• Partie 1: LA SEIGNEURIE

                      LA SEIGNEURIE, LE CADRE JURIDIQUE    

     

     

     

    1)    Dans le royaume de France : généralités

     

         En 1789, la quasi-totalité des paysans est juridiquement libre. Il ne subsiste du servage qu’une minorité localisée surtout en Franche-Comté et dans le centre de la France. On en dénombre près d’un million de serfs.

     

    Au sujet des terres, elles dépendent en majorité d’une seigneurie, une minorité correspond à ce que l’on nomme un « alleu » c’est-à-dire une terre libre de toute obligation (noble ou roturière) , nombreux dans le Sud-Ouest (Bordelais, Périgord...), l’Ouest et le Centre, mais tendent à diminuer d’année en année et ceci depuis le XVIIe siècle sous l’action des seigneurs hauts justiciers et des officiers du roi.

     

    Les alleux ne représentent plus que 1 % des terres.

     

         Comme le souligne très bien Pierre Goubert 1 une seigneurie est un ensemble de terres constituant une propriété et un espace das lequel s’exerce une justice de la part, soit d’un individu, soit d’une collectivité. Ce n’est plus une cellule économique telle qu’elle existait au Moyen Age vu que sa part dans la production a régressé, c’est une cellule « structurale juridique » titrée ou non. 2

     

    Jean Gallet la définit « comme une terre dont la possession s’accompagne d’une délégation de puissance publique » et confère « au propriétaire une dignité particulière ». Si la féodalité existe encore à l’époque moderne, elle ne correspond qu’à une « institution de droit privé qui encadrait la propriété immobilière. » La seigneurie s’est modifiée pour devenir « une propriété héréditaire, une source de profits, un objet de commerce », mais ne forme plus « un réseau de solidarités féodales politiques et militaires. » Elle n’est plus «... une cellule économique. Son rôle dans la production se restreignait. Les réserves ne comprenaient plus qu’une petite partie des terres. » Si elles apparaissent si complexes, cela est dû « aux différences entre pays de droit écrit et pays coutumiers, aux caractères propres des provinces qui ne sont entrées toutes en même  temps dans le royaume et qui ont conservé des privilèges, et aux usages particuliers des seigneuries. » L’Etat n’y est pas étranger puisqu’il a tenté de les « organiser » et de « réduire leur rôle. » 3

     

     

     

    Au niveau du paysage, elle se reflète en partie par la présence du château ou de la gentilhommière.

     

    Les seigneurs ne sont pas forcément des aristocrates (bien qu’ils constituent la majorité), de nombreux bourgeois ont acquis des seigneuries - en payant le droit de franc-fief - auprès de nobles désargentés par exemple pour le prestige notamment et pour percevoir les droits qui s’y rattachent. La bourgeoisie y voit un moyen de gravir dans l’échelle sociale dans des termes d’investissements fonciers. D’aucuns tenteront d’acquérir une terre noble, ce sont soit des laïcs, soit des ecclésiastiques.

     

    Hubert Méthivier distingue deux types seigneuriaux, celui qu’il nomme « les seigneurs censiers » qui perçoivent un cens (ou redevance versée par les paysans) et celui qu’il désigne de « seigneurs banniers » qui possèdent le droit de ban (pouvoir de faire des règlements sur l’étendue de son domaine…). Ensuite, le même auteur précise que les droits seigneuriaux sont « les uns personnels et honorifiques, les autres « utiles » (sources de revenus) » et que le seigneur bénéficie de plusieurs « monopoles » comme le droit de chasse, les péages…, d’imposer les banalités » (droit pouvant imposer à ses sujets l’usage, moyennant une redevance, du moulin, du four et du pressoir), les droits de justice. 4

     

         Pour simplifier, si on doit établir un schéma d’une seigneurie on doit dire qu’elle est divisée en deux parties, la première appelée est la réserve seigneuriale (ou domaine proche) qui dépend directement du seigneur - en l’exploitant, davantage en louant la terre qu’en usant le faire-valoir-direct -, et dans laquelle il vit (château, manoir…),  et la seconde, les tenures ou les censives (ou encore la mouvance) qu’il loue en échange d’un cens et qui constituent en surface la plus grosse part le plus souvent. On peut y adjoindre également les biens communaux, c’est-à-dire les bois, les landes… sur lesquels reposent des droits d’usage collectif.  En réalité, définir une seigneurie se révèle beaucoup plus complexe, car elle peut se composer, par conséquent, comme on vient de l’écrire de la réserve, des censives mais également des fiefs (terres nobles) et, pour compliquer le tout, d’arrière-fiefs… Les seigneuries « occupaient des superficies les plus diverses : une seule communauté, voire quelques hameaux, ou  plusieurs dizaines de communautés. Les limites n’avaient rien d’immuable. » 3

     

          Albert Soboul distingue les droits féodaux et les droits seigneuriaux. Les premiers découlent du contrat de fief tandis que les seconds dérivent de la puissance publique.5 

     

    Emmanuelle Charpentier, analysant les droits féodaux, écrit qu’ils sont « dus par les sujets par les sujets du seigneur en vertu de la concession initiale de la terre composant la mouvance ». 6

     

    A travers eux, le seigneur exerce une autorité et du pouvoir sur les terres et les gens.

     

    Le cens, note Albert Soboul, « manifeste la dépendance dans laquelle se trouvent les tenures roturières (censives) à l’égard du seigneur. » Emmanuelle Charpentier précise que s’il est payé en argent « son coût est peu élevé… car il a valeur de symbole. » Mais il peut être plus cher au moment des années de crise lorsqu’il est perçu « sur les productions locales dominantes ». Il est différend d’une région à une autre parce qu'il est « défini par rapport au lieu ». Il peut être prélevé par un agent seigneurial s’il est « quérable » ou payé directement au seigneur s’il est « portable ».

     

    D’après Albert Soboul , « la plupart des paysans propriétaires étaient des censitaires » et, de ce fait, est « dans la dépendance de son seigneur… qui est marquée par le paiement annuel du cens… »

     

    A côté du cens , d’autres prélèvements s’exercent sur la production agricole.

     

     

                                2) La seigneurie en Béarn,     

     

       Ces généralités concernent les seigneuries que l’on trouve dans l’ensemble du royaume de France. Mais en Béarn, il existait des particularités qui les distinguaient quelque peu.

     

    Il est nécessaire de se rappeler que la noblesse en Béarn était réelle. Il était indispensable d’être propriétaire d’une terre noble, ce qui explique que les familles s’arrangeaient pour ne pas en être dessaisies. Le pouvoir royal chercha à lutter contre les usurpations des roturiers des titres de noblesse. L’ordonnance de Blois de 1579 promulguée par Henri III ne concerne que le royaume de France et non le Béarn, puisque ce dernier se considère comme souverain. Ledit édit spécifie bien dans l’article 257 que ceux qui, sans droit, « prendroient le nom et le titre de noblesse, d’écuyer, ou  porteroient armoiries timbrées » seraient punis d’une amende arbitraire. Il insiste bien que la particule « de » n’est en rien une valeur nobiliaire. Néanmoins, aucune décision royale n’a jamais interdit à un roturier d’usurper la particule. Mais le pouvoir royal, devant la persistance des nobles à signer de leur nom celui de leur seigneurie, chercha à lutter contre cette pratique qui facilitait l’usurpation de noblesse.

     

        L’autorité royale accepta de reconnaître la particularité béarnaise. Elle prit, par exemple, un édit confirmant les anoblissements octroyés depuis 1715. Cela devait persister jusqu’au 17 juin 1790, date de la disparition par décret de l’Assemblée constituante des titres nobiliaires et honorifiques. En 1815, par contre, les principes nobiliaires propres à l’ensemble du royaume gouverné par Louis XVIII furent étendus.

     

    Auparavant, comme l’écrivait Alexandre de Nays Candau 7 dans son journal : « Le dernier des manants qui ne commerçait point en détail et qui n’exerçait point de profession virile, achetait ce que l’on appelait une entrée aux Etats, ce qui n’était souvent qu’une masure, un rocher, un lopin de terre grand comme un carreau de jardin et aussitôt il prenait dans ses actes la qualité de noble et jouissait de tous les privilèges de la noblesse dans l’étendue de la souveraineté... ».

     

    Christian Desplat écrit que la valeur d’une terre noble varie entre 500 et 400 000 livres, l’achat du droit d’entrée « s’accompagnait de celle d’une véritable seigneurie », entre 15 000 et 50 000 livres. Il rappelle que ce sont « les terres et les revenus agricoles qui valorisaient une seigneurie, plus que sa nobilité. » 8

     

    Si, a priori, le nombre des fiefs augmente tout au long du XVIIIe siècle - 200 en 1702, 260 en 1782 -, la quantité de nobles dans la province n’est pas plus élevé que dans une autre province française. Le pourcentage de nobles avoisine les 1,5 % de la population.

     

    Le noble béarnais, membre de plein droit des Etats de Béarn, jouissait alors de tous les privilèges dont bénéficiaient les autres aristocrates français.

     Christian Desplat étudiant la répartition géographique des fiefs à l’époque moderne constate que cela n’a guère évolué depuis le Moyen Age. Il note que les capitales historiques de la souveraineté comptent « le plus grand nombre de fiefs et spécialement de fiefs avec juridiction ». Il cite Morlaàs avec 251 fiefs, Orthez avec 195 fiefs et Pau avec 190 fiefs.  Les sénéchaussées de Sauveterre (172 fiefs) et d’Oloron (177 fiefs) auraient vu le nombre de nobles baisser. Si on compare ces chiffres avec ceux issus des sources fiscales (la capitation entre autres), l’auteur précise qu’ils sont à nuancer. Par exemple, si Orthez concentre 7,2 % de nobles en rapport avec la population totale, elle constitue 26 % de nobles par rapport à la noblesse, tandis que Pau présente ces données : 4,1 % (% dans la population des contribuables)  et 26,1 % (au sein de la noblesse). En ce qui concerne les vallées pyrénéennes, elles « avaient très tôt éliminé ou presque la noblesse. » 9

     

         La superficie des différentes seigneuries béarnaises n’était pas très importante, en taille, elles se rapprochaient de celles des laboureurs des villages. Quelques nobles, seulement, se détachaient du lot. Comme exemple, on peut citer les propriétés du marquis de Lons, lieutenant du roi en Béarn. Sa seigneurie s’étale sur plusieurs parties de la province allant du Vic-Bilh au Jurançonnais. Elle comporte quatorze moulins, un moulin à forge, une forge, deux vivriers, un bac sur le Gave. Ses biens immobiliers sont importants, on relève six châteaux (dont ceux de Lons et d’Orognen) , cinq métairies... Par la répartition de ses domaines, il produit du vin dans le Vic-Bihl et le Jurançonnais, de l’élevage et de la culture sur la vallée du Gave de Pau. De tous ses biens (426 ha), le marquis retirait environ 100 000 livres, correspondant approximativement à 1 035 000 euros si on prend l’année 1789 pour référence.10

     

        Prenons l’exemple de la seigneurie de Rébénacq étudiée par Jeanne Valois 11. C'est un fief qui a la particularité de donner droit d’entrée aux Etats de Béarn depuis 1613 et qui deviendra un comté par la suite. Le potentat local a pour titre seigneur des villages de Rébénacq et de Bescat.  Au XVIIIe siècle, la seigneurie s’étale sur un dixième des terres de la paroisse. Mais la seigneurie occupe également plusieurs autres paroisses comme celles de Sainte-Colome, de Buziet, de Lasseubétat, de Sévignacq-Meyrac.  Outre la résidence seigneuriale de Rébénacq, coexistent trois métairies (généralement composées d’une grange, une basse-cour, un jardin , de 34 à 60 arpents de terres « labourables », de « pâtures », de bois et de fougeraies), un moulin à farine (droit accordé par le For de Morlaàs assimilé à ce que l’on nomme le droit de banalité qui obligeait les villageois de faire moudre leurs grains - froment ou milloc  puisqu’il existait deux types de meules - au moulin banal érigé sur une dérivation du Neez), un foulon (constitué d’une auge et de maillets et qui permettait de battre la laine tissée, on y ajoutait de l’argile smectique afin de l’assouplir) et une papeterie (affermée à un maître papetier pour une durée de six ans). L’auteur nous précise qu’à la veille de la Révolution, 22 maisons du village s’attelaient à la confection d’étoffes de laine et que l’industrie textile constituait la principale activité artisanale du village. A côté de ces moulins, le seigneur en détenait d’autres dans les autres paroisses de sa seigneurie.

     

    Prenons un autre exemple étudié par Christian Desplat , la seigneurie de Billère correspondant à une « maison noble du domenger », ce qui procurait au seigneur le droit de siéger dans les rangs de la noblesse aux Etats du Béarn.

     

    Le « domenger » (origine : dominicarius) est le propriétaire d’une terre seigneuriale appelée « domenjadure » (origine : dominicatura).

     

     

    Aste-Béon : domenjadure du XVIIe - quadrilatère avec 2 échauguettes

     Partie 1: LA SEIGNEURIE

    Sa réserve est constituée d’une « vingtaine de parcelles de terres tenues noblement « auxquelles il faut rajouter « Vingt-trois censives ou tenures paysannes… en échange de sa terre dont il était propriétaire réel, chaque paysan devait une redevance », par exemple la maison Lassansaa qui devait un cens de « une poule et dix sols payables chaque fête de tous les saints ». Enfin, il faut adjoindre des terres non anoblissantes « travaillées par des paysans. » 12

     

          Par la détention de la seigneurie et de la protection qu’il leur accorde en théorie, le seigneur exerce des droits seigneuriaux et en ce sens détient le droit de commandement appelé le ban.

     

    Il peut par conséquent forcer ceux qui vivent dans sa seigneurie à utiliser son moulin, son four et son pressoir (les banalités) comme on vient de le voir dans la seigneurie de Rébénacq.  Ce droit de ban lui concède le pouvoir de décider de la date des travaux agricoles comme la fauchaison. Il prélève des redevances.

     

    Le paysan, outre ces redevances, doit d’autres obligations ou droits comme ceux intitulés les « lods et ventes » quand la tenure change de locataire et lors des transactions et les héritages, des journées relatives aux fameuses corvées, des taxes sur le commerce local (octroi…). Il doit également se soumettre à de véritables monopoles détenus par le seigneur comme celui relevant de la chasse… Le seigneur de Rébénacq perçoit entre autres le droit de mayade autrefois échu au vicomte de Béarn qu’il a concédé à d’autres seigneurs. C’est un véritable monopole de la vente de vin ou de cidre durant le mois de mai d’où son nom. A Rébénacq, trois fermiers se partagent la fonction de percevoir un impôt sur le vin qui pénètre dans la commune, que l’aubergiste vend ou que le paysan produit. L’argent sera divisé entre le seigneur et la communauté.

     

    Bien entendu, il faut avoir à l’esprit que tous les seigneurs ne détiennent pas tous les mêmes droits, cela dépendait des régions, de l’histoire des seigneuries elles-mêmes. Des études se sont penchées pour tenter d’établir des comparaisons entre les montants des loyers de la terre, de la dîme, de l’impôt prélevé par la royauté et les prélèvements opérés par le seigneur, on constate que ces derniers se placent au dernier rang (leurs valeurs peuvent varier de 20 % du revenu net à moins de 5%).

     

    Quelques mots seulement sur le prétendu « droit de cuissage », si on compulse les Fors et les coutumes béarnaises, rien ne transparaît à part deux allusions, l’une en 1538 à Louvie-Soubiron où le seigneur targuant de son droit aurait «... exigé une nuit des jeunes mariées et un tribut pour chaque premier né. » (et ne visant que quelques familles « questales » du village d’Aas) et l’autre, en 1674, à Bizanos, où un document attesterait de son usage. Mais à chaque fois, on substitue ce dit droit par un tribut comme à Bizanos constitué d’une poularde, d’un chapon, d’une épaule de mouton, d’un pain ou d’une fougasse et dix écuelles de bibarou. 13

     

         Des nobles sont titulaires d’abbayes laïques. Au Moyen Age, comme le précise Pierre Tucoo-Chala , elle « désigne la dernière catégorie des terres nobles béarnaises, la plus basse. » Ce titre, d’abbé laïque, ne correspond pas à celui donné au chef religieux d’un monastère. Il remonte au Moyen Age, date à laquelle des propriétaires ont édifié des lieux de culte comme une chapelle, un oratoire... et, par voie de conséquence, nommé un desservant et perçu une part des revenus destinés à l’entretien. Puis, la coutume assimila certaines d’entre elles à des terres nobles, surtout à l’époque moderne. Le même auteur mentionne que ces abbés laïques « après de longs combats, réussirent à assimiler » leurs terres d’ « abadie » aux domenjadures surtout à l’époque de Jeanne d’Albret 14

    Partie 1: LA SEIGNEURIE

    Partie 1: LA SEIGNEURIE

     Deux photographies de l'abbaye laïque d'Abos du XVIe siècle.

         A  côté des droits qu’il perçoit, le seigneur assure la police et détient le pouvoir judiciaire ou ce que l’on peut nommer la puissance publique sous contrôle de la monarchie puisqu’il servait d’intermédiaire entre l’Etat et la population à la suite des juridictions comme les baillages et les sénéchaussées.  Hubert Méthivier 4 nous rappelle que le seigneur détenait des droits de justice « et tous les profits, matériels, moraux et sociaux qui en découlent : il y a la basse, moyenne ou haute justice, selon l’étendue de la compétence judiciaire du seigneur (et aussi de son ressort bannier) ». On parle de moyenne et de basse justice pour tout ce qui concerne le pénal Correctionnel (et défendues par les seigneurs, car sources de revenus, il s’agit d’une juridiction traitant de délits ou de litiges de moindre importance, mais sanctionnés par des amendes) et la haute justice au pénal (lui procurant le droit de condamner à mort en érigeant une potence mais aussi d’user d’un pilori, d’un carcan, tout ceci obligeant le seigneur de détenir un personnel judiciaire constitué de juges, de greffiers) mais qui s’amoindrit par l’action de l’Etat. En fait, comme l’écrit Pierre Goubert, le seigneur a souvent abandonné ce qui concerne la justice criminelle (crimes de sang et délits graves) aux tribunaux royaux, car jugée trop coûteuse et ne gardant le civil, en tout il relève vingt ou trente mille cours de justice comparables à nos justices de paix vu que le tribunal seigneurial arbitre tous les genres de conflits survenant dans sa seigneurie entre les paysans et même entre les censitaires et le seigneur.

     

    Le poids du prélèvement seigneurial diffère. Dans le Sud dans lequel le régime seigneurial est peu important, il se révèle faible, peut-être aux alentours de 4%. L’ensemble des droits du seigneur peut atteindre 20 % de son revenu.

     

         La relation quotidienne entre le seigneur et ses sujets pouvait différer de plusieurs facteurs, de sa présence ou non s’il réside davantage à Versailles par exemple ou qu’il assure une fonction dans l’administration royale, de leur trait de caractère tyrannique (optant parfois pour une attitude distante vis-à-vis de ses sujets en abandonnant la gestion de ses domaines à un fermier ou un régisseur) ou non, allant s’occuper de manière bienveillante du bien-être des gens ou, enfin, optant pour une attitude d’indifférence…

     

    Revenons aux seigneurs de Rébénacq, ces derniers ne résident pas en permanence sur leurs terres, si on remonte à François de Pas de Feuquières, mort en 1694, il a exercé la fonction d’ambassadeur et, de ce fait, par sa charge, n’a pu être présent bien souvent. A la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, les seigneurs de Rébénacq  passent davantage de temps dans leurs terres.  On les sollicite pour être parrains ou marraines de jeunes villageois. Par contre, par la suite, une héritière dénommée, Charlotte, épouse Louis Nicolas Le Tellier  en 1733 et réside dans un hôtel parisien, rue de Berneuil. Même démarche pour leur petit-fils, quarante plus tard. Jeanne Valois nous apprend que parfois des conflits ont éclaté entre les châtelains et leurs sujets au milieu du XVIIIe siècle. Elle cite le cas se déroulant en 1767 et qui nous est révélé par un acte notarié. Le seigneur accuse la communauté de Rébénacq de ne point respecter un acte daté de 1762 ayant trait à des fougeraies. Un partage des communaux ayant été procédé en 1758 en fonction de « bacades » (ou terres) mortes « dont chacun paye la taille », or le châtelain s’estime lésé.

     

    Mais les relations entre le seigneur et ses sujets ne sont pas forcément conflictuelles puisque nous avons pour le cas de la même seigneurie, de Rébénacq, des documents qui attestent qu’ils ont accordé des dons pour l’édification de l’église de Buziet en 1733 ou pour soulager les plus misérables comme en 1790 date à laquelle le seigneur Saint-Chamans verse une « rente aux pauvres ».

     

    Du fait de leurs absences, quelqu’un les représente pour les diverses affaires - un régisseur - en 1770 par un dénommé Lagarde demeurant à Pau et en 1783, cette fonction est exercée par son beau-fils, un « bourgeois et négociant de Pau, trésorier du chapitre de Lescar » du nom de Ferrier.  

     

         Durant le XVIIIe siècle, le régime seigneurial a eu tendance à se régulariser, ce qui a poussé les communautés à chercher à se défendre de l’emprise seigneuriale. Ce qui a provoqué chez les seigneurs un souci de prouver par des titres, les fameux « terriers » leur droit de reconnaître leurs exigences, ce que l’on appelait la réaction seigneuriale.

     

    Au niveau du domaine seigneurial, la partie concernée par les labours est plus importante par rapport à celle détenue par les prés.  Beaurepaire J.M. 15 rappelle que le seigneur est détenteur de « l’essentiel du saltus. Il dispose de friches importantes. » Si on additionne les forêts, les bois et les prés, le tout est dédié au bétail et correspond une superficie supérieure à « celle des tenures paysannes ».

     

     

     

     

     

    Notes :

     

          1-     Goubert,  Pierre, Les Français et l’Ancien régime  tome 1, 

                chez Armand Colin 1991, p. 68.

     

          2-     Méthivier, Hubert, L’Ancien Régime, PUF, coll : Que sais

                -je ?,1968, p. 21.

     

          3-     Gallet, Jean, article « Seigneurie, seigneuries »,

                 Dictionnaire de l’Ancien Régime, dir. Bély Lucien, Editions

                 Puf Quadrige, 1996.

     

          4-     Méthivier,Hubert, op.cit., p. 22.

     

          5-     Soboul A., La France à la veille de la Révolution, Economie

                & Société, 2e édition, revue et augmentée, SEDES, 1974,

                p. 227.

     

          6-     Charpentier E., Les campagnes françaises à l’époque

                moderne, Editions Armand Colin, 2021, p.74.

     

          7-     A.D.P.A. , ms. 4. J. J. 136, Journal du marquis Alexandre de

                Nays Candau.

     

    8-     Desplat, Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, tome 2,

           Editions  J & D. Terres et Hommes du Sud, 1992, p. 575.

     9-     Desplat, Christian, La Principauté de Béarn, Société

            nouvelle d’éditions régionales et de diffusion, Pau, 1980,

            p. 535-536.

    10-  A.D.P.A., Q. 125.

    11-  Valois, Jeanne, La seigneurie de Rébénacq , Revue de Pau et

          du Béarn, n°22, 1995 ; p 215-233.

     

    12-  Desplat, Christian,   Billère, aujourd’hui ville, hier village ,

          revue de Pau et du Béarn, n° 18,1991, p. 66.

     

        13-  Loubergé ,Jean ,  Bizanos dans les siècles passés. Du droit

              de cuissage aux activités de banlieue, Revue de Pau et du

              Béarn, n° 24, 1997, p. 41.

     

        14-  Tucoo-Chala, P., La Principauté de Béarn , p. 524.

     

             15-  Beaurepaire, Pierre-Yves,  La France des Lumières

                   (1715-1789), Collection « Histoire de France » sous la

                  direction de Joël Cornette, Belin, 2011, p. 558.

     

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