-
Par Michel64a le 10 Juillet 2024 à 16:16
Préambule
Au XVIIIème siècle, l’église, lieu de culte, est un bâtiment relativement ancien.
Si l’on remonte au début du Moyen Age (fin Xème et début XIème siècles), le Béarn voit plusieurs églises se construire selon le style roman, telles que celles de Morlaàs, de Lescar… Parallèlement, à côté des monastères (Lucq, Larreule), se dressent des églises (église de Miossens…) avec des noyaux urbains. Ce sont autant de grands bâtiments que de petits, tels que l’on peut observer dans les villages, Simacourbe par exemple. Par la suite, le pèlerinage de Saint-Jacques-de- Compostelle, a un impact en Béarn. Le long des chemins (trois des quatre grandes voies y circulent, plus les chemins secondaires), on bâtit des hôpitaux (Lescar, Saint-Blaise, Orion…), des commanderies (Gabas, Mifaget…) et, bien entendu, des églises. Autres facteurs à énumérer, l’essor démographique et économique. Le XIIème et la première moitié du XIIIème, l’art roman s’implante alors vraiment. De plus, outre le pèlerinage, un mouvement imprègne le développement des lieux de culte, la Reconquista, dans laquelle les vicomtes de Béarn (pensons à Gaston IV dit le Croisé) s’investissent pleinement (donations, pillages). Rajoutons un autre facteur d’influence, celui des abbés laïques.
Au début, un propriétaire terrien édifie une chapelle, puis il nomme un desservant, et, enfin, dans le but d’entretenir ce bâtiment, il perçoit une partie des revenus qui lui sont alloués. Lorsque la localité naît, une église remplace cette chapelle généralement attenante au château. Elle change de statut et devient une église paroissiale. A quoi, il faut adjoindre la création de centres de mises en valeur dus à la période de prospérité, à partir de la fin du XIème siècle, tels les castelnaux et les sauvetés. Le but est d’enraciner les individus attirés par l’obtention d’un habitat, d’un enclos (casal pour les sauvetés) ou d’un statut plus valorisant, à charge pour eux de défricher des terrains incultes.
En quelques mots, les sauvetés, ce sont des villages qui apparaissent en se groupant autour d’une église, notamment à partir des XI et XIIème siècles. L’Eglise tente de développer la pratique du droit d’asile et l’institution de la Paix de Dieu. L’espace de ces sauvetés est matérialisé par des bornes surmontées de croix. Tout individu pénétrant dans cet asile est sauvé. Pensons à Sauveterre-de-Béarn, Sauvelade qui ont préservé leurs noms d’origine médiévale. Par peur de voir partir leurs paysans et pour mieux les exploiter, les seigneurs copient cette initiative. Nous sommes alors à une époque dans laquelle l’autorité publique s’émiette en de multiples pouvoirs locaux. En quelques mots, les castelnaux sont de petites agglomérations qui s’implantent au pied d’un château (mottes castrales), souvent enserrées dans une enceinte. Plusieurs villages gardent la trace de cette création, Castet, Castetpugon, Castetis… Ce développement a lieu après une période, les IXème et Xème siècle, dans laquelle la population est plutôt dispersée.
En ce qui concerne le style gothique, notamment lors des derniers siècles du Moyen Age, les XIVème et XVème siècles, peu d’églises sont édifiées (Monein) si ce n’est que l’on se contente de réaliser des ajouts. Il est à noter que l’art gothique en Béarn s’est implanté tardivement, plutôt vers le XIVème siècle.
Les bastides (latin « bastida » : construire), comme les castelnaux et les sauvetés, sont des noyaux agglomérés, mais elles apparaissent en Béarn dans les années 1230 et 1250, et se prolongent jusqu’au XIVème siècle, lors de l’essor de la fondation des Villes neuves, de l’accroissement des échanges économiques, à l’époque. Elles sont le fait de seigneurs, en Béarn, par le vicomte, ce dernier cherchant à faire du Béarn une entité politique. La première date de 1278, Bellocq, en 1281, Bruges, en 1357, la dernière Labastide-Monréjeau datant d’environ 1380, autant de bastides créées dans le piémont, en bordure avec les possessions anglaises à l’ouest, des comtes d’Armagnac et aux débouchés des vallées montagnardes, plus autonomes. Ici, le caractère militaire s’explique, peur de probables invasions, mais aussi, là, seulement le souci de coloniser, comme à Labastide-Montréjeau. Le seigneur dote alors la bastide d’une charte de franchises pour la rendre attirante aux « poblans ». L’église, avec la place, constituent les deux éléments essentiels. L’implantation de l’église est parfois choisie d’élément de défense, comme à Bellocq ou à Nay, où elles sont construites à la limite du site. Peu se trouvent accolées sur la place. Autre fonction qu’on lui alloue occasionnellement, la préservation des trésors et des textes comme la charte de fondation. En parallèle avec ces édifications de bastides, à partir du XIIème siècle, se joint un courant religieux propice à l’éclosion d’églises, les ordres mendiants. Les Cordeliers s’implantent, par exemple, à Morlaàs à la fin du XIIIème siècle.
La place de marché revêt une grande importance pour toutes ces créations de centres urbains et donc d’églises.
Christian Desplat rappelle que plusieurs bâtiments religieux ont été édifiés lors de la seconde moitié du XIe siècle et du XIIe siècle. Pour lui, le XVIe siècle, « siècle de la Réforme », constitue « un renouveau de l’architecture religieuse en Béarn. Entre la fin du XVe et la fin du XVIe siècles, quarante édifices au moins furent édifiés ou très profondément remaniés ; dont la moitié au cours de la première partie du siècle. » Le style flamboyant est employé « entre Nay, Bruges, Sainte-Colome et l’Ossau. »[1]
Le style renaissance se répand à travers des éléments décoratifs tels des portails (Lembeye, Monein…), des fenêtres (Baleix).
Plusieurs édifices religieux ont subi des dommages au XVIème siècle lors des guerres de religion. L’armée de Mongoméry s’illustre en saccageant, en détruisant des églises, des monastères en 1569. L’élément le plus visé dans les bâtiments religieux est le clocher, on le détruit car, en matière militaire, il constitue un bon moyen de surveillance et de défense. Au XIXème siècle, de nombreux clochers seront reconstruits ou édifiés. On peut citer les églises d’Asson, d’Igon comme exemples de bâtiments brûlés, mais aussi les abbayes de Sarrance, d’Orthez. Les tombeaux des princes souverains béarnais, dans la cathédrale de Lescar, sont dégradés. Tous les bâtiments religieux, tels les chapelles et les églises qui ne sont « point d’une structure assez solide pour tenir contre l’impatience des réformateurs, étaient abattus et rasés jusqu’aux fondements »[2]. Jeanne d’Albret, protestante, après avoir instauré le calvinisme, religion d’Etat (1566-1599) s’attaque aux biens de l’Eglise catholique béarnaise en les confisquant et en les intégrant au patrimoine de la vicomté.
Le 22 septembre 1570, Jeanne d’Albret prend un édit iconoclaste, propre au protestantisme, en ce qui concerne les funérailles « …qu’il ne se tiendra aucune image de peinture ni de sculpture, ni se mettra de croix, ni draps sur les morts, qu’aucune personne n’ait à chanter aucun chant qui ne soit à l’honneur de Dieu. » Plus particulièrement concernant les lieux de culte catholiques : « …les églises encore qui sont ruinées seront entièrement défaites et les murailles en même temps et le bois et trésor des dites églises seront vendus… » [3]
Afin d’illustrer ces propos il suffit de rappeler qu’une unique église dans la vallée de Barétous ne remonte actuellement qu’au-delà du XVIIème siècle. Heureusement, il subsiste de ces églises romanes dégradées quelques éléments, comme le chevet par exemple.
A l’opposé les lieux de culte conçus avec des matériaux plus solides ont davantage résisté.
Lors des XVIIème et XVIIIème, on tente d’effacer toutes ces destructions. On restaure, ou si les dégâts sont trop importants, on édifie un nouveau bâtiment religieux. Ceux qui s’en chargent sont notamment les communautés religieuses. A Oloron, les Cordeliers sont à l’œuvre, à Sarrance ce sont les Prémontrés, à Arthez les Augustins.
Ailleurs, ce sont les évêques qui se lancent dans cette tâche ; pensons aux évêques d’Oloron Joseph et François de Révol. Au premier, on doit l’introduction dans les églises de plusieurs retables. Au second, la cathédrale Sainte-Marie s’est agrandie de quatre chapelles rayonnantes doublant les bas-côtés.
Si certaines restaurations sont réalisées rapidement, comme à Igon au début du XVIIème, d’autres traînèrent en longueur. A Pontacq, par exemple, les travaux s’échelonnent de 1606 à 1783, à Bruges, même constat, on entreprend à des remédiations les plus pressées mais elles continuent vers 1780. Ou encore l’église de Luc-Armaud qui est réparée globalement en 1642, mais qui devra attendre 1749 pour voir son clocher restauré. Malheureusement, des hôpitaux furent laissés à l’abandon. A Garlin, l’hôpital de la Madeleine disparaît.
Les causes de ces retards sont multiples : l’ampleur des destructions, les rénovations nécessaires de bâtiments religieux anciens qui s’ajoutent aux précédentes.
Victor Allègre regrette que les XVIIème et XVIIIème siècles aient revêtu pour certains décideurs l’occasion de profiter de ces aléas pour détruire des édifices anciens « que l’on sacrifia au goût du moment… La plupart se trouvent évidemment dans les vallées ravagées des gaves de Pau et d’Aspe, en Soule, etc….»[4]. Le même auteur écrit que ces « retables et ces chaires » réalisés lors de la période qui nous intéresse « sont les œuvres d’artisans organisés en véritables ateliers, parfois très renommés, sculpteurs locaux comme Pradines d’Izeste, Dartigacave de Sainte-Marie d’Oloron (auteur du retable de l’église Sainte-Croix), Jérôme Ribère (qui travaille pour Arette, Arros, Bedous, etc… au XVIIIème siècle), citons encore les Caron, de Lescar (auteurs du chœur sculpté de la cathédrale), les Ferrère, d’Asté, artistes de père en fils ; Guillaume Navarret, maître sculpteur de Lescar (peut-être Espagnol), fit le retable de Bruges, etc…. »[5].
En compulsant la « Revue des Etudes Historiques et Religieuses » on est informé que les évêques lors de leurs visites épiscopales sont navrés de l’état délabré de plusieurs églises, comme par exemple celle du village de Salles-Montgiscard[6]. Le 22 avril 1739, on note qu’il y a : « un trou dans le mur, au levant, qui répond au dessous du sanctuaire. Avons ordonné qu’il fût muré, dès aujourd’hui, pour mettre fin à la superstition où on étoit d’y faire passer les enfants à la mamelle pour les empêcher de pleurer ».
L’Intendant Lebret, lui-même, mentionne que la cathédrale de Sainte-Foy « menace ruine ».
La Révolution de 1789 a continué à faire subir des outrages à ces anciens bâtiments. En 1793, le représentant en mission de la Convention Monestier, ex-prêtre et défroqué (ancien chanoine de Saint-Pierre de Clermont, envoyé par le Puy-de-Dôme), est chargé de déchristianiser la région. Il transforme les églises soit en salles d’assemblées populaires soit en Temples de la Déesse Raison ou, enfin, il décrète leur fermeture. Ce qu’il entreprend, le 29 ventôse 1794, en ce qui concerne l’église de Nay. De plus, il pousse la population à la piller, à détruire toutes les images pieuses et la statuaire. Il est aidé en cela par la Société populaire qui avait entrepris avant sa venue de fustiger ce symbole d’un « fanatisme » certain à travers des déclarations La Société populaire de Nay est fière, lors de la présence de Monestiers, d’affirmer que «… dans un moment, tous les hochets de la superstition et du fanatisme disparaissent : toute la séquelle des saints sont foutus par terre et le génie de la liberté leur assigne un emploi, celui de faire du salpêtre… »[7]. L’église est ensuite convertie en temple de la Raison.
Dans le réquisitoire de l’agent national du district de Pau, le quatrième article décrète : « L’invitation aux habitans des communes de prendre en possession des ci-devant églises pour y établir des temples voués à la raison, où l’on célèbrera les décades, et où les sociétés populaires tiendront leurs séances.»[8]
Autre document montrant le passage de statut de l’église Saint-Martin en temple de la Raison. Dans une lettre du représentant Monestier écrite à Pau, le 12 ventôse de l’an II (2 mars 1794) on lit dans l’article 1 : « De retirer de la cy devant Eglise de St Martin tous les meubles et effets consacrés au cy devant culte catholique… », dans l’article 2 : « De constater dans une délibération qui d’après le vœu des républicains de Pau réunis en masse d’abord dans la Société populaire ensuite dans la ci devant Eglise de St Martin, et édifice sera désormais consacré sous le nom de temple de la raison pour y célébrer le culte des hommes vertueux et républicains et pour servir provisoirement le lieu de séance aux sans culottes qui composent la société populaire régénérée de Pau. » et dans l’article 6 : « … chaque decadi, un officier municipal en écharpe lira dans ce temple pendant la mauvaise saison et dans les mauvais jours les lois et les décrets qui dans les beaux jours seront à l’autel de la patrie; cette lecture sera suivie d’une explication brève et claire… »
Cette lettre est adressée au conseil général de Pau. Pour terminer mentionnons l’article 7 qui décrit le déroulement de la fête. « Cette fête civique sera toujours précédée de chants républicains et terminée également par des hymnes patriotiques, et par les cris vifs et souvent répétés de vive la république une et indivisible autant que faire se pourra la Société réunira ou des tambours ou des musiciens de Bataillons ou de garde nationale, ou des musiciens amateurs qui iront prendre les sans culottes dans la salle de la société ou les municipal et l’administrateur du district revêtu de son cordon auront le soin de se rendre. La marche partant de là les républicains traverseront les rues les plus importantes pour avertir et recueillir les bons citoyens et citoyennes.»[9]
Même procédé pour les cathédrales de Lescar et d’Oloron où on les dépouille des statues, des objets précieux… Après leurs « forfaits », les « coupables », contents d’avoir rempli une juste cause procèdent à fêter l’événement comme à Lescar le 9 avril 1794 en dansant la Carmagnole sur la place la Hourquie, nouvellement débaptisée place de la Liberté[10].
Ailleurs, notamment à Lescar, on plante l’arbre de la Raison, le décadi 23 février 1794, face à la cathédrale. Avant la venue du représentant Monestier, le 7 mars 1794, on marque sur la façade du bâtiment : « Temple de la Raison ». La conversion est établie.
A Bétharam, lors de l’installation du culte de la Raison, les participants s’en prennent aux lieux de culte puisque l’église est pillée, le calvaire est détruit[11].
Les destructions touchent comme on le voit outre les bâtiments, les statues, les clochers du fait du symbole qu’ils incarnent, le mobilier comme le confessionnal, les croix, les vases, les tableaux… Tout ce qui est métaux précieux, or et argent, sont privilégiés. En ce qui concerne les cloches (signes extérieurs du culte catholique), les paroisses ont le droit d’en garder une seule jusqu’en mars 1794, date à laquelle il est décrété que l’on conserve uniquement celle sonnant l’heure.
Prenons un exemple de mesure prise au sujet des cloches par l’agent national de Pau. Dans son réquisitoire daté du 3 mars 1794, il décrète dans l’article 1 : « Je requiers une invitation aux municipalités pour la descente définitive des cloches qui ont resté dans chaque commune. », dans l’article 2 : « Pour la démolition de tous les clochers des ci-devant églises, et la conversion de celles de cette commune en magasins de fourrages, ateliers d’armes, et fabriques de salpêtres.»[12]
Ce qui intéresse les révolutionnaires est de récupérer le bronze afin de le fondre pour fabriquer des canons. D’abord, c’est la fonderie d’Orthez qui en a la charge, ensuite elle est dévolue à la fonderie des canons de Tarbes. La totalité des cloches apportées aurait permis de récupérer cinquante mille livres.
Autre matériau recouvré, la corde, la marine en bénéficiera.
Certaines paroisses choisissent de ne pas appliquer les décrets. On connaît les noms de Maslacq et de Denguin Ces décrets datent du 12 ventôse 1793 (fermeture des églises paloises), du 26 germinal 1794, du 2 ventôse 1794…
Prenons l’exemple de celui du 26 germinal an II (15 avril 1794) pris par le représentant du peuple dans les « départemens des Hautes et Basses-Pyrénées ». En préambule, il est écrit : Considérant que les progrès rapides de la raison dans ces départemens, sont tourner chaque jour, au profit de la République, les matières d’or & d’argent qui y servoient aux momeries de la superstition & du fanatisme; & qu’il en résulte une branche nouvelle de comptabilité, pour la marche & la garantie de laquelle il importe d’établir des règles positives & appropriées aux localités & aux circonstances ; ARRÊTE : Article Premier. Toutes les matières d’or & d’argent provenantes des églises des départemens des Hautes & Basses-Pyrénées, quels que soient les lieux où elles ont été provisoirement déposées, seront versées, sans délai, dans les caisses des payeurs-généraux »[13].
Dans le district d’Orthez, en 1795, dix-neuf cloches sont « sauvées » sur trente-sept[14].
La décision de détruire les clochers ne fut pas totalement appliquée, seule la fermeture des églises le sera.
Son zèle le poussera à faire arrêter et exécuter le curé de Bénéjacq qui s’était opposé à la profanation de son église.
Le 2 juillet 1794, un décret déplace le représentant Monestier dans le département des Hautes-Pyrénées. Cette décision a pour effet de ralentir « le zèle » des Béarnais « avant la fin du Gouvernement révolutionnaire, le clergé était à peu près partout rétabli dans le département, la masse de la population n’ayant pas été convaincue par les efforts de déchristianisation des représentants en mission »[15].
Quelques notions sur les églises en général
A partir du IVe siècle, à la suite de la reconnaissance de la religion chrétienne par l’édit de Constantin en 313, l’édification de nombreuses églises s’accélère. Le plan d’une église catholique s’inspire de la basilique romaine, à la fois marché couvert (rectangulaire et couverte d’une charpente et d’un plafond en bois), salle réunion, bourse de commerce et siège du tribunal (abside, seule partie voûtée en pierre). Au sujet de la couverture de la surface construite, les Romains utilisent l’arc en plein cintre et la voûte en berceau. La basilique est constituée d’un rectangle, le plus souvent divisé en trois nefs par des colonnades. Une des raisons de cette copie est la possibilité de recevoir de nombreux fidèles. L’ajout consiste à modifier ce plan en intégrant le transept lui donnant la forme d’une croix, symbole de la Passion du Christ. Lors du Haut Moyen Age, à la fin des invasions germaniques, la prospérité revient et entraîne l’accroissement de la population.
L’église sert à la fois de maison de Dieu (chœur où les prêtres célèbrent la messe) et de maison des fidèles.
a- L’art roman
Dans le style roman, les forces des murs et des voûtes sont dirigées du haut vers le bas alors que dans le style gothique, c’est l’opposé puisqu’il s’agit de s’élancer vers le ciel, la lumière. Vu que le poids de la voûte, énorme, tend à écarter les murs sur les côtés, on les épaule par des arcs-boutants. Cette voûte existe à l’époque romaine (thermes, amphithéâtres) mais les Carolingiens l’utilisent aux cryptes et aux absides en culs de four. Sa généralisation se produit par la suite. Autre solution, ériger des voûtes selon le principe de l’arc clavé. On taille les pierres, nommées claveaux, et on les ajuste entre elles, puis on place la clé de voûte au sommet. Cette dernière voit son poids peser vers le bas, mais comme la largeur des claveaux est plus large en haut qu’en bas, l’ensemble se tient vu qu’ils se calent entre eux.
Eglise de Saint-Laurent à Sévignacq-Thèze : milieu du XIIe siècle, style roman.
- Au sujet du plan, d’après Fernan Schwarz[16] on peut le subdiviser en deux :
* au sol, la nef correspond au Monde souterrain, le transept à la Terre et le chœur au Ciel.
* verticalement, la crypte équivaut au monde souterrain, le sol à la Terre et les voûtes au Ciel.
En ce qui concerne le Monde souterrain, l’auteur écrit qu’il ne faut pas le confondre avec l’Enfer, il s’agit du milieu où « se nourrissent les racines des êtres ». La crypte « est liée aux mystères de la résurrection et de la transmutation », coïncide aussi aux « baptistères des premiers sanctuaires chrétiens ».
* Le plan suit le corps de l’homme : la tête se réfère à l’autel, le cœur à la croisée du transept, les pieds et les mains aux portes. Si l’entrée de la basilique civile romaine se trouve sur le côté, celle d’une église se situe sur une partie la plus courte, ce qui confère au bâtiment sa forme d’un vaisseau qui dirige les yeux du fidèle vers l’abside, l’Est, le lieu de la divinité.
* le plan suit depuis surtout le IIIe siècle l’orientation du lever et du coucher du soleil. L’Est représente la victoire de la lumière et de Jésus sur les ténèbres. C’est de l’Est que le Christ viendra à la fin des temps. A partir du XIIIème siècle, la tête de l’église indique l’Est, vers le soleil levant et, par conséquent, vers la résurrection et non pas vers Jérusalem comme cela est écrit souvent. Le sanctuaire est ainsi éclairé le matin aux heures des offices majeurs.
- Systématiser les voûtes de pierres (qui existaient à l’époque romaine) dès la fin du Xème siècle, utiliser les arcs-doubleaux afin de séparer les voûtes. Néanmoins, les charpentes de l’architecture carolingienne et les plafonds de bois perdurent encore, notamment dans l’Ouest de la France.
- Lors du premier art roman, l’appareil est d’apparence rustique de pierres cassées en usant des marteaux et des pics. Les colonnes rondes apparaissent dans les cryptes et les déambulatoires, mais moins systématiquement dans les nefs auxquelles on préfère la forme carrée ou rectangulaire. Vers l’an mille, on introduit les colonnes engagées.
Les causes de l’adoption de la voûte de pierre sont multiples. Une durée plus longue équivalente à l’idée d’éternité (pierre est considérée comme un matériau noble), l’allusion à la sphère céleste, des chants bénéficiant d’une meilleure acoustique, une réponse relative aux incendies sont autant d’atouts.
Les voûtes sont d’abord élaborées dans les cryptes jusqu’au XIème siècle, la nef et le transept sont couverts d’une charpente. En effet, le plafond plat est présent lors du premier âge roman et par conséquent lors des Xème et XIème siècles. Par la suite, lors du second âge roman au XIIème siècle, l’usage de la voûte en berceau s’applique sur les nefs centrales tandis que la croisée d’arêtes, ancêtre de la croisée d’ogives, est affectée sur les bas-côtés (elle concentre les forces sur des points auxquels s’appuient les contreforts).
Le souci des architectes de la période correspondant à l’art roman est de se préserver de tout écartement des murs. Pour y parvenir, ils les épaississent, ils élaborent une voûte à poussée continue et comme ce sont des murs porteurs, ils élaborent des ouvertures peu nombreuses et étroites et, enfin, ils leur adjoignent des contreforts.
Pour soutenir ces murs épais, des fondations de 10 m de profondeur (parfois même 40 m) sont creusées, ce qui correspond à un tiers de la hauteur des édifices.
Pour protéger les voûtes de pierres, on les recouvre le plus souvent d’une charpente de bois, elle-même couverte d’une couverture de tuiles ou autres matériaux étanches.
- Les différents éléments architecturaux d’une église correspondent à des fonctions particulières :
* portail = souvent 3 entrées correspondent à la nef et aux bas-côtés, allusion à la trinité. L’entrée se situe lors des XIème et XIIème siècles à l’ouest. Leur ornementation sculpturale date principalement de la première moitié du XIIème siècle. En Béarn, en raison du climat (pluie, vent…), les portes sont généralement disposées sur le mur sud, protégées parfois par un auvent.
Eglise Saint-Laurent à Sévignacq-Thèze : portail datant de 1150 environ, sculpté dans du grès exception du tympan qui est en calcaire et qui représente Jésus assis avec à sa droite Saint-Pierre recevant les clés et, à sa gauche, Saint-Paul prenant le phylactère contenant un texte de l'Evangile.
Cathédrale Sainte-Marie à Oloron-Sainte-Marie : portail roman du XIIIe siècle.
* façade = 2 tours l’encadrent souvent (origine : Normandie au XIème siècle), elles sont munies de flèches par la suite depuis le XIIème siècle. Elles évoquent la voie vers le ciel. Une grande rose sert d’ouverture indiquant l’axe de l’église, une galerie court souvent horizontalement.
* narthez = abrite depuis le Vème siècle les catéchumènes (initiés à la foi chrétienne avant le baptême et qui ne pouvaient pas pénétrer dans l’église), les pénitents et les pèlerins de passage. Il correspond à un porche. Les fonts baptismaux y sont placés après la porte, symbolisant la renaissance des baptisés à une vie nouvelle (et la résurrection de Jésus). Ils marquent l’introduction dans le temple divin et dans l’Eglise (communauté des fidèles). Le bénitier permet aux fidèles de raviver cette dite résurrection.
* nef (vaisseau) = partie ouverte aux fidèles (qui restent debout) entre le narthez et le chœur. La nef et le transept sont parfois divisés en plusieurs vaisseaux nommés bas-côtés ou collatéraux. Ces derniers ont une hauteur correspondant le plus souvent à la moitié de la nef centrale.
* coupole = connue avant le Moyen Age, elle surmonte les parties des bâtiments à contrebuter. A la suite de la Première Croisade, une mode orientalisante se diffuse en Europe et la coupole en fait partie (église orientale en croix grecque). Elle se dresse sur un plan carré et est surmontée d’un clocher dont son poids a l’avantage d’annihiler les forces obliques de la coupole.
* chœur = réservé aux ecclésiastiques et aux choristes, l’autel y est placé et lui confère un caractère sacré. Le chœur est rehaussé par quelques marches (rappelant le sommet de la montagne à laquelle se tient Dieu). Dans les cathédrales, le trône épiscopal s’y dresse. Le chœur est parfois clôturé par un jubé ou une clôture de chœur, plus élevée (ou chancel, barrière basse) l’isolant des fidèles entre le XIIIème siècle et le XVIème siècle.
* Transept =: nef perpendiculaire à la nef centrale donnant à l’église la forme d’une croix. Le carré qu’il dessine symbolise les quatre éléments du monde (air, feu, terre, eau). On le rencontre majoritairement dans les grandes églises et rarement dans les petites. Des portails sont souvent aménagés dans les bras du transept pour permettre de pénétrer dans le bâtiment.
* chevet = date dès l’époque carolingienne, un déambulatoire et des chapelles rayonnantes le parcourent permettant aux fidèles de contourner le chœur. Il a un tracé semi-courbe. Les chapelles rayonnantes, dans l’art roman, sont détachées les unes des autres, on les sépare, par exemple, par des murs. Par la suite, dans l’art gothique, on agit à l’opposé en les rapprochant.
* Crypte = n’existe pas partout et qui est édifiée fréquemment sous le bâtiment. Utilisée d’abord pour placer une sépulture afin qu’elle soit vénérée. Ultérieurement, des reliques y sont disposées afin que les fidèles puissent s’y recueillir, mais aussi pour éviter les vols, les incendies. Ces églises inférieures, du fait de l’importance grandissante du culte des reliques, sont de plus en plus vastes, ce qui explique la présence de chapelles rayonnantes, plus nombreuses, et de déambulatoires permettant leur accès. En Béarn, une seule église est dotée d’une crypte, celle de Mifaget.
Crypte de l'église romane de Saint-Michel (construite en 1114) à Mifaget : halte sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, crypte circulaire et voûtée, éclairée par 3 petites fenêtres. On y invoquait "sent Plouradou" (saint Pleureur) afin de guérir les enfants pleurnichards.
* Clocher = apparaît approximativement au VIème siècle, il revêt plusieurs fonctions, celle bien entendu d’abriter une ou des cloches mais également de symboliser la puissance. Autre rôle, important lors des périodes troublées, celui de servir de poste d’observation.
Quelques clochers se singularisent. Proches de la Soule, certains d’entre eux ont la particularité de présenter trois toits, on les appelle « clochers trinitaires ». Ils sont plats (clochers-murs), rehaussés par trois pics, eux-mêmes surmontés quelquefois de croix. La référence à la Trinité (Père, fils et Saint-Esprit) est manifeste. Parfois, le clocher du milieu se dresse plus haut, on le surnomme alors clocher-calvaire, allusion à la Crucifixion de Jésus et aux deux larrons qui l’encadrent. Ils seraient édifiés postérieurement aux guerres de religion. Les églises de Viellenave-de-Navarrenx, d’Agnos offrent de beaux exemples.
Viellenave-de-Navarrenx: clocher trinitaire.
Vue arrière du clocher trinitaire de l'église de Viellenave-de-Navarrenx.
Dernière catégorie de clocher analysé, le clocher porche. Il est accolé au bâtiment principal, le rez-de-chaussée sert d’entrée de l’église. Ses fonctions sont multiples, lorsque les habitants de la localité souhaitaient donner à leurs contrats, leurs serments un caractère solennels, on passait « sous le clocher ». Le curé recevait dans ce lieu les femmes en retour de couche, les nouveau-nés, le catéchumène… Il pouvait abriter les mendiants, les passants, mais également les pénitents qui ne pouvaient pas assister que de loin aux offices religieux. Le prêtre y pratique l’exorcisme pour chasser le démon. Lorsque la justice était rendue sur le parvis des églises, les juges se protégeaient des intempéries sous le porche. Les cordes servant à faire sonner les cloches y pendaient. Lorsqu’il est assez vaste, il sert de lieu de marché, d’assemblées…
Eglise Saint-Vincent (XIe siècle) à Lucq-de-Béarn : tour du clocher-porche du XVe siècle conservant des éléments défensifs (trous de hourdage...).
Eglise Saint-Laurent à Sévignacq-Thèze, milieu XIIe siècle : clocher-mur.
Ces édifices religieux étaient ornés de peintures à l’intérieur et à l’extérieur. Très souvent, elles ont disparu, car elles sont réalisées « a Tempera », c’est-à-dire que l’on fixe des pigments sur un enduit sec à l’aide de colles. Mais les pigments, avec le temps, tombent. A côté de la peinture, la sculpture orne les portails, les chapiteaux et les modillons. Outre leur fonction décorative, la peinture et la sculpture jouent un rôle éducatif (vie de Jésus, de la Vierge et des saints, préceptes moraux chrétiens). Elle est destinée aussi à émouvoir les fidèles qui sont en majorité illettrés.
Eglise Saint-Michel à Montaner : fresque murale du Jugement dernier du XVe siècle.
Fresque murale de l'église Saint-Michel à Montaner : Immaculée Conception de Marie, au milieu de symboles bibliques. Elle fait partie de peintures murales, datant du XIVe au XVIe siècles, qui recouvrent l'arrière de l'autel.
b- L’art gothique (ou l’ « art français »).
Les architectes, à partir du début de la seconde moitié du XIIème siècle, se lancent dans des conceptions novatrices, motivés notamment par le souci d’éclairer les sanctuaires. Ils optimisent les techniques anciennes (à Sens, Noyon…).
La croisée d’ogives qui suit la voûte d’arêtes voit son prototype apparaître dans la région anglo-normande avant 1100 (cathédrale de Durham) puis se manifeste en Ile-de-France entre 1180 et 1220. L’usage de l’ogive est attesté au Xème siècle. Les architectes arméniens, musulmans, adoptent des systèmes d’arcs pour porter les voûtes.
Les ogives sont des arcs qui se croisent et reportent le poids du centre de la voûte vers les quatre supports. De plus, ils appuient moins intensément sur ses supports. Ces arcs brisés et ces voûtes sur nervures croisées occasionnent des poussées moins importantes non sur des murs, mais sur des piliers. La voûte en berceau d’un seul tenant est donc substituée par une enfilade de travées en voûtes d’arêtes renforcées par les ogives ou nervures. Par conséquent, la voûte d’ogives sur arcs brisés libère les murs portant des gouttières (appelés gouttereaux). L’intérêt est de permettre d’ouvrir de grandes baies. Mais il est essentiel que les forces obliques soient contrebutées par des arcs-boutants situés à la hauteur de la voûte centrale et à l’extérieur de l’édifice. Des pinacles couronnent les culées des arcs-boutants avec des gargouilles servant à décorer et à évacuer l’eau de pluie. Les voûtes de plus en plus s’allègeront, de même que les arcs-boutants ce qui soulage la structure permettant aux architectes d’édifier des bâtiments plus hauts comportant de plus grandes fenêtres (voûte de la nef de Notre-dame-de-Chartres s’élève à 66,5 m en 1195, la cathédrale d’Amiens atteint de 42 m en 1220).
Cathédrale Sainte-Marie à Oloron-Sainte-Marie : chevet de style gothique, du début du XIVe siècle.
Cathédrale Sainte-Marie à Oloron-Sainte-Marie : intérieur, nef à voûtes d'ogives du début du XIIIe siècle. Reconstruction réalisée après un incendie.
La crypte n’est plus construite, car les reliques sont présentées sur des autels au rez-de-chaussée dans des châsses.
Les vitraux couvrent les ouvertures bien qu’ils existaient chez les Romains, mais ils étaient de petite dimension. Ce sont plusieurs fragments de verres colorés que l’on relie à l’aide de baguettes de plomb. Pour résister à des vents puissants (un vent de 100 km/h exerce une pression de 80 kg/m2 soit plus de 10 t sur les grandes roses), on rajoute des barres de fer dans le fenestrage de pierre horizontalement et verticalement. Leurs coûts sont élevés et sont le fait de personnages riches ou importants (dignitaires du clergé, de la société laïque) ou de corporations.
Cette utilisation de fer se trouve aussi dans la structure de l’édifice pour le renforcer. Par exemple, les tirants métalliques soutiennent les arcs-boutants.
Au sujet de l’appareil (agencement et disposition des matériaux d’une construction), les églises du Haut Moyen Age sont élevées avec des petites pierres irrégulières, tandis que celles bâties selon le style roman ce sont les pierres sont disposées plus régulièrement. Plus tard, au XIIème siècle, l’aspect des murs montre des pierres plus grandes et régulières.
Les réalisations de ces bâtiments religieux dépendent du financement et des problèmes inhérents. Lorsque ces derniers sont inexistants, ils peuvent durer de 2 ans à 3 ans, si, par contre, ils se posent avec acuité, le temps d’édification peut s’échelonner sur plusieurs générations (3 siècles) expliquant alors les différents styles qui les caractérisent.
c- L’art roman et l’art gothique en Béarn
Les églises béarnaises se sont généralement inspirées de ce qui se faisait autour du Béarn, c’est-à-dire dans le Sud-Ouest, le Languedoc et en Espagne.
Quelques documents révèlent les noms de ceux qui ont participé à la réalisation des édifices religieux béarnais moyenâgeux. Des artistes nous sont connus comme Arnaud Guilhem de Narp qui a œuvré à l’église de Laàs en 1336.[17] Un autre, Guilhem le Coq, vivant à Pardies, est sollicité, en 1389, pour édifier une église en bois à Besingrad. [18] Guilhem Arnaud de Minvieille-Juzon, maçon de son état, habitant Audaux, s’engage à réparer le monastère de Lucq, en 1446. [19]
En ce qui concerne les charpentiers, la plupart sont des cagots, on sait la discrimination dont ils étaient sujets et les métiers qui leur étaient imposés. Un d’entre eux, de Lucq, est engagé pour réparer l’église de la localité d’Ogenne, en 1396. [20]
Le plan type des églises béarnaises est celui d’une nef unique, à laquelle on ajoute une abside. Il existe également celui qui présente un ou deux collatéraux. L’église de Monein, par exemple, est partagée par une nef principale très large et un bas-côté plus étroit. Dans le pays de Morlaàs, la proportion pour les deux cas est la moitié chacune. En ce qui concerne les grands édifices, tels les cathédrales d’Oloron et de Lescar, les églises de Morlaàs et de Sauveterre, on adopte ce que l’on nomme le plan basilical dont l’église de l’abbaye de Cluny illustre parfaitement l’exemple. L’église a un espace intérieur, de forme rectangulaire, divisé par des piliers. Trois parties longitudinales se démarquent, elles sont appelées vaisseaux. La partie centrale, ou nef, est plus large, tandis que de chaque côté sont disposés des collatéraux (ou bas-côtés) moins élevés et moins larges. Chacune des trois parties se prolongent par des absides (ou murs plats) pour la nef et des absidioles pour les deux autres. D’autres espaces se rajoutent, le transept qui, comme on l’a vu, sert de voie de circulation entre les deux bas-côtés, donnant au plan général la forme d’une croix. Des chapelles flanquent les bas-côtés. La plupart de ces grands édifices étaient dotés de cloîtres qui ont disparu aujourd’hui. A Lescar, construit au XIVème siècle, il se trouvait au sud de l’église. Ses dimensions étaient de 17m sur 21 m, avec des galeries larges de 4 m. Dans la seconde moitié du XVIIIème, il est détruit.
En Béarn, se dégage un autre type de plan, de type centré. Ce sont quelques églises (Hôpital Saint-Blaise, Sauvelade…), qui offrent plutôt une forme de croix à quatre branches (comme les églises orthodoxes byzantines), surmontée d’une coupole.
Pour ce qui est des voûtes, les grands édifices sont réalisés en pierre tandis que le bois est utilisé dans de nombreuses églises rurales. On perçoit sur certaines églises béarnaises l’influence de l’art hispano-mauresque, le chemin de Saint-Jacques est facteur d’échanges, comme on le sait. Les coupoles de l’église de Sainte-Croix d’Oloron et de l’Hôpital Saint-Blaise sont soutenues par huit nervures de pierre, au-dessus de la croisée du transept. Ces nervures dessineraient les huit branches du sceau de Salomon. On y voit l’influence de la mosquée de Cordoue et la cathédrale de Jaca. Toujours dans l’église de l’Hôpital Saint-Blaise, des fenêtres romanes à dalles de pierres ajourées de motifs géométriques inspirés de l’art mudejar.
Dans ce cas-là, ce sont soit des lambris naturels (ceux de l’église de Baleix réalisés par un menuisier de Lembeye Mouret-Burie en 1750), plâtrés ou peints qui s’offrent aux yeux des fidèles ou alors simplement la charpente comme à Maubecq.
La façade ouest correspondant à l’entrée du lieu est soit magnifiée par un portail joliment décoré (Sainte-Marie, Monein, Lembeye…), soit marquée par un simple mur-pignon ou clocher-mur, une tour-porche…
Le décor est globalement simple, surtout dans les églises rurales. Dans de nombreuses portes (37 recensées), on retrouve systématiquement gravé le chrisme (monogramme du Christ). Ce dessin est composé d’un cercle représentant l’univers, la perfection divine, à l’intérieur deux lettres majuscules grecques X et P (les deux premières lettres du mot Χριστός signifiant Christ). S’adjoignent parfois deux autres lettres, la première et la dernière lettre de l’alphabet grec α (alpha) et ω (oméga). Ces dernières encadrent alors les deux précédentes, symbolisant le commencement et la fin. Toutes ces lettres assemblées forment le mot ἄρχω, qui signifie « commander », et donc au Christ. En Béarn, une autre lettre est ajoutée parfois, le S (sigma latinisé, à l’endroit ou à l’envers). Ce symbole est inspiré de l’Apocalypse de Jean (Apocalypse 22:13), où il écrit : « Je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. » On l’associe à l’empereur Constantin le Grand, lors de la bataille du pont Milvius en 312. Il l’aurait aperçu en songe ou « délivré » lors d’une vision avant le déroulement de la bataille. Le chrisme lui apparaît dans le ciel, avec les mots « In hoc signo vinces » (par ce signe tu vaincras), ce qui le dissuade de le faire reproduire sur les étendards et les boucliers de ses guerriers.
Eglise Saint-Jean-Baptiste à Diusse : portail roman, 2e quart du XIIe siècle, tympan avec chrisme.
Eglise Saint-Pierre de Simacourbe, fin XIe siècle : chrisme sur le portail Sud.
Outre les chrismes, les tympans de quelques églises sont ornés magnifiquement par des motifs religieux et profanes. Celui de la cathédrale de Sainte-Marie, en plaques de marbre blanc, représente la Descente de Croix. Les voussures, outre les vingt-quatre Vieillards de l’Apocalypse, nous dépeignent des personnages issus de la vie active (paysans..) et de la vie quotidienne (chasse à l’ours, préparation d’un repas…). Néanmoins, la plupart des églises romanes, outre les chrismes, quelques tympans indiquant parfois la date de réalisation ou de reconstruction, quelques portes encadrées par des colonnes surmontées par des chapiteaux historiés, des voussures décorées de motifs, restent simples dans leur ornementation.
Ceci pour l’extérieur, mais aussi pour l’intérieur. Peu ou pas de chapelles, actuellement, plusieurs d’entre elles que l’on peut voir ont été construites ultérieurement. Peu de mobilier qui date de l’époque romane ou même gothique. La raison est due au pillage perpétré lors des guerres de religion par les troupes huguenotes, notamment en 1569.
Le financement de la construction des églises, au Moyen Age, est certainement dû à la participation des vicomtes béarnais à la Reconquista en Espagne, comme on l’a vu plus haut. Par la suite, ces derniers, durant les XIVème et XVème siècles, ne se soucient pas de bâtir des églises, si ce n’est que de réaliser des adjonctions (chœur de l’église d’Accous, voûtes de l’église d’Arudy). Par contre, à partir de la fin du XVème siècle, nous assistons à une floraison de constructions, surtout sous la dynastie des Albret.
Le XVIème siècle est associé, en France, sur le plan religieux, à la Réforme protestante et aux guerres de religion. En Béarn, ces événements revêtent beaucoup d’importance. En ce qui concerne les édifices religieux édifiés, leur nombre, lors de la fin du XVème au XVIème siècle, est important.
Le gothique est bien implanté dans la vallée d’Ossau, la plaine de Nay, le Saubestre, on en trouve aussi, en moins grande quantité, dans le Vic-Bilh. Dans cette dernière partie du Béarn, l’église qui incarne le plus ce style est, sans conteste, l’église de Lembeye. Le gothique flamboyant se retrouve essentiellement dans son beau portail, composé de trois arcs en anse de panier, en arc brisé et en accolade à choux frisés qui se chevauchent.
Ce qui démontre que la piété catholique des Béarnais est quasi entière, avant l’introduction du protestantisme dans la province. Par contre, ils subiront des dégradations au moment des luttes fratricides, surtout en 1569, par les soldats de Mongoméry.
Le style qui domine alors est le gothique flamboyant (lignes sinueuses évoquant l’image de flammes agitées par le vent) comme on peut l’observer à Monein, un des plus vastes édifices gothiques de la province. Ce style se retrouve sur les portes comme à Bruges. Des arcs en accolade (formés par deux courbes et deux contre-courbes), des choux, des feuillages, des pinacles sont sculptés. Ce style persiste, en Béarn, jusqu’au XVIIIème siècle.
Eglise Saint-Sylvestre à Sainte-Colome : portail gothique flamboyant en accolade (piedroits gothiques, anse de panier, choux fleuris, niche avec Vierge, anciennement peint).
En ce qui concerne les ateliers et les artistes des XVème et XVIème siècle, on connaît plusieurs noms. Par exemple, au sujet des maîtres, Peyroton de Peyrer, originaire de Saucède, passe un accord avec Menaud de Mirassor, de Navarrenx, pour l’élaboration d’un autel dans l’église de Monein. [21] Autre exemple, Bernard de Betheder, maître-maçon d’Izeste, restaure l’église de Laruns. C’est lui, d’après les dessins de Jacques Bouchet de Monein, qui réalise le portail de la même église. [22] Ici, nous avons affaire à des artistes locaux, mais ceux qui proviennent d’autres contrées ne sont pas rares, notamment s’il s’agit de décorateurs. Nommons Pierre Bertrec, de Vic-en-Bigorre, qui reçoit la commande de la ville de Pontacq afin d’exécuter des grilles et d’un crucifix à l’église Saint-Laurent.[23] Enfin, citons des Flamands, tel Henri, originaire de Liège mais habitant à Oloron, est contacté pour réaliser le retable de l’église d’Accous.
d- Les style Renaissance et baroque
Mais, on trouve aussi quelques exemples du style qui suit, la Renaissance.
L’église de Thèze offre un bel arc surbaissé en anse de panier, de même que des corniches et des entablements. Des églises mêlent à la fois les styles gothique, flamboyant et renaissance, comme l’église de Saint-Girons de Monein. Le clocher à dôme à l’impériale, apparu en France au XVIème siècle, s’observe plus tard en Béarn, surtout au XVIIIème. Sa forme courbe à quatre faces est surmontée d’un globe. L’église Saint-Pierre de Sévignacq-Meyracq offre un bel exemple de ce type de clocher.
Eglise Saint-Pierre à Thèze, du XIIe et transformée de la fin du XVe siècle au début du XVIe siècle : portail renaissance du 2e quart du XVIe siècle.
Au XVIIIème siècle peu d’églises sont édifiées, excepté des chapelles conventuelles, des adjonctions comme le porche soutenu par quatre colonnes à la fin du XVIIIème siècle de l’église Saint-Martin de Baleix. On remanie plutôt les anciennes constructions.
On détruit les jubés bâtis depuis le XIIème siècle dans les grandes églises. Clôtures du chœur liturgique, elles délimitaient l’emplacement réservé au clergé et au maître-autel. Faits de bois ou de pierre, généralement magnifiquement décorés, on les juge malheureusement inutiles au XVIIIème siècle puisqu’ils empêchent aux fidèles de voir l’autel. La même pensée se retrouve pour les tombeaux situés dans les chœurs qu’on retire. On veut des églises plus éclairées, si on garde les anciens vitraux, on lance des campagnes d’élargissement des fenêtres, on pose des vitraux de couleur claire, des carreaux de verre blanc. Toujours dans le but d’illuminer l’intérieur de l’église et du fait du changement des goûts artistiques on badigeonne les peintures médiévales de chaux blanche ou du blanc d’Espagne, ceci dès le XVIème siècle avec la Contre-Réforme.
On cherche à mettre en valeur les maîtres-autels avec des retables polychromes qui ont pour objectifs de décorer, d’illustrer des scènes des Evangiles et d’éveiller la dévotion, ceci après l’impulsion donnée par la Contre-Réforme. Le style baroque dominant offre aux yeux des fidèles une myriade de couleurs, chaudes surtout. L’or symbolise la pureté, le Christ du fait de sa nature solaire, le bleu représente le ciel, le blanc est associé à la pureté. Si les retables du XVIIème siècle apparaissent plutôt extravagants et surchargés, ceux du XVIIIème siècle sont davantage sobres. Ils sont pourvus de tableaux peints sur bois ou toiles, des statues ou statuettes.
Le retable le plus représentatif, en Béarn, est constitué soit d’un seul panneau, soit de trois panneaux. Sur le panneau central est figuré le saint patron (peinture ou statue), les deux autres sont séparés du précédent par des colonnes torses.
Le marbre ou le stuc est souvent utilisé pour décorer ces retables, les murs, les plafonds…
Ce mobilier, le plus souvent baroque, est réalisé fréquemment par des artistes locaux. Outre les retables, il est composé aussi de Vierges et de Saints en bois polychromes, de chaires…, d’orgues. On connaît les Dartigacave, et notamment Jean-Baptiste, de la seconde moitié du XVIIème siècle. Ils sont originaires de Sainte-Colome, proche d’Arudy. Un autre nom est à signaler, le sculpteur Claverie, originaire de la vallée d’Ossau et qui œuvre, en Béarn, dans le nord-est .Nous connaissons d’individus qui entreprirent à les faire réaliser, comme l’évêque Joseph de Revol du diocèse d’Oloron (1705-1742). On peut citer l’autel-retable de l’église de Lacommande
Eglise Saint-Jean-Baptiste à Diusse : chaire du XVIIIe siècle.
Eglise Saint-Laurent à Morlanne : chaire du XVIIIe siècle.
Eglise Saint-Julien de Lescar de Lucgarier : retable du XVIIIe siècle.
e- Des églises fortifiées
L’église, lieu de culte des catholiques, est au Moyen Age, avec le château, souvent les seuls bâtiments en pierre. Elle apparaît solide aux paroissiens mais aussi un monument que l’on transforme à travers les époques selon les goûts, les styles. Si on prend l’exemple de l’église Saint Laurent à Morlanne – symétriquement opposée au château-fort le long de la rue principale -, on aperçoit un bâtiment à la fois moyenâgeux car fortifié avec 3 tours dont une crénelée, des archères sur les murs munis d’un chemin de ronde. Construite au XIIIème siècle, de style gothique, l’église a été fortifiée au XIVème mais par la suite on l’a modifiée en lui adjoignant un portail classique à baldaquin du XVIIème dans sa partie méridionale. Si l’intérieur garde une majorité d’éléments caractéristiques du Moyen Age et plus particulièrement du style gothique, un chœur aux voûtes sexpartites, de belles clefs de voûte dont une représentant Saint-Laurent sur son gril, une voûte à six nervures, des chapiteaux historiés dont un montre un individu dormant sur son sac. On trouve également des éléments postérieurs comme un lutrin du XVIIème siècle, un confessionnal, un bénitier du XVIIIème siècle et une chaire en bois doré baroque munie d’un abat-voix aussi du XVIIIème siècle.
Eglise Saint-Laurent et ancienne abbaye laïque à Montaner. L'église, fortifiée, est dotée de trois tours percées d'archères, de chemin de ronde.
Chevet roman fortifié de l'église Saint-Martin de Maspie (datant en partie du XIIe siècle). On distingue des créneaux, des archères et des trous de hourdage.
D’autres églises béarnaises offrent à la vue de l’observateur des éléments de fortification. Certains vicomtes se distinguent comme constructeurs, Gaston VII Moncade, Gaston Fébus. Des créneaux notamment, l’église de Maspie offre aussi un exemple d’église refuge, sur le chevet, avec des corbeaux pour y introduire des madriers pour la réalisation de hourds. Une autre église dresse un clocher-porche fortifié, l’église d’Andrein avec une archère et des corbeaux…
f- Pour les chrétiens, la cloche est un instrument liturgique et un moyen de communication
De l’église le son de la cloche se répand dans le village et symbolise la communauté et la paroisse. La cloche aurait été importée en Europe continentale par les moines irlandais. Puis son utilisation se répand du temps des Carolingiens.
Outre leur fonction religieuse, elle sert à délimiter les paroisses. En effet, les limites étaient calculées selon le rayon que couvrait le son au départ de l'église, Si la paroisse était importante en superficie, on choisissait une cloche de taille imposante en conséquence.
Hugues Neveux cite l’exemple de l’ « Angelus » qui « intègre les deux fonctions, laïque et ecclésiastique; elle rythme le déroulement de la journée tout en invitant à la prière. »[24]
En réalité, elles sont plusieurs. Elles sont fixées et suspendues dans le haut du clocher et chacune émet un son différent afin d’informer les habitants. Apparues à l’ Age du bronze, elles sont dissemblables du fait de leurs formes et de leurs sonorités[25]. Elles sont fabriquées à l’aide de matériaux différents (airain, fer, fonte…).
Elles sont baptisées au moment de leur inauguration puisqu’on leur donne un nom. Un parrain ou une marraine (ou les deux ensemble) leur sont attribués.
Elles signalent les fêtes et les cérémonies religieuses. Elles rythment les étapes de la vie quotidienne des paroissiens. Elles auraient le pouvoir d’éloigner les orages, les foudres, les grêles, elles préviendraient les gens d’un incendie, d’une attaque…
Le tocsin annonce le danger, le glas la mort.
On cite l'anecdote suivante survenu le 1 juillet 1617, journée où toutes les cloches du Béarn se mirent à sonner au même moment du fait d'un important tremblement de terre qui aurait secoué tout le Béarn.
En Béarn, deux cloches datées du Moyen Age existent, l’une de 1464 sous Gaston XI de Béarn et l’autre de 1610 sous Henri IV). Si la première, le tocsin, porte des inscriptions gothiques au sujet de formules de prières permettant d’écarter toutes les catastrophes tirées de l’office de Sainte Barbe, on peut relever sur la seconde la citation : « Sancte Petre Ora Pro Nobis » signifiant Saint Pierre prie pour nous vu que la paroisse en a fait son patron.
Cloche de 1465 de l'église Siant-Pierre à Laruns. Cloche des tocsins, elle porte des formules de prières contre les fléaux.
Cloche des tocsins à Laruns: "Mentem sanctam spontaneam", correspondent au début du texte qui, à partir du XIIIème siècle, fait partie de l'épigraphie campanile (cela jusqu'au XVIIIème siècle). Ces mots sont utilisés lors de la messe de Sainte-Agathe que l'on invoquait pour se protéger des séismes, de l'orage et de l'incendie.
A Buziet, le clocher carré de l’église de Saint-Justin de Bigorre bâtie en 1734 supporte une cloche fondue en 1791 possédant la vertu d’éloigner les orages.
On sonne les cloches lors des obsèques des personnages les plus importants de la communauté. A Pontacq, la sonnerie à la volée se pratique vis-à-vis de l’abbé laïque, l’archiprêtre, le curé, les membres du Corps municipal. En dehors de ces catégories, on n’hésite pas à intenter des procès ou tout simplement à s’opposer. On connaît des exemples, tel le cas de ce noble, Jean de Bataille, seigneur de Castelnau, qui revendique le droit aux nobles de jouir de la sonnerie à la volée[26].
Outre la cloche, il existe un autre procédé pour annoncer aux habitants des nouvelles. A Claracq, dans le Vic-Bihl, une estrade en pierre (aujourd’hui disparue) permettait au crieur public de procéder à cette fonction.
Eglise de Claracq, clocher XIXe : portail, à côté un escalier à 2 marches conduisait à une estrade du crieur public.
g- Les bancs, les chaises, les tribunes, des marqueurs de la société
Lors de la messe, les notables de la paroisse (seigneurs, marguilliers…) s’installent au premier rang des bancs réservés. Si celui des nobles est un symbole de leurs privilèges, les autres sont souvent loués ou transmis de père en fils .Ces derniers à coffre ou à queue sont placés non loin du chœur. Ils peuvent contenir un prie-Dieu. A Arros, à Osse-en-Aspe (au-dessus de la tribune), on peut observer encore des bancs dévolus aux jurats.
Eglise d'Abos: bancs pour la fabrique.
Le reste des habitants cherche à trouver une chaise de libre ou un banc pour s’asseoir. Les chaises se sont généralisées afin que les fidèles puissent bénéficier de bonnes conditions d’écoute du sermon vu que les offices deviennent plus longs à partir de la Contre-réforme. Les bancs et les chaises apparaissent à partir du XVIe siècle. Auparavant, les gens du peuple, selon les étapes de la messe, restaient agenouillés, debout ou assis par terre ou sur des tabourets bas amenés avec soi.
Dans plusieurs églises, dans plusieurs régions béarnaises les hommes s’installent sur une tribune ou galerie telle que l’on peut la voir dans la vallée de Barétous (à l’exception de celle d’Aramitz), mais aussi dans la vallée d'Ossau.
Eglise de Béost (XIIe siècle) : tribune pour hommes.
En ce qui concerne les tribunes, il en existe une servant aux chantres ou chanteurs lors des services religieux (exemples : à Lembeye, à Sainte-Colome [à gauche de la porte de la sacristie].
La réforme tridentine, au sujet de la messe, tend à développer deux types de dévotion en apparence contradictoire selon François Lebrun, une piété personnelle et une piété collective, mais « en fait complémentaire »[27]. Le fidèle récite la prière en commun. Le fidèle suit les prières du clerc qui officie à voix basse en l’observant et en énonçant doucement les livres pieux.
A la suite de nombreux auteurs théologiens, on tente d’inciter davantage les fidèles à participer lors des messes. Par exemple l’archevêque de Rouen, François II de Harlay de Champvallon, dans son ouvrage la « Manière de bien entendre la messe de paroisse[28] écrit notamment en 1651 que les fidèles vis à-vis du prêtre soient «… attentifs à la prière qu’il va faire pour vous et pour tous les assistants et que vous pensiez au sacrifice là présent, en l’offrant et vous offrant par le prêtre dans l’esprit et l’union de l’Eglise. »
Ce type d’engagement explique, d’après François Lebrun, que dans certaines églises on abat des jubés, surtout dans les villes, et on réagence les chœurs afin de « rendre le culte plus vivant et plus communautaire, de rapprocher l’autel… de l’assemblée des fidèles… »[29].
Dans le même esprit on entreprend de publier des missels dans lesquels on a traduit les textes du latin en français. Mais son usage d’après François Lebrun « reste exceptionnel » excepté « quelques grandes paroisses urbaines ou dans les chapelles de communautés religieuses ouvertes aux fidèles ». Un constat est dressé, « les tentatives pour faire participer étroitement les assistants aux prières liturgiques récitées à l’autel par le célébrant échouent. »[30].
Les fêtes religieuses
La paroisse est protégée par un saint patron. Les fidèles se doivent d’honorer Jésus à travers les saints et les saintes et ce, par exemple, lors de la « fête patronale » ou « fête du saint ». Ce jour, par le biais, de pèlerinages, correspond à une occasion de rencontres et de dialogue entre les membres de la communauté. L’église de Lacommande est placée sous le patronage de Saint Blaise, celle d’Igon de Saint- Vincent…
Les paroissiens assistent aux messes non seulement les dimanches mais aussi lors des fêtes dites religieuses ou d’obligation. L’Eglise, surtout par le biais des évêques, a cherché à réduire ces dernières pour différentes raisons comme par exemple diminuer le nombre de jours chômés pour des gens aux revenus modestes mais aussi baisser la fréquentation des fidèles dans les cabarets et non pas dans les églises. On est passé « d’une moyenne de 35 à 40 au début du règne de Louis XIV… à une vingtaine à la veille de la Révolution. »[31]
La fête a-t-elle cessé d’être un facteur de cohésion sociale avec des tensions qu’elle engendre parfois ? On peut le penser lorsqu’on observe les évêques tenter de remettre les participants, les professionnels de la comédie dans le rang et de les menacer de l’excommunication et de leur nier le droit d’être inhumé.
L’Eglise n’est pas la seule à vouloir réduire le nombre des fêtes d’obligation, les autorités civiles, par souci d’éviter tout débordement, appuient son action.
Le nombre de jours travaillés augmente au XVIIIème siècle – pas le nombre d’heures quotidiennes.
Lors de la rédaction des cahiers de doléances en 1789 de nombreuses paroisses rurales les plus pauvres demandent la suppression de fêtes chômées.
Il est nécessaire de rappeler qu’auparavant les assistants devaient s’asseoir par terre puisque les sièges étaient absents. Ces derniers se sont répandus à partir du XVIIème siècle en France à partir de la Contre-Réforme.
Sur les murs, des tableaux, des statues pieuses permettent d’illustrer la vie de Jésus, de la Vierge et des saints.
Le confessionnal apparaît dans les églises.
Les messes ne s’effectuent pas dans le silence le plus rigoureux comme aujourd’hui. Les gens discutent à l’époque, de tout. Toutefois on s’abstient de bavarder lors de certains rites comme par exemple au moment dans lequel le curé élève l’hostie ou le calice. Il est vrai qu’on prévient les fidèles par des coups de clochette. De plus, le paroissien ne comprend pas le curé lors de la messe vu qu’il use du latin. Il se contente de répéter et de chanter comme lui le « Pater Noster », « l’Ave Maria », le « Credo », de réciter le chapelet… Il sait que ces paroles relèvent du sacré. Le curé utilisera leur langue lors du prône.
Philippe Martin écrit que la séparation des sexes daterait de la Contre-Réforme (1564), accentuée vers la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle. Les femmes portent des foulards. 31
Les sépultures
Dans les églises des sépultures sont présentes. Depuis l’Antiquité, les inhumations, chez les chrétiens, se pratiquaient ad sanctos c’est-à-dire près des reliques, des tombeaux des saints et, par conséquent, dans un espace comprenant l’église et ses dépendances (cloître…). Cet espace sacré voit donc s’adjoindre dans son enclos le cimetière et cela au sein de la communauté des fidèles. Les vivants et les morts « cohabitent ». Néanmoins tous les villages ne possèdent pas de cimetières.
Depuis le Moyen Age, on peut inhumer dans les lieux de culte, surtout dans les monastères.
Cette liberté est liée alors à des dons ou des legs et se produit soit du vivant du décideur, soit par un de ses proches. Cet argent permet alors à entretenir l’église. En ce qui concerne les prêtres, les évêques sont enterrés dans le chœur des cathédrales tandis que les curés dans celui des églises. Quant aux laïcs, le seigneur dont dépendait la paroisse ou le fondateur du sanctuaire, ils ont également droit à ce lieu d’inhumation. Concrètement, il peut s’agir d’un enfeu, d’un caveau individuel, d’un caveau familial. Il peut s’agir aussi de l’emplacement du banc sur lequel le seigneur s’asseyait lors des offices et l’on ensevelissait dessous comme on va plus loin le voir à Lacommande. Mais les notables se font également enterrer dans une chapelle ou dans le haut de la nef. Les plus humbles, eux ont droit au bas de la nef ou dans le cimetière. C’est également un droit qui se monnaye. En 1683, conjointement le curé Thimothée Bonnecaze, le Corps de Ville et la fabrique vendent le droit de sépulture à deux individus dénommés Jean de Sarthou et Jean de Laborde pour une somme s’élevant à 50 francs[32].
Eglise de Béost : dalle noire portant une inscription, près de la porte d'entrée. C'est la sépulture du noble Raymond Espalungue, seigneur de Cazaux de Louvie-Juzon, abbé laïque de Béost, mort le 21 septembre 1698 à 67 ans.
Eglise Saint-Pierre à Sévignacq-Thèze : dalle funéraire du XVIIIe siècle.
Cette pratique avait concrètement des inconvénients. Si des dalles recouvraient le sol, il était nécessaire de les enlever, de rapporter de la terre, de la niveler…
Pourtant le 10 mars 1776 une ordonnance royale décide de refuser tout enterrement dans les églises - exception faire pour quelques cas limités et prévus (comme par exemple les hauts dignitaires de l’Eglise). Il est à noter que Jeanne d’Albret avait également décrété cette interdiction dans le passé à travers les ordonnances ecclésiastiques du 26 novembre 1571 de Pau.
En théorie, il est spécifié de vider les fosses des ossements périodiquement et de les transférer dans une fosse commune ou un ossuaire.
En même temps, on encourage le transfert des cimetières en dehors des villes et des bourgs déclenchant parfois des émeutes de « résistance » de la part des populations - et surtout des curés et des marguilliers - comme à Lille en 1779 ou à Cambrai en 1786. Ces déplacements, en effet, outre ces rébellions, ont débouché malgré des amendes sur des procès, des expertises commanditées afin de déceler si l’insalubrité était bien avérée et si la décomposition des corps entraînait bien des risques du fait de « leur redoutable chimie ».
Ces décisions sont à mettre en relation avec le souci cher au « siècle des Lumières » de lutter contre l’impureté de l’air et d‘avoir un « air pur ». En effet, dans le dernier tiers du XVIIIème siècle, les individus sont en quête d’une meilleure hygiène et un bon assainissement et, pour y parvenir, cherchent avant tout à éradiquer les maladies, les épidémies…
On est alors contraint d’acquérir un terrain pour y enterrer les sépultures et le clore de murs.
Cette démarche consistant à prohiber les sépultures dans les églises se poursuit le 23 prairial an XII (12 juin 1804) par le Décret Impérial sur les Sépultures. Dans l’article premier il est spécifié : « Aucune inhumation n'aura lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et généralement dans aucun édifice clos et fermé où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes, ni dans l'enceinte des villes et bourgs ».
Les notables, après avoir reçu une autorisation préfectorale au préalable, opteront pour l’enterrement dans des chapelles funéraires familiales.
Afin d’illustrer ces propos, prenons le cas de Lacommande . Entre 1724 et 1780, le relevé des sépultures nous renseigne que la localité obéit à l’ordonnance royale du 10 mars 1776 puisqu’ elles cessent à partir de 1777. Jean-Claude Lassègues écrit que 67,9% des inhumations se font entre 1724 et 1776 dans le cimetière, 25,6 % dans la nef de l’église Saint-Blaise 4,8% dans la chapelle du Saint-Sacrement et 1,7% dans la chapelle Notre-Dame. L’auteur rappelle que la population à l’époque s’élevait à 1 500 personnes ce qui lui paraît très important. Il cite trois exemples d’individus qui ont été enterrés dans l’église comme l’ont été en majorité des membres de la noblesse, du clergé et de ceux ayant une fonction « reconnue » comme les jurats.
« Le 18 octobre 1744 mourut la Demoiselle Marie Thérèse de Navailles Mirepeix agée d’environ 5 mois, fille légitime du seigneur François de Mirepeix et de la Dame (d’Aspremont) d’Orthe son épouse. Son corps a été enterré le lendemain dans la présente église, sous le banc dudit seigneur. »
Autre exemple d’un noble non originaire de la localité mais qui y est mort- plus exactement dans le château -. Cet « invité » dénommé Henri de Bourbon a également une sépulture dans l’église.
« Le cinq décembre 1772 mourut le noble Henry de Bourbon, natif de la ville d’Oloron, âgé d’environ 40 ans, et le lendemain fut enterré dans la chapelle du Saint-Sacrement, à l’assistance de la plus grande partie de mes paroissiens. Témoins le sieur Henry de Bourbon, curé de Ledeuix, et Sylvestre Bergeret qui ont signé avec moi, Dabbadie curé. »
Pour finir, terminons avec un ecclésiastique, le curé Lassalle-Atas (ou Athas).
« Noble Arnaud de Lassalle-Atas, curé agé d’environ 54 ans, mourut subitement le 27 janvier 1730 et fut enterré le jour suivant à l’assistance de plusieurs ecclésiastiques et de presque tous les paroissiens dans le sanctuaire de cette église au coin de l’Evangile. Présents et témoins qui ont signé les sieurs Jean de Lespitau, marchand de Lacommande, et Antoine de L’Eglise, régent d’Aubertin. » [33]
Quant à l’article 2 du Décret, il s’attache à éloigner les cimetières hors des villes puisqu’il est prévu : « Il y aura, hors de chacune des villes ou des bourgs, à la distance de trente-cinq à quarante mètres au moins de leur enceinte, des terrains spécialement consacrés à l'inhumation des morts ».
En ce qui concerne le souci de salubrité, il persiste vu que les lieux choisis pour implanter les cimetières doivent correspondre à des critères bien définis : « Les terrains les plus élevés et exposés au nord seront choisis de préférence; ils seront clos de murs de deux mètres au moins d’élévation. On y fera des plantations, en prenant les précautions convenables pour ne point gêner la circulation de l’air. »[34]
L’église sert souvent de lieu de rassemblement de la communauté des habitants du village, de l’assemblée générale et donc à caractère politique souvent. Ce point démontrant que l’église s’intègre aussi dans l’espace social de la communauté villageoise. Au préalable, le curé lors de la messe annonce la convocation de l’assemblée villageoise. On le rappellera également par une annonce opérée de porte à porte, au son du tambour.
Si les habitants, à cette occasion, se réunissent souvent dans la nef principale, ce n’est toujours pas le cas. Quelques églises possèdent des endroits dévolus à ce type d’occupation, un couvert porté par une charpente orienté vers un côté du bâtiment par exemple. Dans d’autres, on s’assemble sous le porche (exemple : à Lembeye).
Eglise de Lembeye : sous le portail ogival, bancs.
Mais l’assemblée peut se tenir aussi en plein air ou alors dans des bâtiments comme une halle, une école ou une maison commune.
L’église Saint-Vivien de Bielle en est un bon exemple, sur la façade nord un escalier extérieur permet d’accéder à une salle de réunion appelée « segrari » où s’assemblait « l’Universitat d’Ossau » puisque la localité de Bielle sert de capitale ou « Capdeuilh ».
Si la réunion a lieu un dimanche, à la sortie de la messe, les gens, bien habillés pour l’occasion, se sépareront, les femmes (excepté les veuves par exemple qui deviennent par la force des choses chefs de famille) et les enfants se dirigeront vers leurs domiciles tandis les hommes, chefs de famille ou célibataires payant un impôt à l’occurrence la taille, s’assembleront pour prendre les décisions lors de votes.
Les portes des cagots
Dans certaines églises béarnaises une porte, un bénitier sont destinés dès le Moyen Age aux cagots ou « crestians » gascons. Ces marginaux institutionnalisés continuent d’exister au XVIIIème siècle. A la fin du XIVème siècle, ils représentent environ 2% de la population béarnaise. Dès le XIème siècle, des documents établissent une relation entre les lépreux et les « crestias ». Discriminés à la suite d’une erreur médicale (la découverte du bacille de Hansen ou ce que l’on nomme couramment la lèpre date de 1874), ils subissent l’idée reçue selon laquelle ils seraient les descendants des malades de cette dite maladie. Ils sont soumis à la juridiction ecclésiastique. Le For de Béarn de 1551 promulgué par Henri II d’Albret contribue à les mettre à l’Index en les excluant de la société et à les obliger à se cantonner dans certaines tâches comme celle du bois, de fossoyeur ou de médecin et dans certains espaces. Cette ségrégation résultant de la peur des autres habitants à une possible souillure physique. Par la suite, aux XVIIème et XVIIIème siècles, des contemporains font remonter leurs ascendances aux Wisigoths, aux Sarrasins…
Les articles 4 et 5 tirés de la rubrique de la qualité des personnes leur sont alloués. Celui qui concerne plus spécifiquement l’église est l’article 4 : « Les cagots ne doivent pas se mêler avec les autres hommes pour des relations familières. Ils doivent dorénavant habiter séparés des autres habitants et ils ne se mettront pas devant les hommes et les femmes à l’Eglise, ni aux processions, sous peine d’une amende majeure chaque fois qu’ils contreviendront. »[35]
Ces exclusions perdureront jusqu’en 1789 bien que le pouvoir royal, notamment par l’action de louis XIV et de son ministre Colbert sous l’instigation de l’Intendant du Béarn M. Dubois du Baillet aient tenté de lutter contre elles (notamment pour des raisons financières en leur permettant de s’affranchir en s’acquittant en le moyennant). Des lettres patentes furent distribuées. Toutefois les institutions, les communautés locales et l’opinion publique sont intervenus pour s’y opposer. Songeons à Mgr François de Revol, évêque de Sainte Marie (1742-1783), qui refuse à tout cagot de recevoir les sacrements. A la fin du XVIIIème siècle, leur intégration au sein de la population est bien établie, ils deviennent des citoyens aussi bien que les Juifs et les Protestants qui le furent par l’édit de Versailles de 1787 signé par Louis XVI. On sait actuellement que la lèpre n’est pas transmissible. Malheureusement, à l’époque elle a servi de prétexte à des discriminations ; nous connaissons des cas où la ségrégation perdurera encore au milieu du XXème siècle.
Dans l’église les cagots portent un signe distinctif cousu sur leurs vêtements – épaule gauche –, une patte d’oie ou de canard rouge. Benoît Cursente note que cette obligation est mentionnée sur un certain nombre de documents datés de 1550 à 1650. De plus, elle a été imposée seulement dans certaines régions et durant un temps donné.
Ils doivent entrer souvent par une porte distincte des autres paroissiens, le plus souvent latérale au bâtiment.
A ce sujet, une hypothèse contredit quelque peu l'existence des portes des cagots, il s'agirait en fait, pour de nombreuses d’entre elles cataloguées comme telles, des portes latérales dédiées aux messes de semaine. Les fidèles pénétraient par les portails centraux pour assister aux messes dominicales ou aux cérémonies religieuses importantes (celle d'obligation comme l'Ascension, Noël...). Il faut rappeler que les messes de semaines ont un statut inférieur, elles sont plus dépouillées et sont pratiquées dans le chœur ou dans des chapelles latérales d'où la présence des portes permettant l'accès. Alors que lors des messes du dimanche, les chrétiens se rassemblent dans le but de participer à l'Eucharistie.
Cathédrale Sainte-Marie à Oloron-Sainte -Marie : bénitier dit des Lépreux ou des Cagots du XIIe siècle représentant un chien poursuivant un lièvre.
Eglise de Notre-Dame-de-L'Assomption à Lembeye : de la fin du XVe siècle, porte dite des Cagots, côté Sud.
Eglise Saint-André à Sauveterre-de-Béarn : porte dite des Cagots.
Eglise de Saint-Laurent à Bentayou-Sérée : emplacement probable du cimetière des Cagots.
Chemin des Cagots à Lons menant à l'église Saint-Jean-Baptiste.
Poussés par les interdictions à leur encontre ils pratiquent l’endogamie ou la recherche de conjoints dans d’autres contrées. Cette porte est souvent conçue pour les obliger à se courber, basse et étroite. De plus, un bénitier leur est destiné. Ils doivent se placer souvent au fond du bâtiment cultuel, parfois séparés du reste des fidèles par une balustrade. Au moment de la bénédiction du pain, ce dernier leur est jeté et non pas offert dans la corbeille, l’eau bénite n’est prise qu’au bout d’un bâton ou une fourchette de bois de la part d’un bedeau comme à Lucarre lorsqu’il n’existe qu’un seul bénitier. Même l’hostie est également tendue au bout d’une planchette. Ils ne peuvent s’approcher de la « sainte table » qu’à la suite des autres croyants. On les baptise le soir. Néanmoins, du fait qu’ils soient baptisés ils reçoivent tous les autres sacrements. A Arbonne, le cagot doit se contenter de baiser une étole disposée sur une croix d’argent alors que les autres paroissiens ont le droit d’y apposer un baiser directement sur la dite croix.
Même les cloches ne sonnaient pas de manière semblable, à Olesse, l’Angelus a un son différend lorsqu’’il s’adresse aux cagots ou aux autres fidèles.
A Sauvagnon, autre discrimination, le curé procède à la procession solennelle avant qu’il effectue ensuite la procession dominicale spécialement pour les cagots seulement dans leur cimetière dévolu.
Lors des processions on leur interdit de porter des cierges, ils se placent à l’arrière. De plus ils ne peuvent guère s’affilier à n’importe quelle confrérie excepté celles qui les acceptaient au prix de droits d’entrée très élevés.
Ils ne peuvent appartenir à aucune fabrique.
- Porte des cagots: église d’Abitain (actuellement murée) , église d’Accous côté nord, église d’Argelos , église de Béost, église de Notre-Dame de l’Assomption de Cardesse (linteau décoré d’un arc en forme d’accolade ) , chapelle romane de Caubin près d’Arthez-de-Béarn (est aujourd’hui murée , haute de 1,50 m) , église d’Escos (mur sud) , église d’Issor, église de Lembeye, église de Monein, église de Navarrenx (bas côté gauche) , église d’Oraàs (mur ouest), église Saint André de Sauveterre-de-Béarn (petite porte à gauche du portail surmonté d’un chrisme), église de Serres-Castet ( mur sud , arc brisé à grosse moulure à larmier), église de Sévignacq, église de Simacourbe (au nord).
Cette énumération correspond à celle de la tradition, celle qui de génération en génération désigne les portes latérales des églises - qui seraient, en réalité, dévolues aux messes de semaine,
Dans les cimetières, on leur dévolue un espace à part. A Claracq, si on plante du buis sur les tombes des paroissiens, on met du houx sur celles des cagots. A Issor, la porte des cagots mène au cimetière.
Les cagots construisent les charpentes des églises (probablement dans l’église de Saint-Girons de Monein dès 1464).
- Sculpture d’un cagot dans l’église de Monein dans le mur sud , à la base du pilier du fond près du bénitier des cagots.
- Bénitier : église d’Argelos, église d’Issor, église de Monein, cathédrale d’Oloron Sainte-Marie, église de Précilhon (déplacé à l’église de Billère), église de Sainte Colome (sculpture de tête d’une Vierge archaïque), église de Serres-Castet, église Saint-Girons de Monein.
- Emplacement des cagots dans l’église : église de Saint-Orens de Bosdarros, nord du collatéral est = encoches creusées dans des piliers où des cloisons s’emboîter pour les séparer des autres paroissiens.
- Cimetière des cagots : Sauvagnon, Salies-de-Béarn, Sérée.
- Un chemin à Lons mène à l’église et porte le nom : « chemin des cagots ».
A côté de tous ces éléments architecturaux, décoratifs…, ces fonctions l’église peut en remplir d’autres. A Escoubes, au-dessus du grand porche, une salle tient lieu d’école. Plus surprenant, à Sainte-Colome, une prison est présente, une porte y donne accès sur la façade nord de l’église.
Références:
[1]- Desplat Christian, La Principauté de Béarn, Société Nouvelle d’Editions Régionales et de Diffusion, 1980, p.191.
[2]- Poeydevant abbé , Histoire des troubles survenus en Béarn dans le 16e et la moitié du 17e siècles , Pau, 1879, tome 1,399.)
[3]- Cadier L., Documents pour servir à l’histoire des origines de la Réforme en Béarn, Paris, 1886.
[4]- Allègre, Victor, Les vieilles églises du Béarn. Etude archéologique, Toulouse, Imprimerie régionale, 1952, Tome 1, p. 61.
[5]- Allègre, V., op.cit., p. 62.
[6]- Revue des Etudes Historiques et Religieuses, 1895, p. 144.
[7]- Jean Annat, Les Sociétés populaires, Pau, 1940, p. 126, 247-249.
[8]- A.D.P.A., Imprimé.
[9]- Arch. com. de Pau, B.M. Pau D7 f° 43-44.
[10]- A.D.P.A., Lescar, t. III, Q. 13 et 16.
[11]- Pons-Devier, La déesse Raison et l’Etre Suprême dans les Basses-Pyrénées, Revue historique et archéologique du Béarn et du Pays Basque, 1926.
[12]- A.D.P.A., Imprimé.
[13]- A.D.P.A., Imprimé.
[14]- Batcave, Cloches du district d’Orthez, Revue historique et archéologique du Béarn et du Pays Basque, 1926, p. 195.
[15]- V. Allègre, op.cit., p. 68.
Voir A. Richard, Gouvernement révolutionnaire des Basses-Pyrénées, Paris, Paris, F. Alcan, Bibliothèque d'histoire révolutionnaire, nouvelle série, tome VII, 1926, 243 p.
Rivarès, Pau et les Basses-Pyrénées pendant la révolution, Editeur : Pau, Léon Ribaut (1875), Extrait du « Bull.SSLA de
Pau », 2e série, tome 4 ; Pons-Devier, « La déesse Raison et l’Etre suprême dans les Basses-Pyrénées, Revue historique et archéologique Béarn et Pays Basque, 1926.
[16]- F. Schwarz, Symbolique des cathédrales, Les Editions du Palais, 2012, p. 38.
[17]- A.D.P.A., E 1593, f° 24.
[18]- A.D.P.A., E 1923, f° 7.
[19] -A.D.P.A., E 1410, f° 20.
[20] -A.D.P.A., E 1405, f°73.
[21] -A.D.P.A., E 1471, f° 164.
[22] -A.D.P.A., E 1856, f° 32.
[23]- A.D.P.A.., E 2089, f°40.
[24]- Hugues Neveux, Histoire de la France rurale, (dir: Georges Duby et Armand Wallon), Editions Seuil, tome 2, 1975.
[25]- Voir : https://periersamuel.wixsite.com/lesvoixdescathedrale/une-breve-histoire-des-cloches)
[26]- A.D.P.A., B 5001.
[27]- François Lebrun, Histoire de la vie privée, (sous dir. de Ph. Ariès et G. Duby, tome 3, p.73.
Rouen, pour servir d'instruction à ses diocésains, rééd. Paris, Muguet, 1685.
[28]- François Lebrun, op.cit., p. 75.
[29]- Idem., p. 76.
[30]-Temps de travail et fêtes religieuses au XVIIIe siècle, Dans Revue historique 2012/3 (n° 663), pages 609 à 641.
[31]- Philippe Martin, Le théâtre divin. Une histoire de la messe du xvie au xxe siècle, édition de poche Paris, CNRS Éditions, coll. « Biblis », 2010, 383 p.
[32]- Jean-Claude Lassègues, Lacommande, de l’Hôpital à la commanderie et village, Centre généalogique des Pyrénées-Atlantiques, 2102, p. 83-84.
[33]- A.D.P.A., E .1560.
[34]- Bulletin des lois de la République française | 1804-009-22 | Gallica (bnf.fr), p. 75-76.
[35]- Desplat Christian, Le For de Béarn d’Henri II d’Albret (1551), Librairie Marrimpouey, pau, 1986, 144
Cursente B., Les Cagots, Histoire d’une ségrégation, Editions Cairn, 2018.
Jolly Geneviève, Les cagots des Pyrénées : une ségrégation attestée, une mobilité mal connue, Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, Année 2000, 28-1-3, pp. 197-222.
Guerreau A. et Guy Y., Les Cagots du Béarn, Paris, Minerve, 1988.
Loubès G., L’énigme des cagots, Bordeaux, 1995.
- Luis-Lande,, Les cagots et leurs congénères, Revue des Deux Mondes (1829-1971), Vol. 25, n°15, janvier 1878.
BIBLIOGRAPHIES :
- Brumont Francis, La question de la dîme dans la France moderne, Presses universitaires du Midi,161-189.
- Bruley Edouard, Considérations sur l'histoire de la paroisse rurale sous le concordat de 1801, Revue d’histoire de l’Eglise de France, Année 1938 105, pp. 409-421.
- Lespy V., Un curé béarnais au XVIIIe siècle, Pau, Ribaut, 1879, 2 volumes.
- Rives J, Dîme et société dans l’archevêché d’Auch au XVIIIe siècle, Thèze de 3e cycle, Toulouse, 1972.
-
Par Michel64a le 5 Juillet 2024 à 18:14
Préambule
Une société traditionnelle des trois ordres
… Pour la compréhension de ce point, il suffira de rappeler que dans le royaume de France règne la société d’ordres et l’existence d’autres cadres dans lesquels évoluent les individus (famille, communauté, corps de métier...). Communément, on remonte l’origine de cette division tripartite de la société depuis l’an mil, elle est évoquée par l’évêque Adalbéron de Laon au XIe siècle (théorie des 3 « ordines » : les oratores, les bellatores et les laboratores). On la retrouve aussi lors des remontrances formulées par le Parlement de Paris à l’encontre des mesures de Turgot visant à réformer la corvée royale, en mars 1776 : « La monarchie française, par sa constitution, est composée de plusieurs états distincts et séparés…Si l’état des personnes n’était pas distingué, il n’y aurait que désordre, confusion…il faut, par nécessité que les uns commandent et que les autres obéissent…Le service personnel du clergé est de remplir toutes les fonctions relatives à l’instruction, au culte religieux et de contribuer au soulagement des malheureux par ses aumônes…Le Noble consacre son sang à la défense de l’Etat et assiste de ses conseils le Souverain…La dernière classe de la Nation, qui ne peut rendre à l’Etat des services aussi distingués, s’acquitte envers lui par les tributs, l’industrie et les travaux corporels…C’est une question d’état et une des plus importantes, puisqu’il s’agit de savoir si tous vos sujets peuvent et doivent être confondus, s’il faut cesser d’admettre parmi eux des conditions différentes, des rangs, des titres et des prééminences…La première barrière une fois rompue, la seconde serait ensuite bien plus aisée à renverser.»1
La distinction entre les trois ordres s’établit davantage sur la fortune et par les multiples symboles que les différents membres exhibent quotidiennement ou durant des cérémonies…afin d’afficher la fonction de chacun. Bien entendu, on pense aux privilèges accordés aux deux premiers ordres en importance, le clergé et la noblesse mais il faut garder à l’esprit que le Tiers état n’en était pas démuni en ce qui concerne une partie par exemple sur le plan fiscal. Dans le « Dictionnaire Universel » de Furetière, on peut lire la définition suivante du mot privilège : «Passe-droit, avantage particulier dont jouit une personne à l’exclusion de plusieurs autres, qui lui vient par le bienfait de son Souverain…». Il existe plusieurs sortes de privilèges, ceux dont bénéficient tel Français (ne payant pas un quelconque impôt royal), telle province qui est exemptée de la gabelle -comme le Béarn-, ou ceux que nous qualifierons de « privilèges fondamentaux » et que nous étudierons.
Comme le rappelle Jean-Clément Martin 2, ce n’est pas tant l’écart des fortunes qui est scandaleux (il rajoute qu’il sera pire lors de la Révolution) mais le sentiment que la possibilité de gravir dans l’échelle sociale soit fermée.
Références :
- Les remontrances du parlement de Paris au XVIIIe, Remontrances des 2-4 mars 1776 sur l’édit supprimant les corvées, tome 3, publiées par Jules Flammermont, Imp. Nat., 1888-1898, p. 286-287, 290-291.
- Martin, Jean-Clément, Nouvelle histoire de la Révolution française, Paris, Perrin, coll : Pour l’histoire, 2012, p. 73.
-
Par Michel64a le 5 Juillet 2024 à 18:01
LA NOBLESSE BEARNAISE : UNE NOBLESSE REELLE
La définition juridique du mot noblesse1 donnée par l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert est la suivante : « Noblesse, (Jurisprud.)1 est un titre d’honneur qui distingue du commun des hommes ceux qui en sont décorés, & les fait jouir de plusieurs privileges. » L’article a été écrit par Antoine Gaspard Boucher d’Argis, avocat et conseiller au Châtelet. On note à travers lui un certain respect de l’institution puisqu’il la juge légitime, mais en même temps se dégage de lui de l’ironie quand il s’interroge sur la dignité de certains nobles.
« 3 C’est principalement à la sagesse & à la vaillance que l’on a d’abord attaché la noblesse ; mais quoique le mérite & la vertu soient toujours également estimables, & qu’il fût à desirer qu’il n’y eût point d’autre voie pour acquérir la noblesse ; qu’elle soit en effet encore quelquefois accordée pour récompense à ceux dont on veut honorer les belles qualités, il s’en faut beaucoup que tous ceux en qui ces mêmes dons brillent, soient gratifiés de la même distinction. » Ensuite, il pointe avec ironie les privilèges injustifiables et farfelus dont ils sont pourvus. Par exemple, « 170b 5°. Ils ont aussi des privileges dans les universités pour abréger le tems d’études & les degrés nécessaires pour obtenir des bénéfices en vertu de leurs grades. Suivant la pragmatique, le concordat, & l’ordonnance de Louis XII. article viij. bacheliers en droit canon, s’ils sont nobles ex utroque parente, & d’ancienne lignée, sont dispensés d’étudier pendant cinq ans, il suffit qu’ils ayent trois ans d’étude, & les religieux même quoique morts civilement, jouissent en ce cas de la prérogative de leur naissance lorsqu’ils sont nés de parens nobles. » Cet auteur appartient à la noblesse, mais il écrit : « La nature a fait tous les hommes égaux ; elle n’a établi d’autre distinction parmi eux que celle qui résulte des liens du sang, telle que la puissance des pere & mere sur leurs enfans. Mais les hommes jaloux chacun de s’élever au-dessus de leurs semblables, ont été ingénieux à établir diverses distinctions entr’eux, dont la noblesse est une des principales. » On perçoit ici que l’auteur, bien qu’il soit rappelons-le un légitimiste, désapprouve moralement la préséance de la noblesse. Ce n’est pas un révolutionnaire, comme la plupart de ceux qui ont contribué à la réalisation de l’Encyclopédie, il œuvre pour l’instauration d’une monarchie parlementaire. Mais, il a contribué, comme d’autres réformistes des Lumières, à la nuit du 4 août 1789.
Le décor est planté. Un ordre né au Moyen Age et qui, au XVIIIème, siècle, est critiqué. Pensons à trois œuvres magistrales, « Le Mariage de Figaro » de Beaumarchais, « Les Lettres persanes » de Montesquieu et enfin « Candide de Voltaire ». Véritables satires sociales, puisqu’elles se moquent de l’extravagance des nobles, de leurs traits de caractères comme l’orgueil, leur idée de supériorité, de leur vanité.
Dans cette étude, deux noblesses seront analysées distinctement, celle qui prévaut dans le royaume de France et, celle qui singularise le Béarn. Différente, on le verra, néanmoins quelques nobles béarnais seront tentés par l’influence du modèle français.
A) Unité et diversité de la noblesse dans le royaume de France, généralités
Abordant le second état, la noblesse, il faut mentionner qu’il est nécessaire de rappeler que ce que l’on nomme aristocratie est l’addition de la noblesse et du haut clergé, constituant alors la part dominante de la société d’Ancien Régime.
Le rôle de la noblesse, à l’origine, était de seconder le monarque dans l’armée par des conseils et par des fonctions domestiques.
Pierre Goubert et Daniel Roche dans leur définition de la noblesse rappellent que la particule n’est en rien une preuve d’appartenance à cet ordre. Elle exprime une origine familiale et géographique, ce qui explique qu’elle est fréquente chez les roturiers. D’ailleurs, nombre de nobles n’en portaient pas, même les plus grands ne jugeaient pas utile de l’inscrire lors des signatures des actes. Les mêmes auteurs écrivent que les titres sont donnés à des terres et non aux hommes (baron, vicomte, comte, marquis, duc) et un seul individu mâle peut en jouir par génération. Ils ajoutent que la majorité des nobles n’étaient pas titrés. En 1789, il y aurait près de 40 000 titrés. Pour se distinguer, au XVIIème siècle, des nobles apposent les mots «escuyer, chevalier» sur leurs écrits. Quant aux armoiries timbrées, elles ne sont pas uniquement le lot des aristocrates, puisque moyennant finance, n’importe qui pouvait en détenir en s’enregistrant dans une officine royale. Il précise que la «Grande Maîtrise d’Armes» en décerna beaucoup à partir de 1696 discréditant quelque peu cet attribut. Quant à la seigneurie, elle n’est plus, selon Pierre Goubert et Daniel Roche 2, un signe de noblesse vu qu’elle peut être achetée comme n’importe quel bien.
En France, la noblesse française en général s’acquiert par la naissance ou par l’anoblissement royal (en Béarn, il n’en va pas de même). En principe, seul l’homme transmet la noblesse, mais dans quelques régions de l’Est de la France, anciennes terres d’Empire (Franche-Comté, Champagne…), la femme peut transmettre la qualité. La mésalliance, affaire de sang, n’est pas en principe tolérée, vu qu’on altère la pureté. Mais qu’un fils de bonne famille se marie avec une riche roturière le procédé découle du but des stratégies familiales de compensation. Il est toléré puisque c’est le père qui transmet la condition nobiliaire, par contre le contraire est décrié.3
L’anoblissement s’obtient soit par des lettres d’anoblissement que le roi accordait à ceux qu’il souhaitait récompenser ou se fidéliser (surtout des militaires), mais aussi par l’exercice de certaines charges. Pour ce dernier cas, le roi en retire un gain vu que le bénéficiaire doit payer alors une taxe en compensation de l’exonération d’impôt qu’il acquiert. On appelle cela la vénalité des offices (Louis XV supprime la vénalité des charges de magistrats en 1771). Jean Meyer 3 cite le chiffre de 10 000 anoblissements entre 1715 et 1790. Ces lettres procurent une « noblesse transmissible, graduelle ou personnelle (viagère) ».4 La plupart de ces charges anoblissantes n’accordent la qualité de noble aux titulaires qu’après avoir exercé leurs tâches pendant vingt ans (édits royaux de 1634 et de 1750).
On distingue les charges de robe (conseiller d’Etat…), les charges municipales (maires, parfois échevins comme les « Capitouls » toulousains) concernant plusieurs villes (14 villes, comme Poitiers, Toulouse…, on parle alors de « noblesse de cloche » en référence à la cloche de l’Hôtel-de-Ville), les charges militaires avant le règlement de 1781. La manière d’obtenir l’anoblissement le plus aisément possible consiste à acheter une charge de secrétaire royal, ce que l’on a surnommé les « savonnettes à vilain », on en dénombre 700 à la veille de Révolution et coûte à cette époque-là 300 000 livres.
Si on pouvait acquérir la noblesse, on pouvait la perdre lors d’une déchéance (condamnation infamante…), d’une dérogeance après avoir exercé une profession jugée incompatible avec la noblesse (travail manuel ou mécanique, profession mercantile…). Dans ce dernier cas, des « dérogations » furent accordées (propriétaires d’établissements sidérurgiques, miniers… maître de forge, maître verrier, grand commerce colonial et maritime), car ces activités sont jugées comme un « prolongement » du domaine.
Autre distinction entre les nobles, ceux que l’on qualifiait de noblesse d’épée (au cours du XVIIIème siècle l’impôt du sang qui les dispensait des autres se raréfie…) et ceux issus de la noblesse de robe (expression probablement née dans un édit de 1602), en fait ceux que l’on a mentionné, c’est-à-dire ceux qui ont acquis des offices royaux de justice (Parlements) et de finance (membres des Chambres de comptes…). Pierre Goubert et Daniel Roche spécifient bien que ceux qui siègent aux Parlements sont issus de la vieille noblesse majoritairement. Le directeur général des finances Necker répertorie à la veille de la Révolution près de 4 000 offices conférant la noblesse.
La monarchie capétienne a cherché depuis le Moyen Age (notamment depuis la Fronde où elle fut mise au pas) à restreindre les attributs de la puissance publique de cet ordre. Si la noblesse est restée dominante en tant qu’entité sociale à la veille de la Révolution, elle a perdu ses droits régaliens (battre monnaie par exemple). On évalue le nombre de ses membres entre 80 000 et 3650 000 individus soit entre 0,3 % et 1,2 % de la population du royaume. Les dynasties nobiliaires pouvant prétendre remonter à des temps immémoriaux sont peu nombreuses en 1789, on avance qu’elles correspondent à un vingtième de la noblesse totale. D’après la déclaration royale du 22 juin 1664 et surtout de l’arrêt du 22 mars 1666, Louis XIV cherchant à combattre les usurpateurs de noblesse, on différencie ceux qui peuvent prouver que leurs familles remontent au-delà de 1400 et celles en dessous de 1560.
Le nombre des nobles à la veille de la Révolution est moins important qu’au XVIème siècle notamment à la suite d’actions de Colbert et de Louis XIV, telles la grande Recherche ou Réformation de noblesse citée plus haut et entamée à partir de 1666 ou celles entreprises par la suite jusqu’en 1727. L’un des soucis de la monarchie, outre celui de lutter contre l’usurpation, est de limiter les exemptions fiscales (taille notamment) et récupérer les arriérés d’impôts.
Au XVIIIème siècle, les aristocrates cherchèrent à démontrer qu’ils étaient supérieurs par leur sang et leur histoire.
Depuis le XVIIème siècle, les nobles, hommes et femmes, voulaient se distinguer par une peau fine et blanche faisant apparaître leurs veines. L’obtention de la vision de leurs veines bleues ne pouvaient s’acquérir qu’en restant le plus confiné possible dans leurs châteaux, à l’abri du soleil, mais aussi par le biais de soins adaptés à leurs corps. Cette apparence était impossible à acquérir pour les travailleurs, forcés de rester dehors et de subir les conséquences liées à leur exposition aux ravages du climat. L’expression « sang bleu » viendrait de l’espagnol « sangre azul » vu qu’en Espagne cette idée préconçue faisait également florès. Les traités sur la noblesse parus depuis la seconde moitié du XVIème siècle stipulent qu’à travers le sang l’excellence humaine se diffuse. Toujours dans le cadre de cette recherche de paraître des êtres élus, cette noblesse de « race » cherche à remonter leur origine aux guerriers francs. Le théoricien et comte Henri de Boulainvilliers (1658-1722) 5affirme que la noblesse remonte au début du Moyen Age tandis que le peuple descendrait des Gaulois, soumis. Ne formant qu’une petite part, elle se moque de la noblesse de robe ou d’ « acquisition ».
Il a été question du désir de Louis XIV de lutter contre l’usurpation de la noblesse. En effet, elle a été fréquente. Des membres de la bourgeoisie cherchent à posséder une terre noble, à s’approprier le nom du fief et à laisser le temps de faire son œuvre. Cette attitude a provoqué ce que l’on nomme la réaction nobiliaire. Elle consiste à fermer le plus possible l’accès à la noblesse de la bourgeoisie enrichie afin qu’elle devienne une véritable caste fermée. Son but a été atteint en partie, dans la haute administration puisque presque tous les postes sont tenus par des nobles, tous les évêques à la veille de la Révolution sont nobles, dans l’armée, l’édit de Ségur de 1781 affecte l’accès direct aux grades d’officiers (à partir de sous-lieutenant) les nobles pouvant justifier de quatre quartiers à l’exception des armes jugées « savantes » comme le génie et les corps étrangers, lorsqu’on ne sort ni du rang ni d’une école militaire. En 1788, on prohibe le grade de capitaine aux officiers sortis du rang (75% des officiers sont nobles alors qu’ils sont entre 85 et 90% dans l’infanterie). Ici, les historiens sont persuadés que cet édit a pour but de professionnaliser l’armée et d’accroître la qualité du commandement.6
Comme on le voit, l’origine de la noblesse est composite et est sujette à des distinctions. A. Soboul 7 distingue la haute noblesse ou noblesse de Cour (les « Grands » tels les « Princes du sang », les grands seigneurs comme les ducs…, vivant auprès du roi à Versailles et ayant des prétentions politiques ; noblesse décorative…), la noblesse provinciale ou la petite noblesse (grande majorité, possédant 2 ou 3 seigneuries, exigeant les droits seigneuriaux et donnant à bail leurs domaines à des fermiers ou des métayers), la noblesse de robe (noblesse parlementaire…, vivant en ville) et la noblesse administrative (« Au XVIIIe siècle, il y a interpénétration du personnel administratif et du personnel parlementaire), ces deux dernières issues de la bourgeoisie. Les bourgeois afin de se procurer d’un titre de noblesse par le biais d’un office payent une somme comparable à deux millions de livres d’aujourd’hui.
Rappelons rapidement que la noblesse jouit de privilèges (honorifiques comme le droit de s’asseoir sur le « banc d’œuvre » dans l’église paroissiale lorsque la noblesse est liée à une terre, de porter l’épée…, exemptions fiscales comme la taille, la corvée royale…, judiciaires comme le droit d’être jugé par un bailli au civil et par un Parlement au criminel, d’avoir la tête tranchée…), d’une richesse foncière correspondant globalement à 1/5e des terres de la France (dont ils bénéficiaient de droits féodaux), des valeurs communes (sens de l’honneur, courage…), des signes distinctifs. Le privilège le plus significatif demeure toutefois celui d’être exempté du paiement de la taille, car cet impôt revêtait vraiment le signe de la roture.
Mais tous mènent une grande diversité de conditions, si des nobles possèdent, en plus de grandes propriétés foncières, un hôtel particulier en ville et un château à la campagne, d’autres se contentent de vivre dans un humble manoir, avec peu de ressources au milieu de leurs paysans. Leurs revenus diffèrent énormément, des nobles jouissent de revenus dépassant les 100 000 livres (le duc d’Orléans dispose de 6 800 000 livres par an soit 9 656 000 euros si on convertit 1.42 euro pour 1 livre) alors que des nobles campagnards ne bénéficient que de 10 000 à 20 000 livres (soit entre 14 200 et 28 400 euros).
Si lors du règne de Louis XIV ce dernier avait mis au pas l’aristocratie, celle-ci cherchera tout au long du XVIIIème siècle à contrôler l’absolutisme royal en occupant les postes importants dans la haute administration, dans le gouvernement (ministères, les intendances, les Parlements…). Cette réaction nobiliaire est la conséquence de deux courants d’idée. Le premier découle du comte de Boulainvilliers) déjà mentionné qui écrit que l’aristocratie est antérieure à la monarchie, tandis que le second provient des parlementaires qui affirment qu’ils sont les seuls représentants de la nation vu que les Etats Généraux ne sont pas convoqués depuis 1614.8 Leur revendication politique est calquée sur le régime de monarchie parlementaire appliqué en Angleterre.
Seule une petite part d’entre eux (environ 10%), ceux que l’on surnomme les « Américains » tel La Fayette, adhère à l’idée qu’il est nécessaire de faire des concessions sociales.
Les distinctions d’ordres seront abolies par la loi du 6 novembre 1789, les titres le 23 juin 1790.
B) Les particularités de la noblesse en Béarn
a- Définition : être propriétaire d’une terre noble
Si la noblesse française en général s’acquiert par la naissance ou par l’anoblissement royal, en Béarn, on devient noble soit en acquérant ou en héritant d’une terre noble (« glèbe ») soit en achetant un office anoblissant ou encore par décision royale, par le biais de lettres royales. Dans les deux derniers cas, on parle de noblesse personnelle.
A la mort du noble, son fils hérite du titre car il est le fils du propriétaire de la terre noble. Il est de l’intérêt de la famille alors de garder ce bien foncier.
Ce principe de noblesse réelle reposant sur la possession d’une terre noble est en opposition à l’ordonnance royale de Blois de mai 1579 d’Henri III. L’article 258 stipule : « Les roturiers et non nobles achetans fiefs nobles, ne seront pour ce anoblis, ni mis au rang et degré des nobles, de quelque revenu et valeur que soient les fiefs par eux acquis. »9 Mais lorsque cette ordonnance est prise, le Béarn est souverain et donc elle ne peut pas être appliquée (le roi respectant les privilèges de la province).
Le nombre de fiefs nouveaux, au cours du XVIIIème siècle, n’ont pas été nombreux. Du fait d’anoblissements, on en dénombre trois, un accordé par Louis XIV en 1713, les deux autres de 1715 à 1789. A ceux-ci, on peut ajouter l’anoblissement à titre personnel qu’a obtenu Jean-Joseph de Laborde, originaire de Bielle dans la vallée d’Ossau.10 Le nombre de familles nobles avoisine les 600 à la veille de la Révolution. Georges Tucat en recense 603 : 491 « familles possédant fief », « 30 nobles non possédant fief » ou « possédant fief sans entrée », 152 « familles non possédant fief », non comprises dans les relevés précédents. Le même auteur, pour connaitre le nombre total de nobles en Béarn, se base sur 5 membres par famille (« estimation qui avait cours avant la Révolution ») pour avancer le chiffre de 3 000 individus. Puis, il compare ce résultat avec la population béarnaise en 1789, c’est-à-dire, 200 000, ce qui donne un pourcentage de 1,5 %, « soit un noble pour 66 habitants », correspondant globalement au pourcentage que l’on estime pour la noblesse en France. Quant à Christian Desplat11, en excluant les parlementaires, il recense au sujet de la noblesse béarnaise « 466 membres en 1701, 461 en 1739 et 458 en 1788. »
En ce qui concerne la noblesse réelle, cela explique pourquoi, d’une part, le nombre de nobles est "relativement" élevé et, d’autre part, il n’y a pas eu trop d’antagonisme entre la noblesse et le peuple vu qu’il était possible de passer d’un état à un autre assez aisément. Le fossé, on le sait, s’ouvrira en 1788 lors de la rédaction des cahiers de doléances et au moment des élections des députés aux Etats Généraux de 1789. On peut également synthétiser en distinguant ceux qui sont possesseurs de grands domaines correspondant à ce que l’on nomme des seigneuries temporelles dans lesquelles sont rattachés des droits utiles (fiefs, justice, corvées, colombier…) et ceux appelés honorifiques d’administration, puis des seigneuries dites abbayes laïques. Les nobles qui étaient propriétaires seulement des terres dites nobles ne pouvaient revendiquer que certains droits féodaux, toutefois au travers de cette terre noble, ils détenaient le droit d’entrée aux Grands Corps des Etats généraux du Béarn. Le nombre de fiefs qui permet d’entrer dans le Grand Corps, en 1698, est de 540 12, 448 maisons nobles en 1703, plus 14 baronnies à la veille de la Révolution. Ce chiffre a quasiment doublé pour l’auteur de l’article traitant les Etats de Béarn sur Wikipédia.13 Des écrits de l’époque mentionnent des chiffres avoisinant les 500. Un rapport des commissaires du Corps-de-Ville palois en charge d’examiner les questions attachées à la convocation des Etats généraux, daté du 4 janvier 1789, comptabilise 450 fiefs donnant droit d’entrée aux Etats dans le corps de la noblesse. Mais il y aurait qu’environ 250 membres qui entrent dans ce corps14. Bascle de Lagrèze15, de son côté, cite le chiffre de 500 députés de la noblesse en 1788. Georges Tucat 10 décompte 497 entrées aux Etats exploitées par leurs possesseurs : 230 seigneuries, 74 abbayes laïques, 193 maisons nobles ou domengeadures.
Aux Etats de Béarn, il est de coutume lors des séances de désigner les nobles par le nom de leurs fiefs. Georges Tucat précise que lors de ces assemblées, il n’y a jamais eu plus de 200 nobles présents, ceci tout au long du XVIIIème siècle, et ceci jusqu’en 1788.
Pour l’année 1789, année cruciale pour le devenir de la « souveraineté du Béarn », le nombre des nobles présents aux Etats de Béarn n’excède pas les chiffres précités. Toujours le même auteur, il écrit que pour l’élection des députés du Clergé et de la Noblesse béarnaise, en juin 1789, ils n’étaient que de 141, 94 du 15 au 24 octobre 1789 et seulement 4 le 24 octobre.
Par contre, ils participaient en nombre lors de débats concernant : « les nominations des officiers des Etats (syndics, secrétaires), les gratifications à accorder aux membres des Etats, les impositions (abonnements), celles qui touchent au statut de la noblesse, celles qui touchent au statut des Etats, la nomination de députés à l’abrégé. »10
P. Moulonguet16, dans sa thèse, classe quelques catégories de noblesse, d’abord les barons qui, dans le passé, siégeaient à la cour du vicomte de Béarn en tant que ses principaux vassaux, mais dont le titre à partir du XIVème siècle sera réservé seulement aux « juges de la Cour Majour ». Au XVIIème siècle, ils sont seize barons. Parmi ces seize barons, on dénombre douze baronnies majeures et quatre autres, dirions-nous mineures.
En 1789, les baronnies que l’on peut qualifier de majeures, par ordre alphabétique : Andouins au duc de Gramont et gouverneur de la province, Arros au seigneur d’Espalungue, Coarraze au seigneur de Boeilh, Doumy au seigneur de Courrèges, Gabaston au seigneur de Faget, Gayrosse au seigneur de Larborie, Gerderest au seigneur de Noguès, Làas au baron de Lataulade.Lescun au seigneur de Laur, Lons au marquis de Lons et lieutenant du Roi, Miossens au seigneur de Navailles-Poyferré, Mirepeix au vicomte de Navailles et Monein au comte de Montréal.
Puis viennent les « ruffe-barons » dont le titre ne confère aucun privilège puisqu’il est seulement honorifique. Ensuite, nous trouvons les « gentius » (gentilhommes) qui correspondent au reste des nobles. L’auteur précise qu’au Moyen-Age, exactement aux XIIème et XIIIème siècles, « on distinguait parmi eux les cavers (cavalers, chevaliers) et les « domengers » (damoiseaux, écuyers) ; les premiers ayant « cour, baïles et jurats », jouissaient de droits de juridiction et de privilèges fiscaux ; les seconds étaient les simples possesseurs de maisons nobles (domengeadures, dominicatura, du latin domus ; la maison elle-même est le doumec ou castet). Puis, il mentionne qu’avant la Révolution, on différencie « les seigneurs de paroisses et les abbés lays, possesseurs de dîmes inféodées et exerçant le droit de patronage et de nomination aux cures ».
Maison forte à Juillacq du XVIe siècle et transformée aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Deux photographies de la maison forte du XIIe siècle à Cette-Eygun. Contrairement à ce qui a été écrit, les vallées pyrénéennes ont été longtemps féodalisées.
Il faut rappeler qu’une abbaye laïque ou abadie, dans les localités, est une maison se situant proche de l’église. L’abbé laïc, comme son nom l’indique, est un laïc qui, depuis le Moyen Age (autour de l’an Mil), bénéficie de multiples droits tant honorifiques (patron de l’église paroissiale, préséance lors des cérémonies, des assemblées concernant l’église) que financiers (perçoit la dîme). A ce sujet, on confère du nom de « gros décimateur » celui qui perçoit la dîme sur les récoltes telles le blé, le vin ou le bétail, mais il est obligé de réserver au curé ce que l’on nomme la « congrue ». Le minimum, au XVIIIème siècle, s’élève à 500 livres. Ces abbés intègrent peu à peu la noblesse béarnaise, mais en constituent l’échelon subalterne. Mais à l’époque moderne, toutes les abbayes laïques ne sont pas toutes nobles, par exemple sept sur douze d’entre elles existantes, en vallée d’Aspe, donnent droit d’entrée aux Etats de Béarn.
Au sujet des abbés laïcs, il est à noter que c’est Jeanne d’Albret qui multiplia leur nombre d’entrées dans le Grand Corps aux Etats de Béarn. Par intérêt, vu que ces abbés, protestants, lui assuraient leur fidélité.
Eglise Notre-Dame et abbaye laïque du XVIIe siècle à Tarsacq.
P. Moulonguet écrit que le droit réel « se manifestait en pratique par la non-perception en Béarn du droit de franc-fief, droit payé en France par les roturiers propriétaires des biens nobles.
b- (Brève) répartition géographique
Si on devait établir une carte nobiliaire, force est de constater que les plus fortes concentrations se localisent aux alentours des anciennes capitales béarnaises, c’est-à-dire les sénéchaussées de Morlaàs (251 fiefs), d’Orthez (195 fiefs) et de Pau (190 fiefs). Cette dernière toutefois se démarque vu qu’elle regroupe les plus fortunés, mais également les plus pauvres. Par contre, les deux premières citées connaissent soit une « stagnation » soit un « déclin ». Les raisons sont d’ordre économique, religieux et politique. La sénéchaussée d’Orthez connaît un déclin en ce qui concerne la noblesse à cause de chevauchée de 1620 et la révocation de l’Edit de Nantes. Plusieurs familles nobles émigrent vers Pau telles les Blair, Faget de Baure… Si celle de Morlaàs voit vivre chez elle de nombreux nobles, ces derniers ont un niveau de vie médiocre. 17
Dans les vallées montagnardes, on a longtemps pensé que leur présence était quasi nulle. Selon Anne Berdoy, cela n'a pas été le cas. Les Hautes Vallées et le piémont ont été les deux féodalisés de bonne heure. Les maisons fortes (ou manoirs) présentes dans les vallées montagnardes l'attestent bien. Des écrits datant des XIème et XIIème siècles mentionnent que de nombreux seigneurs et abbés laïques y sont implantés.
Historiquement, au Moyen Age, le recensement de 1385 dénombre 189 villages détenant une maison noble sur 401 villages. Mais quelques villages pouvaient avoir plusieurs seigneurs (4 à Loubieng par exemple). Trois régions avaient une densité relativement élevée : la vallée moyenne du Gave d’Oloron (entre Moumour et Abitain), la vallée moyenne du gave de Pau (surtout entre Artiguelouve et Départ) et dans la zone comprenant le Vic-Bilh et le Montanérès.18
c- Tentative de réformer ce statut
Les difficultés financières poussèrent plusieurs fois le roi de France à vouloir contester ce droit en Béarn.
Les tentatives royales de réformer cette particularité se sont révélées vaines, tout projet était rejeté en rappelant l’édit d’exemption daté du 11 novembre 1699. Sous le règne de Louis XIV, en 1696, une enquête sur le port des armoiries est établie afin de tenir un registre de tous les blasons, ceci pour vérifier leur propriété, la démarche fut contestée. Chaque possesseur d’un blason devait obligatoirement en faire la vérification avant de l’enregistrer. Dans le Béarn, on dressa un Armorial de 1696 à 1701, on constate un petit nombre d’armoiries enregistrées par les parties concernées et un grand nombre d’armoiries répertoriées d’office. En effet, l’Armorial de Béarn recense 637 blasons, or 118 seulement sont enregistrés d’après ceux qui sont intéressés. Ce distinguo montre bien le rejet par les Béarnais de l’édit. Les premiers à se montrer réticents furent les parlementaires au motif qu’ils craignaient d’être un jour inquiétés du fait d’avoir porté leurs armoiries d’une « manière qui ne pourroit ne leur pas convenir ». Ce à quoi le contrôleur général des finances de l’époque, Monsieur de Pontchartrain leur répondit que ceux qui pouvaient être inquiétés étaient ceux qui ne feront pas la démarche de l’enregistrement. Les Intendants furent également opposés à ce « type » de noblesse. L’Intendant d’Aine décrit le Grand Corps en 1771 de la manière suivante : « exceptez les possesseurs des anciennes baronnies qui ont aux Etats un banc particulier, tous les autres votants sont dans l’usage de s’y placer confusément sans observer aucun égard ni bienséance envers des nobles plus qualifiés ou plus anciennement reçus ».19 Il avait été prévu, en 1770, de modifier à nouveau l’accès à la noblesse et de ne permettre que des aristocrates d’extraction, ou ceux qui seraient anoblis par le biais de lettres ou par l’obtention d’un office, mais l’Intendant d’Aine recula par peur d’une vive réaction. Les modalités d’accès à la noblesse dans le Béarn ne souffraient pas que l’on soit très rigoriste sur la notion de la dérogeance. Pour cela, il est de coutume de la part des Béarnais de présenter l’édit d’exemption des droits de franc-fief du 11 novembre 1699.
En 1773, le pouvoir royal retente de réformer, mais les Etats protestèrent énergétiquement « avançant comme justificatif « que le Béarn et la Navarre sont en franc-alleu » et que l’immunité « est fondée sur la Constitution… » que les monarques des règnes précédents ont confirmés. Il faut préciser que l’édit de 1770 garantissait les anoblissements opérés par Louis XIV au mois d’août 1715.20
Quel était le montant d’une terre noble ? Prenons l’exemple de la famille de Laussat, Jacques acquiert, pour 36 000 livres, les terres nobles du fief noble de Tétignax et de Pinsun, le 5 juillet 1732. Treize années plus tard, le 27 avril 1745, il verse 2 000 livres afin d’entrer aux Etats de Béarn.
En règle générale, tous ces nobles ne pouvaient guère remonter leur origine bien loin dans le passé. Certains tentèrent bien de masquer la vérité tel l’abbé de Terride. Nous devons au baron de Laussat 21, véritable mémorialiste, les rectifications avec un humour certain et, pour ce qui concerne le dit abbé, il écrit « il extravaguait sur sa noblesse, il se fit un point d’honneur de se mettre en frais d’une généalogie imprimée où il se donne rien moins que trente deux alliances avec les diverses têtes couronnées de l’Europe. » Puis il ajoutait, en ce qui concerne les nobles béarnais, que quasiment tous ne pouvaient se targuer de pouvoir remonter leur origine en deçà du milieu du XVIème, et de citer d’authentiques aristocrates issus de la noblesse d’épée. Pour cacher le mensonge, ils se font dresser une fausse généalogie.
C’est le Grand Corps, groupe composé des représentants de la noblesse dans les Etats de Béarn, qui résiste le plus à l’admission des postulants. En 1711, il s’inquiète de l’arrivée massive de membres issus du troisième ordre et se plaint de « tout ce qui contribue aujourd’hui à l’élévation du Tiers Etat et à l’anéantissement de la noblesse. »22 Cette attitude explique pourquoi les Etats de Béarn se soucient de contrôler la validité des droits d’entrée.
D’autre part, influencés par le modèle nobiliaire existant dans le reste de la France, certains nobles béarnais et députés au Grand Corps aux Etats de Béarn osèrent adresser une représentation aux syndics, leur requérant d’imposer aux nobles, qui assistaient aux sessions, de porter l’épée. La demande était formulée ainsi : « ço qui es d’autant plus decen que l’espade en pareil cas es la marque distinctive de la nobilitat. » (ce qui est d’autant plus décent en pareil cas est que l’épée est la marque distinctive de la noblesse).23
Leur souci consiste à rejeter tous ceux qu’ils considèrent comme dépendants. En arguant de leur attachement à la liberté, le Grand Corps pointait leur préoccupation d’écarter ceux qu’ils considéraient comme incapables de s’acquitter de leur tâche librement. En 1764, les Etats de Béarn tentèrent de mettre en place un nouveau règlement touchant les députés qui avaient exercé des professions liées à l’art mécanique ou au commerce de détail avant d’acheter une terre noble). Un débat eut lieu, un accommodement se dégagea. On accepta le fait que si des députés du Grand Corps connaîtraient des problèmes économico-financiers, il leur était possible de recouvrer leurs anciens emplois mercantiles. Mais « …la nobilitat sera suspendule, chens prejudice a lui de jouir de noubet deu dret d’ entade lasbets que lui abera quitats son commerce. »24
On connaît par exemple le cas, concernant le métier de commerçant, d’une demande d’un certificat faite à Jean Barbanègre de Pontacq en 1776 prouvant qu’il ne pratiquait pas le négoce ou un métier dans le domaine de la mécanique.25 Demande non justifiée, vu que c’était faux. Autre exemple, l’imprimeur Desbarats eut également des difficultés à introduire le Grand Corps. Domenger depuis 1727 à la suite de l’acquisition de la domengeadure de la Barthe de Buisson à Pau, il devra attendre l’année 1736 pour que l’on lui accorde son entrée. La raison, vu qu’il travaillait comme imprimeur agrégé au Corps de l’Université de Paris, on admettait que son métier ne correspondait pas à aucun lié aux arts mécaniques et au commerce. 26
Des nobles issus du négoce, nous en avons des exemples. Belle ascension sociale que celle qu’a connue la famille Faget ! D’abord négociants - plus précisément marchands -, ses membres sont parvenus à incorporés la noblesse parlementaire. Cette famille est décomposée en trois branches, originaire d’Orthez.
La première, les Faget de Mont, parvint à exercer au Parlement de Navarre. Un des membres, Antoine de Faget, se rendit célèbre pour avoir repris sa charge malgré la démission de la majorité des magistrats du Parlement le 17 mai 1765. On se rappelle que cette démission est consécutive à des altercations entre quelques conseillers et Gillet de Lacaze, premier Président, qui s’arrogea une autorité cassante. A l’époque, le roi Louis XV tente de remettre en cause les privilèges des provinces par des édits fiscaux. Louis XV convoque, d’une part, sept magistrats béarnais à Versailles et les désavoue et, d’autre part, demande à l’Intendant d’Etigny, de soumettre les conseillers. Devant le refus d’obtempérer, le roi envoie des lettres de jussion (lettres patentes enjoignant au Parlement d’enregistrer un ordre royal), en vain. Une quarantaine de parlementaires donnèrent, par conséquent, leur démission. Le pouvoir royal réagit brutalement : incarcération ou exil et nomination de nouveaux magistrats. Le Parlement est dorénavant constitué de parlementaires soumis. Les Béarnais prennent cause pour les « révoltés », les défenseurs des libertés, mais fustigent les neuf anciens magistrats qui se sont maintenus en les surnommant « remanans ». De ce fait, Antoine de Faget fait parti de ce nombre.
Pour le remercier pour son attitude, le roi le gratifia par un office de président à mortier (qu’il acheta au prix de 40 000 livres27), ce qui lui valut de l’animosité de la part de nombreux magistrats. Plus tard, en 1785, on obtient des lettres patentes lui certifiant la noblesse transmissible. 28
Le même personnage, financièrement, cherche à augmenter ses revenus en épousant une héritière, Marie de Partarriu, fille du conseiller au Parlement César de Partarriu. Exemple d’endogamie, mais aussi de manœuvre matrimoniale, son épouse lui apporte en dot la somme de 50 000 livres et l’héritage des biens fonciers de sa famille. 29 Il continue d’accroître sa fortune et son pouvoir, par exemple il acquiert la seigneurie de Doat en 1779. Trois ans avant son décès, en 1784, on évalue ses revenus à plus de 15 000 livres (ses propres biens et ceux de ses petits-enfants qu’il gère). La quasi-totalité (trois-quarts) provient des ressources issues des domaines fonciers. Parallèlement, il tente d’asseoir pleinement sa dynastie dans la noblesse d’épée en facilitant le devenir d’Antoine de Faget de Pomps, son petit-fils, dans la carrière des armes. Ainsi, il suivait le modèle français. De plus, il assied sa situation en faisant partie de l’Académie royale de Pau en 1735, en la dirigeant deux ans plus tard, ensuite de 1744 à 1756. Il œuvre efficacement au sein de cette institution puisqu’il la munit d’une bibliothèque dédiée à tous, qu’il ménage des conférences publiques. 30
La seconde branche, les Faget de Baure, est également originaire du monde des marchands d’Orthez. Un de ses membres, Pierre (1707-1784), tenant négoce à Orthez, Bayonne et Paris, acquiert les biens de sa cousine endettée, Marie de Lapuyade-Baure, pour un montant s’élevant à 57 000 livres. Ils sont composés de deux seigneuries (Aragnon et Herrère), d’une maison noble (Baure) et de moulins (Baure et Bonnut).31 L’achat de la seigneurie d’Herrère lui permet d’entrer aux Etats de Béarn en 1760. De son passé, protestant, son souhait de devenir parlementaire devenait problématique. Par le biais de son fils, Jacques-Jean, son ambition put se réaliser. Il l’incorpore alors dans des institutions catholiques, tel le collège des Oratoriens de Juilly, près de Paris. Il devient, après des études de droit, avocat au Parlement de Navarre, il reçoit de son père la seigneurie d’Aragnon lui permettant d’être admis aux Etats de Béarn. 32 Il parvint à obtenir la charge d’avocat général à la veille de la Révolution. Gardant une attitude de neutralité lors des événements révolutionnaires, il devient beau-frère de Pierre Daru, homme d’Etat sous le Premier d’Empire, en 1802. Son ascension sociale l’amène d’abord à être élu député des Basses-Pyrénées en 1810, puis à être nommé à la Cour impériale de Paris le 8 octobre 1811. Votant la déchéance de Napoléon Ier en 1814, participant à l’élaboration de la Charte, à nouveau élu député des Basses-Pyrénées en 1815, il est promu chevalier de la Légion d’honneur en 1816. A sa mort, le 30 décembre 1817, ses biens sont évalués à 124 135 francs, ses dettes passives à 7 016 livres.33Il a rédigé des « Essais historiques sur le Béarn », mais nous n’en possédons seulement qu’une copie due au baron de Laussat, car le manuscrit a été brûlé lors de la Terreur quand il a été incarcéré.34
La troisième et dernière branche, les Faget de Tarsac, débute véritablement avec Pierre, marchand de son état. Mais la famille parvient à obtenir l’anoblissement qu’en quittant le Béarn et en s’installant à Paris. C’est Paul de Faget qui acquiert la charge d’avocat au Parlement de Paris en 1714. Par le biais d’alliances matrimoniales, il achète l’office de conseiller au Grand Conseil et, par ce moyen, il est anobli. Il se procure des seigneuries au nord-est de Chartres. Du Béarn, il hérite de l’abbaye laïque de Tarsac par son oncle Isaac de Bartet, chanoine du chapitre de Lescar. Mais il la revend en 1720, même chose en 1721 en ce qui concerne la demeure familiale d’Orthez, démontrant ainsi qu’il ne cherchait pas l’anoblissement à la « manière » béarnaise, en incorporant les Etats de Béarn. 35 Son fils, Louis-Paul, devient lieutenant-colonel de cavalerie, témoignant ainsi par ce passage de la noblesse de robe à la noblesse d’épée une réussite sociale. Mais cela montre que cette branche s’est rompue avec le Béarn d’origine tandis que les deux précédentes ont montré leur attachement.
Il ressort de cette brève étude de ces familles que cette ascension sociale a été possible grâce à des alliances, des protections (notamment Pierre de Marca pour les Faget de Mont) et aussi un calcul sur le plan démographique. On constate qu’au préalable, le choix, pour réussir à atteindre l’anoblissement tant désiré, est de multiplier les naissances et, lorsque le but est atteint, de les limiter en usant de la contraception, au risque de voir la dynastie disparaître. C’est ce qui s’est produit avec la famille Faget de Baure qui s’est éteinte à la génération suivante.
L’abbé Bonnecaze36, de son côté, cite un exemple de rejet définitif en 1773, celui du sieur de Peine (Pène-Gaureret) « parce qu’il avait été marchand. Il s’adressa au prince qui ordonna de le recevoir, mais ensuite sur un procès qu’il eut avec les syndics de la province, MM. Péborde et de Sus, Peine fut rejeté pour la vie par délibération des Etats. » La vraie raison de l’écartement serait le trop grand nombre de différents.
Depuis 1770, et avec l’accord du roi, par son ordonnance datant de 1772, les Etats de Béarn, décrétèrent que tout individu souhaitant entrer au Grand Corps devait accepter d’attendre cinq ans entre le renoncement du métier et son entrée. Ce que l’on nomme la « noblesse dormante » en France. Autre catégorie professionnelle pointée par le Grand Corps, les procureurs de justice. L’ordonnance de 1772 citée alla dans leur sens, ce qui obligea ces procureurs de justice, propriétaires de terres nobles, de démissionner de leur office pour entrer dans le Grand Corps.
Est-ce que la peur des parlementaires est-elle justifiée ? Christian Desplat 37affirme que non : « La permanence numérique du groupe reste à peu indiscutable et la prétendue invasion bourgeoise fut un élément de peur sociale et non une réalité sociale. » De citer quelques chiffres pour l’étayer : « les nobles exerçant une profession restent l’exception, en 1788 : deux médecins et deux avocats… Entre 1701 et 1789, le nombre des officiers militaires passa de cinq à onze pour s’établir à neuf en 1789. » Ce sont les secrétaires royaux qui voient leur part augmenter sensiblement au début du XVIIIème siècle.
Comme le rappelle Christian Desplat, au XVIIIe, bien peu de nobles béarnais ont servi dans l’armée royale et, parmi eux, davantage des cadets. Les causes principales de ce rejet résident dans le coût élevé de la carrière militaire et la faiblesse des revenus qu’on pouvait espérer. Un exemple illustre parfaitement ce cas, un dénommé J. Darrigrand, seigneur de Castéra et ancien officier lui-même, se ruina afin que son fils, incorporé au Régiment de Bourbonnais, puisse, d’une part, le soutenir lors de ses deux ultimes campagnes, et, d’autre part, lui permettre d’obtenir une Compagnie. Pour y parvenir, il décide de vendre sa seigneurie, mais perd, par la même occasion, son droit d’entrée dans le Grand Corps.38
Malgré leur souci de présenter une unité de façade tous ces nobles n’étaient pas aussi égaux entre eux comme ils l’affirmaient puisque, d’une part, la noblesse de robe - les parlementaires - avait réussi à s’inscrire sur une liste de capitation à part de celle des « domengers » et, d’autre part, en 1789, ces mêmes nobles magistrats voulurent voter aux Etats généraux à part des membres du Grand Corps des Etats de Béarn.
En fait, à part quelques individus, tous les Béarnais étaient unanimes pour s’accorder sur la définition à donner sur la noblesse parlementaire. Pour l’abbé Bonnecaze, la forme d’anoblissement est la suivante : « En Béarn, il n’y a qu’une loi et forme d’anoblissement. Cet objet n’a jamais varié. Il a fallu toujours posséder un fief qui ait droit d’entrée aux Etats généraux du pays ; cela s’entend lorsqu’un roturier achète un fief ou une terre, ou quelque autre effet réel, qui soit noble, et qui donne entrée aux Etats généraux de la Province, dont les places sont fixées à un certain nombre. Pour lors, il n’est question que de faire allouer le contrat de l’acquisition, par le lieutenant du roy et prêter serment aux Etats. »39
La majorité des Béarnais admettaient que l’origine de la plupart des nobles béarnais ne remontait pas très loin dans le temps.
Mais comme l’écrit Christian Desplat40, 1770 est une année charnière. Avant cette date, « l’unité du monde nobiliaire fut réelle ; après cette date la noblesse cherche elle-même à se définir et découvre ses faiblesses… ». Une minorité d’entre eux souhaitent « imiter le modèle national… Les véritables adversaires de la noblesse à la fin du siècle, ce sont ces parlementaires riches et influents qui méprisent les domengers… ».
d- Aisance des nobles béarnais ?
Les parlementaires pratiquèrent l’endogamie sociale affirmant ainsi leur unité. Christian Desplat41 cite le chiffre de 83,3% les mariages conclus au XVIIIème siècle au sein de noblesse parlementaire et d’ajouter que « les hiérarchies des offices étaient en général respectées. » Les dots bien entendu étaient à la hauteur du rang des officiers. Un exemple, la fille unique du marquis et président à mortier au Parlement de Navarre (1751-1790) Jean-César de Mesplès et de Marie-Angélique Roux de Gaubert, Marie-Angélique Mesplès, épouse un président à mortier bordelais J.B. de Verthamont (les deux conjoints sont également petit-fils d’un premier président). Elle fournit une dot conséquente de 500 000 livres, tandis qu’elle-même reçoit 150 000 livres à la suite d’une clause de préciput (contrat de mariage permettant de transmettre à son conjoint un ou plusieurs biens communs sans droits de succession), 1 500 livres de rente viagère. De plus, elle bénéficie des trois quarts des biens patrimoniaux.42 L’époux, lui-même, est l’héritier des biens de sa mère. On sait que parmi leurs possessions, le château des Mesplès, situé à Saint-Goin, sera délaissé au profit du château de Viven, de l’Hôtel particulier palois, rue Bayard, de ses domaines bordelais. La marquise Marie-Angélique devra après la Révolution vendre quasiment tous ses biens, en 1822. Outre ceux cités préalablement, on peut adjoindre l’Hôtel particulier d’Oloron-Sainte-Marie, rue de l’Hospice, des métairies, des terres, des forêts…
On peut aussi citer l’exemple des Larborie qui sont parents Charritte, Batsalle, Blair, Day, Gardères, Orognen, Saut, tous conseillers au parlement de Navarre. »43
Dans l’ensemble, les propriétés nobles ont en moyenne une superficie de 80 arpents constitués en grande part de bois et de taillis, et sont très morcelées.
Dans son ouvrage intitulé, Histoire économique et financière du Béarn au XVIIIe, M.P. Foursans-Bourdette44 mentionne qu’en 1712, le revenu des biens nobles est de 197 435 livres pour 400 entrées nobles aux Etats de Béarn. C’est une noblesse « réelle », détentrice de terres nobles qui leur donnent un droit d’entrée au Grand Corps des Etats de Béarn. Ces dites terres ne représentent qu’1 à 3,7 %. Elle rajoute qu’en même temps « que ses possessions nobles qui lui assurent l’entrée aux Etats, le propriétaire noble détient aussi « des biens ruraux ». Ce qui peut entraîner la possibilité qu’un champ « peut-être à moitié rural et à moitié noble ». Ensuite, elle émet l’hypothèse que la superficie globale appartenant à la noblesse devait correspondre au double et qu’elle était constituée beaucoup de bois et taillis.
Selon A. Soboul 45, la propriété noble représente seulement 1 % dans la sénéchaussée d'Oloron. Mais en réalité, si l'on compte les terres rurales, la totalité des propriétés appartenant à la noblesse béarnaise, dans son ensemble, devait approcher près d'un quart. L'aristocratie foncière béarnaise a su préserver son caractère ancien, elle a un droit réel attaché à la terre, ses terres sont morcelées et de superficie peu importante. La valeur d’une terre noble ondule entre 500 et 400 000 livres.
Si on analyse le cas des nobles parlementaires, Christian Desplat 46 écrit qu’ils ne sont pas de « très grands propriétaires et les structures de leurs domaines étaient comparables à celles de simples agriculteurs. » L’activité sylvo-pastorale domine, à quoi peut s’ajouter la céréaliculture. Ils possèdent des moulins qu’ils affermaient à des bourgeois. Le conseiller au Parlement Jean-Pierre Peyré Gouze parvient à percevoir des moulins 54,2 % de ses revenus.47
Pour citer un exemple, l’abbaye laïque d’Aussevielle, inclue dans la seigneurie de Denguin et Vinholes et dépendante du baillage de Pau, érigée en baronnie par Louis XIV en 1654, est acquise par J.J. de Monaix pour un montant de 2 300 livres en 1720. Elle comprend une maison, un jardin et neuf arpents.48 Il est à noter à ce propos que les abbés laïcs, formant la strate inférieure de la noblesse en Béarn, bénéficiaient le plus souvent de revenus moindres. Depuis le Moyen Age, la perception de la dîme a connu des dépeçages du fait des ventes. Mais aussi, la partition de la dîme est consécutive à la lutte entre le seigneur et l’abbé laïque. Par la suite, apparurent alors des abbés laïques « en leur partie », démembrés, d’un côté, par le titulaire de la maison abbatiale et, d’un autre côté, par le percepteur de la dîme. Des seigneurs se voient conférer le titre d’abbés alors qu’ils n’ont que le droit de patronage, ce qui porte à confusion. A la différence des seigneurs, les abbés laïques ont davantage perduré dans le temps, ceci jusqu’à la Révolution. D’ailleurs, leurs biens et leurs prérogatives restent une recherche constante d’achat, notamment de la part de bourgeois soucieux de gravir les échelons de la société. Mais aussi les nobles, tels les barons d’Assat, bien que possesseurs de nombreux fiefs en dehors de la vallée d’Aspe, firent en sorte de maintenir dans le giron familial les abbayes laïques d’Athas et d’Orcun.
Quant aux abadies, telles que l’on peut les observer actuellement dans les vallées d’Aspe et d’Ossau (exemple : abadies de Borce du XIIe, de Béost du XIIe…), elles sont aussi distinguées que les maisons fortes ou manoirs des domengers (maison forte d’Eygun remontant au XIIe, « domenjadure » du XVIIe de Béon…).49
La surface des propriétés nobles n’excédait point celle des laboureurs des villages de la province. Christian Desplat ajoute que ce sont « les terres et les revenus agricoles qui valorisaient une seigneurie, plus que sa nobilité », il cite comme exemple la baronnie de Higuères achetée pour une somme de 30 000 livres comprenant des droits honorifiques, des droits utiles.50
Le même auteur mentionne que les « unités d’exploitation et les parcelles étaient de tailles modestes. Seuls les touyas dépassaient fréquemment les cinq hectares ; pour le reste, les parcelles de moins d’un hectare étaient la règle. »51Ces parlementaires étaient attachés à leurs biens fonciers puisqu’ils en retiraient « dignité » et « prééminence ». Une bonne part d’entre eux veillait parfaitement à leur gestion. Les livres de comptes font état des revenus perçus sur les métayers et les fermiers. Ils n’hésitent pas à porter leurs griefs auprès des tribunaux tels les Roux de Gaubert qui portent plainte « contre ceux qui peuvent avoir chassé dans les territoires d’Asson et de Nay » auprès de la Maîtrise des Eaux et Forêts, en 1756.52 A la lecture des documents, on dénombre dix-huit poursuites.
Ces parlementaires, à côté de ces biens fonciers, vivaient également de leurs rentes. Prenons l’exemple de la marquise de Courbons, veuve de M. de Gaubert, président au Parlement, qui « se fixa à Pau, et s'y tint honorablement, elle le pouvoit elle jouissoit de 13 à 14 mille livres de rente… »
Certains d’entre eux pratiquaient l’usure, « discrète ». Christian Desplat mentionne que « certaines familles étaient de véritables collectionneuses d’obligations et de rentes constituées. En 1789, l’ensemble des biens des Day Gardères était estimé à 133 778 livres dont 20% de rentes de diverses natures. En deux ans seulement, le conseiller de Boyrie prêtait à dix-neuf débiteurs près de 60 000 livres… »53 Quant aux nobles ruraux, leurs prêts étaient davantage contractés vis-à-vis de leurs tenanciers, affirmant ainsi leur puissance et garantissant leurs revenus.
D’autres revenus venaient s’ajouter pour d’autres nobles, les abbés laïcs, les domengers et pouvaient constituer même la majeure part. La dîme, par exemple : le baron de Gerderest était propriétaire de six dîmes. Il percevait annuellement pour un montant de 3 874 livres, mais aussi trente livres de café et dix-sept pains de sucre.54
D’autres parlementaires, à l’opposé, se montraient moins attentifs à la gestion de leurs ressources, tel le président de Doat. Le portrait que nous dresse le baron de Laussat de lui nous apprend que : « C'était un homme d'infiniment d'esprit, magistrat habile, éclairé, mais dangereux et d'une lubricité scandaleuse. Elle lui valut la vérole, et la vérole ; quoiqu'il eut un superbe nez, lui en enleva à peu près les trois quarts. Il était volontiers conteur, et ses contes étoient des choses extraordinaires, souvent dénuées de toute vraisemblance… Je n'allois jamais chez lui sans que je n'y trouvasse quelque jolie fille… Cette famille est éteinte. Elle est tombée en quenouille sur la tête de ce dernier qui n'avoit que deux filles…»55
Si les parlementaires possédaient à la fois des hôtels particuliers à Pau et des gentilhommières à la campagne d’où ils géraient leur capital immobilier à des fins agricoles, ce n’était pas le cas pour la majeure part des autres nobles béarnais qui se « contentaient » de leurs gentilhommières campagnardes. Christian Desplat écrit que les domengers, pour la plupart, avaient un niveau de vie comparable aux riches fermiers.56 La noblesse béarnaise « était modeste mais point pauvre. »57
Le même auteur 58 note que « La fortune immobilière des parlementaires béarnais était médiocre. » La spéculation immobilière ne les tente pas beaucoup. S’ils possèdent des hôtels à Pau, ils n’ont pas « cherché à coloniser les villes voisines comme le faisaient parfois leurs collègues bordelais… ») 58. Ils restèrent implanter essentiellement le long de la Grand Rue malgré « ses encombrements, ses marchés… ». A l’opposé, d’après le même auteur, les « gentilhommières rurales l’emportaient souvent en lustre sur les immeubles urbains … », de citer l’exemple des Faget de Doat, propriétaires du manoir de Pomps où resplendissaient « un mobilier précieux, deux clavecins et plusieurs baignoires. »59 Christian Desplat insiste sur le fait que les parlementaires ne cherchèrent guère qu’à vivre le plus simplement du monde.
Deux photographies de l'Hôtel de Laussat, rue Joffre à Pau. Date des XVIIe-XVIIIe siècles (façade sur rue du XVIIIe siècle, cour d'entrée du XVIIe siècle). Les Laussat était une famille d'officiers des finances.
Hôtel particulier de Navailles-Mirepeix du XVIIIe siècle, au 22 rue Maréchal Joffre à Pau (porte cochère, balcon à ferronnerie du milieu du XVIIIe siècle.
Château du XVIIIe à Bielle bâti par Jean-Joseph Laborde, banquier de Louis XV.
Autre exemple, parmi la noblesse béarnaise, le cas du châtelain de Saint-Abit appartenant à la famille des Livron qui peut se targuer de détenir une grosse bâtisse datant du XVIIIème au sud de l’église renfermant une bibliothèque de cent quatre-vingt-dix livres ce qui le différenciait des autres habitants.60 Souvent la possession de tableaux, de tapisseries ou autres éléments ornementaux et décoratifs faisait la distinction entre le domenger et le laboureur ou coq du village.
Un exemple, Pierre de Larborie, en épousant en 1728 Marguerite Baudet-Plasence lui apportant 18 000 livres, s’établit en dot 60 000 livres. Philippe III de Montaut-Navailles possède des biens non seulement en Béarn mais également en Bigorre, Chalosse… jusqu’en Normandie, que l’on évalue en 1703 à 2 079 594 livres. Les dettes passives ne s’élèvent qu’à 196 950 livres.
Christian Desplat écrit que « la noblesse était toujours la principale créancière de la province, mais elle était aussi la plus endettée, et de citer l’exemple du marquis de Jasse qui dut emprunter en 1787 la somme de 45 791 livres et qu’il dut gager alors son hôtel palois.61
Christian Desplat note que ce sont les nobles qui ont les « grands bailleurs de fonds de la société béarnaise » mais il ajoute que la noblesse était débitrice d’elle-même vu que ceux qui se sont beaucoup endettés étaient les nobles parlementaires.62
Mais on ne peut guère qualifier qu’il y ait eu des nobles très désargentés. Christian Desplat 63, en se référant sur le paiement de la capitation (impôt créé par Louis XIV frappant tous les individus), il cite l’exemple du chevalier d’Andoins (capitaine d’infanterie en retraite) qui, seulement, « payait 7 livres 6 sols, mais il parvenait cependant à entretenir un domestique, conserver une belle bibliothèque et soutenir de ses deniers l’Académie de Pau ». Le même auteur certifie que la « plèbe nobiliaire… » ne constituait pas plus de 10 % de la totalité ». A l’opposé, il précise que les membres de la noblesse payant plus de 30 livres de capitation représentaient 42,5%, par contre ceux qui dépassent les 500 livres sont rares, tel le marquis de Lons.
La noblesse parlementaire se détache du reste des autres catégories de nobles par ses revenus. Christian Desplat écrit que « les officiers du Parlement de Navarre constituaient l’élite économique et sociale de la noblesse béarnaise. » Il se base sur la capitation, il ajoute qu’aucun d’entre eux n’était inscrit pour moins de trente livres. Le Premier Président atteint la cote de 1 030 livres, la moitié des conseillers, quant à eux, n’outrepassent pas les 100 livres. « Tout au bas de l’échelle, mais à un niveau qui les situait au meilleur rang de la noblesse béarnaise, les quatre substituts s’établissaient entre 30 et 50 livres. »64
Serge Pacaud 65, quant à lui, ne sous-évalue pas le niveau global de vie de la noblesse puisqu’il écrit que la « noblesse à la fin du XVIIIe siècle était en général riche, brillante, elle détenait une fortune importante sans toutefois se montrer arrogante vis-à-vis du reste de la population ». Dominique Bidot-Germa66 mentionne que « leur fortune modeste au regard des autres parlementaires du reste du royaume, était importante à l’échelle béarnaise ».
Le même auteur précise que « la noblesse parlementaire constitua l’élite politique, socio-économique et culturelle de la ville [Pau] et de la province toute entière. » Et de citer quelques actions culturelles dues à leur initiative comme la mise en place de l’Université suggérée par les Etats de Béarn, la création par les parlementaires de l’Académie royale de Pau en 1718, le soutien apporté à « de nombreuses troupes théâtrales… », à des imprimeries (« Desbarats, Dupoux ou Vignacour »).
Gustave Bascle de Lagrèze67, au XIXème siècle, nous dépeint les magistrats du Parlement de Navarre : ils « appartenaient à des familles depuis longtemps considérées, ils étaient nombreux et riches : l’aîné, l’héritier, prenait la robe, le cadet l’épée, Le cedant arma togae était fort souvent répété dans les bonnes maisons du Béarn ». En dehors des séances parlementaires, ils vivaient à la campagne auprès des paysans et « parlaient leur langage ». Il fait l’apologie des magistrats des Parlements en France. Selon lui, à part quelques eux qui se reposaient « sur une position toute faite, travaillèrent peu… », le reste a été formé depuis leur enfance « à la bonne école, par des exemples de famille, par la pratique des vertus héréditaires, le respect des traditions et l’ambition de continuer à illustrer le nom des aïeux. »
Il cite des exemples de familles faisant partie de la noblesse de robe qui se sont illustrés : « celles du marquis de Gassion, du marquis d’Esquille, du marquis de Neys-Candau, etc., sont sortis plusieurs généraux et amiraux… » Enfin, il fait le distinguo entre les faux nobles et les faux roturiers : «… on a déjà remarqué que, dans nos contrées, il y avait plus de faux roturiers qu’ailleurs. De tristes déchéances avaient été souvent la conséquence de mariages mal assortis, de l’écroulement des fortunes et d’événements divers. » Et de protester contre cet état de fait : « Pendant que les faux nobles exhibent des blasons tout neufs, combien de faux roturiers laissent, dans l’obscure pauvreté, se rouiller leurs blasons séculaires ! » 68
e- Parallèles entre la noblesse béarnaise et la noblesse en France
La particule, qui a été abordé plus haut dans la partie concernant la noblesse en France dans sa globalité, Régis de Saint Jouan69, précise que son usage en Béarn a été abandonné à la suite de « l’influence de l’usage français » au milieu du XVIIIème siècle. Cette date marque le début de la « tendance à considérer la particule comme une marque de supériorité sociale et non plus une indication d’origine…. ». De ce fait, les rédacteurs d’actes comme les notaires ou les curés se mirent à utiliser la particule dans leurs écrits lorsqu’il s’agissait de clients jugés importants issus de la noblesse ou de la bourgeoisie. Par contre, de la supprimer pour les autres (ceux qui la détenaient jadis grâce à leurs situations géographiques, professionnelles…). Il rajoute « qu’elle ne se maintint agglutinée au nom, soit devant les voyelles, soit dans les articles contractés précédant les monosyllabes : Dufau, Duplaa… » Bien entendu, ceux qui étaient d’un rang élevé conservèrent la particule, « et même certaines l’ajoutèrent devant un nom qui comportait déjà une particule agglutinée… C’est ainsi qu’il y eut des familles de Dufau, de Duplaa, de Dejean… ».
Au sujet du service dans l’armée, en France, la carrière militaire est considérée comme la plus glorieuse et la plus remarquable, à la différence de la noblesse de robe. En Béarn, nous avons vu des exemples de nobles qui ont cherché à s’affranchir de leur état pour gravir dans la noblesse d’épée.
Christian Desplat note que la noblesse béarnaise a peu servi dans les armées royales au XVIIIème siècle ; « dans les familles parlementaires… seuls quelques cadets embrassaient la carrière des armes. » 70 Des raisons sont évoquées : cette dernière « rapportait peu et coûtait cher. » Un exemple peut illustrer ces causes, le noble (domenger), et ancien capitaine au régiment des Bandes Béarnaises, J.B. Darrigrand de Castera désire que son fils persiste dans sa carrière d’officier. Il est lieutenant au régiment de Bourbonnais et souhaite se procurer une compagnie. Le père constate qu’il « a épuisé toutes ses ressources pour le soutenir au service, principalement les deux dernières campagnes. » Il veut lui démontrer « la tendresse qu’il a pour luy et ses sentiments paternels. »71
En analysant douze familles parlementaires de la fin du XVIème siècle à la fin du XVIIIème siècle, Christian Desplat72 constate que sur les quatre-vingt-six aînés, seulement 15,1% embrassent la carrière militaire, alors qu’ils sont 72% qui persistent à suivre la carrière de leurs pères (12,9% vivant « noblement sur leurs terres »). La carrière ecclésiastique a été celle qui a été la moins recherchée.
f- Les prérogatives des nobles béarnais
Parmi les prérogatives des barons, on peut écrire qu’ils ont « la seigneurie directe, juridictionnelle et féodale avec le droit d’entrée aux Etats ». « Le baron est patron de l’église paroissiale », ce qui lui donne le « droit de séance au chœur et de présentation d’un candidat curé ». Il peut exiger des cens sur les tenures dans ses fiefs, il possède les droits de lods et ventes, le droit « d’établissement d’ordonnances pour la police et le bien commun, de corvées et de monopoles. » Ces droits rappellent ceux que détiennent les nobles dans le reste du royaume.
En ce qui concerne la justice, elle se limite à la basse et la moyenne. Pour rappel, la basse justice permet au seigneur de juger les affaires concernant ses droits (cens, héritage…), de sanctionner les délits et les amendes de faible valeur et, par conséquent, de posséder une prison pouvant être équipée de fers pour attacher le prisonnier. Quant à la moyenne justice, le seigneur peut juger des vols, des rixes, des tutelles… mais il n’a pas le droit de punir de mort, punition relevant de la haute justice. Cette justice joue un rôle important au civil. Pour aider le baron à rendre la justice, il a le droit de Man, c’est-à-dire qu’il peut convoquer une cour de justice. Le rôle des nobles, ici, revêt une importance indéniable dans la vie des habitants des seigneuries vu qu’ils s’occupaient de l’ordre public (mise à l’arrêt des vagabonds, vigilance des fêtes…).73
g- Ses rapports avec les autres ordres
Les relations entre nobles n’ont pas toujours été des plus courtois. L’unité s’effaçait devant les intérêts. Christian Desplat74 cite le cas de conflits entre décimateurs. Il prend un exemple. P. Gautier, « co-décimateur de Narp et lieutenant de cavalerie, s’injurie à plusieurs reprises avec A. Serramia abbé de Narp ». Le premier s’emporte tellement qu’il donne un coup de fouet dans le visage au second qui réplique en lui tirant dessus avec un pistolet. Heureusement, il le rate. Il « se tire de ce mauvais pas par une simple amende. » On voit bien ici que le désir d’en découdre est bien présent, détenir sur soi un pistolet et un fouet lors de leur rencontre. Mais également on fait appel à la justice pour régler le litige.
Des relations que la noblesse tient avec les autres ordres, il arrive que des conflits éclatent, mais ils se règlent le plus souvent devant un notaire.
On présente le Béarnais comme un être « tempéré », soucieux du compromis. Florian Moyen-Péhau consacre quelques pages à ce sujet. Pour lui, l’origine de ce trait de caractère se trouve « dans une combinaison de contraintes géographiques et de modes de vie. » Il évoque l’agro-pastoralisme qui contraint les individus à se plier à une symbiose entre le pastoralisme transhumant et une paysannerie sédentaire. Une autre origine de la quête du compromis est à rechercher dans la « pauvreté » du territoire car » éloigné des principaux axes d’échange continentaux, sans cours d’eau navigable (ou très difficilement), aux terrains accidentés parsemés d’épaisses forêts et de touyas, et à la démographie médiocre. » Cette recherche de conciliation aboutit à la signature de Fors, de traités de « lies e passeries », à la « confiance apportée au système judiciaire. »75
Au niveau politique, à la veille de la Révolution, et surtout au moment de la rédaction des cahiers de doléances, la fracture sociale est sensible. La division entre la noblesse béarnaise et le Tiers état est quasi consommée. Oubliée l’entente opérée en 1788 lors de la rébellion parlementaire. Deux courants s’étaient alors joints, d’un côté, les privilégiés - ici les parlementaires - et, de l’autre, ceux qui les défendaient, voyant en eux les défenseurs des libertés contre l’absolutisme. Les deux avaient pour but la limitation du pouvoir royal. En effet, tout débute au mois d’août 1787 lorsque le Parlement de Navarre, suivant l’exemple des autres cours du royaume, décide de soutenir le Parlement de Paris dans son refus de d’enregistrer des délits d’importance tels les édits de tolérance et de la levée d’un emprunt d’Etat destiné à régler la crise financière. En mai 1788, Louis XVI supprime le droit de remontrance au Parlement et enregistre des ordonnances qui lui amoindrissent sa compétence judiciaire en créant des Cours plénières. Ces décisions sont perçues en Béarn comme une atteinte à sa souveraineté. Ce qui explique que le Parlement de Navarre, parallèlement à ceux de Rennes et de Grenoble, persiste à se réunir, soutenu par le peuple palois, qui, le 19 juin, se soulève et réinstalle les magistrats au Parlement. Cette entente, par conséquent, perdurera jusqu’aux élections pour la députation aux Etats généraux. Le 4 janvier 1789 se tient à Pau une Assemblée générale qui réclame le doublement du Tiers état. Si ce dernier aspire à réformer sa représentation électorale et le principe d’égalité, le Grand Corps cherche à conserver ses privilèges et refuse les idées de doublement et le vote par tête, mais aussi de déléguer des membres à Versailles. Il se justifie en clamant qu’il défend les Fors et les libertés. Leur argument : se soumettre aux Etats généraux, c’est consentir que les impôts et l’administration du Béarn soient décidés à Paris.
Ce divorce s’observe dans les cahiers de doléances. Effectivement, dans la quasi-totalité des cahiers de doléances béarnais il ressort une préoccupation liée à la représentativité aux Etats généraux français et aux Etats du Béarn. Prenons l'exemple de celui d'Aressy, du 18 mai, « Que ladite communauté n'entrant point aux Etats, n'y ayant que le seigneur du lieu seul qui y entre, ladite communauté puisse envoyer aux Etats généraux du pays un député élu librement en ladite communauté ». 76. En effet, cette dernière n’entrait pas aux Etats de Béarn et devait accepter d’être représentée par son seigneur d’où son souhait d’élire librement un délégué de son choix. On voit qu'on revendique pour le Tiers Etat à la fois sa place aux Etats de Béarn et aux Etats généraux de France. Aussi vindicatif que réaliste vis-à-vis de la noblesse est le cahier des griefs d’Artix 77 du 14 mai que nous avons cité plus haut : « Nous devons Sans doutte avoir la liberté pour le choix de notre député mais je pense que nous nous exposerions à compromettre nos interets, Si notre choix tomboit Sur un noble quel qu’il fut, à cause de la grande opposition Entre les interets des nobles, et les notres, en effet, les roturiers, Compris sur le membre du tiers, n’ont que des plaintes à porter contre les nobles,… D’ailleurs les intérets du tiers, ne peuvent être en meilleures mains qu’en celles du tiers même, ainsy les nobles étant des Etrangers pour nous, et ne cherchant en toute manière qu’a nous opprimer, et nous surchargés… ».
Vis-à-vis du troisième ordre, il est à noter que des dénombrements étaient établis, ce qui occasionnait des réactualisations des droits de tous. Christian Desplat78 dresse un constat des arrêts du Parlement de Navarre sur des litiges pour la période couvrant les années 1721 à 1779 : « dix-huit arrêts… eurent pour objet : les dîmes inféodées (10), les banalités (2), les droits d’herbes mortes (2), les corvées, la chasse, les capsos (lods et ventes) et les droits honorifiques (1). »
L’auteur note qu’après 1765-1770 « une recrudescence très marquée de ces procédures…alors que le milieu du siècle en fut à peu près exempt. »78
Il est arrivé seulement quelques cas de conflits assez conséquents entre les nobles et les « roturiers » comme nous le prouve la polémique entre les laboureurs du village de Hours et le chevalier de Béla. Nous sommes en 1781, le chevalier de Béla apprend que ses laboureurs décident de ne pas payer les « novales ». Ces dernières sont des terres nouvellement défrichées et mises en labour dont l’abbé laïc lève la dîme. Furieux, le chevalier de Béla, dans l’intention de prouver son bon droit, fait afficher l’arrêt du sénéchal de Pau, accordant les novales, sur la porte de l’église du village. Par peur de complication juridique, les laboureurs cèdent et acceptent de payer les novales durant l’année.79
Les cahiers de doléances sont remplis de plaintes à l’encontre des droits seigneuriaux, et ceux du Béarn ne dérogent guère.
Les violences éclatent parfois en rapport avec les droits dits seigneuriaux, que les nobles exigent qu’ils soient respectés. Entre aussi en jeu la défense des privilèges.
Rares pourtant sont les communautés qui transcrivent dans leurs cahiers leur remise en cause des droits seigneuriaux sur un ton assez vif, comme celle d’Arthez 80. Dans l’article 5, on lit : « … les fiefs et la plupart des autres redevances seigneuriales ayant été assimilées aux seigneurs à raison du service personnel qu’il faisoient à la guerre et de l’assujettissement où ils étoient d’y mener à leurs dépens leurs vassaux, n’ayant plus lieu, et le service de la guerre se faisant aujourd’hui aux dépens du peuple, il est juste d’abolir les droits que le service, qui n’existe plus, avait fait accorder. Néanmoins, comme les fiefs sont devenus la propriété des familles qui les possèdent, il faut admettre les censitaires à s’en rédimer en payant le capital concurrent au fief annuel, d’autant mieux que c’est une surcharge et un embarras tant pour le seigneur que pour les censitaires d’avoir à faire percevoir et payer ces redevances chaque année… ». La communauté de Doumy s’attaque aussi à son seigneur, Mr Pierre-Joseph de Courrèges, conseiller au Parlement de Navarre. On y retrouve en plus une exigence que l’on reverra au moment de la Grande Peur en Béarn, celle de requérir une présentation des titres de propriété. Dans l’article 5, on stipule qu’« … une partie de la Communauté se trouve ausSy Lesée de ce quil à à payer au d.Seigneur des fiefs Extraordinaires en avoine et poules Sans avoir jamais voulu Communiquer aucun Titre à ceux qui Sen Sont plaints. »81
De nombreuses revendications à l’encontre des seigneurs portent sur les droits communautaires. A ce sujet, Christian Desplat écrit que « Les communautés n’avaient pas, en fait, une opinion très claire en toutes ces matières ; elles demeuraient attachées aux normes de la vieille civilisation rurale mais découvraient, timidement, les avantages de l’individualisme agraire. »82 Il prend des exemples, il note que plusieurs communautés souhaitent la suppression du parcours mais, en même temps, revendiquent « l’usage commun des saligues et de leurs ressources, sables et cailloux. »
Exemple de respect de droit communautaire mentionné par la communauté d’Angaïs 83 à l’encontre du seigneur : article 17 ; « Qu’aucune loi attribuant aux seigneurs les arbres des bordures des chemins, ni les eaux vives et mortes, ils ne pourront plus s’en emparer, à moins qu’ils ne justifient par les actes d’inféodation qu’ils leur appartiennent. » Une autre exige la suppression des droits, Aressy dans l’article 7 : « Que les droits de corvée, d’herbes mortes, de batère, de haute et basse justice, fers et grues, que les seigneurs se sont arrogés, soient abolis. » 84
Par contre, voici un exemple d’une communauté qui enjoint que le seigneur leur exonère le paiement d’une redevance vu que le droit de pacage n’existe plus, celle d’Arance 85. On rappelle que le droit de pacage est un droit communautaire permettant aux paysans d’envoyer leur bétail dans certains pâturages. Article 6 : « Les habitants du dit lieu font redevance en particulier d’un quartal d’avoine au seigneur d’Audejos pour le droit de pacage qu’ils exploitaient sur ses landes, lequel pacage ne subsiste plus, attendu que l’édit de S.M. leur a permis de clore ; il serait donc juste qu’ils fussent déchargés de cette surcharge, et que d’ailleurs un procès est pendant en la Cour pour déguerpir et n’ayant encore pu avoir aucun jugement. »
Une communauté se distingue par son illogisme, elle réclame que l’on supprime le droit de pacage et le droit de gésiller (droit de gîte), alors qu’ils sont complémentaires, celle d’Audejos 86 : « « …Il faut demander que les pacages soient fermés ; qu’ils nous sont fort utile de pouvoir pacager et gésiller comme il était d’usage anciennement… »
On note à travers les cahiers des égoïsmes, on souhaite préserver les droits qui sont profitables et abolir ceux qui ne le sont pas.
D’autres points litigieux sont à noter. Les corvées, pourtant peu importantes en Béarn, sont le motif de dispute entre le baron de Navailles et un laboureur, en 1778. Le baron traîne le second en justice pour n’avoir pas répondu à l’appel et, d’autre part, d’avoir intenté de créer un syndicat auprès d’autres individus, pour l’appuyer. La justice donne tort au laboureur et le sanctionne par trois condamnations.87
En ce qui concerne les corvées, on se rappelle que le contrôleur général des finances et physiocrate Turgot les a abrogées en février 1776. Sous Louis XV, la corvée royale a contribué à améliorer le réseau routier vu qu’on imposait l’entretien des voies et des ouvrages d’art public. Mais le ministre, mû par ses idées physiocratiques, les remplace par une taxe additionnelle aux vingtièmes des propriétaires fonciers, à l’exception du clergé. Le Parlement de Paris refuse d’enregistrer l’édit émettant des remontrances. Il faudra que le roi les contraigne par un lit de justice. 88
Ceci pour une courte durée puisqu’il congédie Turgot. Son renvoi est suivi du rétablissement de la corvée royale qui sera définitivement supprimée le 27 juillet 1787 par Ordonnance (la corvée seigneuriale suivra lors de la nuit du 4 août 1789). Or, en Béarn, les membres du Grand Corps et, par conséquent, les nobles, font constater que, dans la province, les terres appartiennent quasiment à des propriétaires. Donc, le débat sur la suppression de ladite corvée royale débouche sur un constat, l’inévitable besoin d’employer des salariés, ce qui entraînerait l’obligation de « trouver dans le produit de l’impôt les frais de perception… », et, d’autre part, de mieux rémunérer les employés, moins nombreux. Ce qui les incite à penser de la sorte, sont l’intérêt matériel et la défense de leurs privilèges.89 En effet, elle justifie l’exemption qu’elle bénéficie en targuant qu’elle est légitimée par ses fonctions. Elle consentit à remplacer cette taxe additionnelle par un don volontaire.
Au moment de la rédaction des cahiers de doléances, nous verrons des communautés exigent l’égalité devant les corvées. Dans l’article 4 du cahier d’Aubertin 90, on lit : « …Que tous les citoyens , soit ecclésiastiques, nobles ou roturiers, sans distinction de maîtres ni de valets, contribueront aux corvées, soit qu’on les serve en nature ou en argent. » Même chose pour Lesours 91, dans son article 5, d’autres exigent sa suppression comme d’Angaïs 92, exception faite « si le seigneur a des titre valables », dans l’article 7.
Les droits, les capsos, lods et ventes (droit de mutation), sont énoncés plusieurs fois. Le mot « capsoo » est béarnais et correspond à la part de la valeur que l'on donne au seigneur au cours de la vente d'une terre de sa censive et qu'il accepte d'accorder au renoncement de son droit de préférence vis-à-vis de l'acheteur. Cela correspond à une compensation. Dans le cahier d'Aressy 84 du 18 mai, dans l'article 9 exactement, il est écrit : « Que les capsoos n'étant pas de droit commun en Béarn, on ne puisse les percevoir qu'autant que les seigneurs justifieront, par les autres actes d'accensement, qu'ils avaient été stipulés. ». D’autres communautés envisagent de les racheter si le seigneur présente les titres.
D’autres droits, les banalités, sont aussi pointés dans les cahiers des griefs, certains peu de fois comme le droit de pigeonnier qui n’est mentionné qu’une seule fois, d’autres, par contre, plusieurs fois. Celui des moulins, est noté dans le cahier d’Angaïs 90 qui réclame que tout un chacun est libre de choisir le moulin qui lui sied : « « … Que la banalité soit supprimée et les habitants en liberté de faire moudre leurs grains où bon leur semblera. ». On le retrouve à Arros, Arrance, dans le cahier du Tiers Etat d’Orthez…
La reconnaissance des communautés béarnaises vis-à-vis du droit de chasse est très importante. Il est permis par le For de Béarn de 155, trois articles font référence au droit de chasse et de la pêche qui ne prohibent point cette pratique, et cela, pour toutes les catégories sociales. Dans les cahiers des griefs béarnais on retrouve très souvent le grief que les communautés ne détiennent pas d’armes afin de se défendre des animaux nuisibles, des vagabonds… En effet, l’autorité publique a cherché à désarmer les roturiers par peur (exemple : article 28 de l'ordonnance des Eaux et Forêts, en août 1669). Pour les nobles, le droit de chasse est un privilège et le revendique lorsqu’il y a un conflit avec la Maîtrise des Eaux et des Forêts. Pour les « roturiers », lorsqu’ils se sentent lésés, ils rappellent le temps passé (le For, le droit coutumier) ou les idées d’égalité et de liberté qui éclosent au XVIIIème siècle.
Les griefs sur ce sujet se portent surtout vis-à-vis de la Maîtrise des Eaux et des Forêts et peu envers les seigneurs. On trouve seulement quelques cas comme celui de la communauté d’Aussevielle 93 qui se plaint que « le dit seigneur défend la chasse et la chasse dans le dit territoire, faisant punir par la justice tout particulier qui porterait une arme à feu dans son fonds propre, quand ce serait que pour en chasser les corbeaux, pies et autres oiseaux qui y portent souvent des ravages. »
Quant aux relations avec le clergé, le problème crucial reposait sur le fait que les abbés laïques se rendaient régulièrement coupables d’accaparement de revenus ecclésiastiques. Cette situation les mettait en situation d’assujettissement, ce que peu de clercs osaient contester.
Le sort de cette noblesse béarnaise est lié aux événements de 1789 (lors des élections des députés aux Etats généraux, les débats sur le maintien de la souveraineté du Béarn...) Ces différents aboutiront à l’abandon des Fors et à la disparition de ladite noblesse béarnaise.
Références :
1- Encyclopédie : article : Noblesse (jurisprudence), volume IX, p. 167.
Voir aussi l’extrait de l’article « généalogie » du chevalier de Jaucourt : « Si l’on avoit la généalogie exacte & vraie de chaque famille, il est plus que vraissemblable qu’aucun homme ne seroit estimé ni méprisé à l’occasion de sa naissance. A peine y a-t-il un mendiant dans les rues qui ne se trouvât descendre en droite ligne de quel-que homme illustre, ou un seul noble élevé aux plus hautes dignités de l’état, des ordres & des chapitres, qui ne découvrit au nombre de ses ayeux, quantité de gens obscurs. » (volume VII, p. 548.)
2- Goubert Pierre, Roche Daniel, Les Français et l’Ancien Régime, tome 1 : la société et l’Etat, Armand Colin, 1991, p. 1173 Jouanna Arlette, Le mythe du sang bleu, article tiré du magazine L’Histoire n° 89, p.6
3- Meyer Jean, La noblesse française, à l’époque moderne, Paris, 1991.
4- Dupeux Georges, La société française 1789-1970, Librairie Armand Colin, Paris, 1972, p. 60.
5- Essai sur la noblesse de France, contenans une dissertation sur son origine & abaissement. Avec des notes historiques, Critiques et Politiques ; Un projet de Dissertation sur les premiers Français & leurs Colonies ; et un Supplément aux notes par forme de Dictionnaire pour la Noblesse, ) Amsterdam Rouen, 1732.
6- Beaurepaire Pierre-Yves, La France des Lumières 1715-1789, Histoire de France sous la dir. de Joël Cornette, Editions Belin, 2014, p. 695-696.
7- Soboul. A., La France à la veille de la Révolution, Economie et Société (2e édition, revue et augmentée), Société d’édition d’enseignement supérieur, Paris, 1974, p. 101.
8- Michel Denis, Noël Blayau, le XVIIIe siècle, Armand Colin, collection U, 1970, p. 49.
10- Tucat Georges, Fiefs et noblesse en Béarn, Revue de Pau et de Béarn, 1976, n°4, p.77 à 90.
11- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, J. et D. Editions, 1992, tome 1 : la terre, p. 487.
12- Intendant Pinon, Mémoire concernant le Béarn, Bull.SSLA, Pau, Tome 33, pages 38-54 et Intendant Lebret, Mémoire sur la Béarn, Bull.SSLA, Tome 33, pages 55 et suivantes.
13- États de Béarn — Wikipédia (wikipedia.org)
14- Bull.SSLA , tome 17, p. 384.
15- G.B. de Lagrèze, La société et les mœurs en Béarn, Les éditions du Bastion, 1886, p. 294.
16- Moulonguet Pierre, La souveraineté de Béarn à la fin de l’Ancien Régime, thèse pour le doctorat, Toulouse, imprimerie et librairie Edouard Privat, 1909, p. 54-55.
17- Desplat Christian, La Principauté de Béarn, Société Nouvelle d’Editions Régionales et de Diffusion, 1980, p.536.
18- Pierre-Tucoo Chala, La Principauté de Béarn, Op.cit., p. 525.
19- Archives Départementales des Pyrénées Atlantiques, C. 1311.
20- Moulonguet Pierre, Op.cit., (il fait référence au Mémoire de 1773. Arch.nat., II. 85).
21- Baron de Laussat, La société béarnaise au dix-huitième siècle : historiettes tirées des mémoires inédits d'un gentil homme béarnais ([Reprod.]) / publ. pour la Société des bibliophiles du Béarn | Gallica (bnf.fr)
22- Arch. Nat. G7. 117.
23- A.D.P.A. C 797, f°22.
24- A.D.P.A. C 802, f° 74 et 202.
25- A.D.P.A. C 804, f°224.
26- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit., p. 590.
27- A.D.P.A., B 4595, f°167-170.
28- A.D.P.A., B 5572, f°17.
29- B.N. Chérin, 76 (22 avril 1727)
30- Voir Desplat Christian, L’Académie royale de Pau au XVIIIe siècle, SSLA de Pau, 1971.
31- A.D.P.A. III E 5788.
32- A.D.P.A., C 810, f° 22-24 et III E 11211.
33- A.D.P.A., III E 7041, 204 Q 5, 218 Q 18.
34- Essais historiques sur le Béarn, Paris, Denugon, Eymery, 1818.
35- A.D.P.A., E 2082, f°136.
36- Bull.SSLA, 1910,2S,T38, 1910, variété béarnaises de l’abbé Bonnecaze , p.93.
37- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit., p. 487.
38- A.D.P.A. , III E 6147 (année 1761)
39- Variété béarnaises de l’abbé Bonnecaze.,op.cit., p.91.
40- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit.,p. 595.
41- Idem., p. 547.
42- A.D.P.A., E 5764 (année 1776).
43- Labatut Jean-Pierre, Nouvelles recherches sur la noblesse en Béarn, Revue de Pau et du Béarn, 1976, p.126.
44- Foursans-Bourdette M.P., Histoire économique et financière du Béarn au XVIIIe , Bordeaux, Bière, 1963.
45- Soboul. A., La France à la veille de la Révolution, Paris, 1964, tome 1, p 48.
46- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit.,p. 549.
47- A.D.P.A., 4 J 42.
48- A.D.P.A., III E 1727.
49- Voir à ce sujet : Abbayes laïques et domenjadures : l’habitat aristocratiques en haut Béarn, art. d’Anne Berdoy, Archéologie du Midi Médiéval, année 2006, suppl.4, pp. 65-103 et de Benoît Cursente : Les abbadies ou abbayes laïques : dîme et société dans les pays de l'Adour (xie – xvie siècles) », Annales du Midi, t. 116, no 247, 2004, p. 291-295.
50- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit., p 575.
51- Idem., p. 551.
52- A.D.P.A., B.4042.
53- Desplat Christian, La Principauté de Béarn, Op.cit., p. 553.
54- A.D.P.A., E 5975.
56- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit., p. 581.
57- Idem., p 585.
58- Idem., p. 557-558.
59- Idem.,p. 559.
60- A.D.P.A., Q 522.
61- Desplat Christian, La vie en Béarn au XVIIIe siècle, Editions Cairn, 2009, p. 138.
62- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit., p.516.
63- Idem., p. 490.
64- Idem., p. 495.
65- Pacaud Serge, Histoire du Béarn, La Geste, 2022, p. 127.
66- Dominique Bidot-Germa, Petite Histoire de Pau, Editions Cairn, 2013, p.48.
67- G.B. de Lagrèze, Op.cit., p. 276.
68- Idem., p. 302-303.
69- Le nom de famille en Béarn et ses origines , art. de Régis de Saint Jouan, Revue internationale d’onomastique année 1952 4-3, pp. 221-230.
70- Desplat Christian, La vie en Béarn au XVIIIe siècle, p. 137.
71- A.D.P.A., E 6147 (année 1761).
72- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit., p. 533.
73- Labatut Jean-Pierre, Op.cit., p.124.
74- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit., p.585.
75- Florian Moyen-Péhau, Abrégé de Béarn, ICN, Pax et Honor, Pau, 2023, p. 137-141.
76- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Aressy, extrait du BULL. SSLA de Pau, tome 16, 1886-1887, p.302.
77- A.D.P.A., C 1375, f° 166.
78- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, op.cit., p. 586.
79- Desplat Christian, La Principauté de Béarn, Op.cit., p. 556.
80- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Aubertin, extrait du BULL. SSLA de Pau, tome 15, 1952-1955, p. 47.
81- A.D.P.A., Doumy, 14 mai, C 1374, f°49.
82- Les cahiers de doléances des communautés de Béarn, Revue de Pau et du Béarn, n°25, 1998, p.219.
83- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Angaïs, extrait du BULL. SSLA de Pau, tome 16, 1886-1887, p.297.
84- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Aressy, extrait du BULL. SSLA de Pau, tome 16, 1886-1887, p.303.
85- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Arance, extrait du BULL. SSLA de Pau, tome 16, 1886-1887, p.299.
86- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Audejos, extrait du BULL. SSLA de Pau, tome 16, 1886-1887, p.323.
87- A.D.P.A., B 4989, f°62.
88- Voir : La corvée des grands chemins au XVIIIe siècle, Economie d’une institution, Presses Universitaires de Rennes, 2016.
89- A.D.P.A., C 812.
90- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Aubertin, extrait du BULL. SSLA de Pau, tome 16, 1886-1887, p. 319 à 322).
91- A.D.P.A., Cahier de Lesours du 18 mai, C 1374.
92- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Angaïs, extrait du BULL. SSLA de Pau, tome 16, 1886-188, p. 296.
93- Cahiers des griefs par les communautés de Béarn, Aussevielle, extrait Bull. SSLA de Pau, tome 16, 1886-1887, p. 321.
Bibliographie:
-
-
Par Michel64a le 22 Décembre 2022 à 19:18
Les fabriques et les marguilliers.
Une paroisse à l’époque détient des biens qu’elle gère comme un cimetière, un presbytère, souvent une école et même des terres et des bâtiments.
Ce n’est pas le curé qui administre ces biens, mais la fabrique - assemblée de paroissiens.
Durand de Maillane, dans son Dictionnaire canonique et de
pratique bénéficiale, définit la fabrique : «…signifie le temporel,
ou le revenu affecté à l’entretien à l’ Eglise Paroissiale, tant
pour les réparations, que pour la célébration du service
Divin… On entend aussi par ce mot dans l’usage, l’œuvre
même ou le Corps des Paroissiens qui le composent, & qui
sont proposés pour avoir soin des biens & des charges de la
Fabrique… Ce mot de fabrique vient du mot latin Fabrica, qui
signifie construction… Or comme la construction des Eglises &
leurs réparations sont un objet important, & pour les dépenses
qu’elles occasionnent… on assigna des fonds particuliers à la
Fabrique dès le premier partage des biens d’Eglise, &
on en confiant ensuite l’administration aux Paroissiens. »[1]
On peut adjoindre à ces fonctions les procès à intenter.
Le même auteur mentionne les différents moyens financiers permettant à ladite fabrique de subsister : les legs, les fondations, les quêtes, les locations des bancs de l’église. Pour ce dernier point, il est nécessaire de rappeler que « les Marguilliers peuvent donner à rente, ou moyennement certaines sommes, les bancs des Eglises, ils peuvent aussi vendre ou louer des places vides pour y faire construire des bancs. » L’entretien et la réparation sont à la charge des utilisateurs. Les bancs peuvent être concédés à perpétuité. Il faut y exclure ceux dont bénéficient - dans le cadre des droits honorifiques ou simplement nommés les privilèges - les seigneurs, dans le chœur ou au-devant de la nef.
On peut y adjoindre également des amendes infligées à des paroissiens coupables d’infractions envers les règles instituées par la communauté. Les ports d’images saintes, de bannières, de la croix lors des processions sont autant de moyens d’acquérir des ressources. Il arrive qu’exceptionnellement, la fabrique, ne pouvant bénéficier de suffisantes ressources face à des dépenses élevées, décide d’exécuter une perception auprès des paroissiens.
Qui sont les membres d’une fabrique ? On trouve des laïcs, on les nomme marguilliers. Le mot vient du latin « matricularius » qui signifie « celui qui tient un registre ». Ailleurs on leur donne d’autres noms comme fabriciens, obriers, luminiers, bailes… Ils s’occupent du temporel alors que le curé se charge du spirituel. Les désignations peuvent provenir du curé ou des marguilliers sortants qui présentent leurs candidats qui seront désignés par une assemblée des principaux habitants, souvent à la suite de la messe. On considérait que le candidat devait être honnête. Ils sont choisis souvent dans la part la plus aisée de la paroisse - ils sont responsables sur leurs biens du patrimoine de la communauté -, les laboureurs, les négociants…
L’intégrité n’est pas la seule vertu exigée, les fabriciens se doivent être alphabétisés. Ils dégagent de cette tâche un
sentiment de l’honneur.
Son mandat pouvait durer un an et ne pas être renouvelable.
A Montaut, le registre de délibérations en date de mars 1708
nous donne les noms des deux marguillers désignés et les
biens de l’église dont ils ont la charge : vingt-deux nappes de
lin destinées au service des autels et du balustre
pour la communion, vingt-sept serviettes, cinq aubes dont
quatre de lin et une de toile qualifiée de très usée, trois surplis
de toile jugés d’assez bon état, quatre chandeliers dont deux
de laiton et deux de fer, deux croix de laiton utilisées pour
les processions, deux lampes au laiton, un chaudron pour
contenir de l’eau bénite et, enfin, deux clochettes .[2]
Leur charge était-elle bénévole ? Lors de leur mandat d’un ou de deux ans, elle s’effectue le plus souvent sans rémunération. Certains bénéficiaient d’avantages comme l’exonération du logement des soldats, une rémunération.
Le conseil de la fabrique est composé généralement de quatre membres, un président, le curé, un trésorier et un secrétaire. Outre le prêtre, la composition correspond aux membres dirigeants d’une association aujourd’hui.
Ces membres font partie de la « besiau ».
A Mirepeix, l’assemblée de fabrique nomme chaque année un
marguillier (marguilher). Yves Suarez mentionne que, dans le
but de surveiller la paroisse, la municipalité sollicite de la part
de la besiau la nomination d’un second au XVIIIe siècle[3].
Lorsque leur mandat s’achève, les membres de la fabrique présentent une reddition de comptes lors d’une assemblée réunissant le Corps municipal, le curé… Ces dits comptes sont divisés en deux parties, les recettes et les dépenses, et sont contrôlés notamment par les évêques ou les archidiacres au moment de leurs visites pastorales, ceci surtout depuis l’édit d’avril 1695 - excepté dans certaines provinces réunies tardivement.
Ségolène de Dainville-Barbiche précise que ces visites épiscopales, au XVIIIe siècle, sont devenues rares dans les villes épiscopales.
D’ailleurs ces visites épiscopales étaient craintes par les communautés - clergé, jurats davantage - vu que l’évêque est entouré de nombreux personnages particulièrement des domestiques et son équipage. On doit s’assurer de les accueillir « dignement » (arc de triomphe, guirlandes…), de les nourrir, de les loger, d’offrir un cadeau.
Alors les comptes sont présentés à une assemblée générale. Elle rajoute que les fabriques étaient contrôlées par les procureurs généraux des parlements. « Leurs règlements étaient d’ailleurs homologués par arrêts de parlement. »
Les communautés sont tellement démunies, car non contentes
de ne pas posséder de fabriques, elles sont dans l’incapacité
d’entretenir l’église. On l’observe notamment dans le cahier de
doléances d’Arance, l’article 7 :
« Observant encore que la dite communauté se trouve sans
aucun revenu quelconque pour l’entretien du luminaire de
l’église ; qu’il n’en est pas de celle-ci comme de plusieurs
autres paroisses, qu’elles ont une clavette ou fabrique pour
subvenir aux frais du dit luminaire. » La clavette signifiant
« caisse » (clefs = clau en béarnais).[4]
Dans celui d’Assat, on pointe du doigt le seigneur. L’article 14
est bien clair :
« Qu’attendu que les seigneurs sont les premiers habitants, ils
contribueront et seront compris aux constructions et
réparations des églises et des presbytères. » [5]
La communauté d’Angaïs - la fabrique de surcroît - a un
différend avec le chapitre de Lescar au sujet des réparations
de l’église vu qu’a priori celui-ci ne veut rien entendre et que
cela dure près de quatre années. Dans l’article 4 de ses
cahiers de doléances, il est marqué : « Il sera exposé que la
foudre écrasa l’église et le clocher, le 18 janvier 1785, que la
communauté s’est ruinée à en réparer le dégât, qu’elle ne
trouve aucun secours, que le chapitre de Lescar, à qui il a été
demandé quelque contribution, à raison d’un droit de dîme qu’il
possède depuis un temps immémorial dans ce lieu, a répondu
ne pouvoir ni devoir rien faire , attendu que la fabrique devait
fournir, qu’elle a environ dix pistoles de rente, puis ledit
chapitre, par une suite de zèle pour la décoration des églises,
détermina de donner 6 livres ; encore ne tomba-t-il pas
d’accord, puisqu’elles n’ont jamais été envoyées ni savoir
quand. »
Les paroissiens se devaient de fournir un logement au curé, le presbytère et de verser la dîme vouée à son entretien mais dont la majeure partie était détournée soit par l’évêque, soit par l’abbé ou encore par un laïque, ne subsistant pour lui que la portion congrue.
Pour ce qui concerne le logement du curé, il doit être
« convenable » (article XXII de l’édit royal d’avril 1695), si cela
est impossible, les paroissiens sont tenus de payer « le loyer
de la maison qu’il occupe, & d’en avancer les deniers ». [7]
Par contre, si le curé a l’intention d’en « veut bâtir un plus
considérable pour sa commodité ou pour son plaisir, les
Paroissiens ne sont pas obligés l’entretenir. »
Le bâtiment doit être meublé et, par conséquent, « convenable », ces critères sont imposés par plusieurs édits royaux datés de 1579 (ordonnance de Blois, article 52), 1684 et 1695 (article 22).
Les obligations imposent aux communautés d’entretenir la nef des églises (le chœur à la charge des décimateurs), la clôture des cimetières, le logement des curés. Ces derniers sont tenus d’assurer l’entretien « courant » (montant pouvant s’élever à 200 livres au XVIIIe siècle) alors que le presbytère est dévolu aux paroissiens.
On préconise que le curé doit bénéficier au moins de deux chambres équipées de cheminées, d’un cabinet de travail, d’une cuisine, d’une cave, d’un cellier, d’une cave et des annexes comme l’écurie.
Une servante, âgée de plus de cinquante ans, entretient son logis.
Jean Tucat, dans sa monographie sur Pontacq, nous a
dressé des comptes de la communauté sur les frais
occasionnés par des enterrements. En ce qui concerne une
femme indigente, le cercueil en bois est revenu à 4 livres 4 sols
et 6 deniers, les clous à 3 sols, le creusement de la fosse à 10
sols, les 12 pans de corde pour le cercueil à 2 sols et
la « façon du Cercueil ». Le total s’élève à 5 livres 9 sols et 6
deniers. Pour ce qui est celui d’un enfant, l’enterrement revient
à 2 livres et 6 sols (sonneur à cloche = 5 sols, fosse = 5 sols,
cercueil et planches = 1 livre, façon = 8 sols, 2 cierges et 15
clous à tête = 8 sols). [8]
En dehors des paroisses de petite dimension, les curés sont aidés par d’autres prêtres nommés vicaires. Ce sont eux qui les nomment et les rémunèrent en leur allouant une portion congrue d’un montant inférieur à la moitié de celle qu’ils perçoivent eux-mêmes.
Pour l’épauler, on l’a vu, le curé a un assistant, le marguillier, qui a la responsabilité de s’occuper de sonner les cloches, de louer les bancs aux fidèles, d’acquérir le vin de messe, les hosties… De ce fait, ils nomment les enfants de chœur, les bedeaux, Cette tâche peut être dévolue également à un sacristain.
A Mirepeix, Yves Suarez énumère d’autres individus autres que les marguilliers, ayant des charges bien spécifiques, le « chanteur d’église », le « sonneur des cloches ». De plus, la communauté nomme et rémunère une famille dans le but de faire « le pain à chanter » - « récompense régulière du chantre ».
A Nay, c’est l’un des régents présents dans la localité qui est
organiste ou chantre.
Dans ses fonctions, il faut ajouter que c’est lui qui enseigne le
catéchisme aux enfants et de les surveiller lors des offices
comme le rappelle la délibération en date de 1756 : «… veiller
sur leur conduite pendant les offices-divins et de les tenir
rangés aux processions se tenant luy meme en leur bancq pour
leur imposer par sa présence et les contenir. » [9]
A Montaut, les jurats nomment les responsables qui ont la
charge d’entretenir l’église et ses biens. Outre la nomination
d’un ou de deux marguillers, ils désignent celui qui est chargé
de distribuer le pain béni lors des messes du dimanche et du
ramassage des dons en vue de la célébration de messes pour
les défunts.
Egalement, leur rôle est de nommer le carillonneur, sa fonction
ne consiste pas seulement à sonner l’angélus, les messes, les
mariages, les baptêmes… mais aussi d’ensevelir les morts
après avoir creusé leurs tombes au cimetière Saint-Hilaire,
nettoyer le sol de l’église en terre battue tous les quinze
jours.[10]
Ces différentes tâches sont rétribuées modestement, mais comme le souligne le registre il est de coutume de pratiquer des « enchères ».
Quelques rétributions sont notées. Le 3 mars 1777, il est
consigné sur le registre que le marguiller est payé 4 livres (et
pour augmenter ses gains, il est aussi noté qu’il doit blanchir,
repasser le linge d’église pour un montant de cinq livres en
plus), quant au carillonneur son salaire s’élève à 6 livres .[11]
Comme le rappelle Ségolène de Dainville-Barbiche, les fabriques opèrent également dans la gestion d’institutions liées à l’église paroissiale : « assistance aux pauvres, confréries, écoles. »
D’après Emile Sévestre, les fabriques sont attaquées à la veille de la Révolution. En effet, selon lui, dès 1787, les municipalités sont à l’œuvre, suivies des comités nationaux de 1789. Le 14 décembre 1789 l’article 50 de la loi municipale votée par l’Assemblée nationale constituante précise que l’autorité municipale rurale doit administrer « les biens et les revenus communs des paroisses ».
Les municipalités révolutionnaires chercheront à accaparer leurs attributions religieuses. En 1803, les fabriques deviennent de véritables établissements publics et cela va perdurer jusqu’en 1905, date de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat qui mettra fin à leur existence.
L’assistance des pauvres
La paroisse, depuis le Moyen Age, a comme mission également d’assister les pauvres, d’entretenir les locaux liés au culte à travers la fabrique.
Elle alimentait un esprit de clocher. L’endogamie, les liens quotidiens entretenus entre les habitants, la mémoire collective, les rites religieux effectués en commun, les travaux effectués ensemble, l’entraide contribuaient à développer cet esprit.
Ségolène de Dainville-Barbiche note que « Des quêtes, des dons, les revenus de fondations, alimentaient les secours distribués aux pauvres domiciliés sur la paroisse. »
Elle procurait des avantages comme la charité envers les nécessiteux, mais également entretenait des relations de dépendance entre les notables et les autres, des surveillances, des conventions contraires aux bonnes mœurs…
De nombreuses paroisses, tant dans les villes que dans les
campagnes, destinent une partie de leurs revenus à
l’assistance des pauvres. Des bureaux de charité sont alors
chargés de les gérer. On y trouve le curé, souvent des femmes
désireuses de consacrer de leur temps pour aider leurs
prochains jouant le rôle de trésorières ou Procureures de
charité. Le curé préside les assemblées, recueille "les
suffrages, à la pluralité desquels doivent se faire les
délibérations ; & et en cas de partage d’opinions, il a la voix
prépondérante. En l’absence du Curé, c’est à l’ancien des
Marguilliers à y présider… ». [12] Les marguilliers, selon le
même auteur, qu’ils soient récemment ou anciennement
nommés, « doivent être invités ». Le « Seigneur » dans
certaines paroisses rurales y assiste, mais peut également
présider les séances.
Le même auteur signale que les assemblées générales de charité dans les paroisses rurales - de même que les assemblées ordinaires - sont « composées du Curé, des Seigneurs & dames du lieu, (s’il y en a) ainsi que du Juge & du Procureur fiscal, lorsqu’ils demeurent sur le lieu, ou qu’ils veulent y assister ; du procureur de charité, des Marguilliers, tant en charge qu’anciens, & des principaux habitants… ces assemblées seront préalablement indiquées au prône de la messe paroissiale le Dimanche précédent. »
Ségolène de Dainville-Barbiche note que l’assistance paroissiale s’est généralisée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle du fait des actions de ministres réformateurs comme Turgot, Necker ou d’intendants.
Les séances ont lieu communément dans les presbytères « ou autre lieu destiné à cet effet ».
Jousse nous informe que dans certaines grandes paroisses, il
peut exister deux assemblées de charité, l’une composée
d’hommes de « considération… de condition honnête » tels
des marchands, des officiers de justice…et l’autre de « Dames
de Charité » c’est-à-dire « des dames & demoiselles de piété,
qui sont aussi choisies par les Dames de cette
assemblée. » [13]
Dans ce cas, c’est la « compagnie des messieurs de Charité »
qui « administre tous les revenus des biens appartenans aux
pauvres, & c’est elle qui règle dans ces assemblées, de quelle
manière la distribution des aumônes aux pauvres honteux de la
Paroisse doit être faite, & de quoi doivent composées lesdites
aumônes. » Quant à la « compagnie des Dames de Charité »,
elle est en charge de «… de tout qui concerne l’assistance & le
soulagement des pauvres malades de la Paroisse, et de
l’assistance des Enfans au lait & à la farine, & de la distribution
des linges, lits, habits, meubles & autres choses qui par l’usage
& la bienséance ne peuvent être administrées que par elles."
Ces Dames de la charité se soucient d’aider les pauvres, les infirmes, les malades. Les revenus proviennent des quêtes effectuées lors des messes et des troncs ou des assemblées des charités.
A Montaut, un officier municipal est chargé de gérer le bureau
des pauvres, il porte le titre de « trésorier des pauvres ». Un
dossier au titre « Pièces de comptabilité du bureau des
pauvres » nous renseigne. Le trésorier, aux côtés du
curé, a pour fonction de trouver l’argent et de recenser les
miséreux. Ces sommes proviennent, comme on vient de le voir,
de quêtes procédées lors des cérémonies comme le mariage,
les messes, mais aussi de souscriptions de la part d’une partie
des membres de la communauté s’engageant à donner de
l’argent. Ce dossier nous informe des raisons de ces dons,
voici quelques exemples : « 4 livres à un malade dont il a
besoin pour son bouillon, 4 livres à un homme dans le besoin
pour acheter une culotte,… 9 livres à un affligé de la vue
pour aller consulter un médecin à Tarbes… ».[15]
L’argent peut être utilisé pour fournir du pain par le biais de cartes distribuées. La distribution est pratiquée par le boulanger aux pauvres. Ces subsides permettent également d' effectuer des distributions de bouillon, du vin, du lait, des vêtements, des médicaments, du bois, mais aussi de l’argent.
L’assemblée de charité a le pouvoir de donner ou de « retirer »
l’assistance. En effet, il n’est pas permis d’assister les pauvres
« adonnés au vin ou à la débauche, les jureurs &
généralement ceux & celles qui seroient de mauvaises
mœurs, ni pareillement ceux qui négligent d’envoyer leurs
enfants à l’école, aux catéchismes & instructions. » [16]
Jousse rappelle qu’il est parfois nécessaire de lever une taxe
sur les paroissiens (même le curé) lors des disettes ou des
famines lorsque les biens consacrés à la Charité ne suffisent
plus.[17]
Exemple de Montaut.
En 1785, le curé de la paroisse Pommez adresse un courrier
au trésorier des pauvres Matardonne-Bergé afin d’assister des
nécessiteux « Vous paierez trente six livres deux sols aux
débiteurs de votre rôle de recette, scavoir, sept livres,
treize sols à Mateu, trois livres quatre sols à Clariot, sept
livres, quatre sols à bergerot, cinq livres, quatre sols à Seriso,
trois livres, sept sols à Soubiran et sept livres à Boué. Etant
donné leur misère. » Viennent ensuite les signatures des
jurats. [18]
Les écoles paroissiales
L’enseignement élémentaire, dispensé dans les écoles par des maîtres (ou régents) ou maîtresses, est surveillé par le curé de la paroisse. Deux mesures, l’édit d’avril 1695 et la déclaration du 13 décembre 1698 (plus tard en 1724), ont soin que les écoles paroissiales se multiplient à travers le royaume, notamment dans le but d’éradiquer le protestantisme. Mais l’effet est loin d’être acquis, toutes les paroisses ne sont pas pourvues de ces écoles gérées par les fabriques.
Si la paroisse n’a pas pu recruter un laïc en tant que régent, c’est le curé ou le vicaire qui se charge de l’instruction.
En ce qui concerne les écoles de charité, Jousse écrit que l’on distingue celle pour les garçons pauvres et celle des filles pauvres. Le curé est responsable de l’éducation, du choix des livres, de l’incitation d’assister aux leçons. Les biens consacrés sont gérés par les marguilliers.
A l’opposé des personnalités opposées à l’instruction
obligatoire comme l’Intendant d’Etigny, une lettre d’un
desservant du diocèse d’Oloron datée du 25 mars 1737
démontre que des curés pensent le contraire. « Cet intendant
a défendu, dans certaine paroisses du diocèse, de lever une
modique somme d’argent sur les habitants pour payer les
gages des maîtres d’école. Cette défense est directement
opposée aux dispositions de la déclaration du roi, du 14 mai
1724, qui permet de lever sur les habitants des paroisses
jusqu’à la somme de 50 écus pour ces gages. L’intendant dit
que les curés suffisent à instruire les enfants de leur religion.
Mais les curés ne peuvent tout faire. L’intendant trouve
que, par le moyen de ces maîtres d’école, grand nombre
d’enfants à lire et à écrire, ce qui aide à en former des
praticiens qui désolent les paroisses, et que, d’ailleurs, ceux
qui savent lire et écrire regardent la culture des terres comme
au-dessous d’eux. Mais ce n’est pas dans les petites écoles
que se forment les patriciens, c’est chez les procureurs des
villes et des bourgs ; et, à l’égard des laboureurs, ils n’en
seraient pas moins assidus à leurs travaux quand ils sauraient
tous lire et écrire. Il est certain que la moitié de ceux qui font
cette profession en Béarn savent fort bien lire et écrire et qu’ils
ne sont pas d’avis pour cela de laisser leurs terres incultes ». [19]
Des exemples:
Prenons d’abord celui de Billère.
Lorsqu’il décrit la localité, l’abbé Bonnecaze écrit : « Ce village
qui est petit ne fait qu’un soldat pour la milice. Sa situation est
un peu aquatique et malsaine, excepté quelques maisons et
l’église qui sont sur une éminence. Billère a pour
patron Saint Laurent, diacre et martyr, et que le 10 août, jour
consacré par l’Eglise à ce saint lévite, attire chaque année,
dans cette paroisse, un grand concours de fidèles . On y
accourt de Pau et de tous les environs pour invoquer
ce glorieux martyr. Parfois, de véritables prodiges s’opèrent
dans cette église en faveur de ceux qui vont y prier le saint à
qui elle est dédiée. » [20]
Son statut de paroisse naît au VIIIe siècle sous le patronage de Saint-Laurent. Ce diacre de l’Eglise de Rome - est responsable des biens - est né en Aragon entre 220 et 225, exactement à Osca. Il meurt en martyr à Rome en 258. Par suite de l’édit de persécution de l’empereur Valérien prohibant le culte chrétien, il est arrêté et condamné à être brûlé vif sur un gril sous le pape Sixte II. On le représente soit tenant un gril dans sa main, soit couché dessus. Il est un des saints les plus célèbres du Moyen Age. Pierre et lui étant les saints patrons de Rome, ceci explique que l’on donne son nom à des communes, rien qu’en France on en dénombre 84. On lui prête le pouvoir de guérir les brûlures. Dans le village de Denguin, l’église Saint-Pierre renferme une copie d’un tableau de Rubens daté de 1622 représentant son martyre. Sa fête s’effectue le 10 août.
La première paroisse de Billère date probablement du Xe bien que l’historien Pierre de Marca remonterait plutôt son existence au XIIe siècle d’après les documents qu’il a compulsés. Elle est rattachée au diocèse de Lescar. L’église qui nous apparaît actuellement présente des éléments anciens de construction du XIIIe siècle. Son plan est simple, une simple nef avec un bas-côté méridional se terminant par une abside. La sacristie, construite en 1687, se positionnait à l’Est du bâtiment, tandis que l’entrée se pratiquait, à la même année, sous un porche situé à l’Ouest, où un mur-clocher à pignon fut élevé au XIXe siècle. Le premier cimetière se localisait au sud de l’église, ceci jusqu’à la fin du XVIIe siècle, époque à laquelle on décide de le remplacer par un autre au nord de l’église. Le presbytère se trouve en face de l’église.
Les curés de Billère sont des congruistes (ne reçoivent que la « portion congrue » ou diminuée) de la dîme qui est perçue par le chapitre de Lescar et les Barnabites localisés dans la même cité. Ils sont assistés par des vicaires, ce qui démontrent une relative aisance de la communauté des paroissiens.
Les curés dont nous avons de nombreux renseignements pour la période qui nous intéresse se nomment Louis de Serreseque qui officia de 1692 à 1736, Guillaume Sepe , ancien secrétaire de l’évêque de Lescar et Jean Casassus qui sera le dernier curé de la commune sous l’Ancien régime, exactement en 1791. Il s’avère qu’il acceptera, lui et le vicaire, un dénommé Baylou ou Baïlou originaire de Nay, de prêter serment à la Constitution civile du clergé. On a gardé de lui le serment prêté le 28 janvier 1791 : « Après avoir fait le signe de la croix, je déclare, curé de Billère, que je professe et fais professer à mes paroissiens la religion catholique, apostolique et romaine, hors de laquelle il n’y a pas de salut et dans laquelle je désire vivre et mourir et que je serai fidèle à la nation, à la loi, au Roi et à maintenir la Constitution. Ce 28 janvier 1791. » Sur sa tombe, on peut lire ces mots : « Cette sépulture a été faite en 1787. Ainsi passe la gloire du monde. Le pasteur de ce lieu ne vit plus. Jean Casassus est enterré en ce lieu ténébreux. Brebis, priez pour lui. » Il est nécessaire de corriger la date du décès qui a eu lieu en réalité le 18 octobre 1791.
Par la suite, un franciscain prend la relève, Larroche. On sait
de lui qu’il fut chapelain de la confrérie des Pénitents gris de
Pau, qu’il ne vint pas s’installer à Billère, mais qu’il résida à Pau
où il mourut en 1803. L’église Saint-Laurent perd alors son
statut puisqu’elle dépend de celle de Saint-Martin de Pau. La
fabrique, elle-même, est supprimée en conformité des lois du
19 août 1792 et du 3 novembre 1793. Plus haut, on a
mentionné le rôle des marguilliers. A Billère, le marguillier,
par exemple un dénommé Pierre Barrère [21], afferme
le revenu de la fabrique pour trouver des subsides à quoi il faut
ajouter les quêtes opérées lors des messes le dimanche et les
jours de fêtes religieuses. Son budget doit être supervisé par
les jurats billérois.
Nous possédons un document en ce qui concerne la cité au
sujet d’une action de la part de la fabrique consistant à la
réparation du presbytère, ceci en date du 10 janvier 1780. Les
travaux concernent les murs nécessitant d’être soit recrépis
soit refaits comme celui attenant à la cheminée, la charpente et
sa couverture, la mise en place d’une clôture. [22] Ils sont
étudiés par l’ingénieur Duchesne qui avance un montant qui
s’élève à 436 livres 15 sols. Ils sont cautionnés par
l’Intendant de la Généralité d’Auch Gabriel Isaac Douet de La
Boullaye.
En 1783, autre décision de la paroisse de Billère, l’installation d’une cloche : « l’an 1783 et le 3 septembre a été fondue dans la grange du sieur de Caplane par un espagnol nommé Philippe la grande cloche, en présence des jurats, du sieur curé et de presque toute la paroisse. »
Le 6 septembre de la même année, on procède à sa
bénédiction et on lui donne comme nom Vincent et Victoire.
Les parrains sont Victoire d’Assat, habitante de la localité et le
baron de Gabaston et conseiller au Parlement de Navarre
Vincent de Noguès.[23]
Le presbytère est vendu comme bien national en 1796 aux citoyens Pradel et Dabbadie.
Ces prêtres veillaient avec la fabrique à entretenir le lieu de culte.
Dans le registre paroissial concernant le XVIIIe siècle, le curé Louis de Serreseque annote à la date du 24 septembre 1729 : « Du 24 septembre 1729, j’ay fait achepter et travailler aux dames religieuses de Notre Dame de Pau des ornements complets, l’un blancq, l’autre noir et quatre corporaux avec leur dentelle. »
La paroisse et la communauté villageoise peuvent vivre des
relations conflictuelles comme dans le village de Mirepeix.
Yves Suarez, auteur d’une monographie portant sur la localité,
démontre que la communauté a cherché à supplanter son
autorité sur celle de la paroisse. Il écrit qu’elle a profité de
l’ « absentéisme seigneurial » afin de « bâtir la maison
commune qui supplanta l’église dans la vie du village ». Il
rajoute que c’est la communauté qui prévaut vu
que c’est elle qui « supportait tout le poids financier »
(« rétribuait la célébration de nombreuses messes »…) et, de
ce fait, surveille « de près le sieur curé. Il se méfiait de cet
habitant singulier dont l’ascendant sur les fidèles était grand.»
Ségolène de Dainville-Barbiche écrit, à ce sujet, que du fait que les curés administrent les paroisses avec des laïcs, il est indéniable que des conflits éclatent entre eux « portés auprès des évêques, ou des cours royales par voie d’appel comme d’abus. »
La rémunération du curé, un dénommé Jacques Lacroix, en
1681, s’élève au « quart des droits décimaux de ladite paroisse
de Mirepeix » ce qui correspond à « dix un, savoir du gros
grain, millet, lin, agneaux et laine ». [25]
Un incident se poursuit quelques années plus tard lorsqu’un curé « prétentieux » se montre exigeant pécuniairement. En effet, il impose « six livres par année pour fournir le pain des hosties » ce qui entraîne la réaction des syndics Jean de Suberbielle et David de Rangole qui « ont poursuivi l’instance qui avait été formée par le sieur curé… ». Ceci se passe le 13 décembre 1725.
[1] - Durand de Maillane, Dictionnaire canonique et de pratique bénéficiale, article Fabrique, Tome 1er,
Imprimerie Jean-Baptiste Bauche, Paris, 1761.
[2] - A.D.P.A., Montaut BB1.
[3] - Suarez Yves, Mirepeix, la vitalité d’une communauté béarnaise au XVIIIe siècle, Revue de Pau et
du Béarn, n° 10, 1982, p.170.
4] - Cahiers de doléances d’Arance, BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.306.
[5] - Cahiers de doléances d’Assat, BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.318.
[6] - Cahiers de doléances d’Angaïs, BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.294.
[7] - Jousse Daniel , Traité du gouvernement spirituel et temporel des paroisses, chez Debure Père,
Saint Paul, 1769, p. 19.
[8] - Tucat J, Histoire de la région de Pontacq (Béarn et Bigorre) de 1701 à 1789. Notes et
documents », éditions Lacrampe , Lourdes, 1951, p 28.
9] - A.D.P.A., Nay BB 14 f°9.
[12] - Jousse Daniel, op. ci.t, p 223.
[13] - Idem., p. 226.
[14] - Idem., p. 227.
[15] - A.D.P.A., Montaut, BB2.
[16] - Jousse Daniel, op. ci.t, p 219.
[17] - Idem., p 239.
[18] - A.D.P.A., Montaut, CC7.
[19] - Arch. Nat°., G 8 643, lettre du 25 mars 1737.
[20] - Abbé Bonnecaze, Etudes historiques et religieuses du diocèse de Bayonne, Année 1900 .p.130.
[21] - AD.P.A. , III E 3026, f° 187. Année 1788.
[22] - A.D.P.A., C 72.
[23] - Arch com., Billère GG2.
[24] - Mirepeix, la vitalité d’une communauté béarnaise au XVIIIe siècle, Revue de Pau et du Béarn,
n° 10, 1982, p.170.
[25] - A.D.P.A., B 909.