calcaire - elle n’aurait pas résisté à la chaleur - pour les murs, en forme cylindrique, et réfractaire pour la voûte (les plus longues, nommées les « ligues »). Afin d’économiser un mur de fond et assurer une plus grande résistance à la charge, on l’implantait contre la pente. Les propriétaires veillaient à les placer non loin de leurs habitations. Les carrières sont de deux sortes, privées (généralement des propriétés d’agriculteurs, leur assurant ainsi un revenu complémentaire) ou communales. Pour l’exemple, prenons une fournée de 30 chars de pierres calcaires, le procédé de fabrication de la chaux consiste à disposer les pierres calcaires dans la chambre de combustion (une journée de travail) et de la chauffer durant une semaine approximativement, jours et nuits. Les chaufourniers observent la fumée qui doit être blanche. Au bout de la semaine, la combustion se termine, le haut du four est brûlé par les flammes. Pour la vérification, on extrait une pierre avec des pincettes et on l’asperge d’eau. Si elle se fend après avoir bouillonnée, elle est cuite. Autre moyen de contrôle, lorsque la voûte s’écroule, les pierres se sont transformées en chaux.  A ce moment-là, on obstrue la porte du four avec une motte de terre et on protège son sommet de la pluie. Quelques jours après son refroidissement (trois jours généralement), on l’extrait. On obtient alors de la chaux hydraulique naturelle contenant de l’hydrocyde de calcium (ca(OH)2) ou « chaux éteinte » et de la silice (siO2).

    Le travail est pénible vu qu’il s’effectue à n’importe quel temps et saison.

    A Montaut, il est encore possible d’observer des restes de fours à chaux sur la route en direction de la carrière de la Castéra.

     On distingue globalement deux catégories de sable, celui de rivière (bonne qualité) et de carrière (moins bonne qualité). En ce qui concerne les galets, distinction est faite entre ceux que l’on considère de qualité inférieure, ceux que l’on trouve dans la terre, tandis que ceux que l’on extrait dans les cours d’eau sont qualifiés de supérieurs. Jean Loubargé différencie les galets selon la couleur : gris foncé vu la composition de silex ou de quartzite (le plus apprécié), jaunâtre correspondant généralement au grès détenu, mais peu utilisé, car il s’effrite. [44]

     Autre possibilité pour obtenir du liant entre les galets, surtout dans les sols argileux, on extrait du sol de la combe comme cela se faisait dans le Vic-Bilh. Le propriétaire du lieu profitait ainsi du bassin obtenu pour y faire barboter ses canards dans cette mare improvisée.

     

     En ce qui concerne les fondations, elles sont peu profondes puisqu’en général si on creuse on touche rapidement la roche dans maints endroits, notamment en montagne car la maçonnerie résiste par sa masse et qu’elle procurerait davantage de travail. Dans le Vic-Bihl et le Montanérès, il est d’usage de faire des fondations pour les maisons de 60 à 70 cm de profondeur, de même qu’en largeur. « Parfois une assise de briques ou d’ardoises est intercalée entre la fondation et le mur pour garantir celui-ci de l’humidité. » [45]

    Par contre, si on ne tient pas trop compte de la compacité du liant et des matériaux trop poreux, on se trouve rapidement confronté à un problème grave, celui des remontées par capillarité qui rend les maisons humides et forcément malsaines.

    Il existe une ordonnance prise le 29 octobre 1685 relative aux fondations des bâtiments. [46]:

    « Tous les murs en fondation depuis le bon et solide fond jusqu'au rez-de-chaussée des rues ou Cours, seront construits avec moellons et libages de bonne qualité, bien ébouzinés ; les lots et joints piqués et élevés d'arrase et liaison jusqu'au rez-de-chaussée, lesquels murs en fondation seront maçonnés avec chaux et sable, et d'épaisseur suffisante pour l'élévation qu'il y aura dessus, observant d'y mettre des parpins et boutisses le plus qu'il se pourra. Il est pareillement ordonné que le mortier soit fait et composé de bon sable graveleux, dans lequel le  mortier entrera les deux tiers de sable et l'autre un tiers de chaux éteinte.

    Les murs qui seront élevés au-dessous du rez-de-chaussée avec moellons et mortier de chaux et sable, seront de pareille qualité que ceux des fondations ci-dessus, en y observant les retraites ou empattements au rez-de-chaussée ainsi qu'il est d'usage.

    Ainsi le mur de fondation qui aura deux pieds (soixante-cinq centimètres) d'épaisseur, portera au rez-de-chaussée un mur de dix-huit pouces (quarante-neuf centimètres), lequel sera posé au milieu de l'épaisseur du premier, de manière à laisser déborder celui-ci de trois pouces (quatre-vingt-dix-huit millimètres) de chaque côté. Il ne sera fait ni construit de gros murs en fondation maçonnés avec plâtre.

    Quant aux murs que l'on construira avec moellons et plâtre au-dessus du rez-de-chaussée, on observera de même de piquer et tailler les moellons par assises mortiers de chaux et sable, vulgairement appelés de limozinerie, dont le plâtre que l'on emploiera à la construction desdits murs sera passé au crible ou panier. Défense d'en user autrement à l'avenir, à peine d'amende contre les ouvriers contrevenants, et de démolition de leurs ouvrages.

    Et, pour plus grande solidité auxdits murs élevés en plâtre au-dessus du rez-de-chaussée, on posera au dessus dudit rez-de-chaussée une ou deux assises de pierre de bonne qualité, et principalement aux murs de pignon. »[47]

     Dans « le fond des vallées,  sur les gravières sensibles aux infiltrations lors de la  crue des eaux »  comme le note J.J. Cazaurang, il est nécessaire de réaliser des fondations plus profondes. Le même auteur constate que les caves ne sont pas nombreuses en Béarn et que les sous-sols  n’ont  pas été davantage affouillés, notamment sur les pentes des coteaux du Vic-Bilh.[48]

    Le crépi qui se généralisera  à partir du XIXe permettra à la fois d’imperméabiliser les maisons, mais aussi, malheureusement, de faire disparaître de la vue les pierres ou galets apparents.

    La disposition de l’appareil de maçonnerie des maisons à la fin de l’Ancien Régime en Béarn présente plusieurs types, par exemple la disposition oblique, en échiquier ou en feuille de fougère… Le maçon pose en oblique sur du mortier une rangée de cailloux de même gabarit et de forme allongée, et ce, sur les deux faces extérieures puis il complète encore avec du mortier, puis il comble l’intérieur de ces deux rangées de murs extérieurs par un mélange de mortier et de cailloux sans se préoccuper de l’esthétique. Il va de soi que l’on réserve les plus beaux galets pour le parement extérieur lorsqu’il est prévu de s’abstenir de crépir.

    Les petits galets sont destinés à combler l’espace entre les parements intérieurs et extérieurs. Ils sont nommés « sourroulhe ». Jean Loubargé ajoute que « pour assurer l’horizontalité des lits de galets mais aussi pour limiter la création de lézardes… », on incluait dans l’édification du mur des rangées de briques car « une rangée de briques horizontales faisait toute l’épaisseur du mur ». Ou alors, « on mettait à intervalles réguliers, des lits de galets plus gros, en position croisée… »[49] De plus, en ce qui concerne les chaînes d’angles, elles sont réalisées par des « grandes briques, de plaques horizontales de grès ou de pierres de taille. »

    Pour l’encadrement des ouvertures, le maçon les réalise de concert avec le mur. 

    La disposition des galets en « feuilles de fougères » est davantage le lot des fermes riches. Si elle offre à l’observateur une vision agréable à l’œil d’une structure décorative harmonieuse, elle n’a pas qu’un but esthétique, elle permet, en effet, de fixer plus le mortier.

     Les dangers de ce type de matériau étaient l’apparition de lézardes verticales, d’écartèlement des parements si l’édification avait été plus ou moins bâclée.

     Un balcon est ajouté parfois, on le nomme « l’arrayou ». Il est positionné, dans le Vic-Bilh par exemple, à l’arrière du bâtiment. Il peut servir à faire sécher le linge, la récolte (maïs par exemple… On emploie du chêne ou du châtaigner, matériaux que l’on emploie dans l’édification des galeries de bois à l’étage, vu les qualités qu’on leur prête, c’est-à-dire leur longévité  et leur endurance à l’humidité. Elles aussi sont établies au sud ou à l’est afin de sécher les récoltes, mais également dans le but de desservir les pièces.

     

    Le sable

       Il existe trois catégories de sable dans la confection du mortier. D’abord, celui que l’on extrait des plaines et des carrières, mais souvent, il est mêlé de terre et, selon Claude-Jacques Toussaint [50], il est nécessaire de connaître la quantité de terre contenue. Dans ce but, on mélange du sable et de l’eau et on doit bien remuer, si l’eau « reste limpide, le sable est pur et très bon dans l’emploi. » Par contre, si l’eau devient «  épaisse et bourbeuse », la qualité est dommageable. En fait, d’après l’auteur, le « bon sable » doit « crier et ne rien laisser dans les doigts après la pression ». Ce sable de carrière se prospecte surtout sur les flancs des collines dans lesquelles la roche est friable et dans les zones d’affleurement éocènes.

    L’autre catégorie de sable se trouve dans les ravines. Ce sable a été « entraîné des montagnes dans les vallées et dans les ravins par les eaux pluviales ». Il est bon s’il est dégagé de la terre. La dernière sorte de sable est celui en provenance des rivières et constitue le meilleur composant dans la réalisation du mortier. On le recueille dans des « cavités » faites par les hommes, on y entasse des galets et, puis, on le lave. Cette catégorie de sable ne se trouve pas en abondance dans tout le Béarn malgré l’importance des cours d’eaux. Dans certaines parties de la province, ces derniers n’ont pas assez de puissance. Il faut savoir que les seigneurs devaient accorder leur autorisation d’extraction.

    Or, en Béarn, ce matériau se trouve plus abondamment près des cours d’eaux dont les gaves et il est extrait soit par des propriétaires qui exploitent leur gisement à des fins mercantiles, soit par des communes. Ces dernières, d’après J.J. Cazaurang, autorisaient des « particuliers ayant des besoins limités, soit à l’affermage par des spécialistes qui en faisaient une ressource, principale ou accessoire. » [51]

    La couleur est différente selon les contrées, par exemple le sable aux environs d’Oloron est plus foncé que celui de Pau. Cette différence provient des éléments du charriage des cours d’eau. Quant à celui extrait des carrières est plus jaune.

     

    Le bois

       Il est utilisé pour les charpentes, les linteaux des portes, l’encadrement des torchis. J.J. Cazaurang note que pour les linteaux, ceux qui ont peu de moyens financiers se contentent d’un tronc d’arbre - le plus souvent d’un chêne, vu que le châtaigner a l’avantage de jouer le rôle de répulsif vis-à-vis des insecticides, mais qu’il a l’inconvénient d’éclater au lieu d’user de la pierre qui serait taillée par un tailleur professionnel. Par contre, la mise en place de ce dit tronc doit être réalisée par un professionnel. Le même auteur précise que « les travailleurs du bois respectaient la fibre de la pièce pour ne pas lui « couper la force ». Ils refendaient, ils équarrissaient plus qu’ils ne sciaient. Ils assuraient les assemblages par chevilles en bois, remplacées plus tard par les clous, pointes, fiches et boulons de fer. » [52]

    Généralement, le chêne est réservé pour les charpentes, les poteaux, les solives… Alors que le châtaigner est davantage débité en planches… Mais cela n’est pas une obligation. [53]

    Pour les cloisons, dans le Vic-Bilh et le Montanérès, l’armature est constituée d’un pan-de-bois. Ce dernier est composé de « simples poteaux, rarement découpés par des décharges, dont les intervalles réguliers et rapprochés (30 à 50 cm) ne sont interrompus que par les encadrements des portes de communication. Entre les faces internes de ces poteaux sont fichées des petites pièces de bois, d’équarrissage irrégulier, qui maintiennent en place le hourdis de torchis… Ces pans-de-bois… sont toujours masqués par un enduit qui est le même utilisé pour les murs de maçonnerie, et les diverses pièces de bois sont marquées de petites encoches destinées à accrocher cet enduit. »

    Pour ce qui concerne les autres essences (frêne, acacia, buis…), elles servent dans la fabrication d’escaliers, de loquets de porte…

    Pas de peintures sur les parties extérieures pour les Béarnais incapables de dépenser davantage pour l’embellissement de leur maison, ils tablaient sur la longévité du matériau. C’est au XIXème siècle que l’on utilisera de l’huile de lin. 

     

    Les enduits (perboc, esparberat)

    Souvent, les lits réguliers de galets offrent une structure décorative suffisante et restent, par conséquent, apparents. Mais les murs peuvent être enduits d’un crépi, notamment lorsqu’ils sont réalisés avec des moellons.

    J.J. Cazaurang mentionne que les enduits extérieurs sont peu présents sur « les murs de montagne où la partie laissée au mortier est faible ».

    Aujourd’hui, les propriétaires cherchent plutôt à enlever le mortier de chaux vive qui couvrait les façades dans le but de laisser apparaître soit les moellons, soit les galets pour donner à la structure une connotation plus ancienne. Cela provoque d’ailleurs plutôt des conséquences négatives comme le déséquilibre plastique des murs.

    La chaux est le matériau le plus usité pour enduire les murs. Dans le Vic-Bilh, elle est de teinte beige foncé.

     Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, en août 1767, constate à Salies-de-Béarn que les murs non appareillés sont élevés à la chaux et au sable coloré : « La terre est forte, profonde, humide et argileuse. On y voit de tous côtés des carrières de sable blanc, jaune et rouge dont on se sert pour élever des murs solides. »[54]

    Comme la pierre, physiquement, chauffe plus vite que le liant, cela occasionne une dilatation. Les joints que l’on appose entre les pierres subissent un ravinement lors des pluies. Ce qui explique la nécessité de l’enduit. Les mots crépi et enduit apparaissent en France au début du XVIème siècle. On ne projette pas l’enduit, on l’applique avec une truelle en une couche d’épaisseur voulue. Cette nécessité d’enduire est devenue une obligation, à Paris, suite à l’incendie de Londres, un an auparavant. En théorie, depuis l’Ordonnance de police du 18 août 1667 décrétée par le bureau des finances de la capitale, sous Louis XIV, il est stipulé que les façades à pans de bois doivent être recouvertes de plâtre à chaux. « … Enjoignons aux propriétaires de faire couvrir à l’avenir les pans de bois de latte, clous et plâtre, tant en dedans qu’en dehors, de telle manière qu’ils soient en état de résister au feu, autrement et à faute de ce faire, et en cas de contravention à ce que dessus, seront, lesdits propriétaires et ouvriers qui travailleront auxdits bâtiments, condamnés à cinquante livres d’amende… et les ouvrages abattus et démolis à leurs frais et dépens… »

     Le lait de chaux est obtenu avec de la chaux éteinte (hydroxyde de calcium) qui est le résultat d’un mélange d’une chaux vive laissée longtemps à l’air libre et de l’eau. D’ailleurs, ce procédé n’est pas sans risque vu qu’une relative importance de chaleur se dégage alors.

     Avant l’époque moderne, les bâtiments que l’on réalise en pierres sèches liées plus ou moins par de l’argile souffrent de l’ « attaque » intrusive des racines de plantes qui s’immiscent dans lesdites argiles ou pierres pouvant disloquer les murs. Les autres types de liant (torchis…) sont également touchés par les intempéries.

    La chaux offre plusieurs avantages tel le durcissement « obtenu par obtenu très lentement par carbonation atmosphérique, suivant la réaction : Ca(OH) 2 + C0 2 - » CaC0 3 + H 2 0 Portlandite (chaux éteinte) + gaz carbonique -» Calcite + Eau.)[55]  

    La chaux est le résultat de la cuisson à une température qui avoisine les 800 et 1000°.

     Les enduits à la chaux offrent par conséquent plusieurs avantages : la protection face à toutes sortes de conditions atmosphériques (neige, pluie, vent), la plasticité, la souplesse qui évitent la déformation. Le mur peut respirer, l'humidité est régulée, les pièces intérieures profitent de l'isolation thermique, les mousses, les lichens, les champignons, les parasites sont en partie éliminés par une de ses particularités, être un fongicide.

     Dans le livre, « Les pays aquitains », en ce qui concerne les murs de terre, il est fait référence à un enduit préliminaire constitué « de balle de blé mélangée à de la terre », puis l'usage de mortier de chaux pour le second enduit. [56]

     Le maçon procède à l’application de l’enduit sur les murs en plusieurs couches, généralement trois. Si la première est plus grossière (« gobetti »), servant davantage à aplanir.

    La chaux est utilisée particulièrement liquide vu que l'hydraulicité a le don d'assurer « la cohésion avec toutes les parties de maçonnerie. Le gobetti est appliqué de façon uniforme au jeté de truelle non lissé pour permettre l'accroche de la couche suivante. » [57]

    Celles qui suivent deviennent de plus en plus fines.  Afin que la seconde adhère mieux, l’artisan donne à la première couche des rayures ou des encoches. Quant à la seconde (corps d'enduit), elle sera plus épurée, moins hydraulique, appliquée à « la règle mais non talochée pour conserver une surface rugueuse », tandis que la dernière servant de finition peut être colorée.

    « L'hydraulicité progressive de l'enduit du gobetti à la couche de finition permet à la première couche de durcir plus rapidement pour assurer la cohésion de l'ensemble. Lors de la carbonation, le départ du CO2 forme un chevelu de micro canaux permettant à l'enduit d'évacuer tout au long de sa vie l'humidité et la vapeur d'eau tout en restant étanche à l'air et à la pluie. Au contraire, le durcissement du ciment, qui se fait par cristallisation, offre très rapidement un ensemble totalement étanche et non perméable à la vapeur d'eau. » 57Par conséquent, le durcissement qui s'opère se produit lentement, de plus le mur a la particularité de respirer convenablement. Autre avantage de l'enduit à la chaux, il supporte relativement correctement  les distorsions qui provoquent les fissures.

    On rappelle que c’est au propriétaire que revenait la charge, le plus fréquemment, l’apport des matériaux. Par conséquent, le transport de la chaux vive était assuré par des charrettes à hautes ridelles. Il ne restait donc alors qu’à la traiter en ajoutant de l’eau.

    Lorsque les travaux à réaliser s’avèrent peu importants on se contentait de fours à chaux adéquats.

     Les maçons démontrent leur imagination en esquissant sur les enduits des motifs comme des rosaces, des guirlandes…

     Ce que l’on nomme badigeon (mot datant de 1676)  est un enduit appliqué sans une couche préalable, donc directement sur la façade. Il s’agit le plus souvent de lait de chaux (dit aérienne car faiblement siliceux) que l'on taloche, que l'on lisse et que l’on teinte parfois. Autre avantage, celui d’éviter la poussière. Afin d’offrir un décor plus agréable à l’œil, il n’est pas rare de reproduire une ornementation de faux-appareil.

     Généralement, les murs des communs n’étaient pas enduits ou alors « couverts d’un enduit à pierre rase couvrant les joints au ras des têtes de moellons. » 40

     Si l’enduit est du mortier, Claude-Jacques Toussaint [58] la considère comme du crépi, il la décrit comme une composition d’un tiers de chaux éteinte et deux tiers de sable, le tout mélangé sans eau. Si le souhait est de réaliser un enduit, l’artisan doit faire une seconde couche en ajoutant du sable fin afin qu’elle soit plus fine.

    Il est appliqué sur le mur à l’aide d’une truelle de fer.

     Claude Jacques Toussaint précise que les «  badigeons colorés sont composés d’une laitance de chaux dans laquelle on introduit une certaine dose soit d’ocre jaune, d’ocre rouge ou de charbon pilé ; on y ajoute quelquefois  un peu d’alun pour le rendre plus solide… » [59]

    Le badigeon blanc se fait à la « chaux vive, et se pose à la brosse ou au balai »

     Pour la réalisation, l’artisan opère de haut en bas, avant de descendre et d’ôter l’échafaudage.

     

    Les échafaudages

        Les empous sont construits le plus souvent en bois par des charpentiers. J.J. Cazaurang nous écrit qu’ils utilisaient « les longues perches des arbres résineux locaux ligaturés avec soin sans que la fibre en soit rompue par entaille ou toute autre blessure ». [60] Lorsque le poids des matériaux sont trop lourds pour les porter sur le dos, on emploie les carruches, c’est-à-dire des poulies ou alors en usant des rouleaux et des leviers (ihebadés)  pour les mouvoir.

    Ils sont démontés lorsque le bâtiment est achevé ; on conserve alors le bois qui servira lors d’autres chantiers vu son prix important. Comme on peut le voir encore dans les églises béarnaises du Moyen Age  (ex : Lescar), on les montait par le biais des trous de boulin creusés sur les façades. Les éléments sont de forme ronde, pour les assembler on utilise des cordes.

     

     

     

     

     

     [1] J. Loubergé, la géographie des maisons rurales en Béarn, Revue de Pau et du Béarn, 1973, p. 213.

    [2] Aspects de l ‘Architecture en Béarn, Actes du colloque d’Arzacq organisé par la Fédération des oeuvres laïques des Pyrénées Atlantiques, Editions Ségur, 2000, p. 18.

    [3] Voyage d’un Bordelais en Béarn et en Labourd (Juin-Juillet 1765), publié et annoté par Paul Courteault, O. Lescher-Moutoué, imprimeur, Pau, 1910, p. 14.

    [4] Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Pyrénées-Atlantiques : Vic-Bilh, Morlaàs et Montanérès (cantons de Garlin, Lembeye, Thèze, Morlaàs, Montaner), Direction du patrimoine du ministère de la Culture, de la Communication, des Grands travaux et du Bicentenaire, Collectif, p. 65.

     

    [5] Pierre Bidart et Gérard Collomb , Pays aquitains, Paris, Berger-Levrault, 1984, coll : L'architecturale rurale en France », p. 33.

    [6] Duhamel du Monceau, Art du Couvreur, 1766, p. 2, Art du couvreur, par M. Duhamel Du Monceau | Gallica (bnf.fr)

    [7] Duhamel du Monceau, Art du Couvreur, 1766, p. 41, Art du couvreur, par M. Duhamel Du Monceau | Gallica (bnf.fr)

    [8] Histoire de Bearn et Navarre / par Nicolas de Bordenave,... ; publ. pour la première fois, sur le ms. original pour la Société de l'histoire de France par Paul Raymond | Gallica (bnf.fr,),  45-46.

    [9] J.J. Cazaurang, Maisons béarnaises, Musée béarnais, Pau, 1978,  tome 2, p. 19.

    [10] Idem., tome 1, p, 23.

    [11] Mémorial béarnais | 1818-12-25 | Gallica (bnf.fr) , p 9,  ou Arch. Com. de Pau Ee 1600.

    [12] Mémorial béarnais | 1818-12-25 | Gallica (bnf.fr) , p 14,  ou Arch. Com. de Pau Ee 1600.

    [13] Idem., p. 15.

    [14] Pierre Bidard et Gérard Collomb, op. cit, p, 34.

    [15] Duhamel du Monceau, op. cit, p.25.

     

    [16] Idem., p. 29.

    [17] Idem., p.11.

    [18] J.J.  Cazaurang, op. cit., tome 1, p. 17.

    [19] Pierre Bidart et Gérard Collomb, op. cit., p.35.

     

    [20] Charte architecturale et paysagère (Pays d'art et d'histoire, Pyrénées béarnaises), CAUE 64, p. 110.

    [21] L’habitat traditionnel en Béarn des Gaves-Soubestre, CAUE 64, p. 6.

     

    [22] L’habitat traditionnel en Vic-Bilh et Montanérès, CAUE 64, p. 6.

     

    [23] Charte Architecturale et paysagère (Pays d'Art et d'Histoire, Pyrénées Béarnaises), CAUE 64 p, 111.

    [24] J.J. Cazaurang, Toits d'ardoises, Revue régionaliste des Pyrénées, juillet 1961.

     

    [25] Jean Loubergé, La maison rurale en BEARN, Les cahiers de construction traditionnelle, Contribution à un inventaire régional, Editions Créer, révision en 2014 par EDICENTRE, p. 26.

    [26] Pierre Bidart et Gérard Collomb, op. cit, p. 31.

     

    [27] Jean Loubergé, La maison rurale en BEARN, op. cit., p 26-27.

     

    [28] Charte architecturale et paysagère, (Pays d'Art et d'Histoire, Pyrénées béarnaises),  CAUD 64,

    p, 112.

     

    [29] L’habitat traditionnel en Vic-Bilh et Montanérès, CAUE, p. 5.

    [30] Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Pyrénées-Atlantiques : Vic-Bilh, Morlaàs et Montanérès (cantons de Garlin, Lembeye, Thèze, Morlaàs, Montaner), Direction du patrimoine du ministère de la Culture, de la Communication, des Grands travaux et du Bicentenaire, Collectif, p. 66.

    [31] Pierre Bidart, Gérard Collomb, op. cit., p. 29.

    [32] Idem., p. 63.

    [33] J.J. Cazaurang, Maisons béarnaises, tome 2, p. 15.

     

    [34] Jean-Claude Toussaint, Nouveau manuel complet du maçon-plâtrier, du carreleur et du paveur, A la librairie encyclopédique de Roret, Paris, 1834, p. 41.

    [35] J.J. Cazaurang, op. cit., tome 2, p. 15.

    [36] J. C. Toussaint, op. cit., p. 38.

    [37] J.J. Cazaurang, op. cit., tome2, p. 13.

    [38] Idem., p. 22 et 23.

     

    [39] Jean Loubergé, La maison rurale en Béarn, op. cit., p. 21.

     

    [40] https://www.pyrenees-parcnational.fr/sites/pyrenees-parcnational.fr/files/available_docs/fiche-02-maconnerie_en_galets_bd_0.pdfCAUE 64   (maçonnerie en galets, fiche technique 2).

     

    [41] Léon Godefroy, Voyages de Léon Godefroy en Gascogne, Bigorre et Béarn, 1644-1646, publiés et annotés par Louis Batcave. Impr, de Vignancour, Pau, 1899.

     

    [42] J.J. Cazaurang, Maisons béarnaises, op. cit., tome 2, p. 15.

    [43] Idem., p. 16.

    [44] Jean Loubergé, op. cit., p 22.

    [45] Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Pyrénées-Atlantiques : Vic-Bilh, Morlaàs et Montanérès (cantons de Garlin, Lembeye, Thèze, Morlaàs, Montaner), Direction du patrimoine du ministère de la Culture, de la Communication, des Grands travaux et du Bicentenaire, Collectif, p. 66.

    [46] Extrait du jugement du maître général des bâtiments de Paris, sur les murs en fondation, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5495432b/texteBrut, lois du bâtiment 64-65  

     

    [47] Définition d’ébousiner  ou ébouziner selon Wiktionnaire : öter le bouzin d’une pierre, d’un moilon, c’est-à-dire, cette partie tendre qui tient autant de la terre que de la pierre.

    [48] J.J. Cazaurang, Maisons béarnaises, tome 2, p. 26.

    [49] Jean Loubergé, op. cit., p 23.

    [50] C-J. Toussaint, op. cit., p. 25.

    [51] J.J. Cazaurang, Maisons béarnaises, tome 2, p. 18.

    [52] J.J. Cazaurang, Maisons béarnaises, tome 2, p. 19.

    [53] Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Pyrénées-Atlantiques : Vic-Bilh, Morlaàs et Montanérès (cantons de Garlin, Lembeye, Thèze, Morlaàs, Montaner), Direction du patrimoine du ministère de la Culture, de la Communication, des Grands travaux et du Bicentenaire, Collectif, p. 64.

    [54] Tucco-Chala Pierre, Voyage de M.de Malesherbes dans le Sud-Ouest, le regard d'un homme exceptionnel sur l'Aquitaine du XVIIIè siècle, Editions Cairn, 2013.

     

    [55] La chaux à travers les âges, François-Xavier DELOYE Chef de la section Chimie analytique Service Chimie Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 201 - JANVIER-FÉVRIER 1996 - NIT 4000, p. 95.

    [56] Pierre Bidart et Gérard Collomb , op. cit., p. 28.

    [57] CAUE 64, La Charte architecturale et paysagère, pays d'Art et d'Histoire, Pyrénées Béarnaises, tome 2, p, B8.

    [58] C-J. Toussaint, op. cit., p.74.

    [59] C-J. Toussaint, op. cit., p. 78.

    [60] J.J. Cazaurang, Pasteurs et paysans, au village, les métiers,  Editions Cairn, 2002, p. 69. 

     

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