• Partie 3: Mortalité - cimetières - personnes âgées

    Population troisième partie : mortalité –cimetières- personnes âgées

     

     

         La  mort  pendant longtemps était associée à plusieurs phénomènes  très récurrents  tels la guerre , la famine ( qui disparait dès 1715-1720 grâce à la conjonction de plusieurs facteurs comme la hausse de la production des céréales et l’ amélioration des capacités de la stocker , le développement des transports routiers et navals et le commerce .. . ) et la peste (la dernière en France à Marseille en 1720, venue d’Orient par voie maritime et éradiquée en grande partie par l’Etat qui applique le cordon sanitaire et pratique  l’isolement  alors qu’elle avait disparu avant, en 1690 ).

     

     

     

    1)    La mortalité

     

     

     

         Globalement, avant le milieu du XVIIIe, le taux de mortalité est supérieur à 40°/oo, durant la seconde moitié il est aux alentours de 40°/oo  et si on établit une comparaison entre la ville et la campagne, il est nettement plus élevé en ville d’autant plus si on appartient à des couches sociales inférieures. Sa chute véritable aura lieu à l’extrême fin du siècle et au commencement du XIXe.

     

         La mort est omniprésente, d’abord la mortalité infantile. A ce qui a été mentionné plus haut, il faut ajouter qu’elle était consécutive très souvent lors de l’accouchement. A la veille de la Révolution, la proportion des  jeunes de moins de vingt ans qui décèdent constitue la moitié en ville comme à la campagne. A la campagne, la mort fauche davantage à la fin de l’été  et le commencement du printemps ce qui n’est pas le  cas pour les citadins pour cette dernière période.

     

    La mortalité infantile a plusieurs causes , elle peut être consécutive à des tares congénitales , un problème survenu lors de l’accouchement, des maladies qui se déclareront par la suite , des accidents …Entre la moitié du milieu du XVIIIe et la veille de la Révolution, approximativement la moitié des 1 000 bébés qui ont survécu à la naissance décèderont avant d’atteindre l’âge adulte. La moitié des décès, au XVIIIe, concerne des enfants ayant moins de 15 ans. La mort touche davantage ceux qui ont moins de 5 ans et surtout avant d’atteindre 1 an. Ce seront les plus vigoureux, ceux qui ont résisté par exemple aux coups de froid  ou de chaud (les étés trop secs pouvant entraîner la propagation des agents infectieux), les maladies mortelles que sont alors la variole, la rougeole, la scarlatine,  les problèmes digestifs, l’étouffement lorsqu’il dort dans le lit avec les parents, l’emmaillotement  coupable de malformation – pour les en prévenir on leur met des amulettes  par exemple. L’automne par exemple est pour le nourrisson une saison dangereuse puisque propice aux épidémies  redoutables pour eux, en effet, leurs mères sont davantage affairées aux travaux agricoles et, par conséquent, les négligent quelque peu, de plus leur lait maternel s’avère être de qualité moindre. Le taux moyen de la mortalité dépend des disparités régionales et locales, en effet habiter près d’un étang, ne pas bénéficier d’eau potable  sont autant de facteurs négatifs.  Le mauvais temps s’installant, les maladies pulmonaires s’abattent aussi sur eux.   Le taux moyen de l’espérance de vie au XVIIIe  avoisine les 30 ans (à la naissance entre 1740 et 1799 un homme avait une espérance de vie de 23,8 ans et une femme 25,7 ans ; en 1789, il est de 28,5 ans). Si un jeune individu a survécu jusqu’à l’âge de 10 ans, il peut espérer atteindre les 40-45 ans ,  mais il faut rappeler que cette moyenne est faussée du fait que la mortalité des enfants était importante (un quart des bébés meurent avant un an, un autre quart pour les enfants avant six ans) et l’inégalité entre les femmes et les hommes face à la mort. A Pardies, une dénommée Marie Peirelongue décède à l’âge de cent quatre ans  le 3 février 1778.  Les dangers qui guettent les nourrissons et les enfants sont nombreux, les maladies qui actuellement sont facilement détectées et guéries sont à l’époque sources de mort  telle la variole par exemple qui est très meurtrière à l’époque, puis il faut ajouter les situations de la vie quotidienne susceptibles de provoquer des drames. Le soin apporté par telle ou telle nourrice a un impact également, la quantité de  lait qu’elle procure

     

    (ce dernier peut parfois être coupé d’eau), une surveillance moins étroite si elle garde plusieurs enfants, l’hygiène de l’habitat dans lequel baigne le nourrisson. Malgré ces dangers connus, les nourrices étaient très sollicitées notamment par les citadines  qui arrêtaient d’allaiter leurs bébés et leur confiaient même si elles habitaient dans des bourgades ou des villages.

     

     L’appartenance  à telle catégorie sociale a bien entendu des répercussions  A  Pardies, pour la seule année 1780, le registre des décès en dénombre trente-deux, parmi eux on recense vingt-quatre enfants âgés de moins de dix ans dont dix moins de vingt-quatre mois. La mort fauche des valets de moins de dix ans , les apprentis , les enfants adultérins…1  Les individus , s’ils sont des hommes, courront le risque de mourir de maladies encore mais également d’accidents des travaux , si elles sont des femmes outre ces causes mentionnées on peut adjoindre les accouchements répétés .Les personnes âgées sont plus enclines à être fragilisées comme les nourrissons par le climat , elles sont victimes des maladies consécutives au froid notamment la pneumonie, en hiver. La variole est redoutée au XVIIIe, c’est une maladie infectieuse très contagieuse qui est responsable du décès des enfants de 1 à 15 ans selon un rapport d’un enfant sur cinq. 

     

    Les accidents à l’époque sont nombreux. Les causes sont multiples comme aujourd’hui. D’abord, abordons les décès provoqués par les effets naturels. La foudre et les orages on l’a vu sont redoutés. Par exemple, en compulsant les registres paroissiaux de la localité d’Aramits  on relève au XVIIIe siècle trois foudroyés. Voilà ce que l’on peut lire dans le registre paroissial d’Arette dans lequel un seul décès dû à la foudre est noté le 11 août 1748 : « …mourut dun coup de foudre et Sans Sacrement Jean de goaillardeu agé de Soixante ans environ Son corps fut inhumé lelendemain dans le Cimetière. De cette Eglise avec les Ceremonies ordianaires en presence Des soussignés par moy » .2

     

    Autres causes naturelles la crue perpétrée par de fortes pluies ,la fonte des glaciers au printemps ou de violents orages en été , occasionnant des noyades. Ces dernières apparaissent nombreuses sous l’Ancien Régime pour plusieurs raisons. La première résulte de l’ignorance  pour la grande majorité des individus de la pratique de la nage, la seconde de l’obscurité lors du passage du gué. En effet, les gens qui déambulaient au crépuscule dans les campagnes notamment pour leurs activités agricoles sont nombreux.  On a constaté en effet  que beaucoup de noyages ont lieu en fin d’automne, en hiver et au début du printemps, périodes auxquelles  la nuit tombe vite. Puis, on peut rajouter le manque de ponts (ou leur mauvais état avec des rambardes défectueuses par exemple) et l’obligation d’utiliser des gués, les enfants qui tombent dans l’eau du fait du manque de surveillance de la part des parents…

     

    Voilà ce que l’on peut lire sur le registre paroissial d’Aramits à la date du 29 mai 1712 : « …mourut Jacques de Barere, du lieu de vielleSégure dans le diocese de Lescar mais il décéda d’une mort accidentelle et par conséquent bien triste : il sortit le matin, de ches luy pour conduire un troupeau de vaches à lanne, et en passant le pont de Serruilleou il tomba sans qu’on peut le Sortir de l’eau qu’après qu’il fut mort ; il Estoit agé de 28 ans ou Environ  selon que la relation m’en fut faite par deux parents qui vindrent icy , mesme ils me declarerent qu’il Etoit bon catholique apostolique romain… ».3

     

    A Bilhères, durant la période qui s’échelonne de 1740 à 1899, on note que la courbe des décès par années-récolte a « augmenté seize fois au-dessus de la moyenne générale en entraînant un déficit des conceptions parfois important. » Michel Fresel-Lozey l’explique « par des épidémies, un climat exceptionnel rude ou une crise de subsistance temporaire. »  4

     

         Outre les morts occasionnées par les éléments naturels, on peut adjoindre celles dues à des rixes, des assassinats et même des rivalités entre des communautés voisines rivales comme celle entre l’Ordios d’Arette et l’Ordios d’Osse. On peut lire dans le registre paroissial d’Arette le 9 août 1706 : « …mourut Jean de Betlocq, de L’ordios du Lieu d’arete, agé de cinquante quatre ans ou environ , d’un accident très funeste et fatal qui Lui arriva hier à La paroisse de L’ordios d’osse , où il fut bastionné si cruellement par quelques personnes  dud.lieu D’osse qu’il est bien tot après mort de ces coups, suivant la déclaration de Me Benedit, chirurgien... » .5  

     

        A partir du XVIIIe, le vieillissement de la population apparaît. Jacques Staes, en parcourant les registres des paroisses de Sainte-Foy et de Saint-André de Morlaàs

     

    constate qu’entre 1733 et 1792, relève sept centenaires. Un dénommé Jacques Manaut décède le 6 mars 1786 à l’âge de 102 ans, par exemple. Son constat : 6 d’entre eux sont des hommes et leurs morts ont lieu durant les mois d’automne et d’hiver. 7

     

    Cela, bien entendu pour l’époque, que vous vivez soit à la campagne soit à la ville, que vous soyez un indigent ou un nanti. Mais il diffère également s’il s’agit d’un homme ou d’une femme  dans un couple, cette dernière connaît un taux de mortalité plus élevé pendant et après l’accouchement ce qui entraîne plusieurs conséquences. La première, les enfants deviennent des orphelins qu’il faut confier à quelqu’un de la famille ou  autres (les parrains et marraines par exemple), la seconde, c’est la nécessité pour le veuf de se remarier. Ne faut-il pas quelqu’un pour s’occuper des enfants pendant qu’il travaille s’il est un simple paysan ou artisan? Surtout s’il ne fait pas partie d’une famille élargie. Mais si un des deux veufs se remarie avec une personne plus jeune, il risque de souffrir des hostilités de la communauté comme on le sait  avec le charivari.

     

         Quand un individu meurt, on arrête toutes les activités, à la maison on immobilise les balanciers des pendules, on étend un voile sur les glaces afin que l’âme ne s’y reflète pas – l’âme en principe doit quitter le corps-, on place également un voile noir au sommet de la ruche afin que les abeilles participent au deuil ou au contraire on découvre les ruches, on ouvre les fenêtres …

     

    On renseigne aux alentours du décès notamment par le biais de l’église à travers la sonnerie du glas qui informera les gens d’après le rythme , le nombre de coups…Lorsque le défunt est un homme le sonneur de cloches fait entendre un coup  vingt-quatre fois , par contre, s’il s’agit d’une femme il fera sonner deux coups brefs vingt-quatre fois .Roger Castetbon  insiste sur le rôle important des voisins et notamment du premier voisin.

     

    Il mentionne  que « si un voisin n’a pas assisté au décès, un membre de la famille accourt chez le premier d’entre eux pour l’en informer…C’est en effet ce premier voisin qui va avertir les autres, en commençant par le deuxième. L’un d’eux va aller déclarer le décès en mairie, quérir un prêtre pour fixer la date et les conditions des obsèques, commander le cercueil, le fossoyeur. » Il rajoute que les voisins poussent la solidarité jusqu’à se substituer même à la famille en s’occupant des animaux et même d’organiser le repas funèbre.8

     

     

     

    Le défunt, selon les ordonnances de l’époque, ne peut être inhumé qu’après 24 heures, excepté quelques cas comme les bébés.

     

     Puis ce sera la « veillée mortuaire ou funéraire » chez le défunt ou dans une chambre mortuaire où les gens –famille, amis, voisins…-,  viendront réciter en chœur des litanies, le chapelet…, on se remémorera des événements passés ayant trait au mort , on mangera et boira afin de rester éveiller puisque les funérailles sont un acte de sociabilité.

     

     

     

      Ensuite, le curé lors de la levée du corps aspergera le corps du mort d’eau bénite et récitera le « De profundis », et on enterrera le défunt rapidement, vingt-quatre heures habituellement comme cela a été écrit précédemment. Le prêtre doit donner les derniers sacrements, ceux de pénitence, d’eucharistie et d’extrême-onction. Leurs rôles consistent à permettre au défunt de l’accompagner religieusement vers le salut éternel.

     

    François Lebrun écrit que la présence des membres de la famille aux côtés du prêtre est importante car en dehors de l’ultime confession ils « prient ardemment pour que le mourant repousse victorieusement les ultimes assauts du démon, regrette ses fautes passées, fasse le sacrifice de sa vie et obtienne la miséricorde du Souverain Juge : telle est la signification des prières des agonisants récitées à haute voix. » 9

     

    On prend soin de faire la toilette du défunt, si c’est une femme elle sera pratiquée par une personne du même sexe.

     

    En Béarn, le linceul est souvent brodé par la femme la plus vieille de la famille.

     

     L’abbé de Bonnecaze raconte, avec son ton moralisateur, qu’on  revêtait aux morts une tenue digne des « jours de fête ou de noces, avec une chemise des plus fines, chapeau ou bonnet neufs. Les seigneurs portent cette vanité jusqu’à leur mettre les marques de dignité, souliers neufs, boucles d’argent ». 10  Il est à noter que les vêtements que l’on met aux morts permettent de différencier leurs rangs « Dans plusieurs quartiers du Béarn, on habille les morts comme les jours de noces ou des grandes .fêtes, avec une chemise des plus fines, chapeau ou bonnet neufs, en un mot habillé à neuf, de pied en cap. Les seigneurs portent cette vanité, jusqu’à leur mettre les marques de dignité, souliers neufs, boucles d’argent, l’épée etc., même les faire raser après leur mort afin qu’ils soient propres à nourrir les vers dans la terre. » Il continue en citant les habitants des campagnes qui dans certains quartiers « ...on se contente de leur mettre une chemise neuve, un bonnet blanc, un gilet et culotte de lin blanc, un linceul dans la bière. A ceux qui ont sçu lire, on leur met un livre de dévotion entre les mains afin qu’ils repassent les méditations ayant les yeux fermés. Quelques-uns lui laissent le livre dans la bière, afin qu’il ne s’ennuie point dans le tombeau.... ». On sent bien que pour ce prêtre tout cela relève de la superstition et de l’ignorance puisqu’il mentionne plus loin qu’il existe heureusement des « gens sensés » «  dans des endroits ». Ils « ne mettent aux morts que des linges les plus usés pour les mettre dans la terre. » Il s’explique. Selon lui, c’est une « erreur grossière de croire que les linges et hardes sont susceptibles de résurrection, puisque cela ne fait partie, du corps qui doit ressusciter et qui, selon St Paul, deviendra incorruptible et le Sauveur assure que ceux qui ressusciteront qui seront semblables aux anges. On ferait un volume très considérable et amusant des superstitions et des erreurs extravagantes dont le peuple vulgaire est imbu et dont il est très difficile de le désabuser. » 10

     

     Il existe des spécificités régionales. L’abbé Bonnecaze nous donne l’exemple du quartier de Navaillés dans lequel « ...on a le soin de mettre dans la bière quelques trousseaux de linet bien peigné, en cas qu’il en ait besoin pour filer ou autrement. Si c’est une femelle, on y met la quenouille chargée avec le fuseau....Si c’est une jeune personne non mariée, on lui met des rubans aux mains, au cou, et on lui met dessus la poitrine une pièce de toile neuve de trois ou quatre pams, qu’on appelle lou seruc, en cas qu’elle en ait besoin pour rapiécer ces coiffes. C’est la marraine ou le parrain qui doivent lui faire ce dernier cadeau. » Puis, il cite le cas des vallées montagnardes où on a coutume de conserver « ...soigneusement les habits nuptiaux pour la mort. En 1762, ce la se pratiquait  à Ste Colomme ; une jeune mariée de Seris recommanda de lui mettre tout ce qu’elle avait le jour de ses noces, et on eut la sottise de l’exécuter. » 10

     

     

     

         Selon Christian Desplat  si l’abbé Bonnecaze voit dans ces pratiques une superstition de plus, l’Eglise n’y voit pas d’inconvénient à faire la toilette des morts. Selon l’auteur, subsistent certainement des croyances anciennes jointes à la « hantise et le refus de la putréfaction des corps. »  L’abbé n’est pas le porte-parole de l’Eglise puis notre auteur nous donne l’exemple du curé de Bruges , au début du XVIIIe, qui ne s’offusque pas que des fidèles soient revêtus d’habits de pèlerins et qu’une femme sans fortune soit « habillée charitablement comme si elle eut été une bourgeoise. » 11

     

         L’extrême-onction est ritualisée notamment par les prescriptions formulées par l’évêque d’Oloron, Jean-François de Montillet de Grenaud , dans le « Rituel » diocésain en 1751 qu’il rédige. Par exemple, s’il s’agissait d’un mourant, le prêtre devait la donner si possible s’il conservait encore la raison et non sujet à la folie. Ensuite, il se devait de lui faire lire des psaumes. Puis, l’Eglise insiste que tout soit accompli dans le respect de la dignité du défunt, par exemple lors de sa toilette. Enfin, on déposera une croix sur sa poitrine, des cierges allumés et un récipient d’eau bénite compléteront la scène. Le Rituel combat les superstitions – toutefois avec de la retenue afin de ne point brusquer - de manière liée à ce qui gravite autour des funérailles. Tout dépeint quand même le souci de surveiller les rites funèbres. (Rituel du diocèse d’Oloron, Paris, 1751).

     

    Si le rôle du clergé joue à plein dans ce domaine, il ne faut pas omettre de parler des confréries composées de laïcs. En Béarn, on en recense quarante-quatre à la fin du XVIIIe.  Christian Desplat cite le pourcentage de 43 % pour celles que l’on nomme du Saint-Sacrement. Il précise que toutes les confréries se donnaient la mission d’œuvrer pour le « salut éternel des confrères » et à cette fin se devaient de prévoir « une soigneuse préparation à la mort. » 12  Il cite comme exemple la confrérie des Pénitents Bleus de Pau « qui manifesta une belle vitalité jusqu’à la Révolution » puisqu’elle compta jusqu’à 118 confrères en 1722 – pour baisser en 1754 car on en recense plus que 106. Il est à noter que parmi eux on compte huit femmes. Cette confrérie existe depuis le 20 février 1635 – avec les autorisations de l’abbé et curé de Pau Sr du Vigneau, de l’évêque de Lescar Jean-Henri de Salettes et du Parlement de Navarre  -   et doit sa création à des gens de catégories sociales relativement aisées puisque l’on y trouve des jurats, des bourgeois et des parlementaires (notamment des avocats). Depuis le rétablissement du culte catholique par Louis XIII à Pau les confréries religieuses se multipliaient (consacrées par exemple à la dévotion de Marie ou de Saint-Jacques...). Le même auteur mentionne que leur souhait était de maintenir leur association hors de la tutelle de l’Eglise notamment celle représentée par la paroisse de Saint-Martin de Pau. Ce qui explique que les membres  s’assemblent au début dans  la chapelle de l’Hôpital et qu’ensuite pour vraiment se soustraire à toute soumission ecclésiastique ils achètent un terrain en 1639 pour une somme s’élevant à douze cents livres tournois dans les faubourgs de la cité  pour édifier une chapelle. Ils sollicitent  une participation  du Corps de ville de Pau soit dix ou douze pieds d’ arbres en argumentant sur le bien fondé de leur action puisque le lieu de culte servirait à la fois aux croyants du quartier et offrirait un ornement pour la vue. On ne leur octroya que 6. L’édification de la chapelle dura une année, elle sera achevée et fonctionnelle en 1642. 13

     

        Leurs statuts – sous l’invocation de saint Hiérôme -  sont copiés sur ceux de la confrérie de Toulouse et l’on note que les articles appropriés à ceux de la mort sont nombreux. L’article 15 spécifiait bien que les confrères devaient « dire le Pseaume De Profondis avec l’oraison, à l’intention des décédez. » , l’article 19 prévoyait que si un des confrères venaient à mourir « ...ils assisteront à ses funérailles, avec leurs habits , un cierge à la main , quatre d’iceux porteront le corps au lieu de sépulture , et feront prier Dieu pour son âme en leur Chapelle par une Messe grande , qui se celebrera le lundy après son decez, et continueront de faire célébrer des messes tout au long de l’an à son intention , et s’assembleront pour chanter l’office des morts , avant qu’aller ensevelir le Confrère décédé, et estant parvenus au lieu de la sépulture , tout estant achevé dans l’Eglise où il sera enseveli , les Confrères pour luy rendre le dernier devoir, chanteront en musique le De Profundis avec l’Oraison. Comme aussi ils seront obligez de dire le mezme office des trepassez le jour de la Fête de Tous les Saints , après les Vêpres du  jour, et le lendemain célèbreront une messe grande pour la commemoration de tous les Confrères Trepassez ; Ils auront en leur habitation commune une ou deux chambres pour y retirer quelque livre de dévotion , pour s’y aller quelque fois rafraîchir et récréer ... ». 14 

     

          François Lebrun mentionne qu’à l’époque moderne l’inhumation est « l’objet d’une pompe plus ou moins importante selon le rang social du défunt ». 15 

     

    Le même auteur  précise que le convoi mortuaire se déroule simplement : « la famille et quelques amis sont seuls présents derrière la bière portée à bras d’hommes ».

     

    Le nombre des pauvres peut parfois s’échelonner de 12 en relation avec les 12 apôtres sans compter Judas  ou 6 que l’on rétribuera pour avoir soit porté le corps soit pour leurs prières, on stoppera  régulièrement et on priera. Chez les plus riches et les membres de la noblesse ce cérémonial se passe plus somptueusement. On note des clercs plus nombreux provenant de la paroisse et de communautés religieuses et précédant le défunt « posé sur un char tiré par des chevaux caparaçonnés ».

     

     Le prêtre attend à la porte de l’église  afin de procéder à l’office des morts.  Ensuite aura lieu le repas funèbre, coutume décriée par l’Eglise qui n’y voit qu’une cause de « beaucoup de dépenses et « de grands excès » L’évêque d’Oloron, François de Revol, en 1753 veut bien tolérer la présence de prêtre lors de cette dite pratique qu’à la condition « qu’ils ne soient parens, ou que quelques autres raisons de bienséance ou de charité les y oblige, encore est-il très dangereux à cause des suites et des jalousies que l’on pourroit causer en se trouvant à ces assemblées en certaines maisons, et non en d’autres ». 16

     

     D’autres pratiques gênaient l’Eglise, le fait, par exemple, que des pleureuses soit gagées lors des funérailles, usage qui datait de l’antiquité. 17

     

    L’abbé Bonnecaze 18 nous dresse un bref historique , vers 1770: « Nos pères faisaient un mélange des extravagances du paganisme avec les cérémonies de l’église pour les funérailles où ils mêlaient les danses et les banquets ; il fallut beaucoup de temps et du temps pour les détruire, on se servit de leur propre principe pour les en dissuader , parce qu’ils croyaient à l’immortalité  de l’âme dont le sort pouvait être heureux ou malheureux ; que dans ce cas il fallait plutôt pleurer que rire et danser ; que rien d’impur n’entrait dans le ciel ; que d’ailleurs il perdait un frère de la société qu’ils ne verraient plus. Depuis lors on prenait des pleureurs et pleureuses pour assister aux convois, qui faisaient des lamentations sur la vie  sur la vie des défunts ; et vallées pyrénéennes du Béarn a perduré jusqu'au milieu du XIXe. Elles étaient appelées les « « aurostères » et « composaient un chant funèbre en vers de huit pieds, « l’aurost » afin decette maxime s’est conservée et est en usage maintenant en plusieurs quartiers du Béarn, dans les vallées, d’Ossau, d’Aspe, Baretous et autres lieux  dans le temps primitif, on appelait cela Nenies ».

     

    On connaît l’existence d’une aurostère native d’Osse-en-Aspe le 29 août1765 et morte le 25 septembre 1849, Marie Blanque. Ces femmes comme le dit l’abbé Bonnecaze est d’improviser des vers relatant les qualités ou les défauts du défaut le jour de ses funérailles. Elles profitaient de l’occasion de se moquer de l’auditoire et même du curé comme le fit Marie Blanque à Bedou . En effet, cherchant à lui interdire de chanter elle le ridiculisa lors d’un aurost en le traitant de « gagne petit ». Il faut rajouter qu’elle était protestante (Osse-en-Aspe est lieu d’une importante communauté protestante).

     

     Elles exprimaient certainement le ressenti  de la communauté. On a écrit que l’aurost pouvait s’apparenter à un besoin soit de lier le monde des vivants et des morts à travers le défunt ou au contraire de couper ce lien.

     

    Roger Castetbon, quant à lui,  rappelle que l’usage des pleureuses dans les trois vallées d’Aspe, d’Ossau et de Barétous a persévéré jusqu’en 1850 et qu’elles « composaient un chant funèbre  en vers de huit pieds, « l’aurots » afin de récapituler, sans concessions, les mérites et les défauts du défunt ». Si les pleureuses persistent dans les vallées béarnaises, l’auteur écrit que le piémont se plia aux injonctions de l’Eglise notamment de l’évêque d’Oloron, Mgr de Revol en 1708 qui défend «  de crier et de se lamenter au retour d’un enterrement , à peine de deux sous tournois envers le seigneur, de deux sous tournois moins un denier envers les gardes et de quatre deniers envers les gardiens » (texte tiré du bulletin « passion Bigorre » mentionné par Guy Dalberny et incorporé dans l’ouvrage de Roger Castetbon.  19 A nouveau, l’évêque condamne en 1712 cette pratique : « Nous défendons très expressément de souffrir qu’aux dites cérémonies il y ait des pleureuses gagées comme nous apprenons qu’il y en a dans quelques vallées de notre diocèse. » 20 Par la suite, les évêques des diocèses du Béarn réitérèrent leurs interdictions dans leurs ordonnances synodales notamment jusqu’en 1753.

     

    Christian Desplat explique que l’Eglise lutte contre l’ « aurost » car, pour elle, ce n’est pas seulement une « simple déploration », elle incarne une certaine croyance au-delà et une potentielle possibilité d’entrer en contact avec les défunts. Déjà combattues par les ordonnances calvinistes de 1570-1572, elles le seront par les Ordonnances synodales des différents évêques du diocèse d’Oloron durant le XVIIIe  tel Mgr de Revol que nous venons de mentionner préalablement. 21  (337) Le même auteur y voit un moyen de raccommoder le défunt avec sa famille et la communauté mais aussi un rite permettant de canaliser les violences d’apprivoiser la mort.

     

    L’abbé Bonnecaze continue à décrire les enterrements en Béarn en précisant « qu’on se retirait à la maison de l’affligé, pour boire et manger ; le repas était complet, et sur la fin, on buvait à la santé du défunt et de  l’affligé, et le plus souvent la scène finissait par un balet semblable à celui des noces. ». Ces instants de « convivialité  dans le malheur » sont décriés par l’Eglise, notre auteur nous rappelle que Monseigneur de Mesplès, évêque de Lescar, avait prohibé, par l’ordonnance de 1683 – article XVI-  les « collations » et les « buvettes » prescrivant aux prêtres « d’y veiller » et il rajoute bien vite : « Mais les abus sont difficiles à corriger, à cause du préjugé ».   Face à l’adversité, toutefois,  les gens se recueillent. « Pendant 7 ou 9 jours, les  parents de l’affligé se rendaient à l’église pour prier Dieu et entendre la messe, puis allaient prier Dieu sur le tombeau : ils offraient du pain à la messe, parce que les prêtres les avaient engagés à offrir à Dieu la portion du pain et des viandes qu’ils laissaient auparavant sur le tombeau du défunt en pure perte : au lieu qu’ils prieraient Dieu pour le défunt. De là est venu l’usage d’offrir du pain le jour de l’enterrement à l’église. » Christian Desplat précise pour ce dernier fait que ceux qui pratiquent cette offre ne faisaient que respecter les prescriptions disciplinaires de l’Eglise et leur fidélité à leurs « traditions ». « L’offrande du pain et du vin, à connotation sans doute eucharistique, attestait la pérennité de la pratique... » . 22

     

    Ensuite, l’abbé  rajoute que ces « collations et buvettes » perdurent « hors des villes » dénotant ici un certain mépris pour les ruraux. Et de finir par cette phrase : « Mais les abus sont difficiles à corriger, à cause du préjugé. » 23

     

    Il est vrai que ces repas occasionnaient des abus , non seulement par un nombre élevé de convives mais aussi par des « profiteurs » qui s’invitaient, qu’on appellerait actuellement des « pique-assiettes ». 

     

    Mais trois années plus tard, en 1686, on note une modération dans les Ordonnances synodales d’Oloron puisqu’on peut y lire « ...Nous les conjurons que se fasse avec une frugalité chrétienne et pour les consoler seulement. » Par la suite, en 1753, l’évêque du diocèse d’Oloron prescrit aux prêtres de ne point assister exception faite aux parents ou en raison d’obligations charitables ou de bienséance.

     

      Ce qui offusque l’abbé Bonnecaze , superstitions, pratiques funéraires douteuses, frais occasionnés par l’événement sont autant de preuves , selon Christian Desplat, de la « résistance de la civilisation traditionnelle. » Il cite plusieurs cas. Des familles  de catégories sociales riches n’hésitent pas à dépenser beaucoup d’argent afin d’honorer le défunt. 176 livres sont déboursées pour le conseiller de Peyré en 1742.24

     

     Roger Castetbon précise que huit jours après le décès une messe est donnée afin de célébrer le défunt, comme cela se reproduira un an ensuite, la messe anniversaire.  Les femmes appartenant à la famille du mort suivent la coutume du port d’une tenue noire lors d’une période s’échelonnant sur une année tandis que les hommes arborent une cravate et un brassard noirs. 

     

    Les décès sont répertoriés dans le registre par les curés, également signés parfois par un coadjuteur. Le prêtre rajoute de sa plume la qualité de chrétienté du défunt et précise que ce dernier a reçu tous les sacrements notamment l’extrême-onction. Lors de ce dernier sacrement donné à celui qui est mort de manière tout à fait naturelle et librement consentie. Ensuite, le prêtre fait lire au mourant des psaumes et des litanies. Il arrive que parfois le mourant ne puisse recevoir le dernier sacrement pour des raisons purement physiques comme le fait de ne pouvoir ouvrir la bouche , que l’on a affaire à un suicidé ou à quelqu’un qui n’avait point toute sa raison ou à un individu reconnu « réprouvé » (protestant, juif, un excommunié, un comédien). A Pardies, le 30 mai 1758,  on retrouve le cadavre de Maître Jean Cazaux dans le canal du moulin, âgé de soixante ans.  Le premier geste du curé est de refuser d’administrer les sacrements. Les jurats font une enquête vu que le doute persiste s’il s’agit d’un suicide. L’affaire sera portée auprès de la Haute Justice le lendemain qui décidera que le mort sera bien enterré normalement.   Le corps était inhumé la plupart des cas le lendemain dans le cimetière.

     

     

     

    2)    Les cimetières

     

     Le mot provient du grec « koiêtêrion » signifiant « dortoir » devenant « cimeterium » en latin au Moyen Age .

     

    Depuis l’Antiquité, en Occident, plusieurs modes de sépulture ont été appliqués. Toutefois, les espaces consacrés aux morts chez les Romains se situaient à l’extérieur de la ville.  Les chrétiens perpétuent au début l’usage des coutumes funéraires multiples. On enterre les défunts loin de l’habitat. Puis à partir des VIe et VIIe siècles, généralement, on commence à enfouir les morts autour des lieux de culte ou dans leurs abords, dans les localités ou autour. Le concile de Tribur, en 895, édicte l’usage pour les fidèles d’être inhumés proche de l’église, lieu du paiement de la dîme prélevée de leur vivant. Les rites funéraires sont, avant le IXe siècle, dévolus à la famille puis à partir de cette date le clergé prend le relais. L’Eglise décourage la pratique de la crémation ou profit de l’inhumation. Quelques siècles plus tard, aux XIIe et XIIIe siècles, on nomme l’espace aménagé aux morts aux environs des églises cimeterium. Les lieux de culte et les espaces funéraires sont alors consacrés par l’Eglise ce qui a pour effet d’attirer les gens et de les inciter à s’installer autour des églises. L’Eglise se soucie alors que les fidèles respectent le caractère sacré du cimetière. Dans les statuts synodaux du diocèse de Cambrai datant de 1245 environ on y lit : Les cimetières doivent être tenus propres et fermés, afin de ne pas être souillés par les porcs ou par d’autres animaux...Si certains ont soustrait une partie du cimetière et se la sont appropriée, ils doivent être avertis de la restituer, et s’ils s’y refusent, il faut les dénoncer à l’évêque...Il ne faut pas faire de commerce sous le portique de l’église ou dans le cimetière, et surtout à l’heure de la messe. .. ».

     Des cimetières différenciaient des espaces selon que les morts appartenaient ou non à la communauté, en effet, une zone était destinée aux « étrangers ». Delphine Nougué cite l’exemple d’un dénommé Bernard Retouxet du village de Bosdaros mais ayant vécu depuis quarante ans à Pardies  et décédé le 17 août 1783 et qui est enterré  dans l’espace consacré aux étrangers dans le cimetière de Pardies. Sous l’Antiquité romaine, les morts étaient enterrés  en dehors de la cité, le long des axes de communication puis, par la suite, souhaitant se rapprocher de Dieu l’usage d’inhumer  près des églises s’enracinera au Moyen âge malgré plusieurs interdits notamment sous Charlemagne. Roger Castetbon  relate que « les inhumations avaient lieu dans des fosses communes », quand une était comble on creusait une suivante. C’est ce que l’on nomme les « charniers », puis il nous précise que si par manque de place on touche à d’anciennes sépultures on déplaçait les os dans des « ossuaires ». Ce furent d’abord les membres du clergé ou des individus que l’on considérait  comme dignes puis des gens communs que l’on inhumait près des églises.    

     

    Avant 1750, les cimetières sont au milieu de la cité, tout le monde peut y aller (tous les villages n’en possèdent pas), on peut inhumer le mort dans une église. Les chrétiens ont le choix de leur sépulture, leur préférence est inscrite dans leur testament ou révélée à un proche au préalable. Si l’inhumation se pratiquait dans l’église, la nef généralement pour le commun des fidèles (sous le dallage, dans un caveau), le paiement d’un droit permettait d’entretenir le lieu de culte tandis  que l’évêque s’arrogeait le chœur de la cathédrale et le curé celui de l’église.  Des personnalités importantes comme, par exemple, des  bienfaiteurs de la paroisse étaient inhumées dans des chapelles  latérales, d’autres étaient enterrées sous le banc où, de leurs vivant, ils avaient coutume de s’asseoir. Leurs épitaphes comportaient bien entendu leurs noms, prénoms leurs dates de naissance mais pouvaient également porter leurs fonctions  et, même, des traits de leurs caractères ; joints à ces inscriptions des dessins (armoiries…). Les familles les plus aisées faisaient parfois édifier des monuments funéraires sur le corps ou à proximité. A Lescar, dans la cathédrale, on peut voir sur le dallage des bas-côtés une centaine de pierres tombales des XVIIe et XVIIIe siècles. Elles s’échelonnent de 1623 à 1789. On aperçoit des épitaphes et des armoiries d’individus aussi distincts que des évêques, des chanoines  jusqu’à des sculpteurs. Tout cela, bien entendu, rehaussait, surtout dans l’église paroissiale, le prestige du défunt et de la famille.

     

    L’emplacement des corps était marqué le plus souvent par une pierre tombale recouverte d’inscriptions comme le nom, les dates de naissance et de décès…

     

     

    Partie 3: Mortalité - cimetières - personnes âgées

    Partie 3: Mortalité - cimetières - personnes âgées

       Cimetière de Lacommande : en usage jusqu’en 1865, recense 48 stèles discoïdales de type basque, 6 stèles cruciformes et 2 autres présentant l’aspect d’une borne . La plus ancienne date de 1640 et la plus  récente de 1770.  Elles étaient placées parallèlement au mur est de l’hôpital en direction du soleil levant en accord avec la croyance de la résurrection des morts chère aux chrétiens. En 1987, on a découvert un sarcophage remontant aux IV-Ve siècle contenant 3 squelettes.

     

         Les cimetières à l’époque moderne se présentent, en général, comme un espace nu ou plutôt un terrain vague où l’on plantait, pour se repérer, une croix hosannière (édicule funéraire, à distinguer des lanternes de morts car ne possédant pas de système d’éclairage) ou, tout simplement, une colonne. Comme on vient de le voir préalablement les autorités ecclésiastiques percevaient un droit pour inhumer les personnes et le tarif dépendait du lieu, le cimetière revenait moins cher par exemple.

     

    Certaines pratiques étaient combattues par l’Eglise comme par exemple l’interdiction faite par l’évêque d’Oloron, François de Revol, en 1712,  de « semer ou planter des fleurs dans les cimetières ce qui les fait ressembler à des parterres et des jardins » et même de laisser paître les animaux ce qui soulève le problème du respect porté par les Béarnais à ce lieu. Il recommande alors de clore le cimetière et de dresser une croix. Mesure qui sera reprise plus tard, surtout après l’an XII de la Révolution. Tout change du fait de l’intervention du pouvoir public, on clôture le cimetière et on le repousse hors de la ville tandis que la pratique de l’inhumation dans l’église disparaît. Sous l’Ancien Régime, le cimetière appartient à la paroisse (églises et fabriques) et non à la commune. Depuis l’édit royal d’avril 1695  (article 22) qui prescrivait que les cimetières doivent être clôturés par un mur et par l’édit du 10 mars 1776 qui exigeait que les cimetières se cantonnent en dehors des cités et que l’inhumation ne se pratique plus dans les églises (excepté pour quelques privilégiés) et dans les hôpitaux, le pouvoir royal, aidé en cela par le pouvoir judiciaire par le biais des Parlements comme nous l’avons vu plus haut  intervint dans la gestion des cimetières.

     

    Les raisons de cette translation sont multiples, on a évoqué celles concernant la médecine « aériste », on peut ajouter la croissance démographique, l’engorgement des cimetières.

     

    Par exemple à Oloron, l’évêque François de Revol accorde son assentiment pour l’extension des cimetières existants au sud-ouest de l’église de Sainte-Croix mais, par contre, se heurte à la municipalité de Sainte-Marie en ce qui concerne le cimetière saturé qui s’étale jusqu’au palais épiscopal. 25  En 1781, il jette l’interdit sur le dit cimetière forçant ainsi les habitants de la cité d’inhumer leurs défunts au hameau de Saint-Pée. Les jurats acquièrent alors un terrain proche de la route de Bayonne.

     

    Ledit édit de 1776 est  en partie dû à un changement des mentalités (fonction mémorielle de la tombe) consécutif à la prise en compte des progrès de l’hygiène de l’époque et, par conséquent, pour la salubrité.

     

    La médecine se soucie notamment à partir des années 1760 de déplacer les cimetières vers la périphérie des villes. Pour les médecins il est nécessaire d’instaurer une distanciation sanitaire entre le monde des morts et celui des vivants.

     

     Le médecin Félix Vicq d’Azyr dans son ouvrage « Essai sur les lieux et les dangers des sépultures » paru en 1778 pointe du doigt les méfaits des exhalaisons  provenant des sols des églises  et des fosses communes. Mais tout cela entraîna de nouvelles contraintes d’ordre financier ce qui explique que des municipalités se déchargèrent de leurs  dépenses sur les fabriques  comme à Angers.

     

    Le Parlement de Paris prend un arrêt le 21 mai 1765 dans ce sens puisqu’il préconise le transfert des cimetières en dehors des localités.

     

    L’édit de 1776 ne fut pas toujours respecté (notamment en Béarn) et on persista à considérer le cimetière comme un bien de l’Eglise. Peu à peu, tout au long de la Révolution, notamment lors de la vente des biens nationaux le 2 novembre 1789, la laïcisation des cimetières s’effectua jusqu’à la date fatidique du décret de prairial an XII qui transposa définitivement la propriété du cimetière à la commune, plus précisément aux « bourgs », puisqu’il faudra attendre l’ordonnance du 6 décembre 1846 pour son application à toutes. 26

     

         Christian Desplat écrit que face aux réformes entreprises par l’Eglise à l’époque moderne en ce qui concerne les différents rites funéraires et les cimetières les Béarnais usaient de « la résistance passive ». Il cite notamment l’exemple de l’arrêt du Parlement de Paris de 1763 et la déclaration royale du 10 mai 1776 concernant les lieux de sépulture qui n’eurent  aucun impact en Béarn. A Bescat, par exemple, les droits de sépulture dans l’église paroissiale sont nombreux vers la fin de l’Ancien Régime.27  

     

    En ce qui concerne la clôture des cimetières on a un document de Lurbe qui nous apprend un contrat passé entre la communauté par le biais de la fabrique  et un maçon , un dénommé B. de Fréchou , afin d’édifier un mur entourant le cimetière en 1533, une clôture ayant préalablement été réalisée à  Arros lui est présenté. 28

     

                                           

     

         Dans les années 2004 et 2005, des fouilles archéologiques sont entreprises à Pau à la place Clémenceau sur l’emplacement de l’ancien cimetière dit « Notre-Dame-Des-Morts ». A l’époque moderne, il se situe dans la partie orientale de la cité, où cette dernière a entrepris une de ses extensions. Plusieurs couvents s’implantent dans cette zone, dont le couvent Notre-Dame en 1633, de par l’impulsion opérée par la Contre-réforme. Ce cimetière s’étend sur une superficie de près de 2 900 m2 et apparaît aux alentours de 1576 et 1585. Il est installé près de la chapelle Notre-Dame. Il est abandonné entre 1785 et 1794.

     

    Les résultats desdites fouilles sont nombreux, on constate que les tombes sont en grande partie individuelles, on trouve 141 fosses sur un espace équivalant à un quart de l’ensemble. Malheureusement, les squelettes sont en mauvais état et on n’a pas pu  reconnaître  que 81% d’entre eux et identifier 2% d’hommes et 14% de femmes. Les cercueils sont majoritairement cloués et à l’intérieur les squelettes présentent une position allongée sur le dos, la tête orientée généralement vers l’ouest. Près des défunts, des médailles et des chapelets ont été déposés.

     

     

           
     

     

    Partie 3: Mortalité - cimetières - personnes âgées

     
     

     

     
     

     

    Partie 3: Mortalité - cimetières - personnes âgées

    Photographies des fouilles du cimetière de Pau en 2005

     

        Dans le domaine social, les individus enterrés appartiennent à des catégories modestes puisqu’on y trouve des domestiques, des journaliers, des métayers alors qu’un peu plus loin, dans la chapelle Notre-Dame et l’église Saint-Martin, ce sont des sujets plutôt issus du monde parlementaire, des maîtres artisans ou marchands...Autre constat, une « surmortalité féminine...51,20% ... » ce qui serait le « reflet d’une surmortalité féminine ou de l’indice précoce de la féminisation de la population paloise... » comme l’a remarqué Christian Desplat à partir du dénombrement daté de 1776 dans lequel se détachent  53,3% de femmes en rapport avec une population paloise de 7 771 habitants. Les femmes, surtout des domestiques en provenance de zones environnantes étaient nombreuses dans les quartiers périphériques de Porte Neuve et de Notre-Dame. On remarque aussi la « saisonnalité » des décès, en effet, l’hiver et l’été sont des saisons sujettes à des pics de mortalité plus élevés (hivers froids, étés caniculaires, hygiènes déplorables, dysenteries) ; les sujets les plus touchés sont des êtres âgés entre 30 et 50 ans. 29

     

         Qu’en est-il des cimetières protestants ? Après la période calviniste du temps de Jeanne d’Albret et la révocation de l’édit de Nantes de 1685 par Louis XIV, il y eut l’édit de Tolérance de 1787 signé par Louis XVI. Les protestants, qui se sont vus interdits de sépulture par les prêtres dans les cimetières, obtiennent l’autorisation d’avoir leur cimetière dans les localités. Face  à la résistance  des paroisses catholiques, on dénombre seulement huit cimetières protestants, par ordre alphabétique on trouve Araujuzon, Bellocq, Boeil-Bezing, Castétarbe, Lanneplaà, Sainte-Suzanne, Salles-Mongiscard, et Viellenave. Certains protestants pratiquent  l’enterrement dans les propriétés.

     

     

     

    1)    Les personnes âgées

     

         Quant aux personnes très âgées, comme le rappelle Jean-Pierre Bois, elles ont toujours été présentes et la limite extrême n’a pas progressé. « La vie n’est pas plus longue aujourd’hui qu’autrefois ». La seule chose qui a changé est  le nombre de centenaires actuellement qui est plus important que dans le passé. 30  

     

    Jean Bourgeois-Pichart mentionne que la population âgée de plus de 60 ans  représente 73 °/oo  de la population totale en 1775. Cette année correspond au début de la baisse de la mortalité. 31  Pour se donner un exemple béarnais, pris dans un village, celui de Bilhères, Michel Fresel-Lozey  relève 116 °/oo . 32 Il faut pointer  la baisse de la mortalité infantile et les progrès des conditions de vie.  L’INED a réalisé une enquête sur la démographie de la France sur une période couvrant les années 1740 à 1829 et a démontré que le gain de l’espérance de vie est faible. Rappelons que les taux de fécondité et de mortalité diminuent tandis le taux de natalité augmente à un rythme plus bas que celui de la population. Les médecins se penchent de plus en plus sur la vieillesse et notamment les maladies qui lui sont liées comme les problèmes urinaires ou la recherche des symptômes de la ménopause alors que dans le passé elle représentait  un sujet peu analysé dans les dictionnaires et les ouvrages de médecine.  Le peintre Greuze peint des vieillards parés de qualités.  Jean-Pierre Gutton écrit que l’on distinguait dans les textes deux vieillesses : l’une comprise entre les 55 à 65 ou 70 ans caractérisée comme « verde et crue », l’autre , « décrépie » est perçue comme inutile. Leur sort dépend de leur appartenance au type familial. Dans le type de famille polynucléaire, l’autorité du patriarche ne correspond pas toujours à celui du chef de ménage, tandis que dans la famille élargie, le vieillard est assuré de « voir leurs besoins matériels couverts ». Leurs ressources  proviennent des rentes , des pensions viagères « prévues soit dans des contrats de mariage, soit dans des donations entre vifs » . 33

     

    Les personnes âgées, d’après Jean-François Soulet , dépendaient de plusieurs options. Selon lui, soit leur destinée était liée au contrat du mariage contracté par l’héritier , soit de par leur libre arbitre elles acceptaient de céder leur pouvoir de chef de maison si on leur assurait leur entretien le reste de leur vie ou , enfin, ils maintenaient le titre de « senher mayor » et « la responsabilité principale du domaine ». Le plus souvent leur place dans la famille s’estompait. 34

     

    Philippe Ariès écrit que la vieillesse débute avec la chute capillaire et le port de la barbe et le « vieillard embelli apparaît parfois simplement comme un chauve. » La France de l’époque, selon lui, n’avait pas de respect pour elle puisque la vieillesse était synonyme de retraite, de dévotion, du radotage. 35

     

    Philippe Albou, lui, écrit qu’au XVIIIe siècle la vieillesse est « appréciée, acceptée, entourée » ce qui est le contraire de l’image véhiculée dans le passé. « Face aux anciens thèmes dévalorisants (vieillards quinteux, avares et lascifs), s’oppose l’image sympathique d’une vieillesse nimbée de sagesse et de sérénité. » 36

     

    Les personnes âgées ne connaissaient guère l’oisiveté et la solitude, à eux leur incombaient les tâches de veiller aux petits enfants, de jardiner.... Les grands-mères s’occupaient de la cuisine notamment en confectionnant la soupe tandis que les grands-pères réparaient les paniers. Ils s’employaient souvent à apprendre à parler aux enfants. Pour que la communication s’établisse le plus rapidement entre l’adulte et l’enfant on usait les mots et les onomatopées de ce dernier ce que l’on rejette actuellement car nous considérons que cela provoque une plus lente aptitude à l’acquisition du langage. De plus, ils leur enseignaient des rudiments de connaissances, énonçaient les remèdes appropriés pour soigner tels maux. Les relations entre les enfants et leurs grands-parents ne s’arrêtaient pas là, une grande analogie les liait, leurs rythmes lents s’accommodaient, une plus grande tolérance émanait des « vieux ».

     

    Tout cela permettait aux parents de consacrer davantage de temps à d’autres tâches comme celles des travaux aux champs...

     

    S’ils ne vivaient pas dans la maison même, ils ne demeuraient point loin, dans le village.

     

     Philippe Albou mentionne que les philosophes des Lumières – notamment Montesquieu et Rousseau- sont à l’origine de la nécessité de considérer la misère et l’infirmité comme « une injustice de la nature qu’il appartient à la collectivité de réparer. » 37 

     

    Au Moyen Age, des personnes âgées sont réceptionnées dans des hôpitaux sous l’appellation de « pauvres malades », puis à partir du XVIe dans des hôtels-Dieu. 

     

    L’Etat tente de jouer un rôle important en intervenant auprès de l’Eglise pour s’occuper des personnes âgées sous l’impulsion aussi de l’opinion. François Ier crée un « Grand bureau des Pauvres » en 1544 à Paris, institution qui se répand en province, Louis XIV donne naissance aux Hôpitaux généraux d’abord dans la capitale en 1656 – La Salpêtrière pour les femmes et Bicêtre pour les hommes - puis dans d’autres villes en 1662 afin de donner un lieu pour dormir et manger aux « pauvres mendiants et invalides » mélangés aux vieillards. Les dépôts de mendicité sont créés en 1767 dans le but d’entretenir les misérables. Ces Hôpitaux répondent à des objectifs de nature moralisatrice mais aussi d’ordre public. On cherche à différencier d’un côté les vagabonds et les mendiants et, d’un autre côté, le reste de la population.

     

    L’Etat n’est pas le seul acteur, le privé s’en mêle tel le duc de La Rochefoucault-Liancourt qui met en place une Maison philanthropique ayant  pour objectif de secourir les miséreux chez eux dont les vieux nécessiteux. En 1789, on en recense à Paris  400, une succursale existe également à Orléans.

     

     

     

     

     

    Notes :

     

    1- Nougué, Delphine, La monographie  de Pardies-Piétat , Maîtrise de l’UPPA, 2001.

     

    2-: A.D. P.A., registres paroissiaux d’Arette, 1658-1814.

     

    3- A.D. P.A., registre paroissial d’Aramits , 1680-1712.

     

    4-Fresel-Lozey, Michel, Histoire démographique d’un village en Béarn : Bilhères-d’Ossau XVIIe-XIXe

     

        siècles, éditions Bière, 1969, p. 176.

     

    5- A.D. P.A., registre paroissial d’Arette, 9 août 1706, f°211, 1682-1792.

     

    7- Staes, Jacques, Les registres paroissiaux, une source pour l’histoire...,Revue de Pau et du Béarn,

     

        n° 31, 2004, p. 65.

     

    8- Castetbon, Roger, « Autour du décès » collection « la vie d’antan en Béarn et autres lieux »,

     

        Tome 3, chez Centre généalogique des Pyrénées-Atlantique, 2013, p. 59-60.

     

    9- Lebrun ,François, Histoire de la vie privée, de la Renaissance aux Lumières, éditions Seuil, tome 3,

     

         p.88.

     

    10- « Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze » publiées par M. Duhamat,  Bull.SSLA  de Pau,

     

           2e série, tome 38, 1910, p .86.

     

    11- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes-XVIe-XVIIIe siècles, J & D éditions,

     

         1995, p. 208 et 357.

     

    12- Desplat, Christian, Idem.,p. 333.

     

    13- Laborde  abbé , «  la Compagnie de Messieurs les Pénitents Bleus de la ville de Pau (1635-

     

          1799) », Bull.SSLA de Pau, 2e série tome 40 1912-1913, p 8 à 10, 14, 16, 27-28.

     

    14-Idem., p. 26 à 29.   

     

    15-Lebrun, François, Op.cit., p. 88.

     

    16-François de Révol, Ordonnances synodales et règlemens du diocèse d’Oloron , Pau, 1753, tome 2,

     

         p. 20.

     

    17- F.C. de Salette, « Ordonnances et instructions synodales par Monseigneur l’évêque d’Oloron »,

     

          Pau 1686.

     

    18- Abbé Bonnecaze, Op.cit., p. 85.

     

    19-Castebon , Roger, Op.cit,  p. 74.

     

    20-Joseph de Révol, Recueil des anciennes et nouvelles ordonnances du diocèse d’Oloron , Pau,

     

         1712.

     

    21-Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe  éditions Cairn, 2009, p. 223.

     

    22-Idem., p. 207.

     

    23- Abbé Bonnecaze, Op.cit.,p. 85-86.

     

    24- Desplat, Christian, Op.cit., p. 207.

     

    25-Dumonteil, Jacques, Oloron-Sainte-Marie, Pyrénées-Atlantiques , Atlas historique des Villes de

     

          France, éditions Ausonius, 2003, p. 38.

     

    26- Ligou, Daniel , article intitulé : L’évolution des cimetières, Archives de sciences sociales des

     

          religions, Année 1975, volume 39 1, n°1, p.61-77.

     

    27-Arch. Com. Bescat CG 10.

     

    28-A.D.P.A . E  1768.

     

    29- Poulain D , Scuiller C. : article , Cimetière de Notra-Dame-Des-Morts, tiré de l’Atlas historique des

     

          villes de France, Pau, p. 158.

     

          Voir aussi : Desplat, Christian, Sépulture et frontière confessionnelle : protestants et catholiques

     

          de Béarn (XVIe-XVIIIe), Revue de Pau et de Béarn, tome 23, p. 69.

     

          Scuiller C, Pau-Place Clémenceau, rapport final d’’opération de fouille préventive 28-02-2005,

     

          Inrap, Direction interrégionale Grand-Sud-Ouest.

     

    30-Bois, Jean-Pierre , Histoire de la vieillesse, PUF, 1994, p.3.

     

    31-Bourgeois-Pichat, Jean, Evolution générale de la population française , Population, 1951-4, p.645.

     

         Voir aussi : Sauvy, Alfred, Le vieillissement des populations et l’allongement de la vie, article tiré de

     

         « Population », année 1954, 9-4, p.675-682.

     

    32- Fresel-Lozey, Michel,Histoire démographique d’un village en Béarn, XVIIIe-XIXe siècles, éditions

     

          Bière, Bordeaux, 1969, p. 21.

     

    33-Gutton, Jean-Pierre , article « Vieillesse » tiré du Dictionnaire de l’Ancien régime », PUF, p. 1250.

     

    34-Soulet, Jean-François, La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien Régime du XVIe au

     

          XVIIIe siècle , Hachette, 1974, p. 236.

     

    35-Ariès, Philippe, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, éditions du  Seuil, Histoire, 1980,

     

          p. 50.

     

    36-Albou, Philippe,  L’image des personnes âgées à travers l’histoire , éditions Glyphe & Biotem,

     

         1999, p 95-96.

     

    37-Idem., p. 186.

     

     

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