• Partie 1: Données démographiques française et béarnaise - nuptialité

    POPULATION BEARNAISE AU XVIIIe SIECLE

    (données démographiques française et béarnaise-nuptialités)

     

     

    Abordons la population béarnaise au XVIIIe siècle parallèlement à celle du royaume de France.

          1) La population française

         En France, si on fait le décompte de la population, en 1789, il y a 28,5 millions de Français (22 millions sous le règne de Louis XIV) dans les frontières actuelles (27 millions dans les frontières d'alors. C’est le pays le plus peuplé d’Europe bien que sa part relative a baissé. La densité moyenne est de l’ordre de moins de 40 habitants au km2 (actuellement, 117, 85) ce qui nous apparaît aujourd’hui faible mais à l’époque le sentiment était le contraire. La grande majorité d'entre eux est composée de ruraux, 22 millions (soit 85 %) et parmi eux, on dénombre 18 millions de paysans. Ces derniers ont un désir croissant de détenir des terres (alors qu’aujourd’hui disparaît chaque année l’équivalent d’un département), de plus, ils n’obtiennent guère de rendements élevés à cause de l’utilisation encore importante d’instruments agricoles traditionnels, tout cela se heurte à une croissance démographique certaine créant des frustrations notamment lorsqu’il s’agit de toucher aux communaux. En ce qui concerne la population citadine, les localités de plus de 2 000 habitants, les spécialistes dénombrent vers 1725 ,16 % de la population totale soit 3 7752 000 citadins, en 1806 elle est de 18,8% soit 5 546 000 individus. Soit une hausse entre ces deux dates de 48 %, alors que l’augmentation de la population rurale est de 15, 1%. De rajouter de suite, que cette croissance urbaine a été inégale dans le temps, par exemple à partir de 1775, date à laquelle la crise économique freine cet accroissement. 1

    Au niveau de la composition de la population, si on devait la représenter sous forme d’une pyramide des âges et des sexes , au milieu du XVIIIe siècle , nous aurions une base large (les moins de vingt ans constituant à peu près 40 % de la population), la partie médiane, celle des adultes, englobant la moitié de la population et enfin la partie concernant les personnes âgées fournissant près d' un dixième. Le constat ? La population est plus jeune que celle de nos jours. La différence entre les hommes et les femmes est bien sûr à l’avantage du sexe féminin (surtout à partir de cinquante ans) mais elle est moindre par rapport à aujourd’hui.

    Si la croissance démographique apparaît relativement importante, elle l’est toutefois moins forte que dans d’autres contrées européennes comme la Russie d’Europe ou l’Irlande …La France n’en regroupe pas moins près de 20 % de la population européenne à la veille de la Révolution.

    En ce qui concerne les types de ménage le plus fréquent est celui que l’on qualifie de « famille nucléaire » ou conjugale correspondant aux parents et aux enfants (davantage localisée dans la France du Nord et dans les villes ) , puis la « famille élargie » ou la famille-souche (notamment dans le Centre, dans l’Ouest ) constituée de deux générations soit le couple, les enfants , les grands-parents, les oncles, les tantes, les neveux.., les « familles multiples » ou familles étendues composées de plusieurs couples et dominée par un patriarche ou encore les familles complexes regroupant des parents remariés, d’enfants, des neveux, des cousins...2 Globalement, la taille moyenne des familles est relativement réduite (en moyenne 4 ou 5 enfants) mais de nombreux facteurs interfèrent (géographie, le type de famille comme on vient de l’étudier...).

     

    Pour terminer, abordons une des catégories qui nous intéressent davantage puisqu’elle nous concerne la famille liée à la « maison » (« ostau »). On la trouve 3 dans les régions occitanes, ce qui la caractérise le plus est l’indivisibilité du patrimoine expliquant la prééminence de l’aîné, l’établissement de règles de succession contraignantes obligeant le cadet à rester et à se plier à l’autorité de frère aîné ou à partir.

     

        2) La population béarnaise

         Quant au Béarn, signalons que les recensements et les dénombrements opérés au XVIIIe sont difficilement exploitables d’une part, parce qu’ils sont rares et, d’autre part, car ils sont à manipuler avec précaution.

    Premier constat, l’accroissement démographique est modéré si on le compare au reste du royaume français, il est davantage palpable dans la seconde moitié du XVIIIe. Christian Desplat cite le chiffre de 31 080 unités d’augmentation entre les chiffres donnés par l’Intendant Pinon en 1695 soit 198 000 personnes 4 et ceux donnés en l’an X par la Statistique du Département des Basses-Pyrénées. 5 L’auteur rajoute que cette croissance s’est opérée en faveur de Pau.

    Le même auteur précise que les Béarnais « semblent avoir volontairement limité les dimensions de leurs familles », il juge ce comportement « acceptable » dans une économie rurale, mais il pointe du doigt la ville « prédatrice » qui absorbe « la substance de campagnes qui persistaient dans leurs anciennes pratiques » lorsque la croissance urbaine s’accélère.

    Qu’en est-il des villes globalement en France ? Au début du XVIIIe, siècle peu de villes excèdent les 30 000 habitants, probablement moins de vingt. La croissance de la population citadine stagne au début du siècle puis augmente tout au long. Elle démarre véritablement dans les années 1740. Cette hausse concerne surtout les villes qui connaissent un développement économique et commercial, notamment les ports. Bordeaux, par exemple, vers 1715, était peuplé de 45 000 habitants (55 000 selon J-P. Poussou) 6 ,en 1790, sa population atteint les 109 499 unités. Leur taille dépend également de leur croissance économique. La cause principale de cet essor réside dans l’exode rural plus que l’accroissement naturel. Bordeaux accueille 40 à 50 000 personnes durant la seconde moitié du XVIIIe siècle . Sans cette immigration, certaines villes auraient même subi des conséquences démographiques négatives car connaissant un déficit naturel. Il est de citer le cas de Chartres, la courbe de la natalité est inférieure à celle des décès, et si la ville voit sa population stagner à 13 000 habitants durant la seconde moitié du XVIIIe siècle , elle le doit à l’immigration. L’aire d’influence s’élargit pour plusieurs d’entre elles, toujours en citant Bordeaux, si dans la première partie du XVIIIe, elle attire des gens de l’Aquitaine, dans la seconde partie, c’est de la France de l’Ouest. Cette venue de migrants est une « chance » mais aussi source de problèmes comme la criminalité (J-P. Poussou écrit, pour Bordeaux, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle , que « les filles mères, les mendiants et les petits criminels sont en majorité de jeunes immigrants »). 7 la mendicité car de nombreux pauvres , d’individus au chômage sont attirés par la ville synonyme pour eux de travail, de secours alimentaire notamment par le biais des couvents , de logement dans les hôpitaux ...Cette baisse des naissances dans les villes est due à de nombreuses causes, les « funestes » secrets » déjà mentionnés, le fait de donner à une nourrice le soin d’allaiter le nouveau-né (certaines nourrices pour « rentabiliser » leur fonction n’hésitaient pas à donner leurs seins à plusieurs bébés en même temps).

    Les villes sont des lieux où les mœurs évoluent davantage qu’à la campagne. Les enfants abandonnés, la naissance d’enfants illégitimes et la prostitution en sont des exemples. Paris dénombre probablement 40 000 prostituées pour une population de 575 000 habitants durant le règne de Louis XV. Le nombre des enfants illégitimes est à prendre avec des pincettes vu que plusieurs filles mères proviennent de la campagne afin d’accoucher et de cacher leur état chez elles. A Rouen, ces naissances illégitimes sont de l’ordre de 4% par rapport au taux de natalité global entre 1670 et 1730 pour atteindre le 8 % de 1761 à 1792, à Bordeaux de 4,2% 7 en 1740-1749 on passe à 8,2% en 1780-1789. Les enfants abandonnés sont également de plus en plus nombreux, un seul exemple, Toulouse où le taux est de 10 % durant la première partie du XVIIIe siècle pour gravir à 17% dans la seconde. Qui sont les parents ? Des couples trop désargentés, des amours interdits …On les laisse dans les Hôpitaux …On glisse un papier portant leur nom espérant un jour les revoir … ou carrément rien comme Jean-Jacques Rousseau. Nombre d’entre eux meurent.

    Si on se penche sur la composition sociale, ce sont les domestiques et les ouvriers qui ont des taux d’illégitimité et de conceptions prénuptiales les plus élevés.

    La mortalité, comme on le verra ultérieurement, n’est plus consécutive de la famine et d’autant en plus en ville. Les villes sont au XVIIIe siècle  mieux ravitaillées que précédemment (les pauvres sont secourus par les pouvoirs royaux ou municipaux, même si le grain est cher surtout vers 1788-1789 on ne meurt pas de faim). Par contre, les maladies (variole, rougeole…) et les épidémies sont responsables de nombreux morts. Plus de peste comme cela a été dit, mais le manque d’hygiène, le climat (étés chauds …) provoquent la dysenterie, les fièvres, la promiscuité…On note toutefois que la mortalité a baissé grâce à quelques progrès dans l'approvisionnement en eau dans la médecine dite "aériste"...

    A Bilhères, une mortalité élevée est consécutive, par exemple, en 1774, à des épidémies , notamment à une peste bovine, l’épizootie. Dans le village, sur les 478 têtes de bétail 421 sont touchées. Comme le rappelle Michel Fresel-Losey, la vente du cheptel bovin « représentait l’essentiel du revenu des habitants et les difficultés qui résultèrent de l’épidémie furent encore aggravées par un hiver très dur dont les mercuriales gardent ainsi la trace... ». 8

     

    Penchons maintenant sur le phénomène urbain béarnais. Selon Christian Desplat, les villes béarnaises dépassant les 1 000 habitants constituent 20,1 % des Béarnais. Il fait le parallèle entre l’accroissement démographique et l’accroissement urbain, le premier est qualifié de médiocre tandis que le second est indiscutable. Les petites et moyennes villes composent un réseau dense .En 1801, treize localités ont une population supérieure à 1 100 habitants A la fin du XVIIIe siècle , une ville dépasse les 10 000 habitants c’est Pau (10 438, chiffre datant de 1811), seconde ville béarnaise, Orthez est peuplée de 6 738 habitants, tandis que Navarrenx, elle, compte 1 186 individus. 9

    La ville de Pau, grâce au dénombrement opéré en 1776 sur ordre de l’Intendant Gabriel Isaac Douet de La Boullaye , est peuplée de 7 771 habitants . Les femmes sont plus nombreuses que les hommes pour plus de la moitié des effectifs. Le recensement de 1811 nous informe que la population a atteint le chiffre de 10 438 individus démontrant une croissance démographique non négligeable. Elle serait due à un solde migratoire positif (notamment à l’exode rural) et à une espérance de vie plus longue des Anciens. Cet apport de population est d’abord d’origine proche car la cité attire ceux qui sont intéressés par ses fonctions tertiaires c’est-à-dire administratives, et judiciaires puis le rayon s’élargit jusqu’à atteindre des zones aussi éloignées que les Comminges. La ville voit sa composition spatiale se modifier, le cœur historique voit sa part de population s’amoindrir en rapport avec le reste de la ville, c’est-à-dire sa périphérie, qui accueille ces migrants. Si on se penche plus précisément sur la démographie paloise, quelques constats se dégagent, le nombre de mariages au XVIIIe siècle  a quadruplé jusqu’aux années 1780, par contre la courbe des naissances ne suit pas puisqu’elle ne fait que doubler. Ici aussi comme à la campagne, la pression de l’Église (ne pas se marier durant le Carême…ceci surtout jusqu’en 1760) et de la nature est omniprésente.

    Le taux de mortalité des moins de vingt ans évolue négativement ; Christian Desplat établit une comparaison de différents groupes d’âge et cite ces chiffres entre la première moitié du XVIIIe siècle  et la seconde moitié, 52,7 % et 58%. Les explications avancées sont la relativité des progrès médicaux, le « caractère fortement endogène » de ladite mortalité (49,2 % des décès touchent les moins de vingt ans, surtout dès les premiers jours), les effets négatifs se déroulant en été quand la ville subit des problèmes d’ordre sanitaire et de ravitaillement. Ce sont surtout les hommes qui meurent avant vingt ans, par contre après soixante ans ce sont les femmes. En 1789, globalement, un quart des habitants de Pau a une espérance de vie de soixante ans, cela n’a guère évolué depuis le milieu du siècle. Si on peut parler de progrès, on peut pointer du doigt non les nouveau-nés mais plutôt les personnes âgées (seconde moitié du XVIIIe siècle : taux de mortalité des moins de vingt ans : 58%, celui des plus de soixante ans : 25,2%).

    La mort fauchait davantage en été pour les nourrissons. Autre constatation, la part des femmes dépasse celle des hommes. Le dénombrement de 1776 effectué sur ordre de l’Intendance nous révèle les chiffres de 53,3% pour les femmes et de 46,6 % pour les hommes. La cause essentielle résidant dans l’immigration féminine. 10

     

    Prenons une autre localité béarnaise, Orthez. Stéphane Minvielle dans un article paru dans les Annales du Midi  étudie la ville d’Orthez entre 1730 et 1830. L’étude porte sur une partie comprise entre le quart et le tiers des patronymes orthéziens au XIXe siècle et près de 15 000 actes entre 1730 et 1830. Il ressort que dès avant la Révolution, les Orthéziens limitaient volontairement les naissances. Selon lui, « plus que la région, la taille des communautés et donc leurs particularités socioprofessionnelles seraient le facteur essentiel déterminant les comportements démographiques au moment des premiers signes du tournant malthusien ». 11

     

    Pour ce qui est de la campagne, Michel Fresel-Losey nous a laissé une étude d’un village béarnais, Bilhères dans la vallée d’Ossau. Un recensement a été établi le 1er janvier 1780 et comptabilise 452 habitants. Selon les groupes d’âge établis , l’auteur les répartit , les deux sexes réunis et par proportion pour mille. Les moins de 20 ans sont au nombre de 392 (en France en 1775 , 429) , entre 20 et 59 ans , 492 (en France 498) et, enfin, les 60 ans et plus, 116 (en France 73). La population du village est plus vieille que celle du royaume de France globalement. A la fin du XVIIIe siècle , le groupe d’âge de plus de 60 ans a un taux de 116 °/oo (73 °/00 pour la France) . D’après lui, « ce vieillissement ne résulte pas de l’allongement de la durée de vie, mais des effets plus ou moins conjugués du mouvement des naissances et des décès et des mouvements migratoires ». 12

    Le même auteur mentionne qu’en 1780  le nombre des décès en moyenne est de 7,7. Ce faible niveau est le résultat d’une mortalité infantile et juvénile peu importante. 13

    En détaillant son étude sur la mortalité, il analyse celle des enfants et constate une surmortalité masculine. Pour les périodes de 1740-1779 et 1780-1819, « il meurt 139 garçons pour 100 filles... » alors que le « rapport de masculinité à la naissance s’élevait respectivement à 106, 118... » pour les deux phases. Il précise que la mortalité infantile touche davantage lors de la première semaine, « importance qui varie d’ailleurs avec le sexe et l’époque... ». Pour les deux périodes citées , 54 et 36 % des « garçons décèdent dans les six premiers jours contre seulement 33, 32 %...respectivement pour les filles. » Toutefois il nuance ses propos en rajoutant  que 26 % et 19% (se référant toujours aux deux phases) « des décès ont lieu le jour du baptême ou de l’ondoiement ; or, il est vraisemblable qu’une partie des baptisés ou des ondoyés était en fait des morts-nés. » (p 183-185)  Mais il conclut qu’en France il existait une diversité des régimes de la mortalité. A Bilhères, « les facteurs endogènes » prédominent alors qu’ailleurs on trouve une situation opposée.

    Ses conclusions sont que le village a connu un comportement malthusien très tôt (les Bilhériois pratiquaient la limitation des naissances). comme d’ailleurs le vieillissement de la population.

    Christian Desplat écrit que les habitants des vallées de par leur bonne alimentation et l’utilisation d’une eau de qualité bien supérieure à ce que les citadins pouvaient espérer détenaient un taux de mortalité relativement modéré et en diminution, surtout néonatale.

    Quant à Billère étudié par le même auteur, ce dernier nous apprend que le village connaît une croissance démographique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il cite les chiffres du nombre moyen des baptêmes par an de 8,7 à la fin du XVIIe pour atteindre 15,6 vers 1780-1790. Si on aborde le nombre des mariages, ils s’élèvent à deux à la fin du XVIIe, par contre, vers 1780-1790, leur nombre est de 7,5. L’auteur explique cet état de fait par un comportement malthusien « que l’on retrouve d’ailleurs partout en Béarn et en Aquitaine méridionale. »

         En ce qui concerne les mariages, il dénombre en moyenne un peu moins de trois par an durant la seconde moitié du XVIIIe siècle .

    Il rajoute que l’augmentation de la population est surtout le fait à la fois de son vieillissement et l’arrivée de nouveaux individus. Il pointe également le phénomène de l’exogamie qui, à la fin du XVIIe siècle , couvrait un rayon d’une quinzaine de kilomètres pour atteindre, à la fin du XVIIIe siècle , une aire plus importante parvenant jusqu’aux Comminges, au Gers (concernant davantage les hommes que les femmes qui restent, par contre, originaires du Béarn). Pour illustrer ses propos, il expose le pourcentage des époux « étrangers » (8 % entre 1693 et 1715, 37% entre 1773 et 1789) et épouses étrangères » (près de la moitié entre 1693 et 1715, 33 %).

    Le village de Billère se modifie pour devenir après 1750 davantage une ville qui commence « à jouer son rôle banlieue ».

    Pour finir, le même auteur énonce des progrès comme celui de l’espérance de vie qui devient plus longue car le nombre de vieillards augmente à la veille de la Révolution. Malheureusement la mortalité infantile reste importante puisqu’il précise que « la moitié d’une classe d’âge avait disparu à l’âge de vingt ans ; les ponctions les plus terribles touchaient les nouveau-nés et les tout petits enfants entre un et cinq ans » alors que le nombre des médecins augmente et que les sages-femmes sont mieux formées. 14

    Dans les campagnes béarnaises, les conceptions prénuptiales existent, on peut citer le cas du village de Bilhères-d’Ossau pour la période 1740-1779 où on enregistre 12,9 % des premières naissances avant huit mois.

     

    Reprenons l’étude générale de la population française. Tout au long du XVIIIe, la croissance démographique globale en France a évolué. Les démographes constatent d’abord un premier bond de 1720 à 1737 qui s’arrête pour stagner de 1737 à 1745, phase due à une vague d’épidémies, enfin, un second bond s’amorce à partir de 1745-1750 et qui se caractérise par une forte intensité jusqu’aux années 1770-1780 pour se ralentir par la suite jusqu’à la veille de la Révolution encore du fait d’une autre vague d’épidémies.

    Pour expliquer cette croissance, on avance la quasi-disparition de la violence et des crises démographiques et par conséquent la baisse de la mortalité à la fois des adultes et des enfants (le dernier cas de peste , par exemple, en 1720, à Marseille entraîne la mort de 40 à 50 000 individus, auxquels il faut rajouter près de 50 000 autres décès en Provence dus à la contagion pourtant circonscrite par un véritable mur composé de soldats), un mariage tardif notamment dans les campagnes (d’abord, près d'un dixième des jeunes ne se mariaient pas en ville , 5% à la campagne ; les âges moyens au mariage sont 29-30 ans pour les hommes et 27-28 ans pour les femmes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle , puis ce mariage tardif s’explique soit par des contraintes d’ordre économique soit par le changement des mentalités ), une hausse de la fécondité ( supérieure à 40 °/oo jusqu’au milieu du XVIIIe siècle puis entreprend une diminution aux alentours de 37-38°/oo) mais différente selon les régions, un léger déclin de l’endogamie (choisir son conjoint à l’intérieur du même groupe) locale qui pousse les jeunes du village à chercher des conjoints un peu plus loin. Cette endogamie importante est toutefois en déclin, ce qui s’explique pour plusieurs raisons, d’une part, par la surface réduite que représente le village entraînant forcément un potentiel réduit de conjoints libres, et d’autre part, par l’Église qui dresse des interdits religieux ou des incapacités comme le mariage forcé , des limites d’âge correspondant à l’impuberté (12 ans pour la fille et 14 ans pour le garçon fixés par le Concile de Trente puis reportés à 13 ans pour les garçons et 15 ans pour les filles par l’ordonnance royale de Blois de 1579) , l’impuissance prouvée , l’existence de vœux de chasteté ou d’un mariage antérieur non abrogé par le décès de l’autre conjoint , les liens de parenté (ce que l’on nomme la consanguinité portée au quatrième degré canonique) …Ladite consanguinité est une probable conséquence de l’endogamie géographique mais également sociale. L’on sait que lorsque se posait ce problème les conjoints demandaient une « dispense » c’est-à-dire une autorisation accordée par l’Église notamment l’évêque depuis 1563. Les dispenses étaient établies en deux exemplaires, l’une confiée au dit évêque. En 1692, une décision royale ordonne que la dispense soit mentionnée sur l’acte de mariage ou sur le registre paroissial. Le dossier doit comporter l’acceptation de l’évêque, la nature du degré de l’empêchement, un tableau de cousinage…Cela prouve, entre parenthèses, une certaine mobilité rurale. Autre contrainte pour le couple, l’autorisation des parents donnée depuis l’ordonnance de Moulins signée par Charles IX en 1556 dans laquelle il est spécifié qu’une autorisation soit donnée par les parents aux futurs époux de moins de 30 ans et les épouses de moins de 25 ans.

     

    Il est nécessaire de rappeler qu’avant la loi du 20 septembre 1792

    votée par l’Assemblée législative instaurant le mariage civil l’âge légal du

    mariage des garçons était de 14 ans (15 ans sous la Révolution) et de

    12 ans (13 ans sous la Révolution) pour les filles.

     

         En conséquence, les jeunes gens élargissent leur champ d’investigation sur d’autres paroisses avoisinantes (soit une dizaine de kilomètres en général) entraînant comme effet la disparition de maladies congénitales ; dans les villes cette mobilité est plus forte, on constate que la baisse de l’endogamie s’effectue en relation avec l’importance de la ville et de sa vitalité sur le plan économique, enfin il faut préciser que l’espace matrimonial des hommes est beaucoup plus large que celui des femmes.

    Michel Fresel-Losey, dans son étude sur Bilhères-d’Ossau, constate en analysant l’origine des époux une importante endogamie. Sur les 194 noces comptabilisées entre 1740 et 1799, 194 sont originaires de la paroisse soit 74 %. 15 Quand les conjoints sont étrangers à la paroisse 50 % d’entre eux sont originaires de deux villages proches, Bielle et Escot. Il détaille plus précisément en ajoutant que « plus de la moitié des conjoints étrangers viennent de paroisses distantes de moins de 10 km et 7 % seulement sont originaires de villages éloignés de 20 km et plus ». Et d’en conclure que cela « illustre le  caractère assez fermé de la société montagnarde dans certaines vallées pyrénéennes ».  Puis, il note que l’âge au mariage est de 29 ans environ tandis que celui des filles est de 27 ans environ.  16

    Roger Castetbon 17 dans son ouvrage intitulé « Autour du mariage » analyse les mariages endogames et conclut que cela « ne semble pas être la règle générale, en particulier dans les zones de passage, par opposition aux zones fermées comme les vallées de montagne ou les collines de l’entre-deux-gaves ». Il cite une étude sur la paroisse de Lacq durant la période de 1740 à 1791 et constate que sur 343 couples ayant baptisé leurs enfants il s’avérait que dans 238 cas l’un des conjoints n’était pas né dans la commune ce qui correspond à 34,7% .Il finit par écrire que « l’on se marie plutôt dans la paroisse de l’épouse » ce qui tend à prouver « que le mariage entre natifs du même village n’est pas la règle absolue… ». Une des raisons réside dans le fait que Lacq est un lieu de passage, effectivement la commune borde le « cami salié ».  

    A noter, que l’on se marie également à l’intérieur de son milieu social, ce que les démographes nomment l’homogamie (en Béarn, plus de 70% des unions se déroulent entre des individus du même milieu). Le choix de l’époux ou de l’épouse est très souvent le fruit du choix des parents. La raison provient d’un certain déterminisme économique, les parents sont désireux de conserver leur patrimoine, leur statut social, recherchant un « bon parti » pour leur fille. Ils ne sont pas les seuls intéressés, la communauté y sera également soucieuse du respect attaché. On unit deux familles et on fait en sorte que l’on ne marie point deux aînés ensemble afin d’assurer la pérennité.

    Delphine Nougué nous décrit le déroulement de la signature du contrat. On précise la date et le lieu.On appose les noms des futurs conjoints et leurs « alliés » notamment les parrains et les marraines. Les témoins sont mentionnés selon un ordre hiérarchique. Le nombre de ces derniers est valorisant pour les familles. On peut citer l’exemple du mariage de Jean Dourritte et de Marie de Gassedat dans lequel chaque famille était assistée d’au moins huit témoins. L’appartenance à un groupe social (noblesse, notables du village) est significative.Si les témoins revêtent une importance certaine le jour de la noce, la dot octroyée et le trousseau remis à la mariée le sont également. Une dénommée Jeanne Ducasse, par exemple, a reçu une dot s’élevant à l’équivalent de vingt cinq mille francs de la part du père de Jean Nicolas, Sanson François de Péborde. 18

    Le trousseau peut être conséquent comme celui qui a été donné à une dénommée Catherine Nogues par son père Jean : un cabinet de noyer à deux portes, la tenue du mariage, un lit à quatre faces, trois couettes, un traversin garni de plumes, une couverture de laine, un linceul, une paillasse, quinze chemises neuves, seize serviettes de lin, un labrical pour le baptême des bébés, du lin pour confectionner les tabliers, des animaux dont une jument, douze brebis et un bélier.

     

    Christian Desplat rappelle que le « mariage christianisé » est l’apanage du XVIIe siècle car « ...universel et respecté avec un nombre de conceptions prénuptiales ou illégitimes très faible. » Par contre, le siècle suivant verra « ...se multiplier les « enfants du clair de lune », les conceptions hors mariages suivies néanmoins du sacrement à l’église, le couple et sa progéniture « sous le voile » . 19

    Ce qui pose le problème de l’attachement entre les deux conjoints vu les contraintes exercées sur eux par les parents et ce besoin pour certains amoureux de passer outre les convenances et les coutumes. Les institutions penchaient malheureusement en leur défaveur dans la première moitié de la période qui nous intéresse. Le Parlement de Navarre appelé à trancher sur des différents entre les parents et leurs enfants à Orthez au début du XVIIIe siècle rejette les requêtes de jeunes Orthéziens. Par exemple, prenons le cas d’une orpheline et mineure, J. de Galèze, qui voit sa demande d’autorisation de mariage en faveur d’un dénommé Camille déboutée. La malheureuse devra également subir « l’enfermement » dans un couvent, celui de Saint-Sigismond à la demande de sa parenté. 20 Cette pression de la famille peut expliquer ces conceptions hors mariages citées plus haut qui peuvent être vues comme un moyen justement de la rompre.

    La justice béarnaise à partir de la seconde moitié du siècle modifie son « point de vue » et donne plus souvent raison aux jeunes. Le même Parlement de Navarre, en 1768, accorde le mariage sans le consentement des parents à six reprises. 21

         Avant que le mariage se produise, ont lieu les fiançailles. Les familles se réunissent dans la maison dont est issu l’héritier ou l’héritière. On établit un contrat en général dans lequel on mentionne la qualité de l’héritier dit coutumier, lorsqu’il s’agit d’un cadet ou d’une cadette on note la dot qu’on lui attribue et toutes les garanties assorties (elle est surnommée « légitime » et sa valeur dépend du bon vouloir de l’héritier). On prévoit tout de même les décès des contractants, le « tounadot » quand le couple n’a pas d’enfant, la dot est rendue mais grevée de ce droit de retour.

    En Béarn, cette restitution explique que la famille qui a été dans l’obligation de la rendre ait pu avoir les moyens de le faire. Afin de ne point subir la disconvenue d’être incapable de restituer la dot, on cherchait à réaliser des alliances de catégories sociales quasi similaires. Autre cause, lorsque les deux familles s’unissaient, dans le contrat de mariage établi on réglait la succession des biens. Le devenir de l’ « ostau » (comportant la maison proprement dite mais aussi les individus et les biens qui s’y rattachent) importait d’autant plus que ledit contrat établissait la cohabitation entre les parents et les nouveaux mariés dont le futur « chef », à la mort des parents. En majorité, on dévolue l’héritage à l’aîné des garçons qui se marie souvent à une cadette.

    Du fait du For de 1551, et notamment l’article 3 concernant la rubrique « Testament et Succession », la possibilité pour une femme de venir héritière se restreint et doit obéir à certaines conditions. Par exemple, elle devait être la première-née d’une famille constituée uniquement de filles, en somme, elle ne pouvait succéder qu’à la condition expresse qu’il n’y ait point un homme comme héritier. Mais s’il s’opérait un remariage et que des fils naissent, l’aînée des filles de la première union héritait. On est quand même loin de l’image parfois avancée de l’égalité des sexes dans le Béarn.

    On sait bien que l’on parlait de mésalliances lorsqu’il s’agissait d’une union entre une famille noble et une famille de gens du peuple et leur nombre s’avérait restreint, fruit d’un calcul afin pour les uns d’accroître leur richesse et, pour les autres, d’augmenter leur renommée. Mais le choix découlait également de celui de la communauté villageoise, des habitants du quartier qui peuvent alors contrôler leurs agissements. Il était mal vu de se marier avec un étranger, un « horsin » , du fait que cela lésait les garçons « locaux » d’un parti et que cela pouvait engendrer un danger pour le patrimoine familial.

    Les parents cherchent à travers le mariage de leurs enfants –eux-mêmes peuvent également avoir la même démarche- à augmenter le patrimoine familial, à s’assurer d’une descendance.

    Dans la noblesse, le souci qui guide les parents est de s’assurer pour la famille et , par conséquent, pour leurs descendants un parti convenable. Les futurs époux sont parfois amenés à ne pas être présentés au préalable. Le mariage d’amour est le plus souvent inexistant. Par contre, chez ceux qui appartiennent à des familles moins fortunées il est davantage présent.

    En Béarn, une coutume prévaut, celle de la dot. Les Fors approuvaient le droit d’aînesse et le fait qu’un homme et une femme soient égaux, du moins en théorie. Un homme et une femme peuvent être dotés indifféremment. Leurs objectifs consistaient à préserver la propriété. Mais il est nécessaire de préciser que le futur marié n’a pas trop intérêt à épouser une femme richement dotée car elle constitue un risque pour le patrimoine si un jour le couple se désunit car il faudra alors la restituer et être obligé peut-être en vendre une part.

    Christian Desplat démontre que la moitié des couples (43%) respectent le modèle traditionnel reposant sur l’union entre deux héritiers, « le souci de préserver « l’ostau » et son identité se trouvait de plus en plus contrebattu par la recherche d’un profit maximal ». L’auteur combat ce qu’il appelle le « caractère très relatif du féminisme dans le droit béarnais » en citant deux chiffres : 25 % d’héritiers universels contractent un mariage avec des cadettes tandis que seulement 15 % d’héritières épousent des cadets. Il précise que le régime dotal simple (celui ne tient pas compte du rang de naissance) « valorise » la femme puisque 25 % des femmes sont dotées contre 3 % des hommes ce qui est une manière de « compenser une inégalité naturelle », d’autant plus que le montant pour ces derniers est moindre en rapport avec les femmes. 22

    L’abbé Bonnecaze nous a dépeint l’ambiance dans laquelle s’effectuaient les pourparlers relatifs à la dot et qu’il juge emprunte de « singularités et des dépenses inutiles et qui déshonorent cette célèbre alliance établie de Dieu.» Nous sommes vers 1770. Les deux parties constituées des parents et des amis se réunissent « et on commence à marchander sur la dot…Il ya un entremetteur qui tâche de les mettre d’accord, mais comme il y a des gens qui aiment à multiplier les séances pour se souler de vin, ils tâchent d’en empêcher la conclusion pour y revenir. Enfin après plusieurs séances et délais on tâche de finir. Les parties sont appelées et se donnent parole future et se donnent des arrhes… ». L’auteur insiste de nouveau sur le fait que l’on continue à boire « et manger jusqu’à ce qu’on n’en peut plus… ». 23

    Lorsque les deux parties se mettent d’accord sur le contrat, on choisit la date du mariage et on va chez le notaire pour tout officialiser.

    Celui qui est laissé pour compte, le cadet, le mariage avec une cadette lui est fortement déconseillé s’il ne veut pas vivre péniblement, il advient parfois qu’il noue une relation conjugale avec une héritière (ou inversement un héritier) ce qui pose le problème évoqué plus haut de la dot. On verra ultérieurement que confronté à des choix limités comme ceux de vivre dans l’ « ostau » sous l’égide son frère aîné, de travailler comme ouvrier agricole, il est tenté d’émigrer.

    Les fiançailles ne débouchent pas forcément de suite à un mariage, une coutume existe qu’on appelle « de l’année probatoire ». Elle consiste pour la fiancée de vivre chez son futur époux avant la bénédiction nuptiale. L’évêque d’Oloron François de Revol, en 1749, témoigne de cette pratique. Etaient-elles très usitées ? On peut en douter car les intérêts en jeu étaient trop importants, de plus les fiançailles revêtaient une valeur semblable à un engagement quasi officiel débouchant si une des parties rompait le contrat à un procès tenu par l’Officialité, tribunal ecclésiastique. De toute manière l’Église tente d’empêcher cette pratique en rapprochant les cérémonies des fiançailles et du mariage.

     

    Malheureusement, si l’un des époux venait à décéder, on se remariait mais là la situation se compliquait si on le jugeait mal assorti. On connaît des réactions possibles de la part des autres habitants du lieu comme le charivari qui s’effectue quand on enfreint le « marché matrimonial », l’ordre social « voulu » par Dieu…

    L’Eglise interdit les mariages entre parents jusqu’au quatrième degré canonique, toutefois l’évêque peut dans certaines « conditions » donner son accord pour une dispense. L’endogamie vue plus haut peut poser un problème lorsqu’elle s’avère  trop importante  comme à Bilhères-d’Ossau où 33 % des mariages « ont nécessité une dispense religieuse de parenté » entre 1740 et 1789. L’auteur explique ce phénomène pour des « questions d’intérêt » et par un « certain racisme » à l’encontre des « étrangers ». 24

    Elle s’assure également du bon esprit du couple et de sa religiosité comme le remarque l’abbé Lagrave de Pardies « suffisamment instruits de notre religion et munis du sacrement de Baptême, Pénitence et Eucharistie, du consentement de leurs proches parents, exempts de tout empêchement canonique et après leurs trois publications solennelles de leurs bans de mariage ». 25

    Mais en compulsant les registres des mariages , notamment ceux de Morlaàs, on constate que les demandes de dispense ne sont guère aussi rares que cela. 26, On peut citer l’exemple pris par Jacques Staes cite un exemple d’un couple qui « découvrent » leurs liens de parenté six après leur jour de noce célébré le 30 janvier 1776. Il s’agit des dénommés Daniel de Camlong, bourgeois de son état, et de Rachel de Ferrer Mauco. Ils contactent l’évêque de Lescar en présentant une requête afin de « leur accorder la dispanse du 4e degré de consanguinité », clé pour la « réhabilitation de leur mariage » . L’Église leur accorde le 5 août de la même année par le biais d’une ordonnance qui devient effective le 14 août par le curé .27

     

    L’abbé de Bonnecaze nous informe qu’à la suite de la signature du contrat une cérémonie avait lieu huit jours consistant à pénétrer chez le futur conjoint. Pour cela , « on invite des parents et amis pour assister à cette fête, qu’on appelle Cases entres , c’est-à-dire apprendre à l’époux et à l’épouse qu’ils pourront se voir l’un chez l’autre ; la Casentre commence par le futur ; et ses parents qui vont faire un repas chez le père de la future, et huit jours après, la future et ses parents vont chez le futur conjoint. » 28

    il transparaît à travers ces descriptions des fiançailles et ces rites nommés « Cases », que les familles prouvent que de nouveaux liens sont tissés entre elles et qu’ils sont basés sur l’équité.

     

    Il faut rappeler que nous sommes dans un monde où l’Église garde une influence assez forte et de ce fait le mariage reste un des sept sacrements, que le mariage civil n’existe pas – il faut attendre la Révolution, en 1791, que le célibat reste marginal. C’est d’ailleurs l’Église qui a la charge comme on le verra plus loin .Mais l’État cherche également à maîtriser les unions puisque Henri II signera un édit interdisant les mariages clandestins, que ses successeurs œuvreront afin que les parents apposent leur consentement même si les futurs époux soient majeurs , que les enlèvements disparaissent ...Puis viendra la grande ordonnance de réformation appelée de Blois en 1579 qui par l’article 40 impose la publication de trois bans et la majorité matrimoniale de 25-30 ans requise par les prétendants de par l’article 41 . Le chancelier Henri-François d’Aguesseau, en 1736, exige que les curés tiennent les registres en deux exemplaires qui devront être signés par les parties, l’un des deux exemplaires sera déposé auprès du greffe du bailliage ou de la sénéchaussée. On y consignera la profession du défunt, du conjoint, la qualité et le domicile, mêmes choses pour les témoins. Les protestants morts ont droit à des registres à part. Dix ans plus tard, en 1746, la tenue de registres paroissiaux séparés (décès, naissances et mariages) est exigée.

    Dans le Béarn, province peuplée à peu près de 200 000 habitants, ces registres seront tenus à partir de 1620.

    A l’époque, société traditionnelle, il était impératif pour un homme de transmettre son nom et son patrimoine, pour une femme , elle, c’est de donner naissance à un enfant, la stérilité étant considérée comme une catastrophe que l’on tente de corriger par la dévotion et le pèlerinage sur des lieux de sanctuaires dédiés à la Vierge Marie, de saints ou de saintes guérisseurs ou de se se tourner vers des sorciers, des remèdes et recettes …La stérilité toucherait 10 % des couples .

    D’après des études, il y aurait 5 % des adultes que l’on peut classer comme « célibataires définitifs » à la campagne tandis qu’en ville le chiffre s’élèverait à 13%. Plusieurs événements et situations favorisent les unions, dans la campagne, les moissons, les jours de fête, les veillées sont propices aux rencontres, en ville, elles ont lieu lors des bals, des fêtes, des concerts…Ensuite viendront les fiançailles, la publication des trois bans exigés par le Concile de Trente qui seront affichés aux portes de l’église et la cérémonie elle-même, publique.

    La fiancée a, au préalable, composé son trousseau ; durant sa jeunesse, sa mère lui a appris à coudre, filer le lin ou autres matériaux, à broder. Ce dit trousseau sera montré le jour du mariage permettant également à la famille, à l ‘ « ostau », d’étaler notamment sa richesse.

     

    Pour le mariage, un prêtre est exigé et quatre témoins. La fête suit, payée par les parents. Quel jour choisir pour se marier ? Généralement, les futurs conjoints et les familles choisissent le milieu de la semaine –mardi, mercredi et jeudi - vu que le dimanche est exclu car consacré à la messe, le vendredi symbolise le jour de deuil et de jeûne de Jésus-Christ et correspond à un jour maigre prohibant la viande au repas nuptial, les jours de fêtes …en effet, là encore, la date dépend des interdits et du calendrier liturgique (Carême qui correspond aux quarante-six jours de pénitence avant Pâques soit les mois de mars ou avril selon les années, Avent, en décembre sont proscrits par exemple). La raison réside dans le fait que lors de ces périodes de pénitence et de mortification, il aurait été déconvenue de se divertir et de manger en abondance. Mais aussi du calendrier agricole (on évitait les mois d’été, époque des grands travaux agricoles quoique l’on constate, en montagne, des noces se pratiquant durant le mois d’août lors de la fin de la fenaison).

    A Bilhères-d’Ossau, Michel Fresel-Losey a bien constaté ces « mois de faible nuptialité » notamment aux mois de mars et de décembre « correspondant dans leur plus grande partie avec les temps clos du carême et de l’avent » et aux mois de juillet et d’août, période liée à « l’économie agro-pastorale, aux travaux agricoles et aux transhumances d’été en haute montagne ». 29 A l’ opposé de ces creux, il note que les pointes se rapportent d’une part à l’automne (octobre et novembre et au mois de janvier car coïncidant « avec une activité agricole réduite et l’approche prohibé de l’avant, qui tend à hâter les unions » et, d’autre part, au mois de juin car précédant « les travaux d’été et le départ pour les « estives » de montagne ». 30

    Les noces ont lieu davantage durent les mois de janvier, février, octobre et novembre. Février correspond au mois durant lequel les gens ont fait le pèle-porc, ce qui signifie que l’on pourra nourrir les convives lors du jour des noces mais aussi c’est le mois où l’on consacre de nombreuses unions décidées lors des veillées d’hiver après avoir accompli les formalités religieuses comme de publier les bans. On évite si possible les phases correspondant aux travaux agricoles les plus importants. Le mois de mai est considéré comme mois porte malheur. Pourquoi ? La peur pour une femme d’être trop rapidement féconde et de subir les grands travaux d’été et d’automne. Autres motifs, ce mois correspond au mois de « soudure » et revêt un interdit traditionnel car on suppose qu’un mariage contracté durant ce mois est le fait de femmes malhonnêtes. Après les moissons opérées, les revenus consécutifs engrangés, on pouvait disposer de l’argent afin de verser la dot pour la mariée en ce qui concerne ses parents et payer le banquet.

     

    Les noces, en France, durent plusieurs jours, dans les Landes actuelles elles s’échelonnent sur huit jours.

    Le mariage est précédé par des fiançailles dont le délai avec le mariage est raccourci par l’action de l’Église qui veut éviter que le couple n’utilise ce temps pour cohabiter ou pratiquer des relations sexuelles ce qui explique que ce qui explique que ce temps imparti correspond parfois à un jour voire le jour même de la bénédiction nuptiale.

    A Pau, le mariage tardif augmente entre le XVII et le XVIIIe ce qui limite bien entendu comme on l’a vu la fécondité. Christian Desplat 31 écrit qu’entre « 1720 et 1790 le nombre des mariages palois quadrupla, celui des naissances ne fit que doubler ». Puis il ajoute au sujet de l’évolution de la courbe saisonnière de la fécondité : « au début du siècle, les conceptions paloises sont printanières, d’avril à juin, avec une légère reprise automnale d’octobre à novembre », à quoi il faut également adjoindre le rôle mentionné précédemment de l’Église lorsqu’elle interdit le mariage durant quelques périodes comme le Carême… », ceci toutefois jusqu’en 1760, par la suite, « le couple urbain a contrôlé toujours étroitement sa libido, dans un sens naturellement restrictif ».

    Autre constat, les Palois se remarient de moins en moins, les explications données par l’auteur sont de deux ordres, d’une part, le contrôle des naissances et, d’autre part, « les conséquences de nouvelles exigences sentimentales …Les couples …se légitiment moins par la création que par leur amour… ».

    A Bilhère-d’Ossau, la moyenne d’âge au mariage est de 27, 1 ans pour les hommes et 25, 9 ans pour les femmes durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. 32

     

    L’épouse ne se marie pas en blanc mais plutôt avec une robe de couleur unie (noire, jaune…), le plus souvent la plus belle des robes en sa possession. Le blanc s’affirme plutôt dans la seconde moitié du XIXe pour démontrer sa virginité.

    Pour la noce, on invite les voisins, on les sollicite même comme au moment de l’habillage de l’épouse où ceux sont les voisines qui se chargent de cette besogne, elles peuvent également aider à confectionner le repas de noce tandis que les hommes préparent le local le plus à même de recevoir tous les convives, la grange.

    Les marraines et les parrains conduisent le plus souvent les futurs époux devant l’autel, suivis des invités. On porte des bouquets de fleurs.

    Rappelons encore que  l’Église est omniprésente à l’époque et, par conséquent, il ne faut guère oublier que les gens devaient se rendre à la messe tous les dimanches et les jours de fêtes religieuses ce qui correspond approximativement à une centaine de jours en un an. Ne pas y assister était considéré comme un « péché mortel », il fallait une très bonne excuse pour ne pas y aller, comme par exemple y être empêché par un temps épouvantable, soigner un animal. On communie au moment de Pâques. Lorsqu’on s’y rend, la messe ne s’effectue pas comme aujourd’hui où règne un silence respectueux, il faut imaginer qu’à l’époque tout le monde discute, quant on récite le « Pater Noster » on le déclame en latin, langue quasiment incompréhensible pour tout le monde excepté les lettrés. On se positionne selon les sexes, à droite et à gauche dans l’église ; dans les galeries, les hommes dans le Pays Basque. Le prêche où le prône sera compréhensible pour tous les fidèles puisqu’il sera dit en français ou en patois. Enfin, on écoute cette fois-ci plus attentivement le curé lorsqu’il donnera des informations comme l’annonce d’un édit royal …sur sa chaire avec son abat-voix comme on peut en voir un, de type baroque à cuve polygonale, dans l’église de Morlanne. Le curé garde encore sur ses paroissiens un pouvoir important sur leurs âmes par le biais du confessionnel.

    Le curé a encore la tâche de bénir le lit nuptial la veille des noces afin d’éloigner le mauvais sort.

    Chacun se positionne selon aussi la hiérarchie sociale ainsi le chœur est dévolu aux « fabriciens » qui gèrent les comptes de la paroisse et qui possèdent comme les notables un banc à demeure. Toutefois, les historiens ont noté que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle des signes dénotent un changement perceptible dans la pratique religieuse. Dans les villes, on constate une diminution de la pratique des sacrements, on sollicite moins de messes pour le repos de son âme. Cela ne veut pas dire que les gens soient devenus athées ou déistes, ces deux croyances ne sont le fait qu’une minorité.

    Une fois que le curé bénit les alliances, que les époux formulent les paroles de consentement, on terminera par se rendre à la sacristie afin d’apposer les signatures (si les conjoints savent écrire) sur le registre paroissial.

    La bénédiction nuptiale achevée, vient le repas.

    Entre l’église et le lieu des festivités le cortège est parfois précédé de joueurs de musique, souvent le ménétrier, joueur de violon en-tête. Les chants et la danse égrèneront l’après cérémonie. En Aquitaine, notamment, se pratiquait au moins depuis le XVIe siècle  une coutume dénommée la « sègue » qui consistait à déposer une ronce (ou tout autre obstacle) sur le chemin menant à l’église et qui symbolisait la barrière. Les parents et les amis attendent les futurs époux et entonnent des couplets au sujet de leurs vies, leurs mœurs…Ces derniers s’empressent en général de verser une certaine somme pour interrompre ces couplets. Voilà ce qu’écrit l’abbé Bonnecaze en évoquant la « la nouvelle mariée » conduite « chez son mari : et lorsqu’elle se disposait d’entrer dans la maison, un des plus proches mettait une perche ou un balai de travers à la porte, pour lui en empêcher l’entrée. La femme levait la jambe et franchissait cet obstacle mais aussitôt se présentait un autre homme armé d’une épée qui lui empêchait d’avancer ; et pour lever cet obstacle la femme lui faisait un présent pour acheter la liberté du passage ». Puis, il cite une autre « extravagance » consistant pour deux ou trois hommes à se positionner, « armés à la porte du cimetière de la paroisse, pour empêcher le futur ou future d’avancer, qu’ils n’eussent payé un prétendu droit d’entrée, fondé sur un usage abusif superstitieux. » En bon moraliste, il achève son récit par cette phrase : « Les auteurs de cette concussion allaient ensuite dépenser l’argent en débauche… ».33        Cette pratique correspondait, en fait, à lutter contre l’exogamie (chercher son conjoint hors du même groupe, cette dite coutume visait davantage le marié «étranger » qui devait symboliquement se racheter). Cette coutume revêt également le souci pour la communauté de démontrer la nécessité de se soumettre à ses codes moraux. Ceux qui refusaient de verser leur obole risquaient de connaître un charivari.

    Le même auteur nous révèle que des procès ont eu lieu à la suite de querelles survenues expliquant que cette « extravagance a été abolie en beaucoup d’endroits… Sur quoi il y a eu quelque arrêt qui défend ces abus contraires au bon ordre et à la liberté publique des mariages et qu’on ne peut empêcher personne d’entrer dans l’Église pour le service divin». Lorsque l’abbé écrit ces lignes nous sommes vers 1770 et la « sègue » semble avoir disparu à cette époque. C’est pourquoi qu’il rajoute que l’on « a modifié cette scène burlesque, Maintenant deux ou trois biberons, gens sans aveu, se tiennent à la porte du cimetière , tenant une longue ceinture aux deux bouts pour faire entendre qu’il faut leur donner quelque argent, et l’un d’entre eux fait une harangue gothique tendant à cet objet. Etant finie, il présente un bassin rempli de bouquets, en présence d’abord aux époux et puis aux parents et chacun donne une pièce de monnaie, puis on lève la ceinture pour les laisser entrer. » Pourquoi faire référence au cimetière au sujet de cette coutume ? Probablement car il revêt plusieurs symboles, outre celui du lieu de rencontre entre les morts et les vivants , on peut évoquer alors l’inquiétude que suscite l’irruption d’un « étranger » dans le monde des morts que l’on tente d’ « exorciser » par le paiement d’une « obole ». il ne faut guère omettre le symbole de sociabilité.

    Le même abbé, ancien vicaire d’Asson, nous rappelle qu’il « existait encore un abus...les parents du futur ou de la future avaient accoutumé de leur donner quelques brebis ou moutons avec un bélier, qu’on conduisait à l’église avec les futurs époux. Ces animaux étaient bouquetés aux cornes et avaient des sonnettes ; on les tenait dans l’église pendant la cérémonie et la messe ; un pasteur les gardait dans un coin de l’église et les faisait remuer de temps en temps afin de faire entendre des sonnettes. » Il rajoute qu’il s’est opposé à cette pratique en déclarant qu’il refuserait de faire la cérémonie tant que les moutons soient présents dans l’église. Les gens résistèrent vu qu’il dut quitter l’église mais c’est lui  qui eut le dernier mot car « in les mit au cimetière et je fis mon devoir. Depuis lors, on se contenta de les mener jusqu’à devant l’église sans entrer au cimetière. Insensiblement cet usage a été aboli. » 34

    Cela ne s’arrête pas là car il mentionne un autre « rite de passage » : « Lorsqu’on conduisait la nouvelle mariée ou l’époux dans la maison où l’un et l’autre devaient aller, dès que les parents entraient dans la basse-cour, on fermait la porte de la maison. Ceux de dehors chantaient quelque moment, ensuite on poussait ; ceux de dedans pleins de vin ouvraient un peu ; alors les externes poussaient à force et les internes aussi, et pour l’ordinaire la scène finissait par une batterie de coups de bâton et du sang répandu. En 1758, il y eut au lieu d’Asson des informations à ce sujet. Cependant les exhortations des prêtres ont un peu radouci cette brutalité. » Cette description, outre le ton moralisateur de l’auteur lorsqu’il s’agit de dépeindre des participants ivres, nous révèle la violence dans le monde des campagnes. Christian Desplat 35 précise que ces violences décrites par l’abbé ne sont que le reflet des antécédents survenus dans le passé entre les familles ou des voisins et qui éclatent alors.

    A côté de cette « brutalité » existaient d’autres pratiques « ridicules ». Laissons encore notre chroniqueur des rites populaires nous en relater une autre : ...ceux qui doivent recevoir la nouvelles mariée se placent sur la porte, et l’un d’eux fait des questions ridicules ; il demande à l’épouse du pain, du vin, des chandelles, de la volaille, du sel, du poivre, de la viande, et du froment, et quelques graines de légumes qu’on doit remettre avant d’entrer. On présente un peu de toutes ces choses, puis on lui permet d’entrer. La maîtresse de maison va la prendre par la main, la conduit au foyer de la cheminé&e, lui fait toucher la crémaillère ou pendant du feu, et on lui présente un linge pour essuyer se mains. On lui fait toucher également quelques meubles de cuisine et de la maison pour l’en mettre en possession. Après quoi, on lui présente un verre, on lui verse du vin, et boit à la santé de la compagnie. Dans les villes et aux environs, dès que l’on voit arriver l’épouse à la basse-cour, l’époux s’avance, va la prendre par la main et l’introduit dans la maison ; autrement c’est le plus proche parent qui l’introduit et ensuite les principaux parents l’embrassent en la félicitant. » 36

    Plus haut a été mentionné le terme charivari, c’est un rituel collectif effectué pour empêcher un mariage mal assorti et un remariage. A cette fin, les acteurs usent de bruits provoqués par toutes sortes d’objets comme des casseroles, des instruments de musique. Le but consistant à défendre les intérêts de la communauté.

    Le remariage , en effet, était perçu comme une transgression de la part notamment des jeunes surtout lors d’unions entre des individus de grandes différences d’âges, mais aussi de la communauté si le mariage ne « respectait pas » la zone géographique et l’endogamie. Ce qui explique que parfois on préfère se remarier ailleurs, dans une paroisse voisine. A Bosdaros, des paroissiens de Monein et de Gan viennent s’unir. Prenons le cas de Pierre Lavignasse et d’Anne Lesquerre de Bosdaros. Le curé écrit sur le registre des mariages : « Nous, Jean Castaing-Fois, prêtre vicaire de Pardies et chapelain de Pietat avons fait la bénédiction nuptiale de Pierre Lavignasse, marié en seconde des noces... », les parents n’assistent pas à l’acte. Les témoins sont originaires de Pardies. 37

    La nuit venue, les nouveaux époux quittent les invités pour aller se coucher, mais les convives viennent les surprendre dans leur lit et leur donnent à boire la « roste » (du vin épicé mélangé avec du pain rôti d’où son nom, véritable soupe au vin en réalité).

    Cette coutume s’explique par le souhait des amis, des parents...d’aider 

    les nouveaux époux à parfaire à leurs devoirs conjugaux. On prend alors

    bien soin de poivrer la roste.

     

    Jean-François Soulet nous précise que les « devoirs » et les « responsabilités  étaient rappelés à la nouvelle épouse » et de citer l’exemple pris en vallée d’Ossau où la nouvelle épouse « devait se diriger vers la grande cheminée pour toucher ou embrasser la crémaillère ». 38

    Le mariage différait bien entendu entre les groupes sociaux. Nous possédons une étude entreprise par J-M, Deville en Bigorre qui distingue les mariages bourgeois et les mariages des paysans. Chez les premiers, il ne durait qu’une soirée et de manière discrète.

    Pour finir avec le mariage, il est encore courant d’entendre parler en ce qui concerne les temps passés d’une pratique qui est davantage de l’ordre du fantasme que du rationnel, celle que l’on nomme « droit de cuissage » ou du « droit du seigneur ».

    Jean Loubergé dans une étude concernant Bizanos fait référence au « droit de cuissage » -appelé « Droit du seigneur » à partir du dénombrement du seigneur Auger en 1538. Dans ce texte, il est fait mention du droit qu’aurait le seigneur du lieu , lors des mariages, de coucher avec la « nobia » - la mariée - la première nuit. Les habitants du village et le seigneur se seraient mis d’accord pour décider de remplacer cette « pratique » par un tribut. A charge pour ceux qui désireraient s’épouser d’apporter à leur seigneur une « poularde, un chapon, une épaule de mouton, un pain ou une fougasse et dix écuelles de bibarou » (bouillie). L’auteur juge, qu’en réalité, « c’était simplement un impôt supplémentaire qui était levé sur les habitants, car les petits seigneurs cherchaient tous les moyens d’accroître leurs maigres ressources ». Le dernier seigneur à avoir revendiqué ce dit droit se nomme Jacob de Vignau en 1674. Ce sont les Bizanosiens , qui par leur refus, l’auraient fait disparaître par la suite. il cite un autre cas se produisant à Louvie-Soubiron dans la vallée d’Ossau. Il distingue les deux exemples. Si à Bizanos le « droit de cuissage » pèse sur tout le village, à Louvie il ne concerne que quelques familles du village d’Aas. Ces individus étaient des « questales » (ou serfs) qui avaient la possibilité également de « se racheter moyennant un tribut » ce qui d’après le même auteur occasionnait un avantage « si le droit était effectivement exercé, et si un enfant naissait neuf mois après, il était affranchi automatiquement, à condition que ce soit un enfant mâle, car dit le texte de 1538, il avait pu être engendré par le seigneur. » 39

    Christian Desplat écrit que dans les Fors et les coutumes on ne mentionne guère ce droit. Il cite les deux cas décrits plus hauts qui pourraient laisser « supposer » son existence, L’auteur insiste bien que ce ne sont que des « apparences d’un droit », car pour lui ces cas « confirment la substitution d’un tribut », ne relevant en fait qu’un « droit de rachat, d’entrée dans la seigneurie, comparable à la sègue ».40

     

     

    Notes :

    1-Emmanuel le Roy, Ladurie, Emmanuel,  Histoire de la France urbaine, la ville classique , édition Seuil , tome 3,1981, p. 296.

    2-Jacquart ,Jean ,  Histoire de la France rurale , tome 2 sous la direction de Georges Duby et Armand   Wallon , éditions Seuil 1982, p 278.

    3-Voir de Garnot B,La population française aux XVIe, XVIIe, XVIIIe , éditions Synthèses et histoire, Ophrys, 2e édition, 1992 et Goubert ,Pierre,  Les Français et l’Ancien Régime , tomes 1 et 2, chez Armand Colin, 1991.

    4- Mémoire concernant le Béarn dressé par l’intendant Pinon, 1698 . Publié dans Bull. SSLA, 1905 p 38 à 54.

    Desplat ,Christian,  Pau et le Béarn au XVIIIe , thèse doctorat Pau, collection « Terres et Hommes du Sud  », tome 1, 1992, p 382.

    5-Statistique du département des Basses-Pyrénées, Gal Serviez . Paris ; An X.

    6- Poussou, Jean-Pierre,  Bordeaux et le Sud-Ouest au XVIIIe siècle. Croissance économique et attraction urbaine, Population, année 1985, volume 40, n° 1, p181-182.

    7-Poussou ,Jean-Pierre,  Bordeaux au XVIIIe, les structures démographiques et sociales , Histoire de Bordeaux, tome V, Delmas, Bordeaux, 1968.

    8-Fresel-Losey , Michel,  Histoire démographique d’un village en Béarn, Bilhères d’Ossau (XVIII-XIXe siècles) , Bordeaux, 1969, p,177,.

    9-Benedict, Ph , Rouen dans la tourmente (milieu XVIe –XVIIe) , Histoire de Rouen, Toulouse.

    10- Desplat, Christian, op.cit., p. 390-392 .

    11- Minvielle, Stéphane , La limitation des naissances dans les petites villes : l’exemple d’Orthez (1730-1830) , Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale,année 2001, volume 113, n°235, pp 307-325.

    12-Fresel-Losey , Michel,  op,cit, p, 17 à 21,

    13- Idem,, p, 174.

    14-Desplat ,Christian , Billère, aujourd’hui, hier village , revue de Pau et du Béarn, n° 18, 1991, p.60.

    15- Fresel-Losey , Michel,  op,cit,p.76.

    16- Idem,p. 79 et 213.

    17-Castetbon ,Roger,  Autour du mariage , tome 2 de  La vie d’antan en Béarn et autres lieux , chez Centre généalogique des Pyrénées-Atlantiques , 2011, p. 28-29.

    18- Nougué, Delphine, La monographie de Pardies-Piétat, Maîtrise de l’UPPA, 2001,

    19- Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe siècle, éditions Cairn, 2009, p.210.

    20- A.D.P.A., B 4818 f° 378, B 4805 f°54 et B 4806 f° 76.

    21- A.D.P.A., B 4936 f°41 et B 4939 f° 87.

    22-Desplat, Christian,  Principauté du Béarn , partie 2, éditions Marrimpouey jeune, 1980, p. 513.

    23-Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze ,publiées par M. Duhamat, Bull.SSLA de Pau, 2e série,tome 38, 1910, p .73.

    24- Fresel-Losey , Michel,  op,cit,p.77.

    25- A.D.P.A., 5 Mi 444.

    26-A.D.P.A, Morlaàs C BMS STEFoy 1773-1782

    27- Staes, Jacques, Les registres paroissiaux, une source pour l’histoire de Morlaàs aux XVIIe et XVIIIe siècles, revue de Pau et du Béarn, n°31, 2004, p,64,

    28- Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze, op,cit,, p, 74

    29-Fresel-Losey , Michel,  op,cit, p.50.

    30- Idem., p, 54.

    31-Desplat ,Christian,  Pau et le Béarn au XVIIIe , tome 1, 1992, p. 394 .

    32-Fresel-Losey , Michel,  op,cit, p.74.

    33- Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze, op,cit,, p. 74. 

         Voir le site consacré au mariage dans la vallée d’Ossau:

         http://cauhape.bernard.free.fr/page_Coutumes_chantsNoces.html#La Segue

    34- Idem, p. 75.

    35-Desplat ,Christian, La vie en Béarn au XVIIIe , éditions Cairn ,2009, p,222.

    36- Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze, op,cit,, p..76.

    37- A.D.P.A., Mi 444.

    38-Soulet, J.F. ,  La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien régime du XVIe au XVIIIe , chez Hachette,1977, p, 232.

    39- Les 2 textes: A,D,P,A, B 850 (2 mi 6 bobine 111) et B 877 (2 mi bobine 112)

    l’article est tiré de: Loubergé, Jean, Bizanos dans les siècles passés. Du droit de cuissage aux activités

    de banlieue, Revue de Pau et du Béarn, n°24, 1997, p,41

    40- Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe , éditions Cairn ,2009, p,226.

     

     

     

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    Bély, L. (dir.), Dictionnaire de l’Ancien régime , Paris, PUF, 1997

    Castetbon, R , Autour du mariage , collection : « La vie d’antan en Béarn et autres lieux »,

    tome 2, parution : Centre généalogique des Pyrénées-Atlantiques, ADPA, 2011

    Desplat, Christian,  La vie en Béarn au XVIIIe, éditions Cairn, 2009

    Pau et le Béarn au XVIIIe , thèse doctorat Pau, chez J et D Editions Biarritz, 1992

    Duby, G. et Wallon ,A  Histoire de la France rurale , tome 2, éditions Seuil, 1982

     Histoire de la France urbaine, la ville classique », éditions Seuil, tome 3, 1981

    Dupâquier, J., Histoire de la population française , tome 2, « De la Renaissance à 1789 », Paris,Presses universitaires de France, 1988

    Garnot, B, La population française aux XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles , Synthèse et histoire, Ophrys, 1992

    Le peuple au siècle des Lumières échec d’un dressage culturel , éditions Imago, 1990

    Société, cultures et genres de vie dans la France moderne, XVIe-XVIIIe , Hachette supérieur, 1991

    Goubert, P et Roche D., Les Français et l’Ancien régime , édition Armand Colin, 1991

    Minvielle ,S., La limitation des naissances dans les petites villes : l’exemple d’Orthez, 1730-1830 , Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méri-

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    Zinck ,A; Azereix, une communauté rurale à la fin du XVIIIe , Paris SEVPEN., 1969

    Pays et paysans gascons sous l’Ancien Régime , thèse d’Etat, Université Paris I,dactyl. 9 volumes,1986Données démographiques française et béarnaise- nuptialités

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