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L’OUTILLAGE AGRICOLE ET LES MOYENS DE TRANSPORT AGRICOLES EN FRANCE ET EN BEARN AU XVIIIe SIECLE
L’OUTILLAGE AGRICOLE ET LES MOYENS DE TRANSPORT AGRICOLES EN FRANCE ET EN BÉARN AU XVIIIe SIÈCLE
A) L’outillage
Au sujet de l'outillage agricole, en France, il est traditionnel.
On cite souvent l’agronome Henri Louis Duhamel du Monceau auteur notamment en 1760 d’un « Traité sur la culture des terres » qui, en analysant la France agricole de son temps, écrit : « Ce royaume a près de moitié de son terrain en friche, l’autre moitié est si mal cultivée en général qu’elle rapporterait au moins le double si elle était travaillée convenablement ». Les historiens sont d’accord pour certifier que ce sont des propos excessifs.
Planche et légende de "L'agriculture, labourage", tirée de l'Encyclopédie de Diderot. (source:http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie)
Mais ce qui est sûr, afin de lutter contre la nature et s’assurer une production agricole, les moyens utilisés sont les animaux domestiques et des instruments généralement en bois avec quelques pièces de métal. En ce qui concerne les animaux, il peut s’agir de chevaux, de bœufs, de mulets, d’ânes, de vaches. Depuis la Préhistoire, les hommes ont domestiqué ces bêtes de trait Antoine Lavoisier 1 nous a dressé un dénombrement pour la France : 7 millions de bovins, 1 780 000 de chevaux.
Le laboureur utilise les instruments aratoires légers et peu onéreux relevant davantage d’une industrie que l’on pourrait qualifier de domestique. Dans le Nord, on emploie majoritairement la charrue (et si on se localise dans un bassin sédimentaire propice à une plus grande prodigalité, on utilise plus volontiers l'assolement triennal et la monoculture) et dans le Sud l'araire (les céréales voient leur importance moins prépondérante parallèlement à d'autres cultures comme l'arbre fruitier, dans le Midi, l'assolement biennal domine). Posséder un araire ou une charrue est un signe de fortune, car cela suppose que le propriétaire possède également un attelage et de quoi le nourrir, on l’appelle le « laboureur » et, de ce fait, il est amené à louer aux autres villageois qui n’en ont point.
Qu’attend-on par assolement biennal ? C’est une division des terres d’une communauté villageoise en deux parties nommées soles. Une sole est occupée un an par une culture tandis que l’autre est laissée en jachère. La jachère consiste à laisser en repos une terre pour qu’elle puisse reconstituer ses éléments fertilisants. Chaque année, le cercle tourne sur lui-même. Concrètement, tous les paysans d’un village donné tiennent des lanières de terre dans les deux parties. On sème la même plante dans la sole cultivée. Pour marquer ces lanières afin de les distinguer, on use d’un double sillon, d’un rejet de terre... On cherche à permettre la possibilité de faire un demi-tour à l’araire ou à la charrue. Pas de haie, pas de clôture.
On pouvait également abandonner une sole pour la friche et diviser la seconde sole en deux moitiés, l’une semée à l’automne et l’autre au printemps. Ce dernier cas s’apparente fort à l’assolement dit triennal, car nous sommes en présence de trois champs, mais où la friche est plus étendue.
L’assolement triennal comporte trois soles comme leur nom l’indique, deux parties sont cultivées, l’une est semée à l’automne ou en hiver (céréales comme le froment, le seigle, le méteil ou l’épeautre), l’autre est occupée au printemps (céréales ou marsages - ou de mars - comme l’orge, l’avoine, le millet ou le sarrasin…) et la dernière est laissée en friche. Comme pour le précédent assolement, il y a rotation des cultures sur trois ans. Ce système a l’avantage de réduire la surface des terres en jachère.
Dans la plaine de Nay, à Mirepeix notamment, les trois soles se disposaient parallèlement les unes par rapport aux autres et ceci transversalement au gave de Pau.
On retrouve ce type d’assolement dans la plaine de Nay et particulièrement à Mirepeix, analysé par Yves Suarez (voir partie bibliographie).
Selon cet auteur, il serait à l’origine de la « dispersion et du morcellement des terres » obligeant le paysan à des « déplacements incessants ». Il cite le chiffre de cent vingt et un tenanciers qui devaient se partager deux cent vingt-cinq hectares ».
Ces deux systèmes dépendent d’un accord commun des villageois pour entreprendre les labours, les semailles et la moisson, d’où la mise en place de règles communautaires, de multiples droits dont la vaine pâture, le glanage, le chaumage…, l’usage des biens communaux… Ces décisions sont prises lors de l’assemblée générale échevinage dans le Nord, jurade en Béarn… qui se réunit plusieurs fois par an.
Lorsque s’opéraient les semailles, l’assemblée villageoise nommait un gardien - appelé "garde de la plaine" ou "gardien des landes" à Mirepeix - afin que le finage soit respecté. Les soles nouvellement ensemencées étaient alors délimitées par des barrières mobiles ou fixes nommées « clèdes » notamment pour interdire l’accès au bétail jusqu’à la moisson. Cette action porte alors le nom de « veter » ou « better ». Le rôle du gardien était également d’empêcher les maraudeurs et les animaux nuisibles de sévir, il pouvait alors verbaliser. Pour ceux qui outrepassaient le règlement en laissant leurs animaux pénétrer dans « une lanne bettée » se voyaient contraints de payer le « droit de penhère », la saisie. Sa fonction était des plus ingrates vu que ces gens qu’il connaissait pouvaient lui en vouloir.
Si les lanières de terre sont la propriété individuelle des paysans, elles sont réparties inégalement. Plusieurs d’entre eux sont en possession de quelques-unes.
a- L’araire et la charrue : généralités
L’araire est dépourvu d’avant-train roulant (appelé « aratrum » par les Romains), son usage s’effectue sur des sols nus ou peu gazonnés. Des spécialistes actuels rejettent l’idée que l’on lit encore trop souvent à leur goût que son principal défaut réside dans le fait qu’il ne creuse pas profondément le sillon et qu’il rejette sur les côtés la terre émiettée. 2
Araire : Musée du château de Lourdes.
Le soc est fréquemment en bois, parfois enrobé de métal pour éviter l’usure, pointu, de forme conique et est composé de trois parties. L’age est une pièce de bois de chêne ou d’orme de forme cintrée s’assemblant dans ses parties inférieure et supérieure à la flèche - barre de saule ou d’ormeau servant à l’attelage. Dans la partie médiane de l’age, le coutre s’insère par le biais d’une mortaise. Le mancheron (simple ou double) sert à l’homme à guider l’araire et le sep, porté par l’age, est l’élément qui pénètre la terre. Ces différentes pièces sont assemblées par le biais de tenons et de mortaises.
A l’opposé, la charrue à roues possède un soc dissymétrique (puisque tous les éléments sont du même côté de l’age), un versoir qui a pour fonctions à la fois d’enfouir les mauvaises herbes, d’aérer la terre et de la rejeter d’un seul côté. Dans le Gers, le versoir est un bois d’orme de figure trapézoïdale, avec le soc, il est placé à quarante-cinq degrés. La charrue possède un avant-train muni de roues régulant ainsi la largeur et la profondeur du sillon (remplacé actuellement par le tracteur), parfois d’une rasette afin de nettoyer le sol avant qu’il soit retourné, d’un coutre en fer qui pourfend la motte de terre. Elle est plus adaptée au sol gazonné, aux terres grasses et limoneuses.
Pour diriger l’instrument aratoire, le laboureur utilise deux moyens, le levier intégré dans la mortaise de l’age et qui, dans sa partie postérieure présente un manche par lequel avec sa main droite le paysan conduit, incline l’instrument et, également, le marche-pied inséré lui aussi dans la mortaise de l’age. Avec son pied gauche, l’homme peut enfoncer et diriger la charrue.
Sinon, on est contraint d’utiliser les bras.
Jusqu’au XVIIIe siècle, la culture à bras se maintient. Elle est présente aussi bien dans les vignobles, mais aussi dans les zones de culture intensive. Dans le Nord, en 1801, « 7 % des terres et des jardins sont encore labourés à bras » alors que la culture à bras est perçue comme « développée », 3 avec comme outils rudimentaires la houe par exemple. La faux (répandue à l’époque romaine et étendue au Moyen âge) est très utilisée dans le Nord de la France (utilisée en Flandre au XVIe siècle) mais s’est répandue lentement dans le reste du royaume. La faucille (« faus » en Béarn) est employée ailleurs. Elle scie les blés à une hauteur d’environ 60 cm du sol, ce qui a l’avantage d’abandonner au bétail le chaume. Pour séparer l’enveloppe de la graine, on use du fléau sur un espace dénommé aire (mais cela pose un problème pour les journaliers qui lorsqu’on utilise la faux cela leur procure moins d’heures de travail et donc de salaire ; de plus, on use davantage de métal et on provoque une perte de grains et de pailles ). Le problème le plus grave est le peu d’importance du fumier. Ces pratiques archaïques occasionnent des rendements insuffisants, dans certaines régions, on arrive à récolter 2 ou 3 grains pour 1 grain semé.
En France, la production agricole dans son ensemble est plus destinée à l’autoconsommation plutôt qu’à la vente, ce qui explique que l’importance de la céréaliculture. Il ne faut point omettre que le pain est l’aliment de base du peuple et que de ce fait les autres productions paraissent moins importantes, on pense au lait, aux fruits…
Bien entendu, la céréaliculture n’était pas totalement l’apanage de l’agriculture, les paysans soucieux de fournir des marchés s’adonnaient à d’autres cultures considérées comme alternatives comme la viticulture. George W. Grantham cite les chiffres de 2,3 millions d’individus en 1787, ce qui représente 8,2 % de la population totale. A cela, il faut ajouter les plantes qui servaient comme matières premières industrielles comme le lin…4
A côté de ces outils, on peut encore adjoindre la bêche, la fourche, le trident... et tous ceux spécialement conçus pour des tâches bien déterminées, notamment dans le travail de la vigne...
L’élevage apparaît comme une activité dépendante de la culture puisque les bêtes servent soit pour tracter les outils agricoles, soit pour produire du fumier ; en France, l’élevage, seul, est exercé dans quelques parties de la France.
Dans le Béarn, pour labourer la terre dans le but de cultiver du maïs par exemple, il est nécessaire que la météorologie soit clémente et la terre favorable. Les travaux se feront le plus rapidement en raison des aléas climatiques, pour cela s’exerce une entraide, « au tourne-fournàu ».
L’outillage utilisé par les Béarnais est rudimentaire et peu onéreux.
Ci-dessous, les planches traitées par l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert concernant les charrues, à titre de témoignage de ce que l'on utilisait, en partie, à l'époque.
Deux planches et légendes qui illustrent les 2 types de charrue (à versoir et à oreille), planches tirées de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. (source:http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie).
Le paysan utilise le coutre (« coudreya » ou « coudrédre »). C’est un fer, mince et large si possible, coupant la terre verticalement et qui a l’avantage d’extirper le sol des mauvaises herbes. Son usage consiste à permettre le soulèvement de la terre avec le soc et le versoir. En effet, on utilise ensuite l’araire (« aret », du latin « aratrum ») à manche-sep qui reste l’outil le plus utilisé au XVIIIe siècle (le mancheron et le sep ne forment qu’une seule pièce, le manche-sep s’avère plus mobile, moins lourd). L’araire et le coutre sont séparés comme on le voit en Europe du Sud et ce jusqu’au siècle dernier. Cet usage de deux instruments a d’ailleurs été critiqué par les agronomes au XIXe siècle. Il est tracté alors par des vaches ou alors par des bœufs, des mulets. Les femmes, les enfants sont sollicités pour ramasser les galets encombrants ou les herbes arrachées.
Ce type d’araire est fabriqué en bois, le soc (« bôme » ou « boumé », du latin « vomer ») est effilé et comporte deux oreilles de bois et est assujetti à un bâti de bois. Il permet de fendre alors horizontalement la terre. On a souvent critiqué cet instrument en montrant que le travail effectué par lui était loin d’être parfait. On a montré qu’il occasionnait aux animaux un surcroît de tirage.
Voici ce qu’écrit Jean Poueigh en décrivant cet instrument : « L’ancienne charrue (arêt, araire) était en bois. Elle se compose du coutre (befèrri), couteau qui fend la terre ; du soc (réio d’araire), la pièce importante ; du versoir ou oreille (escampadoùiro) ; du sep (aramoun, dentàau, souchàdo), pièce de bois qui porte le soc ; de l’age ou haie (cambèlo, ple ou pèd d’aràire) ; des manches ou mancherons (manipo, manitoun, estèvo), comprenant le timon et sa flèche (pèrti et bacègue), le palonnier (reinard), le petit coin de bois (cavaleirou) fixant à la flèche le tirant (tendilho). 5
Si le passage de l’araire a lieu sur un terrain plat, il se fait aisément, par contre, si une pente se présente, le travail devient particulièrement fatigant.
Mais l’implantation du maïs a comme effet également d’accroître l’importance de la charrue au détriment de l’araire. Ensuite, le paysan, afin de briser les mottes de terre, use d’un outil intitulé en béarnais « cleda ».
L’araire ou la charrue, après leurs passages, laissent des imperfections, par exemple, des mottes de terre qu’on tente de disloquer avec la houe (« houssé »).
Il peut herser par ailleurs avec un instrument nommé « arrascle » composé de 16 fers de forme recourbée fixés sur un bâti en bois ou de trois dents mais plus rare. On brise les mottes aussi avec une claie de madriers nommée « cleda », vu plus haut. Ces madriers étaient parfois remplacés par des branches d’arbres, tout simplement comme l’aubépine (« brocs »). Ce genre de herse ne permet pas d’obtenir un travail parfait au premier passage, ce qui entraîne la nécessité de la repasser plusieurs fois. Il existe aussi un rouleau de bois nommé « lu rullew ».
Marguerite Rambeau mentionne dans son mémoire une sorte de herse en bois qu’elle nomme « arraskle a baws ». Elle est « surmontée d’un arc « baws » en bois de noisetier « aberané ». Dix dents plates « lus herris », plantées dans les croisillons de bois « lus tabots », sont bloquées par des coins de bois « las herriséros ». Cet outil est trainé « arrusegat ; inf : arrusega » par une paire de bœufs « u pa de bwewa » ou plus souvent de vaches « bakos », au moyen d’une chaîne « kadeno » allant d’une annueau à crochet « la teladéro », mobile sur le devant de « l’arraskle », au crochet fixé sur le joug « lu yu » de l’attelage « lu parel ». 6
Lors des travaux agricoles et notamment lors du labourage, Jean Poueigh nous rappelle que « le chant humain s’élevait de partout » et que pour « le travailleur au plein air, il était mieux, mieux qu’une distraction, un adjuvant qui facilitait sa tâche et l’allégeait » Il oubliait un temps la fatigue. « Fécondée par lui, la terre va pouvoir renaître et produire de nouveau : « Quand lou bouiè càanto, l’araire vàai bèn » (soit : "Quand le bouvier chante, l’araire marche bien"). Il rajoute que ce chant était « coupé par les pressants appels qu’il adresse aux animaux accouplés sous le joug ».7
Peu de progrès dans l’outillage, on décèle seulement deux « nouveautés » en relation avec le maïs : «... lorsque le maïs avait levé il était éclairci avec un scarificateur (arrasclet) et enfin butté avec un araire léger, muni d’un fer plat en croissant (arasèra).
L’arasclet est composé d’un coutre positionné en avant et de trois dents qui fendent la terre. Son usage est dévolu notamment dans l’entretien des interlignes du maïs. Marguerite Rambeau la décrit comme une « petite herse triangulaire » spécialement utilisée pour sarcler le maïs, en enlever les herbes. Une paire de vaches la tire par son timon, attelée à un joug spécial, d’une longueur adaptée à la mesure de l’espace entre deux ou trois rangées de maïs. 8
Quant à l’arazère, c’est un instrument qui a une double tâche, celle d’éliminer les mauvaises herbes se trouvant dans le maïs et de butter ce dernier. On le surnomme d’ailleurs le butteur. On note son existence avant l’introduction du maïs dans le Béarn. Son soc est plat et emmanché dans le sep.
Introduit en Béarn au milieu du XVIIe siècle probablement, le labour du maïs se fait en deux étapes, comme cela a été vu plus haut, on fend la terre avec le coutre et on la retourne avec l’araire. Si possible, on labourera le plus profondément.
Après ce travail, on passa la herse et on marque afin de se repérer pour les semailles avec une traverse comportant plusieurs pales selon que l’on se trouve en plaine (quatre) ou en montagne (trois). On a soin de placer cet outil en formant des lignes transversales dans le but de constituer des croix où on déposera les graines.
Autre outil en usage, la bêche. Dralet écrit : « On prépare les terres en recevant la semence du millet par deux ou labours qui s’exécutent avec une charrue nommée arrayre ; mais quelques-unes de ces terres sont travaillées à la bêche et ensuite émottées. ... ». 9
Des binages (« arades ») et des sarclages seront effectués avec la houe pour parfaire le travail.
b- Les semailles
Puis, avant de semer, le paysan réalise des tracés les plus droits possible avec le « mercader » (traverse, à trois ou quatre pales, tirée par une vache, d’abord en long, puis en large) , enfin, il passe aux semailles .
Il a pris soin, au préalable, de plonger la semence dans de l’eau afin d’écarter toutes traces de résidus comme des graines de chardon et de délimiter des bandes de terre de 5 à 10 m dans le champ sur sa longueur.
Martine Rambeau nous cite des proverbes liés aux semailles, dont l’un préconise de les faire à la « vieille lune » lors d’un vendredi (« Ow düs de la lüo, k’ey bu heyt de semya, süstut se paso pow dibes »), un autre durant quinze jours précédant la Toussaint et quinze jours après (« Lu bu semya k’ey kinze diyos aban Marteru e kinze diyos apres »). 10
L’action de semer des céréales, dans la langue béarnaise, diffère selon que le paysan sème du blé (« jeta ») ou du maïs (« pousa »).
Afin de semer l’homme ou la femme qui utilise à cet effet soit un tissu (le plus souvent un tablier) soit un récipient. A la main, il ou elle empoigne des graines que l’on jette à la volée. Il sera nécessaire de revenir sur ses pas une seconde fois pour parfaire son travail.
En ce qui concerne le maïs, avant de semer, on mélange des graines de maïs et des haricots grimpants blancs et des pépins de citrouille. De ces graines et de ces pépins, des plantes prendront appui sur les tiges, d’autres se frayeront un passage et s’accroîtront en profitant de l’ombre des feuilles.
Ensuite, ce sont les femmes qui interviennent puisque ce sont elles, portant leurs tabliers remplis de graines, qui les placent en marchant et en les faisant tomber par trois ou quatre dans la « croutz » (marque réalisée par le mercader), puis, elles repoussent la terre de leurs pieds afin de les recouvrir. Pour le dépiquage, les gerbes qui ont été attachées le plus souvent par les femmes lors de la moisson (pendant les hommes coupaient) et qui ont été dressées en verticale sur le sol dans le but de sécher le plus vite, car la pluie entraînerait forcément des conséquences préjudiciables, seront soit foulées par des juments soit battues par des perches de chêne ou de buis ou des fléaux dans un endroit appelé « lo sou de la borde » soit une aire de la grange. Ensuite, il ne reste plus qu’à vanner, jeter les grains en l’air avec la « pale-cope » soit une pelle de forme creuse prononcée pour se défaire de la paille.
On recourt ensuite à un hersage afin de niveler le terrain et de recouvrir les graines, ensuite, on passe un tronc d’arbre faisant office de rouleau par-dessus. Cette action a pour fonction d’améliorer le contact entre la terre et les graines. Cela doit être pratiqué lorsque le sol est sec sinon la terre et les graines adhéreront au rouleau. Si le poids du rouleau apparaît insuffisant, on pose des pierres par-dessus ou un enfant.
Planche et légende de "la herse", tirée de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (source: http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie)
Michel Carolo nous a dressé une étude d’instruments aratoires en Béarn à la fin du XVIIIe siècle à partir de la série Q des Archives départementales provenant d’une liste de biens séquestrés d’individus lors de la Révolution. Dans sa conclusion, il constate que « Si les terres possédées par la Noblesse étaient de superficie plus vaste, notamment par la présence de bois, les terres labourables et les vignes demeuraient exploitées d’une manière identique à celle des autres ordres. Les grandes exploitations nobiliaires étaient divisées en métairies... Peu fortunée en Béarn et Pays Basque, la Noblesse ne se distinguait pas du Clergé et du tiers Etat sur les méthodes de culture et par là même sur l’utilisation aratoire qui reste le même. »
Prenons l’exemple d’un propriétaire issu de la noblesse, un dénommé Marc-Antoine Fanget, Garde du Corps. Ses domaines s’étendent sur plusieurs communes : Thèze, Lème, Boueilh-Boueilho-Lasque, Pouriubes et Auga. La totalité correspond à 675 arpents, soit approximativement 231 ha. Si l’on s’en tient aux terres situées à Thèze, elles correspondent quasiment à la moitié, soit 324 arpents. On peut les diviser en deux catégories, la première appartenant au faire-valoir direct et la seconde au système de la métairie, sachant qu’elles sont au nombre de trois.
Attardons-nous d’abord à la première catégorie représentant 139 arpents (47,5 ha). Sur cette dite surface, on ensemence du froment, du milloc et du linet (sur 34 arpents soit 11,5 ha). Pour entreposer le matériel agricole, on utilise une grange. Ce matériel comprend trois charrettes, un tombereau, deux herses et deux charrues. Les animaux de trait sont deux paires de bœufs. D’autres outils sont recensés, utilisés également pour travailler le jardin qui environne la maison) comme « trois arrazeres, trois coutres, une bêche pointue et trois petites bêches », certains sont en fer (scie, deux faux, quatre râteaux), d’autres sont en bois (râteau à deux branches). Le propriétaire détient une forge pour une réparation éventuelle. Pratiquant de la viticulture sur une surface de 13 arpents (environ 4,5 ha), le propriétaire possède « trois pressoirs, cinq comportes, huit cuves, un entonnoir de bois et 33 bois de barrique). En plus de tous ces biens, il faut ajouter d’autres animaux, un cheval, deux juments, quatre truies et deux cochons.
Détenteur de trois métairies qui correspondent respectivement à 89 arpents (34,5 ha), 64 arpents (22 ha) et 32 arpents (11 ha), chacune comprend « une maison et une grange ». Nous analysons uniquement la métairie la plus importante, celle qui porte le nom de « Bachot ». Comme matériel agricole, on dénombre une charrette, trois charrues et deux herses utilisées à la culture des 27 arpents (9 ha) de terres labourables. Une paire de bœufs permet de les tracter, jointe à une paire de vaches, une génisse et une paire de veaux qui complètent son cheptel. Le «petit matériel rassemble une arrazere, un râteau et une fourche de fer, deux petites bêches et un coutre ». 11
Christian Desplat nous donne l’exemple d’un métayer vivant à Denguin situé sur la « ribeyre », zonne où « le matériel » était plutôt « plus abondant et plus diversifié, mais tout aussi simple et traditionnel...» Cet homme, métayer et vicaire, J. Loustau, était détenteur d’une métairie «... à Gélos et une autre à Bosdarros. Sur les 65 arpents de Bosdarros, 61 étaient labourables et la grange abondamment pourvue : deux charrues, six « trainoirs » (traineaux de bois), trois vaches et quatre veaux ; un coutre, deux « rasoirs avec leur fer », quatre bois d’arrazère, une fourche, un râteau à trois pointes de fer, trois fourches et deux râteaux en bois, deux hoyaux (ou houes) deux haches, trois bêches, une faux pour le foin (dalhe feassere ou dragou) , une autre pour le soutrage (dalhe sostrere). L’existence d’un petit vignoble ou de pommiers, la pommade était boisson courante des paysans béarnais, est attestée par deux pressoirs, cinq cuves, cinq baquets à vendange et une barrique. » 12
En montagne, l’outillage est encore plus rudimentaire, on utilise surtout la bêche, la fourche du fait des pentes abruptes.
Les plantes que l’on sème au printemps, notamment en avril, sont la pomme de terre et l’orge, un mois plus tard, en mai, c’est au tour du maïs, des haricots…
Pour les moissons, on persiste à utiliser dans certaines parties du Béarn la faucille (haus) notamment autour de Garlin (permettant ainsi d’obtenir un chaume important en vue de la « dépaissance » ou faire paître les bestiaux). Le bois prédomine encore dans la confection de l’outillage. Bien entendu cela ne veut pas dire que des paysans ne possédaient pas des outils en fer tels des faux (pour la fenaison), des pelles. Le paysan bêche avec une houe, débroussaille les haies en usant d’un haut-volant. Le travail se pratique de manière collective vu qu’il reste exténuant et qui nécessite les bras de tout le monde même les enfants.
Au fur et à mesure de la croissance des plantes, on raffermira les tiges fragiles par un coup de pied ou un par un ajout de terre, ou alors en les tutorant par des rames.
Le rendement, on s’en doute, est médiocre, surtout en montagne, excepté la vallée d’Ossau qui s’autosuffisait à l’opposé de la vallée d’Aspe qui ne couvrait l’équivalent de deux mois de ses besoins.
c- La moisson
Le travail se fait essentiellement à la main, en utilisant également la faux ou la faucille. Cet outillage s’avère rudimentaire et peu coûteux.
Lorsque le blé ou toute autre céréale est bien mûr, il est temps pour la famille de partir aux champs et de les couper. En règle générale, l’homme fauche, sa femme ramasse la javelle avec un râteau et les autres confectionnent les gerbes.
La faux (« grip ») tenue par les hommes est composée de grandes dents permettant de ratisser les tiges. Utilisée en Flandre - exactement en Hainaut - dès le XVIe siècle, elle s’introduit lentement en France. On avance plusieurs causes à cela, d’abord d’ordre technique. Ce serait à l’époque qu’un instrument imparfait, en partie en raison d’une métallurgie déficiente, d’autre part le travail opéré s’avère harassant. Des causes économiques sont pointées, la faux égrènerait les épis du fait des brutales secousses du moissonneur, elle ne laisserait qu’un chaume relativement écourté, pénalisant ceux qui jouissaient du droit de chaumage, en effet elle sectionne les tiges au ras du sol.
Marguerite Rambeau nomme la faux « lu dragu » et la décrit comme un outil composé « d’un manche de bois « l’asto » auquel s’adjoint, à mi-hauteur environ, un mancheron recourbé « l’espiwlu ». La lame « latozo » d’acier, légèrement bombée est bordée inférieurement par la partie tranchante « la hargwaüro », et du côté supérieur, par un bord très épais « la kosto » prolongée d’une sorte d’ergot « lu kwet » qui sert à fixer la lame à « l’asto » en s’enfonçant dans un anneau de fer « ü anet de her ». On l’y bloque par un coin « lu kuy » entre « l’anet » et « lu kwet » et forcé à coups de marteau « a cot de martet ». 13
La même auteure nous dépeint le moissonneur en train d’aiguiser sa faux le matin avant de partir entreprendre son travail. Assis par terre, « il plante « la hargwo » sorte de pointe dont la tête plate et lisse sert d’enclume, munie d’oreillettes « awléros » à mi-hauteur pour éviter qu’elle ne s’enfonce trop. Il pose sur cette enclume la « hargwadüro » et entreprend de la frapper « trüka » à petits coups réguliers, pour aiguiser le fil « lu hiw » de la lame, avec un marteau « lu martet » de fer « de her » ». Sa tâche terminée, il a soin de porter sur lui « le coffin « lu kup » (empli d’eau « ple d’aygo » où baigne la pierre à aiguiser « la peyro » dont il se sert fréquemment pour aiguiser le fil émoussé de sa faux. » 14 La même auteure, en la comparant à la faucille, nous énumère les avantages : le moissonneur « ne se pique plus les doigts aux chardons « lus kardus » ni aux ronces « lus arruumeks ou las arrumeros » qui serpentent souvent loin des haies. La paille recueillie est plus longue, le chaume est de hauteur régulière, et le travail va si vite ! ». 15
La faucille (« haous ») est l’outil de la femme en général. Elle a l’avantage d’éviter l’égrenage (séparation du grain de la plante) et de couper (ou scier) la tige à une hauteur suffisante pour être ramassée par les pauvres (à mi-hauteur, soit à environ 60 cm du sol), ce que l’on nomme chaume.
Martine Rambeau écrit que le travail fait à la faucille est si fastidieux que les moissonneurs se rassemblent pour le faire. Tous opèrent les champs les uns après les autres. On nomme « ces occasions de s’entr’aider : « ha ayüdos » 16, exemple même de la vie communautaire. Les moissonneurs débutent tôt, tous prennent chacun sa largeur de coupe « ü arrek e ö arbuho », et avancent « un peu en retrait du voisin pour avoir plus de place… sous le chapeau « debat lu sapew » s’étalent les grands mouchoirs quadrillés pour éponger la sueur « ta pumpa la südu », les uns sont en bras de chemise « en kamiso », les autres gardent la veste… Le moissonneur « lu segayre » prend les tiges « apuno inf : apüna », poignée par poignée, « las punetos », les tranche d’un coup sec de faucille, et, en un geste large et arrondi de la main droite qui tient la faucille, il couche en ligne la succession régulière de ces « pünetos » qui s’appelle « lu garbere ». 17
A la suite de l’usage des deux instruments, l’éteule (ce chaume laissé sur place) était laissée à la disposition des pauvres, mais aussi des cochons et de la volaille.
Les gerbes sont liées avec des tiges de blé puis on aura soin de les mettre à l’abri le plus rapidement possible vu que le climat pluvieux qui prévaut en Béarn pourrait compromettre la moisson. Les javelles (ou brassées d’épis moissonnés, non ramassés afin de laisser mûrir) ne sont pas permises.
Le travail se pratiquait en chantant, les chansons se composaient de poésies narratives comme le précise Jean Poueigh. Selon lui, le « romancero des moissonneurs semble en être redevable à l’importance vitale du blé, en tant qu’aliment...». 18
Selon les années, la moisson a lieu à la fin du mois de juin, en même temps que la fenaison. Jean-Marc Moriceau écrit qu’ « une fois les herbages fauchés, l’ordre des récoltes voulait que les moissonneurs... commencent par les céréales d’hiver et terminent par celles de printemps (« les mars »).
Ici, comme le rappelle Jean-Marc Moriceau «... nulle tâche que les « métives » ne créait davantage de tension dans la France de l’Ancien Régime. Les convoitises des voisins ou des pauvres qui bénéficiaient des droits de « glanage »(ramasser les épis tombés à terre) et de « chaumage » (couper les chaumes résiduels laissés dans les éteules)... les intérêts contradictoires entre les exploitants individuels et la communauté rurale, l’opposition entre les deux types de main-d’œuvre, locale et foraine, multipliaient les incidents. » 19
Durant la moisson, parmi les travailleurs, les jeunes profitent souvent de l’occasion pour s’amuser surtout après le souper. Mais c’est le dernier jour qu’a lieu la fête que certains propriétaires offrent aux ouvriers agricoles. Elle consiste en un repas et des danses.
Lorsque la moisson s’achève, on met en gerbes le blé durant quelques heures afin que la chaleur du soleil le sèche. Vient alors le prélèvement des taxes, la dîme ecclésiastique, le champart qui venait après. Les glaneurs accouraient ensuite. Mais afin d’honorer le contrat de métayage, le métayer se devait avant tout de réserver la part de la récolte au propriétaire, en général la moitié. Enfin, les fêtes villageoises marquent la fin des moissons.
d- Le dépiquage
Le fléau (« layetch » ou » ehlayet ») est l’un des outils utilisés pour dépiquer le blé. Il est constitué d’une gaule fixée au manche par des lanières de cuir pour leur donner du jeu . Selon les régions, les deux bâtons peuvent varier de taille. Marguerite Rambeau le décrit comme un outil composé d’un « manche « lu matye » en bois de noisetier « aberane » et d’un battoir plus court « la bergo » en bois de houx « agrew » ou de néflier « mesplé ». Celui-ci doit subir un traitement spécial : cueilli à la Saint-Martin il est grillé à four chaud « üsklat », dépouillé de son écorce « la pet » puis laissé dans le fumier pendant quelques heures. Le bois devient rouge et beaucoup plus solide, paraît-il. Les deux éléments « matye e bergo » sont coiffés de deux bandes de peau d’anguille « pet d’andyelo » = « lus kapets » cousues avec des nerfs de bœuf « nerbis de bwew ». Ces deux bandes sont reliées entre elles par un anneau de peau d’anguille, également « lu kuzene ». »
Fléaux à gauche de la photographie : Musée du château de Lourdes.
Si le manche est long et le fléau court, ce dernier peut asséner un coup plus fort. Dans le cas contraire, il frappe une surface plus importante. Quoi qu’il en soit, le fléau tournoie et voltige avant de frapper les épis. La gerbe est alors posée sur le sol, l’épi positionné vers le haut. Si le travail se fait à plusieurs, les individus se mettent en rond autour de la gerbe et ils abattent leurs fléaux à tour de rôle.
On peut également seulement user d’une longue perche de bois de buis ou de chêne.
Albert Soboul écrit que le battage au fléau, selon lui, découle du besoin de conserver la paille « en raison de sa longueur et de son liant aptes à de multiples usages… ». Vu que les paysans couchaient à plat les gerbes déliées, « les épis des unes reposant sur l’extrémité des autres : les coups de fléau ainsi amortis, la paille restait entière. » 20
Ensuite, on jette en l’air (surtout un vent en provenance du sud-ouest) le blé battu, ce qui a pour effet de retirer les balles. Pour cela, on utilise une fourche, si possible de bois léger. Marguerite Rambeau indique que les fourches « las hurkos » possèdent généralement trois oi quatre pointes , que leur « manche « mandye » est plus ou moins long, suivant la hauteur duy chargement des chars de blé que le propriétaire a l’habitude d’atteindre. Car elles servent surtout à « garbeya » c'est-à-dire à faire passer les gerbes sur le char. » 21
On peut disposer sur le sol de l’aire un tissu, un drap, pour réceptionner le grain alors que les balles sont emportées sur la marge.
Un autre moyen de dépiquer le blé est son piétinement par des animaux, des vaches, des bœufs, des mulets et des chevaux. Quelqu’un, souvent une femme en Béarn, guide, à partir du centre de l’aire, ces bêtes par une corde et les font trottiner en rond. Il suffit de réduire la corde pour raccourcir le cercle. Les hommes, au fur et à mesure du travail, alimentent l’aire et poussent sous les pieds des animaux la paille non encore brisée. On prend soin de boucher les yeux des animaux avec du linge par exemple afin notamment d’éviter les étourdissements du fait des cercles qu’ils opèrent durant de longues heures, parfois sous un soleil accablant en été.
Traîneau à dépiqueter (ou tribulum).
Le dépiquage ne peut guère se réaliser pour le seigle vu que la graine a davantage de difficulté à sortir de la balle.
Le travail peut se pratiquer à l’abri, dans une grange -permettant de battre en hiver -, ou dehors, dans la cour ou dans un terrain où on a pris soin de balayer au préalable. L’aire doit être, selon Pierre-Joseph Amoreux, médecin et bibliothécaire de la faculté de médecine de Montpellier : «…plane, unie, nette d’herbes, de pierres & et de toutes ordures. ». De plus, elle doit être aussi exempte d’herbes. Dans son mémoire de la Société royale d’agriculture de Paris daté de printemps 1789, ce même auteur conseille, dans le cas où cette étendue ne correspondrait pas à ces critères, c'est-à-dire : « peu propre à présenter une surface unie, compacte & non poudreuse…» de répandre « dessus de l’argile fine, ou toute terre grasse, dont on forme une couche en l’humectant, en le battant & en la piétinant ; la solidité de l’aire est un point essentiel qui rend le travail plus expéditif & le grain plus net. » Il précise que « Chaque an, l’aire se couvre d’herbes, qu’on fauche, on ne la laboure point, elle s’affermit toujours plus. »22
Marguerite Rambeau écrit que le battage (la batero) se pratique sur le sol de la cour de la maison. Afin d’empêcher que le grain se joint aux cailloux ou se plante dans la terre, « dans une comporte de bois, (la semaw) on délaie de la bouse de vache (hemso de bako) ou (bwaso), avec de l’eau (aygo), en tournant avec un bâton (ü barrot). Lorsque le mélange est homogène, on le verse sur le sol et on égalise avec le balai de bruyère (üo eskubo de brano). Cela s’appelle « lya lu par ». En séchant au soleil « en sekan aw su » ceci devient dur comme de la pierre. Mais il faut recommencer l’opération après chaque pluie.
Dans la cour ainsi transformée en aire, on apporte (ke porton-inf : purta) alors les gerbes, on les délie « ke dehligon – inf : dehliga » et on étale « k’estenin – inf : estene » la paille à battre par couches « a palats ». Puis à l’ardeur du soleil « aw tenilet », armés de fléaux « ehlayets », les batteurs habituellement quatre par quatre, frappent en cadence « ke merkon laposto » les épis « lus kabels » à égrener « dehglara ». le sifflement « lu brunide – inf : bruni » des battoirs ne cesse qu’au coucher du soleil. Travail pénible qui laisse les ouvriers haletants « pantuhaes » et les « flaks ». Pour compléter le travail du fléau, on attelle ensuite une paire de vaches à une sorte de petit char qui s’appelle « lu tumbarow » et on fait circuler cet attelage sur l’aire. Une personne juchée « arpitado » - inf : arpita » sur le véhicule, tient prête « paro ou emparo dab… » « la palo-kupo » pour recueillir les excréments « la hemso e lu pis » des animaux dès qu’ils font mine de lever la queue car il faut préserver le grain et la paille de toute souillure…. « Palat per palat » : par épaisseurs successives, on retourne la paille et on recommence au fléau et à l’attelage à battre le blé, toujours par grande chaleur. Ce travail achevé, on enlève la paille, on l’empile de côté « apyela-lo a par ». On ramasse grain et balle « lu grae e lu pup » en vrac à l’endroit propice à la ventilation, c’est-à-dire dans un courant d’air. » 23
L’abbé Rozier énumère d’autres procédés pratiqués dans des régions comme celui de bien niveler et de battre le sol, de délayer de la fiente de vache avec de l’eau et de répandre cette dernière avec des balais.
Ce dernier a étudié les avantages et les inconvénients du battage et du dépiquage et se démarque alors du précédent, M. Amoreux, qui préfère l’usage du fléau.
L’abbé Rozier écrit 24 : « Le dépiquage laisse beaucoup plus de grains dans l’épi que le battage ; c’est un fait constant, sur-tout dans les années pluvieuses, & lorsque le grain n’est pas totalement sec & bien nourri… Un second avantage du fléau résulte de la facilité avec laquelle on sépare la paille entière du grain & et de la balle ; au lieu qu’après le dépiquage, il faut manier deux ou trois fois à la fourche la même paille. » Il poursuit en affirmant que le battage conserve la paille « dans son entier » tandis que l’utilisation des animaux « la réduit en petits brins ». Dans l’article intitulé froment, il mentionne « …que pour la même somme d’argent, les mules ou chevaux accéléroient beaucoup plus le travail & même d’un tiers, objet très important… Somme totale, le battage au fléau est plus économique, & le dépiquage plus expéditif…» De plus, pour lui les animaux occupés lors du dépiquage ne sont pas utilisés pour d’autres tâches comme le labourage.25 Il expose également des causes sociales, le dépiquage permet de battre l’hiver, tems auquel les travailleurs sont moins occupés dans les pays où il y a peu ou point de vignobles à façonner. » 26
La paille, écrit Marguerite Rambeau, est disposée en « vrac, « dezwado » ou grossièrement liée en gerbes « garbots » on l’empile autour d’un mât « la brüko » planté dans le sol. La pile doit avoir l’aspect d’une poire, très mince en bas et en haut. Lorsque la paille arrive à un mètre du haut de « la brüko » on la couvre avec « lus palus » : paquets de balles grossièrement rassemblés, puis des paquets de liens de seigle particulièrement imperméables. Quelquefois, un lourd cercle de barrique empêche le vent d’emporter ce chapeau « preme : maintenir appuyant ». Tout en haut du mât « aw bet sum de la brüko » on renverse un pot ventru « ü tupi », ou une cruche « ü tarras » sans anse pour empêcher l’eau de pluie de glisser le long du bois du mât et de pourrir l’intérieur de l’édifice de paille. » 27
e- L’engrais
Dans la partie concernant l’outillage, il a été écrit que la jachère consiste à laisser en repos une terre pour qu’elle puisse reconstituer ses éléments fertilisants. Elle est utilisée notamment lors de la division des terres en soles soit dans l’assolement biennal ou l’assolement triennal. Pendant longtemps, la jachère a été pointée du doigt comme une pratique archaïque. Jean-Marc Moriceau écrit qu’elle ne clôture pas « le cycle des façons culturales… La réévaluation est d’autant plus nécessaire que les historiens, à la suite des écrivains agronomes du XVIIIe siècle, considèrent souvent l’année culturale préparatoire comme une marque infamante d’archaïsme… la jachère aurait constitué un mal nécessaire de l’économie rurale, le verrou d’un cercle vicieux en attendant la libération ouverte par les prairies artificielles. » Il rappelle les travaux de François Sigaut qui ont bien distingué la friche de la jachère et montré que cette dernière s’effectue en début d’assolement.
En ce qui concerne l’assolement biennal, appliquée dans le Béarn, « se situe souvent dans des zones dominées par les friches, dans des régions où les procédés d’agriculture par le feu (écobuage et essartage) et le simple prélèvement du gazon (étrépage et soutrage) viennent « rompre » pour quelques années de production des pâtis qui retournent pour de longues années à la lande ou à la fiche. » Il ajoute qu’avec ce type d’assolement, il est nécessaire d’user de fumure « proportionnellement supérieure au triennal puisque l’estiado occupe la moitié des terres emblavées. » Ce qui entraîne « l’importance des saltus nécessaires à la production des engrais. » 28
F. Sigaut s’érige en faux dans l’affirmation que l’assolement triennal est supérieur à l’assolement biennal , selon lui les céréales de printemps sont d’un apport moindre si on la compare au blé d’hiver, chaque année. Il est d’avis que les deux se valent.
Les servitudes communautaires sont plus importantes dans les zones d’assolement triennal que dans celles d’assolement biennal.
Voici quelques études d’écrivains agronomes du XVIIIe siècle au sujet de la jachère.
D’abord, citons J.J. Menuret, docteur en médecine.29 Il est en possession d’une propriété de deux cents arpents dans une plaine aride, composée d’une argile rouge. S’il reconnait que la culture était facile, il constate que « le produit en était bien faible », ne récoltant que de l’épeautre et du seigle. «… les épis minces, courts & rares donnaient peu de paille & de grain ; le fumier qu’on pouvait répandre en petite quantité sur le terrain, le brûlait plus qu’il ne le fécondait ; il fallait souvent redoubler les années de jachère pour obtenir une récolte passable… ». 30 D’où son idée de planter du sainfoin, de la famille des légumineuses, utilisée à former des prairies artificielles. Il le fait au printemps et obtient en automne une « seconde poussée, qui dans quelques endroits, prêta à la faulx, dans d’autres servi à faire paître les bœufs ; on le laissa subsister une seconde année ; le fourrage fut encore plus abondant, le regain fut renversé & enterré par un labour profond, le terrain ensemencé après un nouveau travail… » Il note que les « Grangers-Métayers » sont alors intéressés. Il continue à entreprendre des essais et sème avec du sainfoin, du blé, du seigle, de l’orge, de l’avoine et du sarrasin. Il rappelle que les Comices Agricoles louent l’utilité des prairies artificielles et notamment le sainfoin comme fourrage. Il note que cette plante a le don d’écarter les mauvaises herbes et les plantes parasites, mais aussi d’accroître la fécondité du sol, en favorisant « l’emploi et l’utilité des fumiers ».
Puis citons le marquis de Guerchy. 31 Il écrit que les deux préjugés à combattre pour le « succès de l’Agriculture » dans le pays sont : « la suppression des jachères & l’éducation des bêtes à laines en plein air. » Il remarque que ces conseils sont peu suivis à l’intérieur du royaume. Il espère que la Société royale d’agriculture de Paris fera le nécessaire afin de diffuser l’information.
L’engrais pose un problème. Celui d’origine humaine est peu utilisé, s’il est récupéré pour enrichir la terre des cultures maraîchères, particulièrement autour de certaines villes, comme à Laval, ce n’est pas la règle commune. On se tourne davantage vers l’usage des excréments animaux, mais se pose alors le délicat problème de sa rareté.
La fumure est réservée en règle générale pour les terres proches du village. En montagne, les ovins laissés sur les champs dans l’intention de les nourrir et de fertiliser le sol ne suffisaient pas. « On devait, panier en main, parcourir les pacages pour ramasser bouses et crottin. Stocké, ce fumier était sorti en décembre et janvier avec celui, fort pauvre, des étables et des bergeries, puis épandu les mois suivants sur les champs et les prairies. » 32
Le marnage est pratiqué, on s’en procure auprès des carrières, les marnières, il est important car il permet de bonifier la terre en neutralisant l’acidité du sol. A Gomer, par exemple, le Corps de Ville, en 1756, accepte de partager une part du bois communal à la condition expresse que les villageois de la commune puissent extraire de la marne. 33 Autres engrais utilisés, la tuie (touya ) qui correspond à un mélange de fougères, d’ajoncs et de graminées que l’on trouve sur la lande propre au climat océanique et qu’on s’en sert comme litière pour le bétail notamment durant la saison froide et qu’on utilise ensuite pour enrichir la terre que l’on cultive au printemps, la cendre recueillie des maisons, mais on se doute bien qu’elle se révélait insuffisante .
Le fumier est transporté par des tombereaux.
L’écobuage , qu’il ne faut pas confondre avec brûlis, consiste à extraire la couche superficielle du sol au printemps à la houe ou à la pioche , à utiliser les mottes de terre gazonnée que l’on a mise à sécher aux mois de juillet et d’août dans le but de réaliser des fourneaux de combustion circulaires le plus généralement, et, enfin, à utiliser la cendre obtenue comme engrais en l’épandant dans les champs avec une pelle.34
Afin d’illustrer cette analyse sur l’engrais, citons Jean Lassansaa qui s’est penché notamment dans sa monographie sur Billère sur son usage. Il mentionne qu’on y pratiquait durant longtemps pour enrichir la terre l’enfouissement de la paille, du chaume, de la cendre, des déchets de légumineuses. Il rajoute aussi qu’on utilisait l’engrais d’animal, de la marne et de la jachère dans le cadre l’assolement biennal « faute de bons amendements, ce qui, selon lui, est un « signe et facteur de pauvreté. » Puis, à partir du règne de Louis XIV, on mêle de plus en plus, avec « le fumier des troupeaux » la « litière faite de touyas que l’on allait chercher surtout dans le Pont-Long (formés d’ajoncs, de fougères, de genêts et de bruyères. Chaque paysan essaya d’avoir sa fougeraie et sa touya. Il rajoute qu’on usa de « prairies artificielles » soit des « champs ensemencés en légumineuses, trèfle, luzerne, sainfoin, vesce, etc » ce qui porta « un coup mortel aux vieux usages agraires. » 35
Pour terminer, sur la partie traitée, on laboure, on herse et on sème. Outre l’engrais procuré par ce procédé, ce dernier permettait également d’éliminer les mauvaises herbes, les parasites, mais aussi, dans les terres acides, argileuses en modifiant la constitution physique du sol. 34
f- La relation homme- outils - animaux domestiques dépend aussi de l’étendue travaillée.
Il est nécessaire de distinguer, en effet, les jardins des prairies et des champs. Dans le premier cas, le travail se fait à la bêche, à la houe, il se trouve non loin du domicile, on l’enrichit davantage en engrais en rapport avec les champs. On l’appelle « la culture à bras ». Les nécessités peuvent par ailleurs pousser le paysan à la pratiquer en montagne lorsque les pentes sont trop abruptes, sur les hautes terres, pour l’usage de l’attelage. Puis viennent les prairies et les champs, dans certaines régions françaises comme la Normandie, la primauté des premières est certaine. Dans la dernière catégorie, on cultive des plantes connues ou « nouvelles » avec des outils liés aux animaux domestiques.
Pour pallier cette faiblesse des engrais et notamment à celle des prairies, des landes ou forêts (ce que l’on nomme saltus), la communauté depuis longtemps a cherché à imposer des obligations - les pratiques communautaires - comme celles de moissonner, de faner à la même date et en même temps, mais aussi la vaine pâture. Le terroir de la paroisse était alors morcelé si on pratiquait l’assolement triennal en trois soles dédiées l’une aux céréales d’hiver (que l’on sème en automne afin qu’ils germent comme le blé ou le seigle et que l’on récoltera en début d’été, juin ou juillet ), l’autre aux céréales de printemps (ne supportant pas l’hiver, que l’on sème au mois de mars et que l’on récoltera en juillet comme l’avoine ou l’orge) et enfin la dernière destinée à la jachère ou le repos (pour que la terre puisse se régénérer), les agriculteurs faisaient tourner les cultures (rotation). Le paysan devait obligatoirement détenir des parcelles dans les trois soles.
Guillaume Daudin 36 écrit que le fait de passer de l’assolement biennal à l’assolement triennal « même s’il faisait reculer la jachère… n’était pas… un « bonus » sans coût ». Pour lui c’était un « moyen d’économiser sur la terre en tant que facteur de production au prix d’une utilisation plus intensive du facteur de production humain. »
Les animaux gardés par le berger de la communauté venaient paître sur le quartier-jachère, mais également dans les deux autres soles après avoir terminé la récolte. L’assolement triennal était davantage utilisé dans le Nord et l’Est de la France dans le paysage d’openfield (champs ouverts en lanières, c’est le domaine de la grande culture céréalière) où l’habitat est groupé, sinon, on usait de la pratique de l’assolement biennal (blé d’hiver et jachère). L’habitat était davantage dispersé dans l’Ouest de la France où les champs étaient par contre clôturés - le fameux bocage avec un bétail plus important - tandis que dans le Sud on retrouvait un habitat groupé mais avec des champs moins réguliers, où les jardins et les arbres fruitiers s’additionnent à la vigne, l’olivier, le blé en relation avec l’application de l’assolement biennal. En Aquitaine, l’assolement biennal concerne le maïs et le blé.
f- Le foin
A côté de la culture des céréales, il y a les prairies.
Le climat océanique qui règne en Béarn est propice à la croissance de l’herbe. De plus, le relief montagneux avec ses pentes souvent abruptes ne favorise pas le développement de cultures.
Ce que l’on appelle la fenaison correspond à trois étapes, la coupe, le fanage et la récolte du fourrage.
La coupe du foin a lieu généralement au printemps et au début de l’été, c’est-à-dire à partir du mois de mai jusqu’au mois de juillet.
On fauche le foin (« feeas ») à la faux (« dailhe ») excepté en montagne où il est nécessaire d’utiliser la faucille vu que les prés sont localisés sur des pentes abruptes et qu’ils sont généralement de petites superficies.
Planche et légende sur "le foin", tirée de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (source: http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie).
Faucille à droite du tribulum (ou traîneau à dépiqueter).
La fauchaison, en montagne, se déroule à des périodes différentes, ceci en raison de l’exposition des prés à l’ensoleillement.
La fenaison, si elle était une opération relativement éreintante, l’était d’autant plus en montagne. Jean-François Soulet nous décrit ces femmes des vallées d’Aspe et d’Ossau qui « dès trois ou quatre heures du matin, maniant la « dailhe » sur d’étroits replats, ne s’accordant un temps de repos que pour éponger leur front ou chercher dans le coffin la pierre à affûter... Le foin... après avoir été étendu, retourné, mis en tas, doit être porté jusqu’à la « borde » la plus proche. » 37
Jean Poueigh nous restitue très bien le déroulé de la fenaison : «... la ligne des faucheurs (lous dalhaires) étage de biais ses échelons ascendants. Elle se meut avec une régularité symétrique, commandée par l’impulsion de celui qui a pris la tête et que les autres ont à distance successivement imitée. Partis d’un bout, tous abattent horizontalement leur rangée, andain après andain (andan, andaiàdo de fèn), d’un courbe et uniforme enveloppement de la faux (dàio, dalh ou dàlho), inlassablement répété jusqu’à l’extrémité opposée. Car ils n’avancent pas droit devant eux, comme le laboureur, mais de côté, à la manière des crabes, sans hâte, le corps se ployant à demi en oscillations balancées de droite à gauche sur les jambes arquées. Par intervalles assez rapprochés, l’un d’entre eux s’arrête, se redresse, saisit dans l’étui de bois (ou la corne de bœuf) -lou coier, coudié, coudié, cup, cousso-cubét, pendu à sa ceinture, la pierre à aiguiser - l’asugadouire ou pèiro à dàio, et affute dextrement le fil émoussé de sa lame, opération qui se traduit par amoula, asuga, harga la dàlho. » 38
Le même auteur mentionne que les chants de fenaison se nomment cantes ou cansous dalhaires.
Lorsque les pentes dans les vallées béarnaises sont trop abruptes, le faucheur est contraint de s’attacher à l’aide d’une corde, soit à un arbre soit à la confier à quelqu’un d’autre. Le foin coupé doit ensuite être transporté par dos d’homme à la grange. Pour la facilité de la manœuvre, il attache les herbes fauchées soit par des liens d’osier tordus (armerous) soit par des « cordages qui terminent des crochets spéciaux soumètes, ariès), faits de morceaux de bois, courts et plats, mais assez épais pour résister à la traction, et percés de deux trous dans lesquels passent les cordes ou les liens, que l’on tend alors et dont on fixe les bouts au moyen de nœuds. » 39
Jean-François Soulet nous cite une technique utilisée en vallée d’Ossau. L’Ossalois « amasse le foin dans une vaste toile, appelée « leytère »... dont les bouts sont noués entre eux, et porte ce fardeau sur la tête ». Le même auteur fait également référence à l’ « arria » ou la « saumette », « instrument très simple, ayant pour base un cadre de bois sur lequel est placé perpendiculairement un étrier ; au sommet de celui-ci, un pieu relié à une corde permet d’arrimer une grosse quantité de foin. Un seul homme peut ainsi porter cinquante à quatre-vingts kg de fourrage jusqu’à la grange ». 40
Dans les zones dans lesquelles le relief est trop contraignant, des bâtiments ont été construits, les bordes. Ce sont des granges proches des prairies, des planches de châtaignier (véritable répulsif d’insectes) servent de plancher à l’étage, s’il existe, qui sert de dépôt du foin. Ces bordes sont « spécialisées » vu que le fourrage contenu dépend des bêtes qui peuvent y pénétrer et s’alimenter. Le paysan déposait le fourrage à travers l’ouverture qui se trouvait soit au niveau du sol ou à l’étage qu’il escaladait à l’aide d’une échelle.
Borde près de Sarrance.
Si jusqu’au XVIe siècle, le matériau de prédilection est le bois, il disparaît ensuite au profit du pisé et des galets roulés ensuite.
Borde en ruine près de Sarrance.
Le foin, ensuite, doit être étalé. Ce travail est le plus souvent confié aux femmes et aux enfants. Ensuite vient l’opération consistant à faner ou retourner le foin à la fourche (« bira ») pour que le soleil l’assèche. Ce travail se pratiquera le long de la journée à l’aide du râteau (« arrastère ») ou de la fourche (« hourque »). Sec, le foin est ramassé afin d’obtenir des bottes puis transporté dans une borde ou grange. La famille est là, tout le monde connaît le travail qu’il doit faire, si l’homme fauche, la femme use de son râteau pour assembler des tas. Puis, il y a ceux qui s’affairent en liant les gerbes en utilisant des cordons de paille.
Planche et légende sur le battage en grange, tiré de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (source: http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie).
La fauchaison était plus facile lorsque l’herbe était humide, ce qui explique qu’elle se pratiquait soit à l’aube, soit le soir.
Pour le transport, en plaine, on utilise la charrette à quatre roues (ou « bros ») munie de ridelles droites. Les roues cerclées de fer sont l’exception. Les deux bœufs ou vaches étaient protégés des mouches par un tissu. Quant les pentes sont trop raides comme en montagne on utilise des chariots conçus à cet effet. En effet, leurs roues sont réalisées de telle façon qu’elles évitent les dérapages grâce à des roues cloutées pour bien adhérer au sol. Si la pente est trop abrupte, on utilise l’âne pour transporter par exemple le fourrage, à cette fin, on pose sur lui des paniers d’osier. Si cela s’avère impossible, l’homme doit se contraindre à user que de sa force physique, il « amasse le foin dans une vaste toile, appelée « leytère » en vallée d’Ossau, dont les bouts sont noués entre eux et porte ce fardeau sur sa tête...» ou alors il prend « l’arria » ou la « saumette », « instrument très simple, ayant pour base un cadre en bois sur lequel est placé perpendiculairement un étrier ; au sommet de celui-ci, un pieu relié à une corde permet d’arrimer une grosse quantité de foin... cinquante à quatre-vingts kg de fourrage » et de porter « jusqu’à la grange ». 41
Le rythme des travaux comme nous le rappelle Jean-François Soulet « s’accélérait d’une manière presque insoutenable : récolte, mise en tas, liage et transport de l’orge ; récolte des pois et des haricots ; fauchaison, fenaison et transport des regains ; récolte et dépiquage du millet et du sarrasin ; préparation des bottes de paille (« les saumants ») pour les couvertures. » 42
Ces outils sont utilisés bien entendu selon le rythme des saisons, véritable calendrier agricole. Pour donner un aperçu voici celui de la région toulousaine, proche du Béarn. Au mois de janvier, c’est l’époque du labourage des céréales (le maïs comme en Béarn) ; au mois de février, on sème l’orge, l’avoine, on s’occupe de planter les arbres ; aux mois de mars et avril, on laboure à nouveau les champs de blé et la vigne, on sème le maïs ; aux mois de mai et de juin, on laboure encore les terres à blé (afin notamment d’éliminer les mauvaises herbes), on sarcle le maïs ; au mois de juillet, c’est la fenaison et la moisson ; au mois d’août, on procède au dépiquage, on laboure à nouveau, c’est aussi la période de la fumure ; au mois de septembre, on procède de nouveau au labourage des champs de blé, on récolte le maïs, on vendange ; au mois d’octobre, on stocke le maïs, on sème le blé, l’avoine ...; au mois de novembre, on laisse reposer la terre et, enfin, au mois de décembre, on plante à nouveau des arbres et on laboure les terres à maïs.43
En règle générale, dans le royaume de France, on sème les céréales d’hiver à l’automne. Ces « bleds » (nom donné à toutes les céréales) correspondent au froment, au méteil (froment mêlé de seigle). Ensuite, les céréales de printemps sont semées le plus souvent au mois de mars (on les surnomme d’ailleurs les « mars »), on trouve l’avoine, l’orge, le millet.
En Béarn, le froment (« forment) est semé à la Toussaint, à la Noël, c’est l’avoine (« civade »), alors que le millet (« milh ») plutôt à la Saint-Jean.
La fenaison, si elle était une opération relativement éreintante, l’était d’autant plus en montagne. Jean-François Soulet nous décrit ces femmes des vallées d’Aspe et d’Ossau qui « dès trois ou quatre heures du matin, maniant la « dailhe » sur d’étroits replats, ne s’accordant un temps de repos que pour éponger leur front ou chercher dans le coffin la pierre à affûter... Le foin... après avoir été étendu, retourné , mis en tas, doit être porté jusqu’à la « borde » la plus proche. » 40
Dans les montagnes pyrénéennes, Christian Desplat nous décrit l’année agraire appliquée en Bigorre mais que l’on peut transposer en Béarn dans nos vallées. La saison des travaux agricoles débute à la Saint-Martin, en novembre, lorsque la transhumance s’achève et que les ovins descendent des estives. Les « foires se multiplient : c’est le temps des fermages, celui pendant lequel l’argent circule ». On ramasse les châtaignes. Entre les mois d’octobre et de février, les jours raccourcissent, on s’affaire autour du cochon. Puis à partir du mois de février, les travaux agricoles reprennent notamment avec « la montée des brebis aux estives en avril, foins en mai-juin, céréales en juillet… Ce calendrier, qui réglait le travail dans le temps, correspondait aussi à une maîtrise de l’espace modulée par la composition du terroir. » 44
Tous ces outils, les labours et les semailles finies en automne et l’hiver s’instaurant, le paysan prendra soin de les réparer, de les entretenir. Ceci jusqu’à l’arrivée du printemps, saison où toute l’activité agricole renaîtra.
h- Autres outils à main pour travailler la terre :
- La bêche (ou Lou paloun) est un instrument composé d’une partie de fer large d’une vingtaine de centimètres et d’une longueur approximative de trente centimètres. La douille insère un manche d’une longueur de 1 mètre environ. Un hoche-pied permet au paysan d’enfoncer l’instrument dans la terre en y posant son pied. Son usage consiste à retourner la terre et à la fendre verticalement.
La houe (ou houssero) a une forme rectangulaire mesurant une trentaine de centimètres en longueur sur une vingtaine de centimètres en largeur. D’un côté, un tranchant et de l’autre une partie percée pour insérer le manche. Cet outil sert à remuer la terre précédemment travaillée ou à déchausser la vigne.
- Le râteau (ou arrastet) est un outil fait d’une traverse de bois armée de dents de bois ou de fers et muni d’un manche de bois. Il sert à ramasser le chaume après la moisson et à donner une forme arrondie aux sillons après avoir amassé les tas de terres.
Râteau à droite du tribulum (ou traîneau à dépiqueter).
- La fourche (ou hourquo) de forme bifurquée est utilisée pour retourner le foin, le répandre ou le ramasser.
B) Le transport
Pour les distances plus ou moins longues et les exploitations plus ou moins importantes, il existe une variété de moyens de transport.
Pour le déplacement de petites distances (transporter du bois, le raisin vendangé...), si la pente est trop abrupte, le Béarnais détenant de petits revenus l’effectue à dos d’homme (à l’aide de hottes par exemple) ou en employant une civière à bras (« carcan »). Dans les reliefs accidentés, on transporte aussi avec ce que l’on nommait des « carras », sorte de traineau composé d’un châssis et de deux madriers terminés en forme arrondie. D’autres utilisent l’âne ou le mulet. Si l’exploitation est plus importante, l’usage de la charrette (lou car) devient indispensable (ou alors un tombereau). Cela sous-entend bien entendu la possession de bovins. Ces charrettes comportent deux ou quatre roues.
Philippe Wolff fait mention du «... currus, principalement utilisé par les charretiers béarnais », composé de quatre roues, d’une roue de secours, tracté par une paire de bœufs. 45
La charge est d’alors 7 à 800 kg. Pour le transport du foin, de la paille…on dispose sur la charrette horizontalement sur les ridelles - montants pleins ou à claire-voie posés sur les côtés - un cadre appelé « las ballanços ». Quant au tombereau, il repose sur deux roues et détient un timon, il est tracté également par une paire de bœufs. Marguerite Rambeau nous décrit une sorte de tombereau nommé « lu bros » qui ne comporte que deux roues ce qui lui permet d’être plus maniable. Sa caisse, en la basculant, peut permettre de vider son contenu. De plus, il est possible de doubler sa contenance en mettant sur les côtés des piquets. 46
a- Les jougs
Pièce de bois que l’on met sur la tête des animaux, bœufs ou vaches, pour les atteler. Il en existe plusieurs sortes. Une catégorie sert simplement à assembler deux têtes de bétail afin de les amener par exemple au marché. Il ne s’agit que d’une barre de bois trouée de quatre trous pour faire passer les cornes (« juhete). Dans ces dits trous, on passera des attaches dans le but de maintenir les bêtes.
Il existe d’autres jougs qui, selon le nombre de bêtes, peuvent être simples pour un seul animal, doubles pour deux et même trois lorsqu’il s’agit de dresser un jeune entre deux anciens.
Quant au joug utilisé pour des travaux de champs ou de transport, on utilise celui qui est constitué d’une pièce de bois réalisée avec un bois dur comme le noyer ou le frêne. Pour l’adapter aux cornes, il est sculpté. On cale les cornes avec des courroies.
Le joug est positionné sur la tête de la race blonde (« barétone ») et particulièrement sur les cornes qui sont en forme de lyre, vu que ce sont elles qui encaissent le plus l’effort. Par contre s’il s’agit de bovins possédant des cornes plus fragiles, on le pose sur la nuque.
Jougs en haut à gauche de la photographie : Musée du château de Lourdes.
Afin de le protéger des intempéries, du soleil, (éviter l’éclatement du bois) on le protège par une peau d’animal (« cuberte ») comme celle de mouton. Jean Poueigh mentionne que le « front des bovins attelés porte ordinairement une sorte de paillasson (« testère », sur lequel sont tendues les longes (« jùlhos ») ou courroies de joug (« joto, juàto »).
Pour les animaux eux-mêmes, l’attaque des insectes comme le taon ou la mouche pouvant les rendre nerveux, on appliquait des filets (« mousquès ») sur la face. Marguerite Rambeau précise que l’on protège les yeux par « un treillis de lin grossier « lu kapit » qui s’appelle « lu muske ». 47 En ce qui concerne leurs corps, on les protège par des draps, souvent de lin nommés « lah lyeytéres ». Marguerite Rambeau précise que ces dits draps étaient attachés « sous la queue « la kuwo » par des briudes « las krupyeros ». On en revêt « lu parel » pour le préserver de la fraîucheur du soir « lu seré », des refroidissements après la pluie et des piqûres de mouches oun de taons « tabaos » par grande chaleur « kalu ». » 47
Au centre du joug correspond le point d’appui où on accroche la corde, la chaîne ou le timon. A cet effet, on utilise une cheville.
En ce qui concerne les animaux accouplés sous le joug, on les distingue soit selon leur couleur du pelage, soit la forme de leurs cornes ou encore selon leur tendance à tirer à droite ou à gauche. Si on prend le cas des bœufs rouges béarnais, on les appelle « Roùi, Bouet... ». S’ils tirent vers le côté gauche ils seront nommés « biou senestrié »... Les animaux obéissent à la voix. Le bouvier leur lance « arre » pour qu’ils reculent ou « wo » pour qu’ils arrêtent ou « ha » pour qu’ils avancent.
Pour inciter les animaux de bât à avancer, on les pique avec une tige de houx, de coudrier ou de néflier nommée « agulhàdo ». Elle mesure près de 1, 75 m et est composée d’un aiguillon au bout et à l’autre extrémité d’un fer aplati nommé « darboussàdo » servant à nettoyer le soc de la charrue de la terre et à couper les petites racines.
b- Les colliers
Ils dépendent de l’animal auquel on les met. S’il s’agit d’un âne, le collier est en bois (ou en cuir si on a les moyens financiers) et on le place contre le poitrail tout en s’assurant de le protéger des frottements par des chiffons et de la paille par exemple.
S’il s’agit d’un cheval, le collier diffère de la traction lorsqu’elle est importante ou faible.
c- Le bât
C’est un dispositif que l’on pose sur le dos de l’animal qui sert de bête de somme afin de transporter de lourdes charges. On pense à l’âne, au mulet et au cheval.
Tout simplement, on peut utiliser le transport à dos de ces deux animaux par le biais d’un cacolet à panier (« banastos »), c’est-à-dire un bât composé de deux sièges ,à dossier accroché sur une armature.
Ce « bast » est fait en bois ou en osier. On utilise deux branches d’arbre dont la forme ressemble le plus à une courbe en arc. Elles sont alors solidarisées par des traverses dont la longueur correspond au dos de l’animal. On prend soin de protéger la bête par des tissus rembourrés avant de poser le bât. Si l’âne peut supporter une charge de 60 kg, le mulet, par contre, peut porter jusqu’à 120 kg, soit le double. 48
Notes :
1- Lavoisier, Antoine Laurent de, De la richesse territoriale du royaume de France, Editeur :Comité des travaux historiques et scientifiques, 1998.
2- Sigaut, François , voir son article sur https://mots-agronomie.inra.fr/index.php/Charrue,_historique_et_fonction.
3- Bayard, F., et Guignet, P., L’économie française aux XVIe-XVIIe-XVIIIe siècles, Editions Ophrys, 1991, p. 25.
4- Grandthan , George W. , “Division of labour : Agricultural Productivity and Occupation Specialization in Pre-Industrial France”, Economy History Review , vol. 46, n°3, 1993, p. 494.
5- Poueigh, Jean, Le folklore des pays d’oc, la tradition occitane , petite bibliothèque payot,1976, p.95.
6-Rambeau Marguerite, Etude ethnographique et lexicologique de la culture des céréales dans un village béarnais : Lussagnet-Lusson, Mémoire du diplôme d’études supérieures (Lettres Modernes), Université de Bordeaux, 1965-1966, p. 3.
7- Poueigh, Jean, op. cit., p. 94.
8- Rambeau Marguerite, op.cit., p. 6.
9- Dralet Etienne-François, Description des Pyrénées considérées principalement sous le rapport de la Géologie, de l’Economie politique, rurale et forestière de l’Industrie et du Commerce, Paris Arthus Bertrand 1813.
10- Rambeau Marguerite, op.cit., p. 17.
11- Cardo, Michel, Les instruments aratoires en Béarn et Pays Basque à la fin du XVIIIe siècle, Revue de Pau et du Béarn, n°24, 1997, p 287-292.
12- Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe siècle, Editions Caïrn, 2009, p. 144.
13- Rambeau Marguerite, op.cit., p. 4.
14- Idem., p. 5.
15- Idem., p. 37.
16- Idem., p. 33.
17- Idem., p. 37.
18- Poueigh, Jean, op.cit., p. 106.
9- Moriceau, J.M, article « moissons », Dictionnaire de l’Ancien Régime, Editions puf Quadrige, 1996.
20- Soboul Albert, La civilisation et la Révolution française, tome 1, chez Arthaud, 1970, p. 99.
21- Rambeau Marguerite, op.cit., p. 7.
22- METHODE de battre et de fouler les grains à l'aire, dans les Provinces méridionales de la France, par M. AMOREUX, fils, Correspondant, à Montpellier. Mémoire d’agriculture, d’économie rurale et domestique publiée par la Société d’agriculture royale de Paris, p. 47.
23- Rambeau Marguerite, op.cit., p. 43.
24- Rozier abbé, article battage, Cours complet d’agriculture théorique, pratique, économique, et de médecine rurale et vétérinaire, Paris, 1782, tome 2, p. 176.
25- Idem., article froment, tome 5, p. 155.
26- Idem., article battage, p. 173.
27- Rambeau Marguerite, op.cit., p. 46.
28- Moriceau Jean-Marc, Terres mouvantes, les campagnes françaises du féodalisme à la mondialisation XIIe- XIXe siècle, Fayard, 2002 ; Sigaut François, Pour un atlas des agricultures précontemporaines en France, Histoire et sociétés rurales, 2, 2e semestre 1994, p. 142-145.
29- Menuret J.J., Mémoire sur la culture des Jachères, Mémoire d’agriculture, d’économie rurale, et domestique publiée par la Société royale d’agriculture de Paris, p. 65.
30- Idem., p. 69.
31-Guerchy, marquis de, article tiré des Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique publiés par la Société royale d’agriculture de Paris, janvier 1787, p. 174.
32- Soulet J-F, La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien régime du XVIe au XVIIIe, chez Hachette, 1977, p. 93.
33- A.D.P.A., III.E 5363.
34- cf : Sigaut François, L’Agriculture par le feu. Rôle et place du feu dans les techniques agricoles de préparation de l’ancienne agriculture européenne, Paris-La Haye, Mouton, 1975.
Voir l’article, de Portières Roland, De l’écobuage comme un système mixte de culture et de production, Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, Année 1972, 19-6-7, pp. 151-207.
35- Lassansaa J., Billère au fil des siècles, 4e chapitre, Revue Régionaliste des Pyrénées, 56e année, n° 201-202 Janvier à juin 1974, p. 54.
36- Daudin G, Commerce et prospérité. La France au XVIIIe, PU-Paris Sorbonne, 2005, p. 39.
37- Soulet, F., op.cit., p.95.
38- Poueigh, Jean, op.cit., p. 100.
39- Idem., p. 103.
40- Soulet, J-F, La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien Régime, Editions Hachette, 1977, p. 96.
41- Poueigh, Jean, op.cit., p. 96.
42- Soulet, J-F, op.cit., p 97.
43-Frèche, Georges, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au siècle des lumières vers 1670-1789, Paris, 1974, cujas.
44- Desplat Christian : Village de France au XVIIIe siècle, autoportrait », Editions atlantica, 1 97 ; p. 32.
45-Wolff, Philippe, Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-1450), Le Plon, Paris, 1954, p. 449.
46- Rambeau Marguerite, op.cit., p. 9.
47- Idem., p. 11.
48- Soulet, J-F, op.cit., p. 152.
Bibliographie :
- Bulletin des comices agricoles des arrondissements de Pau, Bayonne, Mauléon, Oloron et Orthez, Pau, Vignacour, 1860.
- Haudricourt, A.G., L’Homme et la charrue à travers le monde, Paris, La Renaissance de Livre, 2000.
- D’Alband, N., Nouvelle Méthode pour défricher les landes et les vieilles prairies, Pau, 1773.
- Desplat, Christian, Village de France au XVIIIe siècle. Autoportrait. Satournin et la baronnie d’Esparros, Biarritz, Atlantica, 1997.
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