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Par Michel64a le 17 Juillet 2020 à 17:03
POPULATION BEARNAISE AU XVIIIe SIECLE
(données démographiques française et béarnaise-nuptialités)
Abordons la population béarnaise au XVIIIe siècle parallèlement à celle du royaume de France
1) La population française
En France, si on fait le décompte de la population, en 1789, il y a 28,5 millions de Français (22 millions sous le règne de Louis XIV) dans les frontières actuelles (27 millions dans les frontières d'alors). C’est le pays le plus peuplé d’Europe, bien que sa part relative ait baissé. En effet, la population européenne double. La densité moyenne est de l’ordre de moins de 40 habitants au km2 (actuellement, 117,85) ce qui nous apparaît aujourd’hui faible, mais à l’époque le sentiment était le contraire. Olivier Chaline 1 écrit, au sujet de la croissance démographique française : « Après les dures années 1694-1710, la croissance commence avec la rigoureuse récupération des années 1710-1740. « Vers 1750, la population est de 24,5 millions… La poussée démographique se poursuit avec l’arrivée au mariage de classes d’âge pleines, tout en se heurtant après 1775 à des conditions économiques de nouveau moins favorables. » Ce constat fait, il est à noter qu’il faut compter avec des situations régionales dans lesquelles elles sont moins bonnes, comme la Provence et l’Ouest.
La grande majorité d'entre eux sont composés de ruraux, 22 millions (soit 80 à 85 %) et parmi eux, on dénombre 18 millions de paysans. Ces derniers ont un désir croissant de détenir des terres (alors qu’aujourd’hui disparaît chaque année l’équivalent d’un département), de plus, ils n’obtiennent guère de rendements élevés à cause de l’utilisation encore importante d’instruments agricoles traditionnels (malgré des progrès enregistrés), tout cela se heurte à une croissance démographique certaine créant des frustrations notamment lorsqu’il s’agit de toucher aux communaux. Comme le souligne Pierre-Yves Beaurepaire 2 …la croissance démographique ne trouve pas nécessairement dans les campagnes les ressources et les terres indispensables à l’établissement pérenne des nouvelles générations. »
En ce qui concerne la population citadine, les localités de plus de 2 000 habitants, les spécialistes dénombrent vers 1725, 16 % de la population totale soit 3 7752 000 citadins, en 1806 elle est de 18,8% soit 5 546 000 individus. Soit une hausse entre ces deux dates de 48 %, alors que l’augmentation de la population rurale est de 15, 1%. De rajouter tout de suite, que cette croissance urbaine a été inégale dans le temps, par exemple à partir de 1775, date à laquelle la crise économique freine cet accroissement. 3 Olivier Chaline 1 date le « démarrage urbain » dans les années 1740. Le même auteur mentionne que cette « augmentation de la population, qui introduit le royaume dans un régime de transition démographique, est due essentiellement au recul de la mortalité et non à une natalité accrue ou seulement stable. »
Le Taux de natalité a baissé, se situant à 35-38 %o, le taux de mortalité reste élevé, quoique lui également en recul.
Au niveau de la composition de la population, si on devait la représenter sous forme d’une pyramide des âges et des sexes, au milieu du XVIIIe siècle, nous aurions une base large (les moins de vingt ans constituant à peu près 40 % de la population), la partie médiane, celle des adultes, englobant la moitié de la population et enfin la partie concernant les personnes âgées fournissant près d'un dixième. Le constat ? La population est plus jeune que celle de nos jours. La différence entre les hommes et les femmes est bien sûr à l’avantage du sexe féminin (surtout à partir de cinquante ans) mais elle est moindre par rapport à aujourd’hui.
En ce qui concerne les villes, si le taux urbain au XVIIe siècle varie entre 35 à 40%o, il diminue pour atteindre les 30 %o au XVIIIe siècle. Les causes sont multiples, la part importante des célibataires (clergé, importance de l’immigration), l’influence des confessions chrétiennes dans l’interdiction des relations sexuelles avant le mariage, le retard de la moyenne d’âge au mariage, la limitation volontaire des naissances…
Si la croissance démographique apparaît relativement importante, elle l’est toutefois moins forte que dans d’autres contrées européennes comme la Russie d’Europe ou l’Irlande… La France n’en regroupe pas moins près de 20 % de la population européenne à la veille de la Révolution.
Tout au long du XVIIIe, la croissance démographique globale en France a évolué. Les démographes constatent d’abord un premier bond de 1720 à 1737 qui s’arrête pour stagner de 1737 à 1745, phase due à une vague d’épidémies, enfin, un second bond s’amorce à partir de 1745-1750 et qui se caractérise par une forte intensité jusqu’aux années 1770-1780 pour se ralentir par la suite jusqu’à la veille de la Révolution encore du fait d’une autre vague d’épidémies.
Pour expliquer cette croissance, on avance la quasi-disparition de la violence et des crises démographiques et par conséquent la baisse de la mortalité à la fois des adultes et des enfants (le dernier cas de peste, par exemple, en 1720, à Marseille entraîne la mort de 40 à 50 000 individus, auxquels il faut rajouter près de 50 000 autres décès en Provence dus à la contagion pourtant circonscrite par un véritable mur composé de soldats). Olivier Chaline précise qu’après 1720, « les crises de mortalité du siècle précédent, avec un effondrement concomitant de la fécondité » disparaissent. D’ajouter, la présence « des mortalités de crise, larvées et durables, liées à la conjonction d’une disette qui prépare le terrain et d’une épidémie. » On peut adjoindre les crises frumentaires, les épizooties, qui heureusement ont moins d’impacts que dans le passé. Ce recul de la mortalité est du en partie à des « petits progrès - dans l’approvisionnement en eau comme dans la santé publique. » Pierre-Yves Beaurepaire 4 rappelle que les progrès de la médecine ont été lents. Il prend l’exemple de l’inoculation qui a été « loin de faire l’unanimité », que l’opinion, le Parlement et l’Eglise s’en sont mêlés.
Qu’en est-il des villes globalement en France ? Au début du XVIIIe siècle, peu de villes excèdent les 30 000 habitants, probablement moins de vingt. Au sommet de la pyramide se détache Paris, capitale « surdimensionnée, longtemps première ville d’Europe occidentale, qui passe de 250 000 habitants vers 1550 à 660 000 vers 1790. » 5 La croissance de la population citadine stagne au début du siècle puis augmente tout au long. Guy Saupin distingue trois grandes périodes « marquées chacune par trois crises ayant provoqué des régressions plus ou moins généralisées. Une longue période d’expansion forte, cassée par les séquelles des guerres civiles et religieuses du dernier tiers du XVIe siècle, s’étend de la seconde moitié du XVe siècle jusqu’au milieu du XVIIe siècle… Le règne de Louis XIV correspond à une phase de quasi-stagnation dans laquelle les dernières décennies, où s’accumulent les plus graves démographiques, viennent gommer les faibles gains obtenus dans la première moitié grâce à un élan faiblissant hérité de la phase antérieure. Le règne de Louis XV renoue avec l’essor urbain, d’abord lentement, puis de manière de plus en plus affirmée jusqu’au ralentissement sous le règne de Louis XVI et surtout une désurbanisation provoquée par tous les troubles de la Révolution. De 1725 à 1789, la population urbaine s’est accrue de 41,8% quand la population n’augmentait que de 15,1% »6
La croissance urbaine démarre véritablement dans les années 1740. Cette hausse concerne surtout les villes qui connaissent un développement économique et commercial, notamment les ports. Bordeaux, par exemple, vers 1715, était peuplé de 45 000 habitants (55 000 selon J-P. Poussou 7), en 1790, sa population atteint les 109 499 unités.
La taille des villes dépend également de leur croissance économique. La cause principale de cet essor réside dans l’exode rural plus que dans l’accroissement naturel. Bordeaux accueille 40 à 50 000 personnes durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Sans cette immigration, certaines villes auraient même subi des conséquences démographiques négatives, car connaissant un déficit naturel. Il est à citer le cas de Chartres où la courbe de la natalité est inférieure à celle des décès. Si la ville voit sa population stagner à 13 000 habitants durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, elle le doit à l’immigration. L’aire d’influence s’élargit pour plusieurs d’entre elles, toujours en citant Bordeaux, si dans la première partie du XVIIIe, elle attire des gens de l’Aquitaine, dans la seconde partie, c’est de la France de l’Ouest. Cette venue de migrants est une « chance » mais aussi source de problèmes comme la criminalité. J-P. Poussou écrit, pour Bordeaux, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, que « les filles mères, les mendiants et les petits criminels sont en majorité de jeunes immigrants ». 8 De nombreux pauvres, des individus au chômage sont attirés par la ville, synonyme pour eux de travail, de secours alimentaire, notamment par le biais des couvents, de logement dans les hôpitaux... Cette baisse des naissances dans les villes est due à de nombreuses causes, les « funestes » secrets » déjà mentionnés, le fait de donner à une nourrice le soin d’allaiter le nouveau-né (certaines nourrices pour « rentabiliser » leur fonction n’hésitaient pas à donner leurs seins à plusieurs bébés en même temps). Pour Guy Saupin, Bordeaux, premier port de France, « ne draine que 10 % de l’excédent naturel de sa zone d’influence la plus large, il en capte plus du tiers dans sa généralité érigée ainsi en bassin démographique de forme étoilée par adaptation aux flux de circulation le long de toutes les rivières. Toutefois, cette aspiration empêche l’existence de villes de niveau intermédiaire. On passe directement de 110 000 habitants de Bordeaux aux 12 000 à Bayonne, 9 000 de Pau, 8 000 à Oloron et 7 000 de Tarbes. Dans ce second rang de villes de taille égale, les zones d’attraction demeurent presque imperméables et vont même jusqu’à se repousser, introduisant ainsi dans leur dessin des déformations qui s’ajoutent aux causes géographiques. C’est particulièrement visible dans les cas de bicéphalie comme … Pau et Bayonne… »9
Les villes sont des lieux où les mœurs évoluent davantage qu’à la campagne. Les enfants abandonnés, la naissance d’enfants illégitimes et la prostitution en sont des exemples. Paris dénombre probablement 40 000 prostituées pour une population de 575 000 habitants durant le règne de Louis XV.
Les enfants abandonnés sont également de plus en plus nombreux, un seul exemple, Toulouse où le taux est de 10 % durant la première partie du XVIIIe siècle pour gravir à 17% dans la seconde. (voir la seconde partie)
La mortalité, comme on le verra ultérieurement (voir la troisième partie), n’est plus consécutive de la famine et d’autant plus en ville. Dans les villes la mortalité urbaine varie entre 35 à 40 %o, mais elle tend vers une diminution. Guy Saupin écrit : « Les taux de mortalité urbains ont facilement tendance à être supérieurs à ceux des campagnes car la ville se révèle structurellement plus dangereuse, tant à cause des records d’entassement atteints dans certains quartiers que des effets mortifères de la mise en nourrice des très jeunes enfants. La concentration des hôpitaux contribue par ailleurs à gonfler, en partie artificiellement, le nombre des décès. »10
Les villes sont au XVIIIe siècle mieux ravitaillées que précédemment, les marchés sont mieux fournis (les pauvres sont secourus par les pouvoirs royaux ou municipaux, même si le grain est cher, surtout vers 1788-1789, on ne meurt pas de faim). Par contre, les maladies (variole, rougeole…) et les épidémies sont responsables de nombreuses morts. Plus de peste, comme cela a été dit, mais le manque d’hygiène, le climat (étés chauds …) provoquent la dysenterie, les fièvres, la promiscuité… On note toutefois que la mortalité a baissé grâce à quelques progrès dans l'approvisionnement en eau dans la médecine dite "aériste"... La densité médicale est plus forte qu’à la campagne.
En ce qui concerne les types de ménage, le plus fréquent est celui que l’on qualifie de « famille nucléaire » ou conjugale correspondant aux parents et aux enfants (davantage localisée dans la France du Nord et dans les villes), puis la « famille élargie » ou la famille-souche (notamment dans le Centre, dans l’Ouest) constituée de deux générations soit le couple, les enfants, les grands-parents, les oncles, les tantes, les neveux..., les « familles multiples » ou familles étendues composées de plusieurs couples et dominée par un patriarche ou encore les familles complexes regroupant des parents remariés, d’enfants, des neveux, des cousins...11 Globalement, la taille moyenne des familles est relativement réduite (en moyenne 4 ou 5 enfants) mais de nombreux facteurs interfèrent (géographie, le type de famille comme on vient de l’étudier...).
Pour terminer, abordons une des catégories qui nous intéressent plutôt puisqu’elle nous concerne la famille liée à la « maison » (« ostau »). On 12 la trouve dans les régions occitanes, ce qui la caractérise le plus est l’indivisibilité du patrimoine expliquant la prééminence de l’aîné, l’établissement de règles de succession contraignantes obligeant le cadet à rester et à se plier à l’autorité de frère aîné ou à partir.
2) La population béarnaise
a- un accroissement démographique modéré
Quant au Béarn, signalons que les recensements et les dénombrements opérés au XVIIIe sont difficilement exploitables, d’une part, parce qu’ils sont rares et, d’autre part, car ils sont à manipuler avec précaution.
Premier constat, l’accroissement démographique est modéré si on le compare au reste du royaume français, il est plus palpable dans la seconde moitié du XVIIIe. Christian Desplat 13 cite le chiffre de 31 080 unités d’augmentation entre les chiffres donnés par l’Intendant Pinon 14 en 1695, soit 198 000 personnes et ceux donnés en l’an X (1801) par la Statistique du Département des Basses-Pyrénées, 229 000 habitants. 15 L’auteur ajoute que cette croissance s’est opérée en faveur de Pau. Il précise que les Béarnais « semblent avoir volontairement limité les dimensions de leurs familles », il juge ce comportement « acceptable » dans une économie rurale, mais il pointe du doigt la ville « prédatrice » qui absorbe « la substance de campagnes qui persistaient dans leurs anciennes pratiques » lorsque la croissance urbaine s’accélère.
A Bilhères, une mortalité élevée est consécutive, par exemple, en 1774, à des épidémies, notamment à une peste bovine, l’épizootie. Dans le village, sur les 478 têtes de bétail 421 sont touchées. Comme le rappelle Michel Fresel-Losey, la vente du cheptel bovin « représentait l’essentiel du revenu des habitants et les difficultés qui résultèrent de l’épidémie furent encore aggravées par un hiver très dur dont les mercuriales gardent ainsi la trace... ». 16
b- un accroissement urbain béarnais indiscutable
Penchons-nous maintenant sur le phénomène urbain béarnais. Selon Christian Desplat, les villes béarnaises dépassant les 1 000 habitants constituent 20,1 % des Béarnais. Il fait le parallèle entre l’accroissement démographique et l’accroissement urbain, le premier est qualifié de médiocre tandis que le second est indiscutable. Les petites et moyennes villes composent un réseau dense. En 1801, treize localités ont une population supérieure à 1 100 habitants.17 A la fin du XVIIIe siècle, une ville dépasse les 10 000 habitants, c’est Pau (10 438, chiffre datant de 1811), seconde ville béarnaise, Orthez est peuplée de 6 738 habitants, tandis que Navarrenx, elle, compte 1 186 individus. Si on observe la carte des villes et densités régionales en France à la fin de l’Ancien régime dans l’ouvrage de Guy Saupin, le Béarn à une densité de population comprise entre 20 et 30 habitants au km2.18
La ville de Pau, grâce au dénombrement opéré en 1776 sur ordre de l’Intendant Gabriel Isaac Douet de La Boullaye, est peuplée de 7 771 habitants. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes pour plus de la moitié des effectifs. Le recensement de 1811 nous informe que la population a atteint le chiffre de 10 438 individus démontrant une croissance démographique non négligeable. Elle serait due à un solde migratoire positif (notamment à l’exode rural) et à une espérance de vie plus longue des Anciens. Cet apport de population est d’abord d’origine proche, car la cité attire ceux qui sont intéressés par ses fonctions tertiaires, c’est-à-dire administratives et judiciaires, puis le rayon s’élargit jusqu’à atteindre des zones aussi éloignées que les Comminges. La ville voit sa composition spatiale se modifier, le cœur historique voit sa part de population s’amoindrir en rapport avec le reste de la ville, autrement dit sa périphérie, qui accueille ces migrants. Si on se penche plus précisément sur la démographie paloise, quelques constats se dégagent, le nombre de mariages au XVIIIe siècle a quadruplé jusqu’aux années 1780, par contre la courbe des naissances ne suit pas puisqu’elle ne fait que doubler. Ici aussi, comme à la campagne, la pression de l’Église (ne pas se marier durant le Carême… ceci surtout jusqu’en 1760) et de la nature est omniprésente.
Le taux de mortalité des moins de vingt ans évolue négativement. Christian Desplat19 établit une comparaison de différents groupes d’âge et cite ces chiffres entre la première moitié du XVIIIe siècle et la seconde moitié, 52,7 % et 58%. Les explications avancées sont la relativité des progrès médicaux, le « caractère fortement endogène » de ladite mortalité (49,2 % des décès touchent les moins de vingt ans, davantage dès les premiers jours), les effets négatifs se déroulant en été quand la ville subit des problèmes d’ordre sanitaire et de ravitaillement. Ce sont essentiellement les hommes qui meurent avant vingt ans, par contre après soixante ans ce sont les femmes. En 1789, globalement, un quart des habitants de Pau a une espérance de vie de soixante ans, cela n’a guère évolué depuis le milieu du siècle. Si on peut parler de progrès, on peut pointer du doigt non les nouveau-nés, mais plutôt les personnes âgées (seconde moitié du XVIIIe siècle : taux de mortalité des moins de vingt ans : 58%, celui des plus de soixante ans : 25,2%).
La mort fauchait plutôt en été pour les nourrissons. Autre constatation, la part des femmes dépasse celle des hommes. Le dénombrement de 1776 effectué sur ordre de l’Intendance nous révèle les chiffres de 53,3% pour les femmes et de 46,6 % pour les hommes. La cause essentielle résidant dans l’immigration féminine.20
Prenons une autre localité béarnaise, Orthez. Stéphane Minvielle dans un article paru dans les Annales du Midi étudie la ville d’Orthez entre 1730 et 1830. L’étude porte sur une partie comprise entre le quart et le tiers des patronymes orthéziens au XIXe siècle et près de 15 000 actes entre 1730 et 1830. Il ressort que dès avant la Révolution, les Orthéziens limitaient volontairement les naissances. Selon lui, « plus que la région, la taille des communautés et donc leurs particularités socioprofessionnelles seraient le facteur essentiel déterminant les comportements démographiques au moment des premiers signes du tournant malthusien ». 21
Pour ce qui est de la campagne, Michel Fresel-Losey nous a laissé une étude d’un village béarnais, Bilhères dans la vallée d’Ossau. Un recensement a été établi le 1er janvier 1780 et comptabilise 452 habitants. Selon les groupes d’âge établis, l’auteur les répartit, les deux sexes réunis et par proportion pour mille. Les moins de 20 ans sont au nombre de 392 (en France en 1775, 429), entre 20 et 59 ans, 492 (en France, 498) et, enfin, les 60 ans et plus, 116 (en France, 73). La population du village est plus vieille que celle du royaume de France globalement. A la fin du XVIIIe siècle, le groupe d’âge de plus de 60 ans a un taux de 116 °/oo (73 °/oo pour la France). D’après lui, « ce vieillissement ne résulte pas de l’allongement de la durée de vie, mais des effets plus ou moins conjugués du mouvement des naissances et des décès et des mouvements migratoires ». 22
Le même auteur mentionne qu’en 1780, le nombre des décès en moyenne est de 7,7. Ce faible niveau est le résultat d’une mortalité infantile et juvénile peu importante. 16 En détaillant son étude sur la mortalité, il analyse celle des enfants et constate une surmortalité masculine. Pour les périodes de 1740-1779 et 1780-1819, « il meurt 139 garçons pour 100 filles... », alors que le « rapport de masculinité à la naissance s’élevait respectivement à 106, 118... », pour les deux phases. Il précise que la mortalité infantile touche davantage lors de la première semaine, « importance qui varie d’ailleurs avec le sexe et l’époque... ». Pour les deux périodes citées, 54 et 36 % des « garçons décèdent dans les six premiers jours contre seulement 33, 32 %... respectivement pour les filles. » Toutefois, il nuance ses propos en rajoutant que 26 % et 19% (se référant toujours aux deux phases) « des décès ont lieu le jour du baptême ou de l’ondoiement ; or, il est vraisemblable qu’une partie des baptisés ou des ondoyés était en fait des morts-nés. »23 Mais il conclut qu’en France, il existait une diversité des régimes de la mortalité. A Bilhères, « les facteurs endogènes » prédominent alors qu’ailleurs on trouve une situation opposée. Ses conclusions sont que le village a connu un comportement malthusien très tôt (les Bilhériois pratiquaient la limitation des naissances), comme d’ailleurs le vieillissement de la population.
Christian Desplat écrit que les habitants des vallées, grâce à leur bonne alimentation et l’utilisation d’une eau de qualité bien supérieure à ce que les citadins pouvaient espérer, détenaient un taux de mortalité relativement modéré et en diminution, surtout néonatale.
Quant à Billère, étudié par le même auteur, ce dernier nous apprend que le village connaît une croissance démographique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il cite les chiffres du nombre moyen des baptêmes par an de 8,7 à la fin du XVIIe pour atteindre 15,6 vers 1780-1790. Si on aborde le nombre des mariages, ils s’élèvent à deux à la fin du XVIIe, par contre, vers 1780-1790, leur nombre est de 7,5. L’auteur explique cet état de fait par un comportement malthusien « que l’on retrouve d’ailleurs partout en Béarn et en Aquitaine méridionale. » Le village de Billère se modifie pour devenir après 1750 davantage une ville qui commence « à jouer son rôle banlieue ».
Pour finir, le même auteur énonce des progrès comme celui de l’espérance de vie qui devient plus longue, car le nombre de vieillards augmente à la veille de la Révolution. Malheureusement la mortalité infantile reste importante puisqu’il précise que « la moitié d’une classe d’âge avait disparu à l’âge de vingt ans ; les ponctions les plus terribles touchaient les nouveau-nés et les tout petits enfants entre un et cinq ans » alors que le nombre des médecins augmente et que les sages-femmes sont mieux formées. 24
En ce qui concerne les mariages, Christian Desplat dénombre, toujours pour Billère, en moyenne un peu moins de trois par an durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il rajoute que l’augmentation de la population est notamment le fait à la fois de son vieillissement et l’arrivée de nouveaux individus. Il pointe également le phénomène de l’exogamie qui, à la fin du XVIIe siècle, couvrait un rayon d’une quinzaine de kilomètres pour atteindre, à la fin du XVIIIe siècle, une aire plus importante parvenant jusqu’aux Comminges, au Gers (concernant davantage les hommes que les femmes qui restent, par contre, originaires du Béarn). Pour illustrer ses propos, il expose le pourcentage des époux « étrangers » (8 % entre 1693 et 1715, 37% entre 1773 et 1789) et épouses étrangères » (près de la moitié entre 1693 et 1715, 33 %).
Dans les campagnes béarnaises, les conceptions prénuptiales existent, on peut citer le cas du village de Bilhères-d’Ossau pour la période 1740-1779 où on enregistre 12,9 % des premières naissances avant huit mois. Christian Desplat rappelle que le « mariage christianisé » est l’apanage du XVIIe siècle, car « ... universel et respecté avec un nombre de conceptions prénuptiales ou illégitimes très faible. » Par contre, le siècle suivant verra « ...se multiplier les « enfants du clair de lune », les conceptions hors mariages suivies néanmoins du sacrement à l’église, le couple et sa progéniture « sous le voile ». 25
3) les mariages
a- généralités dans le royaume de France
A l’époque moderne, l’homogamie est la norme. Les individus qui se marient ne sont pas très jeunes. Nombre d’entre eux, avant de s’engager, attendent d’amasser un peu d’argent. Dominique Godineau, se basant sur les registres paroissiaux, écrit que « l’âge moyen au premier mariage, d’environ 22 et 24-25 ans pour les femmes et les hommes au XVIe siècle, serait de 25-26 ans et 27-28 ans au XVIIIe siècle » ; il ajoute qu’il faut bien entendu tenir compte « de multiples exceptions, individuelles, régionales… » Après la trentaine, le nombre de mariages décline pour devenir rare après la quarantaine. Les unions des veufs et des veuves prennent le relais. Autres constats, « on se marie plus jeune à la campagne qu’en ville », généralement. Tenant compte de la forte mortalité, « les mariages sont souvent brisés par la mort de l’un des conjoints : leur durée moyenne serait de 10-12 ans au XVIe siècle 15-18 au XVIIIe siècle. » Le « veuvage n’est donc pas synonyme de vieillesse et les remariages sont fréquents : au XVIIe siècle approximativement un « nouveau » marié sur trois serait un(e) veuf(ve) - et 60% après les graves crises démographiques - ; au XVIIIe siècle où la mortalité régresse un peu, ce ne serait « que » un sur cinq ». Il en ressort qu’il « n’est pas exceptionnel, surtout aux XVIe-XVIIe siècles, qu’une personne d’une quarantaine d’années ait été mariée trois fois : la famille d’Ancien régime n’est pas une cellule stable, mais est bien souvent composée d’enfants de plusieurs lits, élevés par un beau-parent. »26
Les lieux de rencontre étaient multiples : les messes, les marchés, les veillées, les travaux des champs (dépouillement du maïs, battages du blé…), les fêtes villageoises, les pèlerinages… Néanmoins, les fêtes villageoises et les veillées ne sont en réalité que des lieux qui facilitent les rencontres, mais il faut compter sur la surveillance des familles et les communautés villageoises. Dominique Godineau écrit que dans les villes « les hommes et femmes du peuple jouissent d’une relative liberté de mouvement, on fait connaissance dans la rue, dans l’immeuble où l’on habite ou travaille, à la promenade, à un bal des faubourgs. Moins il y a de biens et plus la liberté de choix des filles est grande… Les femmes du peuple le disent toutes dans les archives : dans une vie par ailleurs bien précaire, elles attendent du mariage un « établissement », une certaine stabilité économique et affective. »27
Dans le milieu rural, les individus se connaissent depuis leur enfance, on apprécie ou pas les qualités ou les défauts des autres, leurs personnalités, leurs endurances, leurs conditions familiales… A Arrens-Marsous, en Haut-Lavedan, la famille du futur gendre cherche à tester sa force de travail. Elle lui demande de se rendre à pied en Aragon, à Sallent de Gallego et de revenir dans la journée, chargé d’un sac de sel. Sachant que l’aller-retour fait environ 25 kms et qu’il présente une ascension cumulée de 1 130m. Il se réalise aux alentours de 13 heures. La plupart du temps, lorsqu’il s’agissait d’une relation véritablement amoureuse et non pas arrangée comme on le verra plus loin, c’est le garçon qui fait ses avances. Un des procédés utilisés consiste à jeter des petites pierres à la fille. Si elle était consentante, il ne lui restait plus qu’à exprimer son amour au domicile de chez elle (faire l’amour », et de lui demander en mariage, puis, de la présenter dans sa propre famille. Formellement, ils pouvaient alors se rencontrer, notamment chez sa promise. Si c’est le père qui est le demandeur, il fait le premier geste, il se vêt de ses plus beaux habits. Roger Castebon écrit que dans « certaines régions, la réponse est donnée sous forme symbolique. En cas de refus, on recouvre les braises de cendre, en cas d’acceptation, on attise le feu. »
b- Un mariage tardif
On ajoute aux causes de cette croissance démographique un mariage tardif, particulièrement dans les campagnes (d’abord, près d'un dixième des jeunes ne se mariaient pas en ville, 5% à la campagne). Puis ce mariage tardif s’explique soit par des contraintes d’ordre économique soit par le changement des mentalités), une hausse de la fécondité (supérieure à 40 °/oo jusqu’au milieu du XVIIIe siècle puis entreprend une diminution aux alentours de 37-38°/oo) mais différente selon les régions, un léger déclin de l’ (choisir son conjoint à l’intérieur du même groupe) locale qui pousse les jeunes du village à chercher des conjoints un peu plus loin.
Roger Castetbon 28 dans son ouvrage intitulé « Autour du mariage » analyse les mariages endogames et conclut que cela « ne semble pas être la règle générale, en particulier dans les zones de passage, par opposition aux zones fermées comme les vallées de montagne ou les collines de l’entre-deux-gaves ». Il cite une étude sur la paroisse de Lacq durant la période de 1740 à 1791 et constate que, sur 343 couples ayant baptisé leurs enfants, il s’avère que dans 238 cas l’un des conjoints n’est pas né dans la commune, ce qui correspond à 34,7%. Il finit par écrire que « l’on se marie plutôt dans la paroisse de l’épouse » ce qui tend à prouver « que le mariage entre natifs du même village n’est pas la règle absolue… ». Une des raisons réside dans le fait que Lacq est un lieu de passage, effectivement la commune borde le « cami salié ». Plus loin, il reconnaît que ce constat dans une « paroisse enclavé de l’entre-deux gaves ou du Vic-Bilh, ne donnerait pas les mêmes résultats. »
En effet, cette endogamie est en déclin pour plusieurs raisons. Par la surface réduite que représente le village entraînant forcément un potentiel réduit de conjoints libres. On constate une faible endogamie dans les petites localités qui n’offraient guère un effectif important de jeunes à marier et celles qui sont proches de lieux attractifs (travail…). On peut ajouter l’Église qui dresse des interdits religieux.
Le droit canon distingue les empêchements « dirimants » tels le mariage forcé, des limites d’âge correspondant à l’impuberté (12 ans pour la fille et 14 ans pour le garçon fixés par le Concile de Trente puis reportés à 13 ans pour les garçons et 15 ans pour les filles par l’ordonnance royale de Blois de 1579), l’impuissance du marié (prouvé par un examen public), les vœux de chasteté antérieurs, l’existence de vœux de chasteté ou d’un mariage antérieur non abrogé par le décès de l’autre conjoint, l’hérésie, les liens de parenté (ce que l’on nomme la consanguinité portée au quatrième degré canonique) , la parenté spirituelle (parrain ou marraine, filleul ou filleule…)…Ensuite, ce droit canon définit les interdits dits « prohibitifs » tels l’oubli des bans, la célébration clandestine du mariage ou lors de l’Avent et le Carême. Mais ces empêchements sont considérés comme des péchés, par contre ils ne sont pas des motifs de nullité du mariage.Ladite consanguinité est une probable conséquence de l’endogamie géographique, mais également sociale. L’on sait que lorsque se posait ce problème, les conjoints demandaient une « dispense » c’est-à-dire une autorisation accordée par l’Église, notamment l’évêque depuis 1563. Les dispenses étaient établies en deux exemplaires, l’une confiée audit évêque. En 1692, une décision royale ordonne que la dispense soit mentionnée sur l’acte de mariage ou sur le registre paroissial. Le dossier doit comporter l’acceptation de l’évêque, la nature du degré de l’empêchement, un tableau de cousinage… Cela prouve, entre parenthèses, une certaine mobilité rurale. Autre contrainte pour le couple, l’autorisation des parents donnée depuis l’ordonnance de Moulins signée par Charles IX en 1556 dans laquelle il est spécifié qu’une autorisation soit donnée par les parents aux futurs époux de moins de 30 ans et les épouses de moins de 25 ans.
L’épiscopat au XVIIIe siècle, à travers le Rituel d’Oloron, conseillait au sujet des garçons de moins de trente ans et les filles de vingt-cinq ans de ne « …point les marier sans le consentement par écrit de leur père et mère. La prudence exige que quand ils sont majeurs, on leur demande de certifier par écrit qu’ils ont pris conseil de leur père et mère. »
Il est nécessaire de rappeler qu’avant la loi du 20 septembre 1792 votée par l’Assemblée législative instaurant le mariage civil, l’âge légal du mariage des garçons était de 14 ans (15 ans sous la Révolution) et de 12 ans (13 ans sous la Révolution) pour les filles, à travers son article 1er. Dans l’article 2, il est spécifié que la majorité est de 21 ans accomplis. Voici les autres articles inhérents aux différents consentements : article 3 = « Les mineurs ne pourront être mariés sans le consentement de leurs père ou mère, ou parens ou voisins… » ; article 4 = « Le consentement du père sera suffisant » ; article 5 = « Si le père est mort ou interdit, le consentement de la mère suffira également. » A l’opposé, la loi dicte les interdits dans l’article 11 : « Le mariage est interdit entre les parents naturels et légitimes en ligne directe, entre les alliés dans cette ligne et entre le frère et la sœur. » Ecartant le rôle du clergé, c’est un officier d’état civil qui célèbre le mariage. 29
Les mineurs sont, par conséquent, dans l’obligation de solliciter l’autorisation des parents. Roger Castetbon mentionne un exemple pris dans les archives des notaires d’Ortrhez : « Jeanne Lhoste, veuve de David Lahitette, mégissier [spécialiste qui prépare les petites peaux pour les transformer] d’Orthez donne son consentement à son fils David Lahitette perruquier, premier cadet, résidant à Bayonne depuis deux ans, car il a indispensablement besoin de son consentement par rapport à sa minorité. Elle déclare de son bon gré et volonté donner son consentement le plus authentique à ce que son fils s’établisse en mariage au gré de ses désirs. »
A Pau, le mariage tardif augmente entre le XVII et le XVIIIe, ce qui limite bien entendu, comme on l’a vu la fécondité. Christian Desplat 30 écrit qu’entre « 1720 et 1790 le nombre des mariages palois quadrupla, celui des naissances ne fit que doubler ». Puis il ajoute au sujet de l’évolution de la courbe saisonnière de la fécondité : « au début du siècle, les conceptions paloises sont printanières, d’avril à juin, avec une légère reprise automnale d’octobre à novembre », à quoi il faut également adjoindre le rôle mentionné précédemment de l’Église lorsqu’elle interdit le mariage durant quelques périodes comme le Carême… », ceci toutefois jusqu’en 1760. Par la suite, « le couple urbain a contrôlé toujours étroitement sa libido, dans un sens naturellement restrictif ».
Autre constat, les Palois se remarient de moins en moins, les explications données par l’auteur sont de deux ordres, d’une part, le contrôle des naissances et, d’autre part, « les conséquences de nouvelles exigences sentimentales... Les couples… se légitiment moins par la création que par leur amour… ».
A Bilhère-d’Ossau, la moyenne d’âge au mariage est de 27,1 ans pour les hommes et 25, 9 ans pour les femmes durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. 31
En conséquence, les jeunes gens élargissent leur champ d’investigation sur d’autres paroisses avoisinantes (soit une dizaine de kilomètres en général) entraînant comme effet la disparition de maladies congénitales ; dans les villes cette mobilité est plus forte, on constate que la baisse de l’endogamie s’effectue en relation avec l’importance de la ville et de sa vitalité sur le plan économique, enfin, il faut préciser que l’espace matrimonial des hommes est beaucoup plus large que celui des femmes.
Michel Fresel-Losey, dans son étude sur Bilhères-d’Ossau, constate en analysant l’origine des époux une importante endogamie. Sur les 194 noces comptabilisées entre 1740 et 1799, 194 sont originaires de la paroisse, soit 74 %. 33 Quand les conjoints sont étrangers à la paroisse, 50 % d’entre eux sont originaires de deux villages proches, Bielle et Escot. Il détaille plus précisément en ajoutant que « plus de la moitié des conjoints étrangers viennent de paroisses distantes de moins de 10 km et 7 % seulement sont originaires de villages éloignés de 20 km et plus ». Et d’en conclure que cela « illustre le caractère assez fermé de la société montagnarde dans certaines vallées pyrénéennes ». Puis, il note que l’âge au mariage est de 29 ans environ tandis que celui des filles est de 27 ans environ. 33
A noter, que l’on se marie également à l’intérieur de son milieu social, ce que les démographes nomment l’homogamie (en Béarn, plus de 70% des unions se déroulent entre des individus du même milieu). Emmanuelle Charpentier note : « Se marier hors de son milieu est de moins en moins envisagé plus on s’élève dans la hiérarchie sociale du monde rural sauf nécessité de renflouer ses finances, dans le cas par exemple de la petite noblesse, souvent désargentée… Néanmoins, l’homogamie sociale tend à prendre le dessus sur l’endogamie chez les plus aisés : l’important est de se marier dans son estat … quitte à chercher un conjoint un peu plus loin. »34
b- Le mariage : une union de deux êtres qui sont attachés l’un à l’autre ?
Le problème de l’attachement entre les deux conjoints se pose vu les contraintes exercées sur eux par les parents. Dominique Godineau écrit que ce sont, dans la noblesse et la bourgeoisie, les familles qui arrangent le mariage. « Jusqu’au XVIIIe siècle, où les choses changent, on estime que ce qui compte pour réussir une union assortie n’est pas le sentiment mais l’accord des fortunes, du rang, des patrimoines. Le mariage est au cœur des stratégies sociales des (grandes) familles en recherche d’alliances symboliquement ou financièrement intéressantes. » Pour un bourgeois, marier « sa fille à un noble, même peu argenté, est pour un riche bourgeois un investissement aussi intéressant que l’achat d’un office anoblissant ou d’une seigneurie. » Par contre, « dans la mesure où c’est le mari qui donne son titre à l’épouse, une jeune aristocrate ne doit pas se marier en dessous de son rang… » 35
Christian Desplat écrit que dans « les milieux populaires, on ne se souciait guère de ménager les sentiments des futurs conjoints. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, les « pactes » sont fréquemment conclus très tôt, des années avant que le mariage ne soit possible. » Il cite le cas d’un contrat passé en 1580 entre les parents d’une jeune fille âgée de 6 ans et d’un garçon de 10 à 11 ans, « sans aucun libre consentement ?36 Dominique Godineau 37 précise que dans les milieux populaires, « les enjeux socio-économiques existent aussi mains moins lourds et, du moment qu’ils respectent certains impératifs (accord des parents, homogamie), les garçons ont une plus grande possibilité de choix personnels. Celle des filles se limite plus à indiquer, par une série de gestes codés, si tel prétendant leur agrée ou non. »
Ici, les combinaisons matrimoniales se retrouvent dans toutes les couches de la société. Quitte parfois à modifier le contrat par la suite, lorsque les intérêts se font sentir. Ces combinaisons devenant même, selon Christian Desplat « crapuleuses.» On pense aux mariages salisiens. Les adolescents de la localité qui se mariaient en moyenne dès 16 ans selon un mémoire de 1772 vont utiliser un expédient à partir de 1739. Le Parlement de Navarre et l’arrêt du Conseil d’Etat du Roi du 12 décembre 1739 spécifient que : « Une exception est faite pour les particuliers qui, ayant droit, suivant ce qui a été dit, de participer à ladite Fontaine salée, ne résideraient point dans ladite ville de Salies à cause du service qu’ils rendent à Sa Majesté [Louis XV] dans ses armées ou ailleurs, lesquels Sa Majesté a dispensé et dispense de résidence dans la ville de Salies, à l’effet de jouir du compte d’eau salée sans que, sous aucun prétexte, aucun autre particulier non résident puisse jouir, sauf à lui à se conformer aux conditions prescrites par le présent arrêté ». J.Labarthe 38 note qu’il « n’est pas nécessaire de s’encombrer d’une femme. On se marie, on s’engage dans l’armée, et l’on est, de ce fait dispensé de l’obligation de résidence à Salies… Aussi nos militaires recherchent-ils de vieilles femmes, tout en caressant l’espoir d’en être vite débarrassés. Après avoir accompli leur service militaire, les veufs encore imberbes touchaient une somme rondelette qui représentait le montant de leur compte de sauce bloqué pendant leur absence. Ils pouvaient alors, nantis d’une dot intéressante, épouser la salisienne de leurs rêves nocturnes. »
Au théâtre, dans les romans, il est courant de représenter des couples mal accordés. Ainsi, une épouse subit la politique familiale, une autre est contrainte de vivre avec un homme beaucoup plus âgé qu’elle… Parfois, cette situation débouche sur la prise d’un amant. On a vu précédemment, dans les milieux aristocratiques, de la haute et moyenne bourgeoisie, le choix de choisir le gendre ou la « bru » revient aux chefs de famille. Mme de La Fayette raconte que le fils du président du Parlement de Dijon questionne son père : « Est-il vrai, mon père, que vous me vouliez marier à Mlle une telle ? » Son père lui répond : Mon fils, mêlez-vous de vos affaires. » Si la fille n’a « guère au chapitre sinon, au mieux, pour refuser un prétendant qui leur déplaît. Le but du mariage arrangé n’est pas de rendre les enfants malheureux en les forçant à se marier contre leur gré, mais d’empêcher que, livrés à la passion amoureuse, ils fassent un « mauvais mariage » qui entacherait l’honneur et le devenir de toute la famille et ne les rendrait pas nécessairement heureux. »39 Dominique Godineau ajoute que les filles ne sont pas nombreuses à « tenir tête à leur famille, voire braver les lois, pour imposer l’élu de leur cœur. » Pour ce qui est de la « mésalliance », elle est quasiment rare tant il est vrai qu’on ne se fréquentait le plus souvent qu’entre individus du même milieu.
Certains amoureux passent alors outre les convenances et les coutumes. Les institutions penchaient malheureusement en leur défaveur dans la première moitié de la période qui nous intéresse. Le Parlement de Navarre, appelé à trancher sur des différents entre les parents et leurs enfants à Orthez au début du XVIIIe siècle, rejette les requêtes de jeunes Orthéziens. Par exemple, prenons le cas d’une orpheline et mineure, J. de Galèze, qui voit sa demande d’autorisation de mariage en faveur d’un dénommé Camille déboutée. La malheureuse devra également subir « l’enfermement » dans un couvent, celui de Saint-Sigismond à la demande de sa parenté. 40 L’enfermement dans un monastère est le sort connu par Diderot en 1743 à la demande du père, car il avait l’intention de se marier sans son consentement. Cette expérience servira dans la rédaction de « Le père de famille », description d’une formation des unions.
Autre punition affligée, l’exhérédation appliquée depuis l’édit royal de 1556 déclarant interdits les mariages des fils mineurs contre la volonté de leurs parents, reformulée par l’édit royal de Louis XIV en 1677.
Cette pression de la famille peut expliquer ces conceptions hors mariages citées plus haut qui peuvent être vues comme un moyen justement de la rompre.
La justice béarnaise à partir de la seconde moitié du siècle modifie son « point de vue » et donne plus souvent raison aux jeunes. Le même Parlement de Navarre, en 1768, accorde le mariage sans le consentement des parents à six reprises. 41
Il est possible de refuser les choix des parents à la condition de présenter ce que l’on nomme des « actes de respect » que l’on passe devant un notaire. Roger Castetbon42 cite un exemple pris dans les registres notariaux de Morlaàs « d’acte révérencieux pour obtenir l’autorisation paternelle de se marier ». Il concerne un homme âgé de 28 ans. L’acte se réalise devant un notaire et deux témoins. Il écrit : «… combien il est pénible à un fils bien né, qui a toujours eu à cœur de suivre les volontés de son père, d’être forcé de le contrarier aujourd’hui en faisant une alliance qu’il désapprouve, mais à laquelle le requérant se croit engagé par son bonheur et ses serments. » Roger Castetbon ajoute que bien qu’il ait mis les formes dans la rédaction, aidé en cela certainement par le notaire, le père refusa le consentement.
Dominique Gobineau écrit qu’au XVIIIe siècle l’ « image du bonheur familial et conjugal prend une importance nouvelle ; et… pour réussir un bon mariage, il faut tenir compte des sentiments et non plus seulement des convenances ou des arrangements familiaux - qu’il ne s’agit cependant pas d’oublier. » Plus loin, elle distingue la période des XVIe-XVIIe siècle avec celle du XVIIIe siècle, dans laquelle le couple « est plus souvent pensé comme lieu d’harmonie et d’épanouissement personnel. » La même auteure note que « le poids des normes et des conventions sociales est tel que les mariages arrangés ne choquent pas les intéressées du moment que le fiancé ne leur répugne pas ; il faudra attendre que s’affirme l’idée de liberté individuelle pour que l’in dénonce au XVIIIe siècle la « tyrannie des pères » - et que, par voie de conséquence, les mariages arrangés soient plus mal vécus. » Les hommes éclairés « voient dans leurs femmes des compagnes avec lesquelles partager les choses importantes de leur vie. » Néanmoins, il prévient « compagne ne signifie pas égale… il est naturel que l’homme domine et commande dans le couple. » 43
Ce sentiment d’amour, de tendresse se trouve présent également en dehors de la société dite éclairée.
L’amour, l’affection, la tendresse un des trois sentiments, ou tous les trois ensembles, se retrouvent dans un acte notarié de 1722 entre deux individus de classe sociale humble. J. Nougué est un journalier et rédigent avec son épouse un testament mutuel. Voici dans quels termes ils l’établissent. D’abord, ils confirment tous les deux qu’il s’est établi entre eux une « … étroite union et intelligence ». De plus l’épouse fait mentionner qu’elle est « … enceinte à raison de quoy ils désirent faire leur mutuel testament. »44 Le sentiment de reconnaissance envers son conjoint est un autre motif d’établir un acte notarié. Un tisserand palois, P. Colinet, remercie son épouse de sa sollicitude et insiste bien qu’il est « … très content et satisfait de la conduite de ladite de Canton sa femme, l’ayant secouru dans ses besoins et maladies avec toute sorte d’affection et de tendresse… »45
Christian Desplat 46, utilisant les actes notariés, a retenu un échantillon de 1 065 actes durant la période 1719 et 1790. Ils concernent 614 hommes et 451 femmes sans « distinctions sociales ni géographiques. Il constate que 39,6% « d’entre eux contiennent une clause de reconnaissance conjugale, soit 27,1% des hommes et 12,5% des femmes. Supériorité masculine : 47,06% contre 29,7%. Trois périodes au sujet de la tendresse masculine se dégagent. Lors de la première moitié du XVIIIe siècle, elle est « très forte et régulière », entre 1750 et 1775, elle « décroît… irrégulièrement », enfin jusqu’en 1790, elle reprend « un mouvement ascensionnel. » Puis il aborde celle des femmes. « D’abord irrégulière, l’expression des sentiments féminins a résisté plus longtemps à l’érosion des années 1750-70 et aligne ensuite son évolution sur celle des hommes, même si elle demeure légèrement inférieure. »
· La famille et la communauté villageoise cherchent à consolider l’intégrité des patrimoines social et communautaire.
Le choix de l’époux ou de l’épouse est très souvent le fruit du choix des parents. La raison provient d’un certain déterminisme économique, les parents sont désireux de conserver leur patrimoine, leur statut social, recherchant un « bon parti » pour leur fille. Ils ne sont pas les seuls intéressés, la communauté y sera aussi soucieuse du respect attaché. On unit deux familles et on fait en sorte que l’on ne marie point deux aînés ensemble afin d’assurer la pérennité.
On sait bien que l’on parlait de mésalliances lorsqu’il s’agissait d’une union entre une famille noble et une famille de gens du peuple et leur nombre s’avérait restreint, fruit d’un calcul afin pour les uns d’accroître leur richesse et, pour les autres, d’augmenter leur renommée. Mais le choix découlait également de celui de la communauté villageoise, des habitants du quartier qui peuvent alors contrôler leurs agissements. Il était mal vu de se marier avec un étranger, un « horsin », du fait que cela lésait les garçons « locaux » d’un parti et que cela pouvait engendrer un danger pour le patrimoine familial. Florian Moyen-Péhau 47 précise que « le mariage n’est pas une histoire de promotion sociale mais de maintien du corps social, mêlant vie économique, éducation des jeunes, protection des malades et faibles. Le but est donc d’empêcher l’enrichissement et l’appauvrissement excessifs afin de maintenir intacte l’harmonie sociale, tout concourt à la stabilité ; les mariages entre héritiers sont proscrits ainsi que l’union vers une case de statut supérieur. »
Les parents cherchent, par conséquent, à travers le mariage de leurs enfants - eux-mêmes peuvent aussi avoir la même démarche - à s’assurer d’une descendance, mais aussi, contredisant quelque peu Florian Moyen-Péhau, à augmenter un peu le patrimoine familial si on le pouvait... Les enjeux sont peu cruciaux pour un journalier avec un gros laboureur.
Dans la noblesse, le souci qui guide les parents est de s’assurer pour la famille et, par conséquent, pour leurs descendants un parti convenable.
Jean-François Soulet 48 rappelle que la famille pyrénéenne est « bâtie autour d’un couple unique. A ses côtés, et sous son autorité, prennent place seulement les ascendants, les enfants et parfois les cadets célibataires. » La « case » comprend toutes les richesses de la famille. Le même auteur y englobe « les biens meubles, les terres, les droits d’usage et de parcours. Tous ces biens formaient un bloc, rendu véritablement indissociable par la coutume qui en imposait la transmission intégrale de génération en génération… Seuls les acquêts, c’est-à-dire les biens acquis pendant une génération, étaient disponibles, servant le plus souvent à doter les « puînés, le conjoint survivant, les enfants naturels et à acquitter les dettes et les frais de funérailles. Par contre, les biens « propres », possédés successivement au moins par trois personnes d’un même lignage, constituant une réserve soigneusement protégée. Ils ne pouvaient être fractionnés qu’avec le consentement de l’héritier direct… A chaque génération, un seul enfant, l’aîné, recueillait le patrimoine ancestral avec devoir de le maintenir et de le transmettre sans amputation. »
Voici un exemple de contrat établi à Laroin en 1819 49 :
« Le dit Bernard… assisté du dit Bernard… son père a promis de prendre pour épouse la dite Marie… et réciproquement cette dernière, procédant avec l’assistance de ses dits père et mère et d’ailleurs assistée du dit Pierre… son cousin a également promis de prendre pour légitime époux le dit Bernard… avec convention de faire solenniser leur union à la première réquisition d’une des parties, en observant les formalités présentées par les lois sur l’état civil. Les futurs époux déclarent entendre s’unir sous le régime de la totalité et néanmoins ils stipulent entre eux une société d’acquêts qu’ils acquerront par leur industrie postérieure à leur mariage. En considération du présent mariage, la future épouse allant adventice dans la maison du futur époux, le père et la mère de la future épouse constituent à titre de dot la somme de deux mille quatre cent francs en argent et un ameublement évalué à trois cent francs… l’ameublement consiste dans un lit composé d’une paillasse, de trois couettes, d’un traversin, d’une couverture de laine contrepointe, de onze draps de lit en lin et sept d’étoupe, vingt quatre serviettes, d’une nappe de lin, huit serviettes d’étoupe, douze essuies mains, un capuchon de valencienne avec sa doublure, un habit complet pour le jour des épousailles, un autre pour le lendemain, une armoire à deux portes, une génisse d’un an le tout outre les hardes journalières… En faveur du mariage, le dit Bernard… père du futur époux déclare disposer en faveur de son fils, futur époux, par préciput du quart de tous ses biens meubles et immeubles qui composent sa succession à prendre par sa maison d’habitation, grange, cour, jardin, enclos et vignoble… Outre la disposition du lit quart le même Bernard… fait donation pure et simple et entre vifs à son dit fils futur époux de la jouissance d’une pièce de terre en nature de vignoble et de châtaigneraie ainsi que des immeubles désignés par le quart donné… la dite jouissance est évaluée soixante francs par an, en conséquence le dit Bernard… père consent que son fils jouisse depuis ce moment de la dite pièce de terre durant la vie de lui donateur, à la charge par son fils d’en payer les contributions depuis le premier de l’an prochain. Dont acte. »
Le droit d’aînesse prévaut, et dans les groupes sociaux plus élevés, les cadets qui n’optent guère ni pour l’Eglise ni pour l’armée ni pour l’émigration, n’ont pas d’autre choix que de se marier. Une des causes, selon Florian Moyen-Péhau, et comme nous venons de voir précédemment, de la défense de l’intégralité de la « case », et, par conséquent, l’échafaudage de stratégies matrimoniales, l’émigration de ces cadets, réside au déficit foncier et à l’esprit communautaire. La « case » ou « ostau » représente la valeur du domaine familial, dans laquelle la terre est la « seule manière de vivre. » Pour l’auteur, ici intervient l’influence du système agro-pastoral. La « case » est indivisible. Il fait le distinguo entre les vallées montagnardes où « le droit d’ainesse est intégral et même absolu » quel que soit son sexe, tandis que dans les plaines il « est assorti de privilège de masculinité, une fille aînée peut hériter uniquement si elle n’a pas de frère. »50
La coutume, par conséquent, cherche avant tout à préserver l’intégrité de « case », aussi est-on amené à exclure les héritiers présentant des tares ou des incompatibilités mentales, contrefaits par la nature (« pec ou taros »), mais aussi qui s’engageaient dans des voies inconciliables avec les intérêts de la « case », comme les prêtres. Jean-François Soulet écrit alors que l’héritier renonce « à ses prérogatives au profit d’un autre membre. Il continuait néanmoins à jouir du « droit de chaise » qui lui permettait de venir terminer ses jours dans la maison familiale. »51
Reposées sur les épaules de l’aîné à la suite de son mariage, d’importantes responsabilités : « assurer la transmission intégrale des biens de la maison », assurer, comme on l’a écrit, la légitime des cadets, marier ses frères et sœurs, « payer les dettes de ses parents, « compte tenue de la qualité desdits biens », c’est-à-dire sans engager les avitins [qui a été laissé en héritage] et en puisant donc dans ses acquêts. »52
Christian Desplat démontre que la moitié des couples (43%) respectent le modèle traditionnel reposant sur l’union entre deux héritiers, « le souci de préserver « l’ostau » et son identité se trouvait de plus en plus contrebattu par la recherche d’un profit maximal ». L’auteur combat ce qu’il appelle le « caractère très relatif du féminisme dans le droit béarnais » en citant deux chiffres : 25 % d’héritiers universels contractent un mariage avec des cadettes tandis que seulement 15 % d’héritières épousent des cadets. Il précise que le régime dotal simple (celui ne tient pas compte du rang de naissance) « valorise » la femme puisque 25 % des femmes sont dotées contre 3 % des hommes ce qui est une manière de « compenser une inégalité naturelle », d’autant plus que le montant pour ces derniers est moindre en rapport avec les femmes. 53
Les aînés sont contraints de verser à ses frères et sœurs ce que l’on nomme des droits de légitime. Ces droits correspondent au droit de l’enfant d’une part des biens dans la succession testamentaire du père et la part des biens paternels. Cette pratique concerne les parties françaises dont le droit privé s’inspire du droit romain, c’est-à-dire le Sud (pays de coutumes). En travaillant et en usant de beaucoup de patience, il peut espérer faire « grossir le petit troupeau qu’il avait reçu en héritage et se constituer un petit pécule. »54
Celui qui est laissé pour compte, le cadet, le mariage avec une cadette lui est fortement déconseillé s’il ne veut pas vivre péniblement. » Sans terre, sans biens mobiliers suffisants, travaillant le plus souvent l’un comme berger, l’autre comme domestique, un pareil ménage se heurtait à de biens graves difficultés. Son seul espoir était de pouvoir un jour « s’établir ».
Il advient parfois que le cadet noue une relation conjugale avec une héritière (ou inversement un héritier) ce qui pose le problème évoqué plus haut de la dot. On verra ultérieurement que, confronté à des choix limités comme ceux de vivre dans l’ « ostau » sous l’égide son frère aîné, de travailler comme ouvrier agricole (sans salaire), il est tenté d’émigrer. Bien entendu, il est assuré d’être nourri, logé. « Condamné au célibat, désigné en Béarn sous le terme de « esterlo » (stérile)… le cadet qui avait choisi de rester au domaine y sacrifiat purement et simplement sa vie. »54 Maître Marie Germain Noguès 55, qui commente « Les coutumes du pays et Comté de Bigorre », rédigées en 1670, mentionne que l’article 16 « réduisoit les enfans à une dépendance qui justifieroit la dénomination d’esclaves. »
Florian Moyen-Péhau 56 rappelle le fait que si le cadet casanier dans la « case », il garde la jouissance viagère de « sa petite part foncière, mais le tout revient à l’héritier à son décès car le célibat reste généralement la règle. »
c- La dot, un élément primordial du droit du régime matrimonial. La question du droit d’aînesse
Historiquement, la pratique de la dot s’est généralisée en Occident à partir du XIIe siècle, elle est issue du droit romain. Habituellement, on invoque le cadeau apporté au marié par la famille de sa future épouse. En fait, il existe deux cas de figures. Dans l’un, on englobe le cas du douaire. C’est le mari ou sa famille qui apporte, au moment des noces, des valeurs ou des biens à son épouse ou à sa famille. Dans l’autre cas, et là, on revient à la définition donnée au préalable, c’est la future épouse qui amène un patrimoine à son futur époux.
Dans le monde rural, Emmanuelle Charpentier 57 écrit que la possession de la terre « est un facteur déterminant : l’attachement aux biens fonciers, qui plus est une exploitation agricole, oblige tout propriétaire à anticiper sa succession... Ainsi, un homme ne peut envisager de convoler que s’il n’a les moyens de subvenir aux besoins de sa future famille. Dans le monde rural, cela signifie attendre la fin d’un apprentissage, l’arrivée d’un héritage, une installation à son compte et pour les plus modestes, la mise à disposition de leur force de travail au service d’un ou plusieurs employeurs. » En ce qui concerne tout particulièrement les femmes : « Avoir une dot suffisamment approvisionnée et assortie à sa condition sociale est la norme pour les femmes car elle est considérée comme une participation à la vie du ménage. La dot est constituée par les parents, à la hauteur de leurs moyens. Il revient aux femmes de la compléter si elle est jugée insuffisante ou à défaut, de la fournir par l’accumulation d’un petit pécule en se plaçant par exemple quelques années en tant que domestique. Dans le sud de la France, la dot est inaliénable et récupérable au moment de la mort de l’époux « avec la possibilité d’un augment, c’est-à-dire un usufruit sur les biens du mari dont la proportion a été déterminée en lien avec le montant de la dot, dans le contrat de mariage. Une clause dans un éventuel testament de l’époux peut conditionner l’augment à l’interdiction de se remarier. Une veuve a donc la certitude de pouvoir vivre correctement et de rester dans la maison, d’y être hébergée et nourrie. Une fois la veuve décédée, la dot est transmise aux enfants ou revient à sa famille en l’absence d’héritiers. »
En Béarn, une coutume prévaut celle de la dot. Les Fors approuvaient le droit d’aînesse et le fait qu’un homme et une femme soient égaux, du moins en théorie. Un homme et une femme peuvent être dotés indifféremment. Leurs objectifs consistaient à préserver la propriété, on l’a vu. Mais il est nécessaire de préciser que le futur marié n’a pas trop intérêt à épouser une femme richement dotée, car elle constitue un risque pour le patrimoine si un jour le couple se désunit puisqu'il faudra alors la restituer et être obligé peut-être en vendre une part.
Du fait du For de 1551, et notamment l’article 3 concernant la rubrique « Testament et Succession », la possibilité pour une femme de venir héritière se restreint et doit obéir à certaines conditions. Par exemple, elle devait être la première-née d’une famille constituée uniquement de filles, en somme, elle ne pouvait succéder qu’à la condition expresse qu’il n’y ait point un homme comme héritier. Mais s’il s’opérait un remariage et que des fils naissent, l’aînée des filles de la première union héritait. On est quand même loin de l’image parfois avancée de l’égalité des sexes dans le Béarn.
Jean-François Soulet 58 note que « la Pyrénéenne, tout en étant soumise à son époux, qui gardait sur elle le droit de correction, jouissait de certaines garanties morales et matérielles ». En Oloronais, le mari est puni s’il est « pris en adultère ». ‘ »S’il administrait mal les biens du ménage au point de dilapider la dot de son épouse, celle-ci était autorisée, selon le « for » du Béarn, à récupérer cette dot. » En tant qu’héritière, à « l’intérieur de la famille, son autorité n’est pas contestée. Elle exerce un droit de regard capital sur le mariage de ses frères cadets et sur celui de ses enfants. En tant que chef de maison, elle aliène ou consent toutes sortes de contrat sans l’autorisation de son mari. »
Au sein de la communauté du village, l’héritière bénéficie des mêmes droits que tous les chefs de famille masculins. Pour rappel, la communauté villageoise est désignée sous le nom de « vesiau ». Jean-François Soulet mentionne qu’elle « avait la place d’honneur aux principales cérémonies : baptêmes, bénédictions nuptiales, sépultures… Elle participait et votait au même titre que chaque « cap d’ostau » (chef de maison) aux assemblées communautaires. »
La venue du conjoint « extérieur » avec quelque bien provenant d’une autre maison entraîne une appellation spéciale, ce dit conjoint est nommé « adventice ». Souvent, il perd même son patronyme au bénéfice de celui attaché à l’Ostau. Il remet « sa légitime ou sa dot à son épouse... il lui était impossible de vendre le moindre lopin et toute acquisition à la « maison ». En cas de décès de son épouse, il possédait seulement l’usufruit des biens et les administrait jusqu’à la majorité des enfants fixée à vingt-cinq ans ; si le couple n’avait pas d’enfants, il ne pouvait prétendre qu’à la restitution de sa seule dot. » 58
Ceci dit, cette grande responsabilité qui repose sur les épaules de l’héritier au moment de son mariage soulève une autre nécessité, celle de ne pas être trop jeune, « rarement avant vingt ans ». Si on prend le cas du village de Bilhères-d’Ossau, « les garçons se mariaient vers vingt-neuf ans et les filles vers vingt-sept ans. » Parfois, « avant que les futurs n’aient atteint l’âge nubile. »59
Toujours dans le même esprit, l’année probatoire est une stratégie qui permet aux fiancés de cohabiter et ainsi de vérifier de la solidité de leur attachement. La Contre-Réforme catholique a lutté contre cette procédure. Mais l’évêque du diocèse d’Oloron, François de Revol, en 1749, constate que des fiancées vivent chez leurs fiancés « tout le tems que l’on employe à faire leurs habits nuptiaux » ou réciproquement. Cette pratique n’était pas très exercée. De plus, rompre des fiançailles entraînait des procès devant le tribunal ecclésiastique de l’Officialité. Ce qui n’empêchait pas que les « conceptions prénuptiales étaient relativement fréquentes. A Bilhères-d’Asssau, 12,9% des premières naissances de la période 1740-1779 surviennent avant huit mois. » 60
Roger Castetbon écrit, au sujet des sommes d’argent en jeu au moment de la composition de la dot, qu’elles varient selon les contrats eux-mêmes et les époques. « En un siècle, la moyenne des dots augmente, surtout dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. » On a vu plus haut que les héritiers n’ont pas trop intérêt à chercher un conjoint apportant une dot conséquente. Le même auteur ajoute d’une part qu’une « dot élevée constitue une menace sur le patrimoine… » et, d’autre part, « Si une épouse arrive avec une dot élevée, elle aura des arguments pour avoir droit au chapitre. » Il cite la plus petite dot qu’il a trouvé, celle de « 20 écus petits, soit 27 livres, le 2 février 1727, apportée par Jeanne Lasserre, de Meillon, à son mariage avec Jean Mazères, de Montaut, mais il y a un lit, un coffre, le tout évalué 10 écus (13,50 livres). Il précise que sur 105 contrats analysés, « les deux tiers des dots en argent sont inférieures à 400 livres », tandis que ceux qui sont supérieures à 1 000 livres représentent 20,93 %. Mais l’échantillon est peu important et tous les mariages « ne donnent pas lieu à contrat », mais cela donne une idée. 61
d- Etablissement d’un contrat et les fiançailles
Parfois, au sein de la communauté existe ce que l’on peut appeler un « marieur » qui sert d’intermédiaire. Roger Castetbon souligne que leur service est sollicité dans « les cas les difficiles, quand(e) célibataire ne trouvait pas de conjoint à sa convenance. Ils agissaient à la demande des parents ou de leur propre chef. Leurs bons offices pouvaient se révéler utiles pour que l’héritier trouve une cadette de niveau social voisin… Ces entremetteurs connaissaient beaucoup de gens, se déplaçaient dans la région. Les maquignons, qui allaient de fermes en marchés, qui connaissaient beaucoup de monde, étaient des personnages tout désignés pour jouer le rôle d’entremetteur. » Bien entendu, les membres de la famille peuvent intervenir par eux-mêmes et se renseigner auprès de gens, le curé, les jurats…
Le mariage est précédé par des accordailles, puis les fiançailles dont le délai avec le mariage est raccourci par l’action de l’Église qui veut éviter que le couple n’utilise ce temps pour cohabiter ou pratiquer des relations sexuelles ce qui explique que ce temps imparti correspond parfois à un jour, voire le jour même de la bénédiction nuptiale.
Mais les intentions de l’Eglise sont occasionnellement contournées. En effet, les accordailles ensuite les fiançailles ne débouchent pas forcément de suite à un mariage, une coutume existe qu’on appelle « de l’année probatoire ». Elle consiste pour la fiancée de vivre chez son futur époux avant la bénédiction nuptiale. L’évêque d’Oloron François de Revol, en 1749, témoigne de cette pratique. Etaient-elles très usitées ? On peut en douter, car les intérêts en jeu étaient trop importants, de plus les fiançailles revêtaient une valeur semblable à un engagement quasi officiel débouchant si une des parties rompait le contrat à un procès tenu par l’Officialité, tribunal ecclésiastique. De toute manière, l’Église tente d’empêcher cette pratique en rapprochant les cérémonies des fiançailles et du mariage.
Toutefois, une négociation, parfois âpre, s’effectue autour de la dot.
Les familles se réunissent dans la maison dont est issu l’héritier ou l’héritière, et très peu chez le notaire. Les deux futurs époux sont présents, à l’exception de la femme dans les régions autour de Barcus et d’Oloron. Roger Castetbon 62 cite l’exemple de Marie d’Orsüe, à L’Hôpital-d’Orion, en 1766. Se mariant avec Jean Boucaubieilh dit Billère, lors de la signature du contrat elle « est absente, mais pour elle icy présent traitant et contractant, Bertrand d’Orsüe son père, lequel du consentement de Catherine de Tisné sa femme, et mère de ladite fiancée, qui est absente… » Surprenant quand on sait que les femmes bénéficiaient du droit d’ainesse, comme les hommes.
On établit un contrat en général, « au nom de Dieu », dans lequel on mentionne la qualité de l’héritier dit coutumier lors de ce que l’on nomme les « accordailles ». Ce mot est né à la Renaissance. Lorsqu’il s’agit d’un cadet ou d’une cadette, on note la dot qu’on lui attribue et toutes les garanties assorties (elle est surnommée « légitime » et sa valeur dépend du bon vouloir de l’héritier). On prévoit tout de même les décès des contractants, le « tounadot » quand le couple n’a pas d’enfant, la dot est rendue, mais grevée de ce droit de retour. Roger Castebon écrit que « chaque futur se promet mariage à l’autre et « chaque partie s’engage à faire célébrer ce mariage en face de la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine, au plus tard un mois après que l’une en sera par l’autre requise ».
En Béarn, cette restitution explique que la famille qui a été dans l’obligation de la rendre ait pu avoir les moyens de le faire. Afin de ne point subir la disconvenue d’être incapable de restituer la dot, on cherchait à réaliser des alliances de catégories sociales quasi similaires. Autre cause, lorsque les deux familles s’unissaient, dans le contrat de mariage, établi on réglait la succession des biens. Comme on l’a écrit plus haut, le devenir de l’ « ostau » (comportant la maison proprement dite, mais aussi les individus et les biens qui s’y rattachent) importait d’autant plus que ledit contrat établissait la cohabitation entre les parents et les nouveaux mariés dont le futur « chef », à la mort des parents. En majorité, on dévolue l’héritage à l’aîné des garçons qui se marie souvent à une cadette.
Delphine Nougué 63 nous décrit le déroulement de la signature du contrat. On précise la date et le lieu. On appose les noms des futurs conjoints et de leurs « alliés » notamment les parrains et les marraines. Les témoins sont mentionnés selon un ordre hiérarchique. Le nombre de ces derniers est valorisant pour les familles. On peut citer l’exemple du mariage de Jean Dourritte et de Marie de Gassedat dans lequel chaque famille était assistée d’au moins huit témoins. L’appartenance à un groupe social (noblesse, notables du village) est significative. Si les témoins revêtent une importance certaine le jour de la noce, la dot octroyée et le trousseau remis à la mariée le sont également. Une dénommée Jeanne Ducasse, par exemple, a reçu une dot s’élevant à l’équivalent de vingt-cinq mille francs de la part du père de Jean Nicolas, Sanson François de Péborde.
Nous possédons une description d’un contemporain, l’abbé Bonnecaze, qui nous a dépeint l’ambiance dans laquelle s’effectuaient les pourparlers relatifs à la dot et qu’il juge emprunte de « singularités et des dépenses inutiles et qui déshonorent cette célèbre alliance établie de Dieu. » Nous sommes vers 1770. Les deux parties constituées des parents et des amis se réunissent « et on commence à marchander sur la dot…Il ya un entremetteur qui tâche de les mettre d’accord, mais comme il y a des gens qui aiment à multiplier les séances pour se souler de vin, ils tâchent d’en empêcher la conclusion pour y revenir. Enfin après plusieurs séances et délais on tâche de finir. Les parties sont appelées et se donnent parole future et se donnent des arrhes… ». L’auteur insiste de nouveau sur le fait que l’on continue à boire « et manger jusqu’à ce qu’on n’en peut plus… » 64
La signature du contrat s’effectue parfois avec beaucoup de solennité, plusieurs témoins assistent alors, choisis avec soin, c’est-à-dire parmi les personnages les plus importants que les parents côtoient. Autre étape, les modalités. Christian Desplat 65 nous les cite Le règlement par pacs (en argent, en bétail…), les modalités parfois de la cohabitation, « les jeunes époux pouvant vivre « à même pot et feu » avec les maîtres anciens de la maison, le mèste et la daune. Ceux-ci se réservent presque toujours l’usufruit des biens de l’ostau, pour les consommer avec les futurs époux à même pot et feu, travailler tous communément au profit des autres. » L’auteur ajoute qu’au XVIIIe siècle, des accommodements s’opèrent : « on entreprend la construction de pièces ou d’un habitat séparés, au-dessus ou au-dessous de l’ostau, suivant la topographie. D’où les patronymes qui s’allongent d’un : « daban, dessus, debat, darré… »
Anne Zink 66 expose dans son étude l’existence de clauses qui amoindrissent la sévérité dans le partage des biens.
Florian Moyen-Péhau 67 nous rappelle le rôle de la « daune », la mère de famille, dans le choix de la future épouse de l’héritier, « c’est elle la maîtresse de l’intérieur et la mariée devra se plier à sa volonté. »
Lorsque les deux parties se mettent d’accord sur le contrat, on choisit la date du mariage qui peut varier de quelques semaines, à plusieurs mois, voire plusieurs années. En l’an X, à Bonnut, Marie D. âgée de 20 ans, notifie : « qu’il y a environ deux ans qu’elle avait fait enregistrer et constater son mariage avec feu G. devant le citoyen agent municipal de Bonnut, mais qu’elle avait néanmoins toujours demuré en la compagnie de ses père et mère qui n’avaient pu encore luy faire le trousseau des noces. » 68 On va ensuite chez le notaire pour tout officialiser. Le « pacte » correspond à des fiançailles (« aconsialhas ») et est dans la majeure partie des cas contracté dans la maison de l’héritier ou de l’héritière. Par contre ceux qui sont liés aux cadets (« esterlets ») se déroulaient dans le domicile du futur époux ou alors chez quelqu’un d’autre.
Des traces de rupture du contrat ne sont pas rares, en effet, des actes notariés transcrivent des consentements mutuels d’annulation de la part des deux prétendants. Christian Desplat 69 cite trois exemples pris dans le Lavedan, l’un en 1721, entre Jean de Cappon et Domengea qui se séparent « de leur plein gré », un autre d’une femme nommée Catherine de Campet, d’Arrens, en 1702, qui se déclare « indisposée se son corps et de maladie mortelle, auroit dict à ses parents qu’elle n’étoit en disposition de soutenir mariage pour le présent » Enfin, certains invoquent « l’incompatibilité physique » comme un dénommé Martinon qui, en 1729, « rompt son pacte avec Fourré », « qu’elle a chargé qu’il avoit l’haleine puante. »
Roger Castetbon 70 rapporte le cas d’une jeune fille qui refuse le mariage ordonné par se parents. Un contrat est établi le 20 décembre 1705, il est spécifié que « Marthe Lafargue est promise à Pierre Dutilh, son voisin de Sallespisse… celui-ci vient habiter et travailler chez sa future. Or, en 1707, le mariage n’a pas été célébré encore. Marthe est alitée et malade, mais a toutes les capacités et les facultés pour dicter son testament au profit de sa mère et de sa tante. Roger Castetbon mentionne que c’est certainement un chantage et qu’elle a gagné, vu que le 2 avril 1709, « son ancien fiancé, qui a réclamé 100 francs en paiement du travail fourni chez Marthe Lafargue, se contente de 45 francs grâce « à la médiation de leurs parents et amis communs » et le contrat est cassé devant notaire. Dès le 27 mai suivant, on trouve un nouveau contrat de mariage de Marthe avec Bernard Pétriat, de Castétis. Ils auront six enfants. Sa maladie de 1707 n’était pas bien grave et il lui a fallu sans doute refaire son testament… mais beaucoup plus tard. »
Dans ce cas, point de litige, par contre d’autres exemples surviennent lorsque des problèmes inhérents au paiement de la dot se présentent. Souvent, le litige se résout à la suite d’une médiation des parents et amis comme on l’a vu. Mais, rarement, la justice s’en mêle, néanmoins on tente de l’éviter afin d’échapper à des frais superflus. Roger Castetbon 71 fait mention d’une opposition, qui n’a pas d’ailleurs aboutie (acte passé lors de la noce), le 3 avril 1752, à Araujuzon, de la part de Jean de Puyou, épouse Jeanne de Pessot : « … sans avoir découvert d’autre empêchement ni receu autre opposition que celle que forma Catherine de Michaud le 5 février dernier et dont elle s’est départie le 8 du même mois. » Roger Castetbon ajoute que l’huissier du sénéchal d’Oloron, un notaire de Navarrenx et des jurats ont dû intervenir pour légaliser le tout. Il termine en écrivant que « Catherine Michaud a dû chercher un autre parti. »
Malheureusement, si l’un des époux venait à décéder, on se remariait, mais là la situation se compliquait si on le jugeait mal assorti. On connaît des réactions possibles de la part des autres habitants du lieu, comme le charivari qui s’effectue quand on enfreint le « marché matrimonial », l’ordre social « voulu » par Dieu…
L’Eglise interdit les mariages entre parents jusqu’au quatrième degré canonique, toutefois l’évêque peut, dans certaines « conditions », donner son accord pour une dispense. L’endogamie vue plus haut peut poser un problème lorsqu’elle s’avère trop importante, comme à Bilhères-d’Ossau où 33 % des mariages « ont nécessité une dispense religieuse de parenté » entre 1740 et 1789. L’auteur explique ce phénomène par des « questions d’intérêt » et par un « certain racisme » à l’encontre des « étrangers ». 72 Elle s’assure également du bon esprit du couple et de sa religiosité comme le remarque l’abbé Lagrave de Pardies « suffisamment instruits de notre religion et munis du sacrement de Baptême, Pénitence et Eucharistie, du consentement de leurs proches parents, exempts de tout empêchement canonique et après leurs trois publications solennelles de leurs bans de mariage ». 73
Mais en compulsant les registres des mariages, notamment ceux de Morlaàs, on constate que les demandes de dispense ne sont guère aussi rares que cela. 74 On peut citer l’exemple pris par Jacques Staes des époux qui « découvrent » leurs liens de parenté six après leur jour de noce célébré le 30 janvier 1776. Il s’agit des dénommés Daniel de Camlong, bourgeois de son état, et de Rachel de Ferrer Mauco. Ils contactent l’évêque de Lescar en présentant une requête afin de « leur accorder la dispanse du 4e degré de consanguinité », clé pour la « réhabilitation de leur mariage ». L’Église leur accorde le 5 août de la même année par le biais d’une ordonnance qui devient effective le 14 août par le curé.75
Ces « accordailles » sont célébrées parfois par une petite fête chez les parents de la fiancée, que l’on appelle « case entrade ». Le futur époux remet à sa fiancée un gage, fréquemment une bague, la bague de fiançailles que nous reverrons plus tard.
L’abbé de Bonnecaze nous informe qu’à la suite de la signature du contrat, une cérémonie avait lieu huit jours consistant à pénétrer chez le futur conjoint. Pour cela , « on invite des parents et amis pour assister à cette fête, qu’on appelle Cases entres, c’est-à-dire apprendre à l’époux et à l’épouse qu’ils pourront se voir l’un chez l’autre ; la Casentre commence par le futur ; et ses parents qui vont faire un repas chez le père de la future, et huit jours après, la future et ses parents vont chez le futur conjoint. » 76
Il transparaît à travers ces descriptions des fiançailles et ces rites nommés « Cases », que les familles prouvent que de nouveaux liens sont tissés entre elles et qu’ils sont basés sur l’équité.
Il faut rappeler que nous sommes dans un monde où l’Église garde une influence assez forte et de ce fait le mariage reste un des sept sacrements, que le mariage civil n’existe pas - il faut attendre la Révolution, en 1791, que le célibat reste marginal.
Ne pas omettre que pour les catholiques le mariage est un des sept sacrements. Le IV Concile du Latran de 1215, assemblé par le pape Innocent III, élabore la législation du mariage qui sera inéluctablement considéré comme un sacrement (le septième) par le Concile de Florence en 1439. A nouveau réaffirmé par le Concile de Trente (1545-1653) qui le déclare indissoluble et qui sollicite le consentement des époux. Alors que les calvinistes ne le considèrent que comme une célébration. Pour eux, il n’existe que deux seuls sacrements que sont le baptême et l’eucharistie. Pas besoin d’un intercesseur pour le mariage, mais il s’avère nécessaire pour les deux qui sont maintenus. La conjugalité a été « désacralisée » par les réformateurs. Ce que contestera le Concile Trente, notamment dans son préambule des « Decrets et canons touchant le mariage, de 1565 » : « A l’encontre de laquelle tradition, les impitoyables hommes de ce siecle forcenans, non seulement ont mal senty de ce venerable sacrement, mais (suyvant leur coustume) soubz le pretexte & couleur de l’Evangile, introduisans une liberté charnelle, ont tenu & affermé tant par escrit que par parole, plusieurs choses reculées du sens & intelligence de l’Eglise catholique receuës & aprouvées par coustume, depuis le temps des Apostres iusques à icy : non sans grand perte & detriment des fideles de Iesus Christ. »
Toutefois, des historiens remarquent des signes de « sacralisations » de la famille protestante, après le XVIe siècle. Les Eglises protestantes valorisent la cellule nucléaire de la famille qui, pour elles, est essentielle pour vivre la piété, transmettre les valeurs chrétiennes. Le mariage est alors soumis à des règles très strictes et à une surveillance des autorités, que ce soit religieuses, mais aussi politiques.
En Béarn, à partir de 1570, le mariage des catholiques fut considéré par les protestants comme un mariage clandestin. L’Edit royal 77 du 22 septembre 1570 se veut menaçant et catégorique : « Que tous mariages clandestins et secrets aient à être publiés et à aller aux ministres pour être par eux bénits, à peine d’être punis comme paillards… Que tous les mariages se feront de la main des ministres et non autrement, sous peine de mort. » Les ordonnances ecclésiastiques de 1571 prescrivent bien que la promesse de mariage devait être formulée devant quatre notables, que l’union devait être célébrée trois mois après la publication de la promesse. Le divorce est toléré bien qu’il soit considéré comme un « remède misérable.»
A la suite de l’édit de Fontainebleau de 1685 édicté par Louis XIV, les protestants durent se soumettre et accepter le sacrement du mariage catholique. Les protestants, s’ils souhaitent persister à vivre selon les normes sociales de l’époque, devaient se soumettre aux règles de l’Eglise. Les registres de mariages protestants s’interrompent alors. Si un pasteur célèbre un mariage, officiellement, il n’est pas reconnu et les époux sont perçus comme des concubins et leurs enfants des bâtards. A leur mort, leurs biens étaient attribués à des parents catholiques ou confisqués.
Mais de nombreux adeptes de la Réforme se marièrent clandestinement. Ce que l’on nomme les mariages « au désert » sont racontés par Court de Gébelin 78 dans une de ses lettres inédites en février 1778. Etant informé par son correspondant orthézien de la persécution subie par les protestants (des dragonnades), il lui répond qu’il a sollicité le cardinal de Rohan, grand aumônier de France, afin qu’il intervienne sur la liberté de culte dans les granges servant d’oratoires. On leur reproche notamment « le rapprochement des assemblées vers la ville, et l’éclat de certaines noces », et particulièrement dans une maison de Castetarbe, « où les maisons sont distantes les une des autres… Sa situation fait qu’en y aboutissant de divers endroits on est moins nombreux dans les routes, et en s’introduisant dans la ville d’ailleurs, tout le monde y va à pied. Quant aux noces, si dans une seule les mariez ont été en voiture, c’est en raison du mauvais froid. »
A partir de la fin du XVIIe siècle, l’épiscopat béarnais entreprit de réformer le sacrement du mariage. Il chercha, on le voit bien avec les ordonnances oloronnaises de 1753, d’interdire les mariages mixtes, entre catholiques et protestants. Aux curés de veiller à cela, on leur adresse cet ordre : Nous leur deffendons, sous peine de suspense, de marier une personne catholique avec une personne hérétique et leur ordonnons de prendre garde de se laisser surprendre. »
Puis, le 7 novembre 1787, Louis XVI signe l’Edit de Versailles dit Edit de Tolérance prescrivant que : «… notre justice et l’intérêt du royaume ne nous permettent pas d’exclure plus longtemps, des droits de l’état civil ceux de nos sujets ou des étrangers domiciliés dans notre empire, qui ne professent point la religion catholique… Nous avons considéré que les protestants, ainsi dépouillés de toute existence légale, étaient placés dans l’alternative inévitable, ou de profaner les sacrements par des conversions simulées, ou de compromettre l’état de leurs enfants, en contractant des mariages frappés d’avance de nullité par la législation de notre royaume. » Louis XVI rétablit les droits civils des protestants et leur accorde la permission de faire enregistrer leurs mariages et la naissance de leurs progénitures par un juge. Roger Castetbon 80 cite un exemple de régularisation déroulé à Bérenx : « L’an 1788 et le 18 novembre, par devant moi Joseph Larbeig, lieutenant de maire de la communauté de Bérenx, ont comparu Pierre Rapetout… et Rachel Mousquès… ont dit qu’ils contractèrent mariage sans avoir observé les formalités prescrites, que leur mariage sont issus sept enfants, deux mâles et cinq filles… » Dans le registre paroissial on note les prénoms et les dates de naissance des enfants, quatre témoins protestants assistent à la scène.
Quant à l’Eglise catholique, elle voit dans le mariage trois fonctions : assurance d’entraide mutuelle, reproduction, contenir la sexualité et ses débordements.
C’est d’ailleurs l’Église qui a la charge, comme on le verra plus loin. Mais l’État cherche également à maîtriser les unions puisque Henri II signera un édit interdisant les mariages clandestins, que ses successeurs œuvreront afin que les parents apposent leur consentement même si les futurs époux soient majeurs, que les enlèvements disparaissent... Puis viendra la grande ordonnance de réformation appelée de Blois en 1579 qui, par l’article 40, impose la publication de trois bans et la majorité matrimoniale de 25-30 ans requise par les prétendants du fait de l’article 41. La publication des bans permet aux paroisses où sont nés les futurs époux et de celles, dans lesquelles ils résident, de connaître les projets de mariage pour que l’on puisse dévoiler d’éventuels empêchements (promesse antérieure, bigamie, liens de parenté…). Sinon, on encourt de lourdes amendes. La plupart des gens ne sachant pas lire, l’affichage des bans est insuffisant, le curé se doit de les proclamer à l’issue du prône. Le chancelier Henri-François d’Aguesseau, en 1736, exige que les curés tiennent les registres en deux exemplaires qui devront être signés par les parties, l’un des deux exemplaires sera déposé auprès du greffe du bailliage ou de la sénéchaussée. On y consignera la profession du défunt, du conjoint, la qualité et le domicile, mêmes choses pour les témoins. Les autorités ecclésiastiques sont parfois enclines à accorder des dérogations comme les dispenses de publication d’un ou deux bans, l’autorisation de mariages clandestins. Par contre, ceux qui bénéficient de cette « indulgence », doivent la monnayer à l’Evêché, ce que l’on nomme l’ « aumône » (en fait, une amende) proportionnelle à la gravité de leur situation particulière. Afin de ne pas encourager les fautes dites infamantes (procréation d’un enfant hors du mariage, concubinage…), l’Eglise accorde les dispenses sous certaines conditions. Les riches payeront de fortes « aumônes » tandis que les pauvres devront subir des fortes pénitences.
Les protestants morts ont droit à des registres à part. Dix ans plus tard, en 1746, la tenue de registres paroissiaux séparés (décès, naissances et mariages) est imposée.
Le pouvoir civil cherche à faire respecter l’autorité paternelle, car elle incarne le reflet de l’autorité royale. Il lutte aussi contre la mésalliance, car pour les juristes, elle trouble l’ordre social. Enfin, il s’agit d’établir un distinguo entre deux notions, ceux de contrat et de sacrement.
Dans le Béarn, province peuplée à peu près de 200 000 habitants, ces registres seront tenus à partir de 1620.
A l’époque, société traditionnelle, il était impératif pour un homme de transmettre son nom et son patrimoine, pour une femme, elle, c’est de donner naissance à un enfant, la stérilité étant considérée comme une catastrophe que l’on tente de corriger par la dévotion et le pèlerinage sur des lieux de sanctuaires dédiés à la Vierge Marie, de saints ou de saintes guérisseurs ou de se tourner vers des sorciers, des remèdes et recettes… La stérilité toucherait 10 % des couples.
D’après des études, il y aurait 5 % des adultes que l’on peut classer comme « célibataires définitifs » à la campagne, tandis qu’en ville, le chiffre s’élèverait à 13%. Plusieurs événements et situations favorisent les unions : dans la campagne, les moissons, les jours de fête, les veillées sont propices aux rencontres, en ville, elles ont lieu lors des bals, des fêtes, des concerts… Ensuite viendront les fiançailles, la publication des trois bans exigés par le Concile de Trente qui seront affichés aux portes de l’église et la cérémonie elle-même, publique.
La fiancée a, au préalable, composé son trousseau durant sa jeunesse, sa mère lui a appris à coudre, à filer le lin ou d'autres matériaux, à broder. Le tissage est entrepris dans la famille, on confectionne les draps, les serviettes, des habits… Ce dit trousseau sera montré le jour du mariage, permettant également à la famille, à l ‘« ostau », d’étaler notamment sa richesse.
Dans le Haut-Béarn, Jean Vignau-Lous 81, en recoupant des contrats de mariages (passés « au bon placer de dieu et de la gloriouse vierge marie ») durant les XVIIe et XVIIIe siècles, écrit que les trousseaux étaient constitués d’une « dotation en argent (pour droits de légitime), une étrenne (tête de bétail et son produit), la literie et le linge de maison…, un mobilier (coffre puis cabinet) et des semences qui permettaient d’effectuer la première récolte. On y mentionnait également, mais en « dor » (vêtements), des habits nuptiaux et les robes et cotillons habillés ou usagés, le tout restant fonction de la coutume et de la richesse de la case. »
Le trousseau peut être conséquent comme celui qui a été donné à une dénommée Catherine Nogues par son père Jean : un cabinet de noyer à deux portes, la tenue du mariage, un lit à quatre faces, trois couettes, un traversin garni de plumes, une couverture de laine, un linceul, une paillasse, quinze chemises neuves, seize serviettes de lin, un labrical pour le baptême des bébés, du lin pour confectionner les tabliers, des animaux dont une jument, douze brebis et un bélier. Le trousseau est donné le jour des noces. Christian Desplat 82 écrit que cette remise correspond à une « cérémonie d’information : la maison faisait étalage de sa fortune, de son rang, de ses alliances. La procession du trousseau à travers le village est attestée de la fin du XIIIe siècle à la fin du XIXe siècle ; les autorités cherchèrent à la contenir par des lois somptuaires... En principe, il était interdit aux hommes de participer à ce cérémonial qui était une valorisation de l’épouse et aussi le prix de son passage. »
La période des fiançailles débute, le fiancé visite régulièrement sa future épouse chez elle.
Pour le mariage, un prêtre est exigé car à travers la bénédiction il authentifie le mariage, et quatre témoins.
La fête suit, payée par les parents. Quel jour choisir pour se marier ? Généralement, les futurs conjoints et les familles choisissent le milieu de la semaine - mardi, mercredi et jeudi -, étant donné que le dimanche est exclu, puisque consacré à la messe, le vendredi symbolise le jour de deuil et de jeûne de Jésus-Christ et correspond à un jour maigre prohibant la viande au repas nuptial, les jours de fêtes… En effet, là encore, la date dépend des interdits et du calendrier liturgique (Carême qui correspond aux quarante-six jours de pénitence avant Pâques soit les mois de mars ou avril selon les années, Avent, en décembre sont proscrits par exemple). La raison réside dans le fait que lors de ces périodes de pénitence et de mortification, il aurait été déconvenue de se divertir et de manger en abondance. Mais aussi du calendrier agricole (on évitait les mois d’été, époque des grands travaux agricoles, quoique l’on constate, en montagne, des noces se pratiquant durant le mois d’août, lors de la fin de la fenaison). Si l’on tient compte des interdits religieux et de certaines croyances païennes remontant depuis la nuit des temps et qui perdurent dans la mentalité des gens, il ne subsiste que seize jours pour se marier.
A Bilhères-d’Ossau, Michel Fresel-Losey 83 a bien constaté ces « mois de faible nuptialité » notamment aux mois de mars et de décembre « correspondant dans leur plus grande partie avec les temps clos du carême et de l’avent » et aux mois de juillet et d’août, période liée à « l’économie agro-pastorale, aux travaux agricoles et aux transhumances d’été en haute montagne ». Un seul mariage a été célébré lors du mois de décembre, un autre en mars, durant la période entre 1700 et 1792 sur deux-cent quarante-cinq noces. A l’ opposé de ces creux, il note que les pointes se rapportent d’une part à l’automne (octobre et novembre et au mois de janvier, car coïncidant « avec une activité agricole réduite et l’approche prohibé de l’avant, qui tend à hâter les unions » et, d’autre part, au mois de juin puisque précédant « les travaux d’été et le départ pour les « estives » de montagne ». 84
Les noces ont lieu davantage durant les mois de janvier, février, octobre et novembre. Février correspond au mois durant lequel les gens ont fait le pèle-porc, ce qui signifie que l’on pourra nourrir les convives lors du jour des noces, mais aussi, c’est le mois où l’on consacre de nombreuses unions décidées lors des veillées d’hiver après avoir accompli les formalités religieuses comme de publier les bans. On évite si possible les phases correspondant aux travaux agricoles les plus importants. Le mois de mai est considéré comme mois porte-malheur. Pourquoi ? La peur pour une femme d’être trop rapidement féconde et de subir les grands travaux d’été et d’automne. Autres motifs, ce mois correspond au mois de « soudure » et revêt un interdit traditionnel, car on suppose qu’un mariage contracté durant ce mois est le fait de femmes malhonnêtes. Après les moissons opérées, les revenus consécutifs engrangés, on pouvait disposer de l’argent afin de verser la dot pour la mariée en ce qui concerne ses parents et de payer le banquet.
Les mariages, en France, durent plusieurs jours, dans les Landes actuelles, elles s’échelonnent sur huit jours. Au début de l’Ancien Régime, des mariages ont lieu de nuit. On craint le diable, on veut protéger les fiancés du mauvais sort. L’Eglise prohibe les cérémonies nocturnes au XVIIe siècle. Christian Desplat 85 écrit qu’effectivement les rituels et les ordonnances « cherchèrent à imposer une célébration entre le lever du soleil et midi : « que ce ne soit jamais pendant la nuit, ni le soir. » Malgré l’interdiction édictée par l’Eglise, le même auteur note que : « Les mariages nocturnes semblent âtre apparus dans les milieux bourgeois, au cours du XVIIIe siècle… Les sources sont d’une indiscrétion à peu près totale sur cette pratique… »
L’épouse ne se marie pas en blanc, mais plutôt avec une robe de couleur unie (noire, jaune…), le bleu parfois teint les robes, car elle est la couleur de la Vierge, mais le plus souvent la plus belle des robes en sa possession. Le blanc s’affirme plutôt dans la seconde moitié du XIXe pour démontrer sa virginité. Les robes suivent souvent la mode de l’époque ou, surtout dans le monde rural, s’inspirent des costumes régionaux. Au sujet des habits de noces béarnais au XVIIIe siècle, on peut les connaître par le biais des actes notariés, comme on l’a vu précédemment lors de la conclusion des contrats. Cet habit est apporté par l’adventisse, par conséquent, le conjoint (homme ou femme) qui s’installe dans la case. En 1776, un contrat spécifie que Jeanne d’Accous sera « … habillée de neuf le jour des noces outre au-delà des autres habits et hardes qu’elle peut avoir à son usage… » 86
On le sait également par quelques dessins d’un manuscrit représentant les sacrements. Christian Desplat 87 décrit l’illustration : « « époux vêtu à la française et une épouse portant voile et couronne, robe longue et souliers à talons. » Le même auteur, se référant aux terriers de Sadournin et d’Esparros, écrit que l’épouse porte « le capulet des Pyrénéennes. » Il rajoute que les « nuances infinies des pratiques locales risquent ainsi de nous échapper à peu près complètement. » Le contrat établi à Laroin retranscrit plus haut nous montre que l’épouse recevait pour sa dot son habit de mariage. Pour ce qui concerne l’époux, issu de milieu peu aisé, son habit de noce, après la cérémonie, sera préservé, utilisé lors des grandes cérémonies et servira lorsqu’on l’enterrera.
Dans un article intitulé « LE COSTUME DE MARIAGE EN VIC-BILH AU XVIIIe SIÈCLE », Joël Perrin 88, il est remarqué que dans quelques cas les habits nuptiaux « sont en double, l'un servant pour le jour de noces, l'autre pour le lendemain. » Puis, il détaille : « Dans six contrats plus détaillés, on voit que la mariée porte sur la tête un capulet, qui apparaît dans notre documentation pour la première fois en 1682 puis semble disparaître à partir de 1735, sauf dans un contrat en 1800. Il est en « demi-sarge » dans trois cas (dans l'un il doit être acheté au marché), « en cadis de Montauban rouge avec ses garnitures » en 1683, « rouge de fin de cordeilhat de boutique », en 1706; dans le contrat de 1800, la mariée doit avoir un « capulet de drap bordé de velours pour le jour des noces et un autre de tafletas noir pour le lendemain ». La mariée peut aussi avoir un capet (dans quatre contrats : 1700, 1732, 1791 et 1793) qui peut être lui aussi en demi-sarge… » À partir de 1771, le capuçon est systématiquement en valenciennes (c'est-à-dire en dentelle de Valenciennes, vingt-neuf contrats), sauf dans un contrat de 1787 où on offre encore un « capuçon de barraqua doublé de cadis ». Le capuçon de Valenciennes peut parfois aussi être doublé d'un molleton rouge, dans un contrat de 1800, un cadis rouge en 1827… Au cours du XVIIIe siècle le terme cotilhon de dessus tend à être remplacé par le mot français "jupe" ou plus souvent "habit de dessus" et le cotilhon de debat par "jupon" ou plus souvent "habit de dessous"; on trouve aussi les mots pleyous ou pleyot et celui de souy. À la fin du XVII° siècle, le cotilhon de dessus est généralement en « cordeîlhat d'Oloron » bleu et celui de debat de même tissu mais de couleur verte… La mariée porte en outre des bas (causses, bais de causses ou encore causses de bais)…. Les souliers sont souvent aussi mentionnés dans les contrats. Bas et souliers disparaissent totalement des contrats à partir de 1735, probablement parce qu'ils étaient considérés comme allant de soi. »
Si le fiancé, le jour de ses noces, opte pour des habits traditionnels, il porte alors le béret noir ou marron, une chemise blanche, un gilet (court à la fin du XVIIIe siècle), une ceinture rouge faisant plusieurs fois le tour de taille maintient une culotte courte brune ou bleu foncé qui s’interrompt sous les genoux, des jambières blanches qu’il revêt les dimanches et les jours des fêtes, et enfin, des guêtres sur les chaussures.
Dans le livre consacré à Laroin 89, on lit : « La veille des noces, le soir, les amis du marié venaient chez lui pour la cérémonie du lavage des pieds. Effectivement, munis de brosses de chiendent, de cisailles, étrilles et autres instruments barbares, ils lui faisaient subir une toilette approfondie des pieds et lui faisaient les ongles. C’était surtout une occasion originale d’enterrer sa vie de garçon dans la bonne humeur, la rigolade, avec force farces et bouteilles de Jurançon. » Jean-François Soulet 90 précise que ce sont les jeunes qui président à la cérémonie rituelle des cadeaux qui différent selon les régions. « Au premier acte, le fiancé, accompagné de ses amis, se présentait la veille des épousailles au domicile de sa fiancée et, les bras chargés de cadeaux, la priait de bien vouloir lui ouvrir la porte. Le second acte consistait en un dialogue chanté qui s’engageait entre l’entourage du prétendant et les donzelles placées derrière la porte. Les jeunes gens avaient beau énumérer spirituellement les différents cadeaux : rien ne semblait pouvoir fléchir la volonté de la fiancée. Mais, voici que, coup de théâtre et troisième acte, le fiancé proclamait : « les joyaux d’amour, je t’apporte, mariée ! » La porte s’ouvrait alors en grand et commençait aussitôt en guise de dernier acte la recherche fiévreuse de la fiancée qui s’était cachée dans la maison durant la sérénade. »
Les invités offraient aux nouveaux mariés des cadeaux, par exemple « de la volaille que la mariée portait au marché au lendemain des noces et qui constituait son premier pécule bien à elle. Le trousseau et les meubles, s’il y a lieu, étaient déposés chez le futur époux la veille du mariage, ils étaient ostensiblement exposés à la vue des voisins traînant par là par hasard… »90
Il existe un rite qui marque la séparation des futurs mariés d’avec leurs familles. Il s’agit de l’enlèvement de la fiancée, on simule un rapt. La veille des noces, la fiancée se dissimule dans la maison, aidée par des amis. Le fiancé accompagné de ses camarades se présente, chante la « canson de la nobio », un dialogue s’instaure entre les deux partis. Puis, on fait entrer les quémandeurs qui se précipitent pour chercher la fiancée.
Le jour des noces, les demoiselles d’honneur (voisines…) passent à la future épouse sa robe de mariée et la couvrent du châle. Jean-François Soulet 90 écrit que les garçons « s’occupaient des jarretières et des souliers dans lesquels ils glissaient, à l’insu de la jeune épouse, une plume de poule ou une pièce de monnaie dans l’espoir de conjurer ainsi le mauvais sort. » La jarretière est une tradition populaire dans le monde paysan aux XVIIe et XVIIIe siècles. Sous sa robe de mariage, la future mariée la porte et elle sera retirée lors du repas des noces par un garçon d’honneur ou un enfant. Prétexte pour procurer un certain pécule aux jeunes époux, elle est mise aux enchères.
Les voisines peuvent également aider à confectionner le repas de noce tandis que les hommes préparent le local le plus à même de recevoir tous les convives, la grange. On pose des tréteaux et des planches. Des nappes blanches, des bouquets peuvent agrémenter les tables ainsi mises. On sollicite le meilleur cuisinier du village, les plus riches font appel à un cuisinier de la ville.
Des actes notariés de Nays 91 et des environs portent la mention suivante : « en porte et facie de sancte mayre Glisie », ce qui laisserait supposer que les deux fiancés se donnaient leur consentement devant la porte de l’église. Le mariage devait se poursuivre soit à la suite de ce rite, soit un autre jour. Ce type de procédé n’a pas été retrouvé ailleurs.
Les marraines et les parrains conduisent le plus souvent les futurs époux devant l’autel, suivis des invités. Le choix n’est pas neutre, le parrainage, à l’époque, revêt de l’importance, car il constitue un lien de parenté. Pourquoi ne pas alors les choisir dans un groupe social plus élevé, si cela est possible ? Jean-Louis Beaucarnot 92 écrit que selon les régions, la future mariée « est au bras de son père, de son parrain précité, d’un proche parent ou du premier garçon d’honneur. Le cortège, plus ou moins long, s’égrène alors sur les chemins, précédé du vielleux, du fifre, du joueur de biniou ou de violon. » On porte des bouquets de fleurs.
Sur le chemin, la route qui mène à l’église peut être barrée par un obstacle. En Aquitaine, notamment, se pratique au moins depuis le XVIe siècle une coutume dénommée la « sègue » qui consiste à déposer une ronce, soit un obstacle réel (pierres…), soit un obstacle figuré (ruban, bouquet…) sur le chemin menant à l’église et qui symbolise la barrière. Avant d’être appliqué au mariage, le droit d’Arromèga est un droit municipal. La localité d’Ordizan, en 1689, inclue dans ses statuts ceci : « A chacun homme estranger n’estant né ny baptisé audit lieu qui voudra y estre voisin, marié et habitant payera d’entrée ou rouméguère une barrique, un pipot et une tasse vin bon et marchand à la communauté suivant l’uzage du lieu et autres circonvoisins. Et chacune des femmes estrangères qui viendront estre mariées audit lieu payeront d’entrée un pipot et une tasse vin ». On voit bien ici que l’on pointe l’étranger qui doit s’acquitter d’un droit d’entrée pour être accepté par la communauté. Gare à celui qui refuse, il sera assigné en justice puisque ce droit contribue aux ressources de la collectivité. Des abus éclatent, les Etats de Béarn portent plainte auprès de Catherine de Navarre qui interdit son usage en 1488. Les abus s’estompèrent mais pas leur existence puisqu’on le retrouve au XVIIIe siècle à l’occasion des mariages, et même plus tard.
Les parents et les amis attendent les futurs époux et entonnent des couplets au sujet de leurs vies, de leurs mœurs… Ces derniers s’empressent en général de verser une certaine somme pour interrompre ces couplets. Voilà ce qu’écrit l’abbé Bonnecaze en évoquant la « la nouvelle mariée » conduite « chez son mari : et lorsqu’elle se disposait d’entrer dans la maison, un des plus proches mettait une perche ou un balai de travers à la porte, pour lui en empêcher l’entrée. La femme levait la jambe et franchissait cet obstacle mais aussitôt se présentait un autre homme armé d’une épée qui lui empêchait d’avancer ; et pour lever cet obstacle la femme lui faisait un présent pour acheter la liberté du passage ». Puis, il cite une autre « extravagance » consistant pour deux ou trois hommes à se positionner, « armés à la porte du cimetière de la paroisse, pour empêcher le futur ou future d’avancer, qu’ils n’eussent payé un prétendu droit d’entrée, fondé sur un usage abusif superstitieux. » En bon moraliste, il achève son récit par cette phrase : « Les auteurs de cette concussion allaient ensuite dépenser l’argent en débauche… ».93 Il s’agit de lutter contre l’exogamie (chercher son conjoint hors du même groupe). Cette coutume vise davantage le marié « étranger » qui devait symboliquement se racheter. En outre, elle montre que la communauté veut soumettre quiconque à ses codes moraux. Mais elle présente aussi un autre inconvénient, celui d’avouer des défauts qui pourraient être utilisés à leur insu. Ceux qui refusaient de verser leur obole risquaient de connaître un charivari (« calhabari »). Christian Desplat 94 écrit que « les autorités cherchèrent à éliminer cette procédure communautaire, qui s’inscrit dans la même logique que le charivari ou la course à l’âne. » Par exemple, les ordonnances d’Oloron de 1753 censurent cette pratique : « scandalum eorum qui intersunt coetibus tumultariis aut vociferationibus quae nomine charivari, sègue, course d’âne, intelliguntur, vel ad directe influunt. »
L’abbé Bonnecaze, ancien vicaire d’Asson, nous révèle que des procès ont eu lieu à la suite de querelles survenues, expliquant que cette « extravagance a été abolie en beaucoup d’endroits… Sur quoi il y a eu quelque arrêt qui défend ces abus contraires au bon ordre et à la liberté publique des mariages et qu’on ne peut empêcher personne d’entrer dans l’Église pour le service divin». Lorsque l’abbé écrit ces lignes, nous sommes vers 1770 et la « sègue » semble, d’après lui, avoir disparu à cette époque (en fait, on sait qu’elle perdurera). C’est pourquoi il rajoute que l’on « a modifié cette scène burlesque, Maintenant deux ou trois biberons, gens sans aveu, se tiennent à la porte du cimetière , tenant une longue ceinture aux deux bouts pour faire entendre qu’il faut leur donner quelque argent, et l’un d’entre eux fait une harangue gothique tendant à cet objet. Etant finie, il présente un bassin rempli de bouquets, en présence d’abord aux époux et puis aux parents et chacun donne une pièce de monnaie, puis on lève la ceinture pour les laisser entrer. » Pourquoi faire référence au cimetière au sujet de cette coutume ? Probablement, car il incarne plusieurs symboles, outre celui du lieu de rencontre entre les morts et les vivants, on peut évoquer alors l’inquiétude que suscite l’irruption d’un « étranger » dans le monde des morts que l’on tente d’ « exorciser » par le paiement d’une « obole ». Il ne faut guère omettre le symbole de sociabilité.
Christian Desplat 95 mentionne que la sègue est donc « un rite de passage et de rachat » qui concerne autant « lo nobi o lo nobie », et qu’il soit étranger. La communauté démontrait ainsi « sa méfiance vis-à-vis du monde extérieur ; elle protégeait aussi ses fragiles équilibres démographiques contre l’exogamie. Elle prétendait enfin imposer ses règles morales… »
L’abbé Bonnecaze 96 nous rappelle qu’il « En 1760, il existait encore un abus... les parents du futur ou de la future avaient accoutumé de leur donner quelques brebis ou moutons avec un bélier, qu’on conduisait à l’église avec les futurs époux. Ces animaux étaient bouquetés aux cornes et avaient des sonnettes ; on les tenait dans l’église pendant la cérémonie et la messe ; un pasteur les gardait dans un coin de l’église et les faisait remuer de temps en temps afin de faire entendre des sonnettes. » Il rajoute qu’il s’est opposé à cette pratique en déclarant qu’il refuserait de faire la cérémonie tant que les moutons soient présents dans l’église. Les gens résistèrent, vu qu’il dut quitter l’église, mais c’est lui qui eut le dernier mot car « on les mit au cimetière et je fis mon devoir. Depuis lors, on se contenta de les mener jusqu’à devant l’église sans entrer au cimetière. Insensiblement cet usage a été aboli. »
Rappelons encore que l’Église est omniprésente à l’époque et, par conséquent, il ne faut guère oublier que les gens devaient se rendre à la messe tous les dimanches et les jours de fêtes religieuses, ce qui correspond approximativement à une centaine de jours en un an. Ne pas y assister était considéré comme un « péché mortel », il fallait une très bonne excuse pour ne pas y aller, par exemple y être empêché par un temps épouvantable, soigner un animal. On communie au moment de Pâques. Lorsqu’on s’y rend, la messe ne s’effectue pas comme aujourd’hui où règne un silence respectueux. Il faut imaginer qu’à l’époque tout le monde discute, quand on récite le « Pater Noster » on le déclame en latin, langue quasiment incompréhensible pour tout le monde excepté les lettrés. On se positionne selon les sexes, à droite et à gauche dans l’église ; dans les galeries, les hommes (Pays Basque, mais aussi dans quelques églises béarnaises comme à Béost) et, en bas, les femmes. Tous les fidèles comprennent le prêche ou le prône, qu’il soit en français ou en patois. Enfin, on écoute cette fois-ci plus attentivement le curé lorsqu’il donnera des informations comme l’annonce d’un édit royal… sur sa chaire avec son abat-voix, comme on peut en voir un, de type baroque à cuve polygonale, dans l’église de Morlanne. Le curé garde encore sur ses paroissiens un pouvoir important sur leurs âmes par le biais du confessionnel. Chacun se positionne selon aussi la hiérarchie sociale : ainsi, le chœur est réservé aux « fabriciens » qui gèrent les comptes de la paroisse et qui possèdent comme les notables un banc à demeure. Toutefois, les historiens ont noté que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle des signes dénotent un changement perceptible dans la pratique religieuse. Dans les villes, on constate une diminution de la pratique des sacrements, on sollicite moins de messes pour le repos de son âme. Cela ne veut pas dire que les gens soient devenus athées ou déistes, ces deux croyances ne sont le fait qu’une minorité.
Le curé, outre son rôle de célébrer les noces, a la tâche de bénir le lit nuptial, chez les époux, la veille ou à l’issue du repas des noces afin d’éloigner le mauvais sort. Ce rite correspond au rite de fécondité.
Lorsque la cérémonie religieuse débute, les portes de l’église sont ouvertes. Si ce n’est pas le cas, le mariage peut être considéré comme nul, vu qu’il est considéré comme un engagement public et donc doit être pris à huis-clos.
L’église est ornée de fleurs que l’on a été cueillir dans le village. Le curé fait un discours de bienvenue puis fait la messe.
Le Rituel du diocèse de Bordeaux daté 1728 dicte les paroles que doivent prononcer les curés : « Le curé s’adressera à l’époux, et l’appelant par son nom et son surnom, il lui dira : N.N, (nommant l’épouse par son nom et surnom) voulez-vous prendre maintenant N.N, pour vôtre femme et légitime épouse, en la forme que la sainte Eglise nôtre mère le pratique ? L’époux répondra : Oüy, Monsieur je le veux. Ensuite le curé parlant à l’épouse, et l’appelant par son nom et son surnom, il lui demandera : N.N, voulez-vous prendre maintenant N.N, (nommant l’époux par son nom et son surnom) pour votre mari et légitime époux, en la forme que la sainte Eglise notre mère le pratique, L’épouse répondra : Oüy, monsieur je le veux. – Le prêtre s’étant ainsi découvert, et, ayant fait mettre la main droite de l’époux sur celle de l’épouse dira…A près ces paroles, l’époux mettra sur les erres, qui consistent en 13 pièces de monnoye : et le prêtre toujours découvert, en fera la bénédiction en la manière qui suit… L’époux mettra ensuite l’anneau sur le bassin, et le prêtre le benira de la même manière… Après cette prière, le prêtre jettera de l’eau bénite en forme de croix sur l’anneau et sur les erres, sur les nouveaux mariés, et puis sur toutes l’assemblée. Ayant rendu l’aspersoir, il fera le signe de la croix sur l’anneau disant… Après quoi il présentera à l’époux qui le mettra au doigt annulaire de la main gauche de son épouse, c’est-à-dire à celui qui est le plus proche du petit doigt ; et le prêtre fera en même temps le signe de la croix dessus, disant… Ensuite il prendra les treize pièces de monnoye, il en gardera une, et présentera les douze autres à l’époux, qui les mettra dans la main droite, ou dans la bourse de son épouse, et le prêtre fera le signe de la croix dessus, disant…
Explicitons quelques éléments du déroulement de la messe nuptiale. Rappelons que l’on pense que l’origine des alliances de fiançailles (bagues de promesse) remonterait à l’Egypte antique, probablement il y a 6 000 ans. Ces anneaux de chanvre, de joncs ou de roseaux tressés symbolisaient l’amour éternel (cercle). Pour les médecins du IIIe siècle AVJC, une veine de ce doigt était reliée au cœur, la fameuse Veine d’Amour, Vena Amoriset, par conséquent, on mettait l’alliance à l’annulaire de la main gauche (croyance infondée scientifiquement). Chez les Grecs et les Romains, les anneaux sont en fer, incarnant la solidité. Pour les Occidentaux, l’usage des alliances pour les chrétiens remonterait vers l’an 860. Le matériau différait selon les groupes sociaux, or, pierres précieuses pour les plus aisés, argent ou bronze pour les moins fortunés. A partir du XVe siècle, on différencie l’anneau de fiançailles et l’alliance de mariage, confectionnée avec simplicité (après que la promesse a été concrétisée par des vœux). Il est possible de les porter les deux. Porter son alliance à la main droite ou à la main gauche peut découler du choix du pays ou d’un souci pratique (crainte de l’user, de l’abîmer…). A partir des XVIe et XVIIe siècles, on la porte dans la main gauche en France. De plus, les bagues de fiançailles deviennent un moyen d’étaler son pouvoir et sa richesse. On y applique des inscriptions à l’intérieur, ceci couramment. L’échange mutuel des alliances ne daterait, pour les Occidentaux, qu’au XIXe siècle. Au préalable, il incombait au marié de mettre l’anneau au doigt de son épouse. Par conséquent, seule l’épouse porte l’anneau. 97 Autre rituel, l’union des mains. Il remonte à l’époque romaine, la « dextrarum junctio ». Ce geste signifie, comme la remise de l’anneau, le secours et la fidélité que se promettent les mariés mutuellement.
Ensuite, le curé bénit treize « treizins » ou « trézain », coutume que l’on retrouve dans toute la France selon un rituel de la fin du XVIe siècle, avec des différences bien entendu. Ce sont des pièces de métal (13 deniers…) plus ou moins précieux que le fiancé offre à sa fiancée. Elles correspondaient à Jésus et aux douze apôtres et symboliseraient la prospérité. La suite diffère, parfois l’époux laisse dix deniers au curé, puis en mettant l’anneau au doigt de son épouse, il donne 3 deniers dans sa main.
Lors de la cérémonie au moment de l’échange des promesses, les gens s’épient. Ils surveillent si quelqu’un ne noue pas l’ « aiguillette ». L’Encyclopédie de Diderot définit l’aiguillette comme un « morceau de tresse, tissu ou cordon plat ou rond, ferré par les deux bouts, dont on se sert pour mettre sur l’épaule ou pour attacher quelque chose. » L’action consiste à faire un lacet au premier nœud et à faire un second au moment où le prêtre prononce les mots du rituel. Plus tard, le soir, quant les époux se retrouvent au lit, on en fait un troisième, l’aiguillette est ainsi nouée. On attribue communément le nouage à un sorcier, à un rival ou à une femme jalouse. Maléfice condamné par l’Eglise qui sanctionnait les auteurs d’excommunication au Moyen Age et prévoyait que les curés exorcisent les victimes. Cette pratique se déroule surtout aux XVIe et XVIIe siècles. Jean-Baptiste Thiers rédige en 1704 un « Traité des superstitions », on y trouve un secret pour s’en prémunir : « mettre du sel dans sa poche et des sous marqués dans ses souliers avant que d’aller épouser. » Secondement, « passer sous le crucifix de l’église sans le saluer, ne faire entrer l’anneau de l’épouse que jusqu’à la première jointure de son doigt ; laisser tomber l’anneau à terre ; et battre les pieds ou la tête des nouveaux époux dans le temps qu’ils sont sous le poile. »
Ensuite , on terminera par se rendre à la sacristie afin d’apposer les signatures (si les conjoints savent écrire) sur le registre paroissial. Les quatre témoins (deux au départ au moment du Concile de Trente) apposent leur signature, gage de sa valeur juridique.
La bénédiction nuptiale achevée, le couple sort de l’église. En France, on jette alors du riz, symbole d’abondance et porte bonheur. Il semble que cette coutume remonte à l’Antiquité, époque à laquelle on lançait des fruits secs, symboles de fécondité.
Roger Castebon 98 cite pour le Béarn la pratique de « l’aspersion de froment comme gage d’abondance future ».
Un mariage sortant de l'église à Montaut (illustration tirée du site : Escola Gaston Febus)
Depuis le XVIe siècle, en France, est apparue une tradition en relation avec le bouquet de la mariée. Les jeunes garçons courent derrière elle pour s’emparer du bouquet qu’elle jette en l’air. D’ailleurs, dans les portraits figurant de jeunes filles, on observe au XVIIIe siècle des fleurs accrochées aux décolletés. Ces fleurs symbolisent la virginité.
Entre l’église et le lieu des festivités, le cortège est parfois précédé de joueurs de musique, souvent le ménétrier, joueur de violon en-tête. Les chants et la danse égrèneront l’après cérémonie.
L’abbé Bonnecaze mentionne un autre « rite de passage » : « Lorsqu’on conduisait la nouvelle mariée ou l’époux dans la maison où l’un et l’autre devaient aller, dès que les parents entraient dans la basse-cour, on fermait la porte de la maison. Ceux de dehors chantaient quelque moment, ensuite on poussait ; ceux de dedans pleins de vin ouvraient un peu ; alors les externes poussaient à force et les internes aussi, et pour l’ordinaire la scène finissait par une batterie de coups de bâton et du sang répandu. En 1758, il y eut au lieu d’Asson des informations à ce sujet. Cependant les exhortations des prêtres ont un peu radouci cette brutalité. » Cette description, outre le ton moralisateur de l’auteur lorsqu’il s’agit de dépeindre des participants ivres, nous révèle la violence dans le monde des campagnes. Christian Desplat 99 précise que ces violences décrites par l’abbé ne sont que le reflet des antécédents survenus dans le passé entre les familles ou des voisins et qui éclatent alors.
A côté de cette « brutalité » existent d’autres pratiques « ridicules ». Laissons encore notre chroniqueur des rites populaires nous en relater une autre : « ...ceux qui doivent recevoir la nouvelle mariée se placent sur la porte, et l’un d’eux fait des questions ridicules ; il demande à l’épouse du pain, du vin, des chandelles, de la volaille, du sel, du poivre, de la viande, et du froment, et quelques graines de légumes qu’on doit remettre avant d’entrer. On présente un peu de toutes ces choses, puis on lui permet d’entrer. La maîtresse de maison va la prendre par la main, la conduit au foyer de la cheminée, lui fait toucher la crémaillère ou pendant du feu, et on lui présente un linge pour essuyer ses mains. On lui fait toucher également quelques meubles de cuisine et de la maison pour l’en mettre en possession. Après quoi, on lui présente un verre, on lui verse du vin, et boit à la santé de la compagnie. Dans les villes et aux environs, dès que l’on voit arriver l’épouse à la basse-cour, l’époux s’avance, va la prendre par la main et l’introduit dans la maison ; autrement c’est le plus proche parent qui l’introduit et ensuite les principaux parents l’embrassent en la félicitant. » 100
Une pratique supplémentaire est à relever, que l’on retrouve davantage dans les « hautes sphères », celle d’utiliser des armes à feu. Cette manifestation de joie, on la retrouve à Portet en 1767, et malheureusement, elle se termine mal. Nous sommes : « le onze octobre dernier, veille des noces d’une sœur du sieur Blandin, on fit une fette et on tira des coups de pistolets ; quelques-uns s’étant détraqués, il fut décidé qu’on les fairoit raccommoder pour le lendemain. Par conséquent, la scène se prolonge la nuit suivante, mais : « … en passant devant la maison du sieur d’Abbadie, où ils virent encore de la lumière, ils firent une décharge ; ce bruit effraya… » Un individu est tué accidentellement. Le roi accorda des lettres de grâce aux jeunes auteurs de l’incident.
Vient dorénavant le repas des noces. Comme l’écrit Roger Castetbon 101 , il « est un moment des plus importants et l’occasion de montrer que, même si on n’est pas riche, on a su faire le maximum pour honorer ses invités. Il ne faut pas décevoir. C’est aussi l’occasion de manger des mets habituels et de boire des vins nobles. Enfin, cela dépend des moyens dont on dispose. Il est certain qu’au XVIIIe siècle, quand l’autarcie est dominante, tout ou presque sort de la ferme. Le repas se termine par des chants et des danses, comme partout. Les musiciens du village sont sollicités, chez les plus riches, un orchestre. Les mariés ouvrent le bal. C’est l’occasion pour les hommes de faire entendre leurs magnifiques voix graves, après de nombreuses séances d’entraînement à l’auberge. Le vin est servi soit par le biais d’un barricot soit d’une barrique. » Le soir de la noce est l’occasion pour les mariés, la famille et les invités de s’amuser, notamment en dansant. La Réforme protestante l’interdit. Dans les ordonnances ecclésiastiques de Jeanne d’Albret 102 du 26 novembre 1571, l’article 74 est formel : « estans aussy communement les danses plaine de chansons impudiques de contenances et de gestes lascifs l’appast et le hamecon de volupté et desbordement largument et le tesmoignage d’inconstance et légereté indigne du chrestien sous prohibons et deffendons toutes espece de danse à tous nosddits subjects sur peyne de dix sols d’amende toute applicable aux poures et de prison pour huict jours s’il aparoist d’une coustume et obstination. » Quant à l’Eglise catholique, elle les tolère qu’à contrecœur, toujours dans un esprit moralisateur.
Jean-François Soulet nous précise que les « devoirs » et les « responsabilités étaient rappelés à la nouvelle épouse ». De citer alors l’exemple pris en vallée d’Ossau où la nouvelle épouse « devait se diriger vers la grande cheminée pour toucher ou embrasser la crémaillère ». 103 Autres « remèdes » pour conjurer le sort et éviter que le couple ne soit stérile, on ira en pèlerinage ou aux eaux thermales (notamment celles d’Eaux-Chaudes), on consultera de prétendus guérisseurs.
La nuit venue, les nouveaux époux quittent les invités pour aller se coucher ou aller dans lieu en principe non divulgué, mais les convives viennent les surprendre dans leur lit et leur donnent à boire la « roste » (du vin épicé mélangé avec du pain rôti, d’où son nom, véritable soupe au vin en réalité). Cette coutume s’explique par le souhait des amis, des parents... d’aider les nouveaux époux à parfaire à leurs devoirs conjugaux. On prend alors bien soin de poivrer la roste.
Le lendemain matin, Roger Castetbon 104 note que « les voisins et quelques parents remettaient tout en ordre et restaient à midi pour liquider les restes, car, pour un mariage, on ne fait pas les choses à moitié, mais plutôt en double. »
Le mariage différe bien entendu entre les groupes sociaux. Nous possédons une étude entreprise par J-M. Deville en Bigorre qui distingue les mariages bourgeois et les mariages des paysans. Chez les premiers, il ne durait qu’une soirée et de manière discrète.
Ici, les responsables de la coutume de la « roste » sont généralement des jeunes. Plus haut, il a été mentionné le terme charivari, c’est un rituel collectif effectué pour empêcher un mariage mal assorti et un remariage. A cette fin, les acteurs (principalement des jeunes) usent de bruits provoqués par toutes sortes d’objets comme des casseroles, des instruments de musique. Le but consistant à défendre les intérêts de la communauté.
Le remariage , en effet, est perçu comme une transgression de la part notamment des jeunes, surtout lors d’unions entre des individus de grandes différences d’âges, mais aussi de la communauté si le mariage ne « respecte pas » la zone géographique et l’endogamie. Au vu de l’Eglise, le remariage a été condamné au début, il ne l’est plus au XVIIIe siècle. Néanmoins, il s’opère discrètement, on ne convie pas les gens du village à un repas de noce. Pourtant, dans les faits, c’est une résultante de la forte mortalité. Les chances de remariage dépendent des sexes, des âges et des fortunes. Les femmes ne sont pas égales des hommes, elles subissent plusieurs handicaps : l’âge, les multiples grossesses qui les ont « déformées », ces nombreux enfants qu’il faut se charger. D’ailleurs, ce qui explique que plusieurs veuves hésitent à se remarier afin de ne pas compromettre leurs patrimoines. En effet, si elle a des enfants, elle sert d’intermédiaire dans la transmission des biens à l’aîné(e) lorsque ce dernier atteindra l’âge requis. Ces douairières deviennent des chefs de famille, qui, comme on l’a vu précédemment, ont le droit de participer aux différentes institutions locales, paroissiales… Mais ce cas ne correspond pas à la généralité, la majeure partie des veufs ou veuves se remarient au bout d’un an. Les raisons sont humaines et matérielles : sexuelle, travail, affaires. Toutefois, ces remariages dérangent les autres.
Ce qui explique que parfois on préfère se remarier ailleurs, dans une paroisse voisine. A Bosdaros, des paroissiens de Monein et de Gan viennent s’unir. Prenons le cas de Pierre Lavignasse et d’Anne Lesquerre de Bosdaros. Le curé écrit sur le registre des mariages : « Nous, Jean Castaing-Fois, prêtre vicaire de Pardies et chapelain de Pietat avons fait la bénédiction nuptiale de Pierre Lavignasse, marié en seconde des noces... » Les parents n’assistent pas à l’acte. Les témoins sont originaires de Pardies. 105
Sinon, le couple de remariés risque de subir un charivari de la part des jeunes villageois. Donnons la définition de l’Encyclopédie de Diderot : « bruit de dérision qu’on fait la nuit avec des poêles, des bassins, des chauderons, &c. aux portes des personnes qui convolent en secondes, en troisiemes nôces ; & même de celles qui épousent des personnes d’un âge fort inégal au leur. » Ces insultes ont été à plusieurs fois prohibées, notamment par l’Eglise lors du Concile provincial de Tours en avril 1431 qui punit les intervenants par l’excommunication. Dénommés « carivarium », ces actes condamnables entraîneraient des blessures et des homicides, incitant les couples de remariés, par crainte, à vivre en concubinage plutôt que dans l’état matrimonial. Voici le constat formulé par l’Encyclopédie de Diderot à la fin de sa définition : «A Lyon, ce desordre est encore toléré : on continue le charivari jusqu’à ce que les nouveaux remariés ayent donné un bal aux voisins, & du vin au peuple. Il y a environ trente ans qu’on n’en souffre plus à Paris. Plusieurs particuliers étant contrevenus aux réglemens faits à ce sujet, furent condamnés par sentence de police du 13 Mai 1735. » Un proverbe béarnais ne disait-il pas : « Maridatye de yoen e yoene qu’ey de Diu, De uoen e bielhe qu’ey d’arré, De bielh e yoene qu’ey deu Diu Diable » (Mariage de jeune homme avec jeune fille est de Dieu, de jeune homme avec vieille femme rien, de vieillard avec jeune fille est du Diable).106 Si l’Eglise et les institutions civiles (Parlement de Navarre) se sont opposées à cette pratique, les autorités locales ne se sont interposées que rarement. Elle arrangeait de nombreuses personnes. Bien sûr, les jeunes qui transmettent leur message, les jaloux, les ennemis, un ou des membres de la famille, car le remariage contrecarre leurs intérêts et, enfin, la collectivité puisqu’il bouscule les habitudes et apporte de l’animation.107
Si le charivari est une pratique plus ou moins brutale, la jonchée (« juncade ») est plutôt pacifique. On l’utilise lorsque les gens de la localité veulent désavouer un adultère, un mariage qu’ils jugent immoral ou ne respectant pas la tradition. Christian Desplat cite un exemple qui a touché Pierre Casedebat. Il est veuf et âgé d’une soixantaine d’années. « Parti à la rencontre de sa future femme, accompagné de ses proches parents. Casedebat avait eu la honte de découvrir une jonchée. Quelque mauvais plaisant avait joué le rôle du petit Poucet pendant la nuit. Ailleurs, la jonchée, la juncada, était de paille, de fougères, parfois même de vieux sabots. Ici, elle était de haricots, de ces bons haricots qui vont si bien à la soupe et qui poussent en s’accrochant au maïs. Un ruban de haricots unissait sur plus de deux cents mètres, le domicile de Mariette à celui de Jacques Lahore, bel homme d’une trentaine d’années, réputé dans tout le canton pour ses bonnes fortunes. » .108 Lorsqu’on verse des sur le sol des haricots des grains de maïs, la jonchée est appelée « mounyétaro »On ne désavoue pas l’amant, ici Jacques Lahore, ni son épouse, mais le mari trompé. L’acte est réalisé par des gens qui ne révèlent pas leurs noms.
Le couple marié, l’Eglise continuait à s’immiscer dans leur vie privée, par crainte de son devenir. Dans les Ordonnances synodales d’Oloron, il est écrit que, pour éviter une potentielle tentation il est prohibé au couple d’accueillir chez lui : «… toute sorte de gueux, de vagabonds, et gens sans aveu qui suivent les fêtes locales accompagnés de leurs épouses sans avoir jamais été mariez, ces sortes de gens sans honneur et souvent sans religion mènent une vie infâmes. » Ici, se mélange plusieurs notions : peur de l’adultère, fragilité des êtres humains face à la tentation, peur des étrangers et des forains que l’on accuse de tous les maux…
Outre l’Eglise, la morale est également contrôlée par la communauté à travers une pratique que l’on nomme asouade (« asou »). Son nom vient du mot âne. Les raisons sont similaires à celles du charivari, si ce n’est que l’on peut adjoindre, le mari soumis, battu par sa femme. Un proverbe béarnais ne disait-il pas : « La moulhé nou t’haye la causse » (Que la femme ne t’ait pas [ne te prenne pas] les chausses ; sos le mâtre chez-toi que ta femme « ne porte pas la culotte »). 109 Ou à l’opposé, on vise par ailleurs celui qui se comporte mal en violentant son épouse, en buvant plus que nécessaire. Cette coutume est plus violente que le charivari puisqu’on enfourche sur un âne celui que l’on désire humilier. On le place à l’envers de la monture. On le traîne à travers les rues pour l’exhiber, en chantant, en se moquant et en l’insultant. On fait le plus de bruit possible, ce qui ressemble alors au charivari. Au XVIIe siècle, cette coutume a tendance à disparaître, mais des cas sont signalés encore au XVIIIe et XIXe siècles. 110
La cohabitation au sein du couple est subie parce que le mariage est un sacrement indissoluble. Comme le prouvent des lettres, des actes notariés… un attachement s’est formé entre les deux époux durant les années, même si au départ l’amour était inexistant. Mais il existe des exceptions comme les violences conjugales qui occasionnent une demande de séparation de corps auprès des tribunaux royaux.
Analysons maintenant le divorce. Dès l’origine, l’Eglise chrétienne proclame l’indissolubilité du mariage. (Marc, x, 2-12). Avant la Révolution, le divorce n’existe pas en tant que tel. Avant le IV Concile de Latran de 1215, on parle de répudiation, essentiellement dans la noblesse. Par la suite, le mariage est indissoluble et devient un sacrement. L’Eglise admet la séparation des corps que pour cause d’adultère ou d’hérésie, mais prohibe le remariage. Le Concile de Trente, en 1563, confirme que le mariage est un sacrement. Les protestants, eux, autorisent le divorce, car le mariage n’est plus considéré comme indissoluble. Il est à noter toutefois que les Eglises luthériennes avaient reconnu, au préalable, le divorce comme adultère. Les tribunaux laïcs prononcent des séparations des corps et des biens, dans certains cas (violence, atteinte à la dignité…). Si ladite séparation des biens est sollicitée par l’épouse, elle rend caduque la communauté si la mauvaise gestion de l’époux est avérée. Au sujet de la séparation de corps (divorcium) qui est dans la majorité des cas liée à la séparation des biens, elle n’annule pas le mariage. Elle permet aux mariés de ne plus vivre ensemble, mais elle défend de se remarier. Il faut noter, et là, on se rapproche de l’attitude de L’Eglise catholique que : « passant progressivement du ressort des officialités à celui de la justice séculière, elle peut être accordée pour cause d’hérésie, sorcellerie, entrée en religion, ou plus souvent pour mauvais traitement ou adultère. » A. Lottin a étudié 600 demandes de séparation de corps durant la période de 1710 à 1791 devant l’officialité de Cambrai qui a pour compétence les affaires matrimoniales, mais qui cumule les fonctions de juge ecclésiastique du diocèse de Cambrai et de juge civil. La majeure partie des demandes proviennent des femmes (3/4), elles font état des injures, des violences, des adultères, des reproches au sujet de la gestion financière de leurs époux. Les citadins représentent 60% des requêtes. Au niveau social, l’élite constitue le quart d’entre eux, les classes moyennes représentent plus de la moitié et les classes populaires un cinquième. L’auteur remarque que la séparation a été accordée par l’official dans une large mesure, les 4/5e. Ses raisons principales : préserver l’épouse et la sacramentalité du mariage. 111 Cette analyse montre que les séparations étaient peu nombreuses et étaient demandées dans les milieux sociaux aisés. On protège les biens et l’honneur de la famille. Il advient, mais peu fréquemment, que les époux consentent de se séparer et l’officialise devant un notaire ou à la police, démarche davantage pratiquée dans les milieux populaires. Il est à noter que des contrats de mariage incluent des clauses de séparation
Au siècle des Lumières, notamment avec Montesquieu et Voltaire, les philosophes sont favorables au divorce, puis sous la Révolution, on désacralise et on laïcise le mariage, le 3 septembre 1791, le mariage devient un contrat civil. Il est à noter que dans les cahiers de doléances de 1789, très peu d’entre eux demandent d’instituer le divorce. Ceux du clergé par contre rejettent leur instauration. Le divorce est autorisé par la loi du 20 septembre 1792 à travers l’article 1er : « Le mariage se dissout par le divorce. » Voici les autres articles inhérents aux consentements : article 2 = « Le divorce a lieu par le consentement mutuel des époux », article 3 = « L’un des époux peut prononcer le divorce , sur la simple allégation d’incompatibilité d’humeur ou de caractère », article : « Chacun des époux peut également faire prononcer le divorce sur des motifs déterminés; savoir : 1° sur la démence, la folie ou la fureur de l'un des époux; 2° sur la condamnation de l'un d'eux à des peines afflictives ou infamantes; 3° sur les crimes, sévices ou injures graves de l'un envers l'autre; 4° sur le dérèglement de mœurs notoire; 5° sur l'abandon de la femme par le mari, ou du mari par la femme pendant deux ans au moins; 6° sur l'absence de l'un d'eux, sans nouvelles, au moins pendant cinq ans; 7° sur l'émigration, dans les cas prévus par les lois, notamment par le décret du 8 avril 1792. » Le divorce est prononcé par un officier d’état civil.112
Sous l’Assemblée Législative, les débats au sujet du divorce ont été rudes avant qu’ils débouchent sur son acceptation. Mais la Restauration l’abolira en 1816 vu que la religion catholique devient religion d’Etat. La Chambre des Députés, vote un projet remettant au clergé la fonction d’officier d’état civil mais il ne fut jamais transmis à la Chambre des Pairs. Il faudra attendre 1884 pour son rétablissement.
Pour finir avec le mariage, il est encore courant d’entendre parler en ce qui concerne les temps passés d’une pratique qui est davantage de l’ordre du fantasme que du rationnel, celle que l’on nomme « droit de cuissage » ou du « droit du seigneur ».
Jean Loubergé dans une étude concernant Bizanos fait référence au « droit de cuissage » - appelé « Droit du seigneur » à partir du dénombrement du seigneur Auger en 1538. Dans ce texte, il est fait mention du droit qu’aurait le seigneur du lieu, lors des mariages, de coucher avec la « nobia » - la mariée - la première nuit. Les habitants du village et le seigneur se seraient mis d’accord pour décider de remplacer cette « pratique » par un tribut. A charge pour ceux qui désireraient s’épouser d’apporter à leur seigneur une « poularde, un chapon, une épaule de mouton, un pain ou une fougasse et dix écuelles de bibarou » (bouillie). L’auteur juge qu’en réalité « c’était simplement un impôt supplémentaire qui était levé sur les habitants, car les petits seigneurs cherchaient tous les moyens d’accroître leurs maigres ressources ». Le dernier seigneur à avoir revendiqué ce dit droit se nomme Jacob de Vignau en 1674. Ce sont les Bizanosiens, qui, par leur refus, l’auraient fait disparaître par la suite. Il cite un autre cas se produisant à Louvie-Soubiron dans la vallée d’Ossau. Il distingue les deux exemples. Si à Bizanos le « droit de cuissage » pèse sur tout le village, à Louvie, il ne concerne que quelques familles du village d’Aas. Ces individus étaient des « questales » (ou serfs) qui avaient la possibilité également de « se racheter moyennant un tribut » ce qui d’après le même auteur occasionnait un avantage « si le droit était effectivement exercé, et si un enfant naissait neuf mois après, il était affranchi automatiquement, à condition que ce soit un enfant mâle, car dit le texte de 1538, il avait pu être engendré par le seigneur. »113
Christian Desplat écrit que dans les Fors et les coutumes, on ne mentionne guère ce droit. Il cite les deux cas décrits plus hauts qui pourraient laisser « supposer » son existence, L’auteur insiste bien que ce ne sont que des « apparences d’un droit », car pour lui ces cas « confirment la substitution d’un tribut », ne relevant en fait qu’un « droit de rachat, d’entrée dans la seigneurie, comparable à la sègue ».114
Notes :
1- Chaline, Olivier, La France au XVIIIe siècle, 1715-1787, collection « Major », Belin éducation, 2019, p. 138.
2- Beaurepaire, Pierre-Yves, La France des Lumières, 1715-1789, Histoire de France sous la direction de Joël Cornette, Editions Belin, 2104, p. 516.
3- Emmanuel le Roy, Ladurie, Emmanuel, Histoire de la France urbaine, la ville classique, Editions Seuil , tome 3,1981, p. 296.
4- Beaurepaire, Pierre-Yves, op.cit., p. 514.
5- Saupin, Guy, Les villes en France à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles), Belin Sup histoire,2002, p. 19.
6- Idem., p. 11.
7- Poussou, Jean-Pierre, Bordeaux et le Sud-Ouest au XVIIIe siècle. Croissance économique et attraction urbaine, Population, année 1985, volume 40, n° 1, p181-182.
8- Poussou, Jean-Pierre, Bordeaux au XVIIIe, les structures démographiques et sociales , Histoire de Bordeaux, tome V, Delmas, Bordeaux, 1968.
9- Saupin, Guy, op.cit., p. 27.
10- Idem., p. 30.
11- Jacquart, Jean, Histoire de la France rurale, tome 2 sous la direction de Georges Duby et Armand Wallon, Editions Seuil, 1982, p. 278.
12- Voir de Garnot B, La population française aux XVIe, XVIIe, XVIIIe , Editions Synthèses et histoire, Ophrys, 2e édition, 1992 et Goubert ,Pierre, Les Français et l’Ancien Régime , tomes 1 et 2, chez Armand Colin, 1991.
13- Desplat, Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe, thèse doctorat Pau, collection « Terres et Hommes du Sud », tome 1, 1992, p 382.
14- Mémoire concernant le Béarn dressé par l’intendant Pinon, 1698, Publié dans Bull. SSLA, 1905, p. 38 à 54.
15- Statistique du département des Basses-Pyrénées, Gal Serviez., Paris, An X.
16- Fresel-Losey, Michel, Histoire démographique d’un village en Béarn, Bilhères d’Ossau (XVIII-XIXe siècles), Bordeaux, 1969, p.177.
17- Benedict, Ph, Rouen dans la tourmente (milieu XVIe –XVIIe), Histoire de Rouen, Toulouse.
18- Saupin, Guy, op.cit., p. 14.
19- Desplat, Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe , thèse doctorat Pau, collection « Terres et Hommes du Sud », tome 1, 1992, p.390-392 .
20- Minvielle, Stéphane, La limitation des naissances dans les petites villes : l’exemple d’Orthez (1730-1830) , Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale,année 2001, volume 113, n°235, pp 307-325.
21- Fresel-Losey, Michel, op. cit, p. 17 à 21.
22- Idem, p. 174.
23- Idem., p .183-185.
24- Desplat, Christian, Billère, aujourd’hui, hier village, Revue de Pau et du Béarn, n° 18, 1991, p.60.
25- Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe siècle, Editions Cairn, 2009, p.210.
26- Godineau, Dominique, Les femmes dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siècle, chez Armand Colin, 2021, p. 32.
27- Idem., p. 37.
28- Castetbon, Roger, Autour du mariage, tome 2 de La vie d’antan en Béarn et autres lieux, chez Centre généalogique des Pyrénées-Atlantiques, 2011, p. 28-29.
29- pop_et_soc_francais_240.fr.pdf
30- Desplat, Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe , tome 1, 1992, p. 394 .
31- Fresel-Losey, Michel, op. cit, p.74.
32- Idem., p. 76
33- Idem,p. 79 et 213.
34- Charpentier, Emmanuelle, Les campagnes françaises dans l’époque moderne, chez Armand Colin, 2011, p. 42.
35- Godineau, Dominique, op. cit., p. 35.
36- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes -XVIe-XVIIIe siècles, Terres et Hommes du Sud, J&D Atlantica Editions, p. 165.
37- Godineau, Dominique, op. cit., p. 36.
38- Labarthe J. Mariages salisiens aux XVIIIe et XIXe siècles, BULL.SSLA de Pau, 4e série, tome 5, 1970, p.116.
39- Godineau, Dominique, op. cit., p. 35.
40- A.D.P.A., B 4818, f° 378 ; B 4805, f°54 et B 4806, f° 76.
41- A.D.P.A., B 4936, f°41 et B 4939, f° 87.
42- Castetbon, Roger, op. cit., p. 23.
43- Godineau, Dominique, op. cit., p.36.
44- A.D.P.A. III E 5353.
45- A.D.PA. III E 5353 (1727).
46- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes -XVIe-XVIIIe siècles, op.,cit., p.226.
47- Moyen-Péhau, Florian, Abrégé de Béarn, Editions Pax et Honor, 2023, p. 36.
48- Soulet, Jean-François, La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien Régime (du XVIe au XVIIIe siècle), Editions Hachette, 1974, p.219.
49- Laroin, un village béarnais entre gave et coteaux, sa géographie, son histoire, ses traditions…, Edition : mairie de Laroin, Presses ICN, 2009, p. 181.
50- Moyen-Péhau, Florian, op.cit., p. 35.
51- Soulet, Jean-François, op. cit., p. 223.
52- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes -XVIe-XVIIIe siècles, op.,cit., p.76.
53- Desplat, Christian, Principauté du Béarn, partie 2, éditions Marrimpouey jeune, 1980, p. 513.
54- Soulet, Jean-François, op. cit., p. 242.
56- Moyen-Péhau, Florian, op.cit., p. 37.
57- Charpentier, Emmanuelle, Les campagnes françaises dans l’époque moderne, op. cit., p. 41 et 47.
58- Soulet, Jean-François, op. cit., p. 225.
59- Idem., p. 227.
60- Idem., p. 229.
61- Castetbon, Roger, op. cit., p. 93-94.
62- Idem., p. 85.
63- Nougué, Delphine, La monographie de Pardies-Piétat, Maîtrise de l’UPPA, 2001.
64- Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze, publiées par M. Duhamat, Bull.SSLA de Pau, 2e série,tome 38, 1910, p .73.
65- Desplat, Christian, Village de France au XVIIIe siècle, Autoportrait, Sadournin et la baronnie d’Esparros (1772-1773), Editions atlantica, 1997, p. 62.
66- Zink, Anne, L’héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la France sous l’Ancien Régime, Paris, EHESS, 1993.
67- Moyen-Péhau, Florian, op.cit., p. 36.
68- A.D.P.A., U crim ; n°756, affaire Monfeuga.
69- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes -XVIe-XVIIIe siècles, op.,cit., p.187.
70- Castetbon, Roger, op. cit., p. 27.
71- Idem., p. 31.
72- Fresel-Losey, Michel, op.cit., p.77.
73- A.D.P.A., 5 Mi 444.
74- A.D.P.A, Morlaàs C BMS STEFoy 1773-1782.
75- Staes, Jacques, Les registres paroissiaux, une source pour l’histoire de Morlaàs aux XVIIe et XVIIIe siècles, Revue de Pau et du Béarn, n°31, 2004, p.64.
76- Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze, op.cit., p. 74.
77- Salefranque, Pierre de ., Histoire de l’hérésie, p. 174, Histoire de l'hérérie de Béarn : Salefranque, Pierre de : Free Download, Borrow, and Streaming : Internet Archive
78- LES GRANGES DU BÉARN. LETTRES INÉDITES DE COURT DE GÉBLIN. 1778, Ch.-L. Frossard, Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français (1852-1865), Vol. 5, No. 9/10 (1857 JANV. ET FÉV.), pp. 412-423.
79-
Castetbon, Roger, op. cit., p. 33.
81- Vignau-Lous, Jean, Costumes des vallées béarnaises, un ancien mode de vie, Les cahiers du Musée du maïs, château de Laàs, n°2, 1991, p.81.
82- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes -XVIe-XVIIIe siècles, op.,cit., p.196.
83- Fresel-Losey, Michel, op.cit., p.50.
84- Idem., p, 54.
85- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes -XVIe-XVIIIe siècles, op.,cit., p.181.
86- A.D.P.A., 3 E 11 080, Accous.
87- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes -XVIe-XVIIIe siècles, op.,cit., p.182.
89- Laroin, un village béarnais entre gave et coteaux, sa géographie, son histoire, ses traditions…, op. cit., p. 183.
90- Soulet, Jean-François, op. cit., p. 231.
91- A.D.P.A. E 1732, f° 14 r°, 407 v°.
92- Beaucarnot, Jean-Louis, Ainsi vivaient nos ancêtres, de leurs coutumes à nos habitudes, Editions Robert Laffont, 1989, p. 123.
93- Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze, op.cit., p. 74.
Voir le site : Le droit d’arromèga ou de sèga dans les Pyrénées - Escòla Gaston Febus
94- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes -XVIe-XVIIIe siècles, op.,cit., p.194.
95- Idem., p. 195.
96- Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze, op.cit., p. 75.
97- Denuelle, Sabine, Petit Larousse du Savoir-Vivre, Larousse, 2011, p. 87.
98- Castetbon, Roger, op. cit., p. 43.
99- Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe, Editions Cairn, 2009, p. 222.
100- Les Variétés Béarnaises de l’abbé Bonnecaze, op.cit., p.76.
101- Castetbon, Roger, op. cit., p. 45.
102- Publié par le Marquis de Rochambeau dans « Galerie des hommes illustres du Vendômois », Lemercier, Vendôme, 1879, p. 187-213.
103- Soulet, J.F. , La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien régime du XVIe au XVIIIe , chez Hachette,1977, p. 232.
104- Castetbon, Roger, op. cit., p. 46.
105- A.D.P.A., Mi 444.
106- Lespy, V., Dictons et proverbes du Béarn, Editions André Cadier, Bayonne, 1990, p. 192.
107- Alvarez, Michel, La Grande Peur de 1789 en Béarn, Editions Gascogne, 2023, p. 423 à 428.
108- Desplat, Christian, Charivaris en Gascogne, Editions Cairn, 2007.
109- Lespy, V., Dictons et proverbes du Béarn, Editions André Cadier, Bayonne, 1990, p. 190.
110- Alvarez, Michel, op.cit., p. 339-340.
111- Lottin A., La désunion du couple sous l’Ancien Régime : l’exemple du Nord, Lille et Paris, Editions Universitaires, 1975.
112- pop_et_soc_francais_240.fr.pdf
113- L’article est tiré de: Loubergé, Jean, Bizanos dans les siècles passés. Du droit de cuissage aux activités de banlieue, Revue de Pau et du Béarn, n°24, 1997, p.41.
Les 2 textes: A.D.P.A. B 850 (2 mi 6 bobine 111) et B 877 (2 mi bobine 112).
114- Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe, Editions Cairn, 2009, p.226.
Bibliographie:
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- Bély, L. (dir.), Dictionnaire de l’Ancien régime, Paris, PUF, 1997
- Castetbon, R , Autour du mariage , collection : « La vie d’antan en Béarn et autres lieux », tome 2, parution : Centre généalogique des Pyrénées-Atlantiques, ADPA, 2011
- Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe, Editions Cairn, 2009
Pau et le Béarn au XVIIIe, thèse doctorat Pau, chez J et D Editions Biarritz, 1992
Duby, G. et Wallon, A Histoire de la France rurale, tome 2, Editions Seuil, 1982
Histoire de la France urbaine, la ville classique », éditions Seuil, tome 3, 1981
- Dupâquier, J., Histoire de la population française, tome 2, « De la Renaissance à 1789 », Paris, Presses universitaires de France, 1988
- Garnot, B, La population française aux XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Synthèse et histoire, Ophrys, 1992
Le peuple au siècle des Lumières échec d’un dressage culturel, éditions Imago, 1990
Société, cultures et genres de vie dans la France moderne, XVIe-XVIIIe, Hachette supérieur, 1991
- Goubert, P et Roche D., Les Français et l’Ancien régime, Edition Armand Colin, 1991
- Minvielle ,S., La limitation des naissances dans les petites villes : l’exemple d’Orthez, 1730-1830 , Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Année 2001, volume 113, n° 235, p 307-325
- Soulet, J.F. , La vie quotidienne dans les Pyrénées sous l’Ancien régime du XVIe au XVIIIe , chez Hachette,1977
- Zinck ,A. : Azereix, une communauté rurale à la fin du XVIIIe , Paris SEVPEN., 1969
Pays et paysans gascons sous l’Ancien Régime, thèse d’Etat, Université Paris I,dactyl. 9 volumes,1986.
- Voir le site consacré au mariage dans la vallée d’Ossau:
http://cauhape.bernard.free.fr/page_Coutumes_chantsNoces.html#La Segue
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Par Michel64a le 17 Juillet 2020 à 16:35
Médecine en Béarn au XVIIIe siècleMédecine en Béarn au XVIIIe siècle
Christian Desplat 1 se penchant sur la salubrité du Béarn écrit que ce sont les climatistes du XIXe siècle qui « vantèrent, jusqu’à l’excès, le climat béarnais et celui de Pau en particulier. » On peut citer entre autres Alexandre Taylor qui publie en 1843 son « De l’influence curative des Pyrénées et des eaux thermales des Pyrénées sur les maladies ». Le même auteur mentionne que paradoxalement les provinciaux divergeaient dans leur ressenti. Il cite deux fléaux qui ont frappé la province au XVIIIe siècle : la petite vérole et la dysenterie notamment estivale. Si la première ne sévit pas sous forme d’épidémie générale, par contre la seconde, fut plus fréquente et meurtrière. Les « chaleurs excessives », la « consommation de fruits verts et d’eaux corrompues suffisaient « à la déclencher. La dysenterie a sévi dans le Béarn, par exemple, dans la région de Pau en 1759, en 1787 dans la région de Sauveterre. On pourrait rajouter la variole nommée « pigotte » en Béarn au XVIIIe siècle...et d’autres maladies qui frappent encore les gens au XXIe siècle comme la grippe, le cancer...
Les textes de l’époque utilisent des termes assez vagues pour désigner les maladies, on parle plutôt de « fièvre » par exemple.
Comme est-elle perçue la maladie par les gens ? Certains pensent que Dieu a puni le malade à cause de ses pêchés, notamment pour ceux qui sont touchés par la lèpre. D’autres le considèrent comme un fardeau, surtout de la part des membres d’une famille pauvre ou, au contraire, comme l’image du Christ – le pauvre est aussi perçu de la même manière – et, de ce fait, entraîne de la pitié.
Françoise Hildesheimer 2 dans son article paru dans le Dictionnaire de l’Ancien Régime écrit : « Le Moyen Age s’était efforcé d’accorder la science avec la vérité de la Bible, et Aristote, par lui découvert à travers les Arabes et l’Espagne avait servi à conforter cette option. Avec la Renaissance, on assiste à la remise à l’honneur de la science grecque qui ajoute son autorité à celles des Anciens et de la Bible....la médecine est basée sur le raisonnement formel et la logique l’emporte chez elle sur l’observation...Selon Hippocrate, la cause des maladies réside surtout par un manque ou , au contraire , par excès. Par conséquent, il est essentiel soit de combler le déficit ou, à l’opposé, de chasser l’excédent. Santé et maladie sont fondées sur l’équilibre et le déséquilibre des « humeurs », quatre substances liquides que l’on trouve dans le corps humain (le sang, le phlegme, la bile l’atrabile) dont toute altération aboutit à la maladie contre laquelle on lutte par l’évacuation des humeurs visées par la saignée et les purgatifs...La purge se pratique en consommant des bouillons agrémentés du séné, du tamarin afin qu’ils provoquent un effet laxatif, ou de la rhubarbe. Le médecin peut prescrire également des lavements avec des plantes laxatives comme la guimauve...Le clystère est l’instrument de prédilection peut-on dire du médecin comme l’usage de la saignée.
A la fin du XVIe siècle, grâce aux progrès de l’anatomie (Vésale), le médecin dispose d’une assez bonne connaissance du corps humain, sans que le rôle de ses différents organes ait encore été élucidé. » Le progrès scientifique au XVIIe siècle « ne touche qu’assez peu la médecine. » Pour elle, c’est « le XVIIIe siècle qui connaît la mutation décisive qui est davantage l’ordre de la conviction que de celui de la connaissance... ».
Encadrement médical
Au XVIIIe siècle, on parle de progrès de la médecine et de l’hygiène qui ont des impacts sur les naissances et sur les décès. Ils sont quelque peu significatifs mais leurs effets sur les campagnes sont à relativiser. De plus, le nombre de médecins n’est pas très élevé, on en compte approximativement 2 500 dans toute la France à la veille de la Révolution (Pau en compte un pour 588 habitants à la veille de la Révolution, Orthez un pour 714 habitants), les chirurgiens, eux, on en dénombre aux alentours de 25 000 (4 à Pau en 1788, 5 à Orthez). 20 % de la population sont soignés par la moitié du corps médical alors que les 80 % le sont par l’autre moitié. L’enquête de 1786 constate que le Béarn a une densité médicale de près d’un praticien pour 2 000 personnes.
En 1786, une enquête établie dans le royaume constate que le taux national de médicalisation est de 0,8 pour 10 000, si on distingue le taux urbain il s’élève à 4,2 tandis que le taux rural est de 0,2. Mais il est à noter que ces chiffres sont à nuancer car il existe d’importantes différences entre les régions.
En Béarn, le For d’Henri II de 1551 3 consacre une rubrique et fait le distinguo entre les praticiens. Dans la rubrique 17 « des Médecins et Apothicaires », on fait mention des médecins, des chirurgiens et des apothicaires en les hiérarchisant.
En ce qui concerne les apothicaires, il est spécifié que le candidat à la profession doit obtenir l’investiture des jurats de la ville dans laquelle il compte s’établir. S’il est accepté, il doit prêter serment. Il doit promettre, par exemple, de ne pas utiliser de drogues « corrompues », « de biens servir et secourir les malades qu’ils ont en charge », que s’ils n’ont pas en leur possession la drogue prescrite par le médecin, il doit le tenir au courant ...Ce serment est à renouveler chaque année. Et comme cela ne suffisait pas, l’apothicaire pouvait être inspecté 3 fois dans l’année par les jurats assistés d’un médecin qui examinaient les drogues (article 4). Des sanctions sont prévues dans le For, outre l’amende, l’apothicaire qui a préparé une recette sans l’ordonnance signée du médecin encourait le fouet publiquement. (articles 7 et 13)
L’apothicaire était véritablement subordonné au médecin puisque c’est ce dernier qui taxe le prix du médicament (article 3).
Quant au chirurgien-barbier, il ne doit pas s’occuper de ce qui a trait à la médecine (article 9).
Le médecin, homme « instruit », qui a suivi les cours dans une « Université » et obtenu un diplôme, se devait, lui aussi, de suivre le « code théodosien », c’est-à-dire recevoir l’aval de la municipalité. Les honoraires sont prévus dans le For pour sa collaboration à un service public. L’article 2 du For de 1551 spécifie que le médecin qui quitte son habitation pour exercer son art recevra 9 sols Morlaàs en plus des « dépenses », tandis que s’il reste dans le lieu de résidence il comptera sa visite pour 1 sou et 8 deniers Morlaàs.
A partir de 1737, les médecins de Pau 4 perçoivent comme gage 150 livres par an. Christian Desplat souligne que s’ils ne sont pas tous fortunés, ils ont l’avantage d’être indépendants et sauront « s’agréger aux institutions de l’Ancien régime ». 5
Dans le sud-ouest, le médecin du XVIIIe siècle est surtout diplômé soit de l’Université de Montpellier (seuls les docteurs de Montpellier et de Paris peuvent exercer dans toute la France, sinon le praticien qui a obtenu son diplôme de docteur ne peut pratiquer que dans la zone de son ressort) soit de l’Université de Toulouse voire de Bordeaux.
L’Université de Pau qui ne possède pas de Faculté de médecine - qui s’explique par le refus de l’administration royale - peut délivrer le diplôme de docteur à partir de 1722.
A Pau, le médecin nouvellement diplômé doit de nouveau être évalué par d’autres collègues nommés par le Corps de Ville, puis prêter serment. Tandis qu’un chirurgien, très souvent, débutait sa carrière comme barbier de par ses connaissances au niveau de l’affûtage, de l’entretien et de l’utilisation d’instruments tranchants comme le rasoir. Ses principales actions consistaient à arracher les dents, à amputer des membres, panser les blessures…tout cela sans utiliser ni antiseptique ni anesthésiant. Leur métier était dévalorisé d’où leur souci de démontrer qu’ils étaient compétents et de se démarquer de l’emprise des médecins. Entre ces praticiens, un combat singulier éclata en Béarn en 1752, il débuta à la suite de l’adoption par les chirurgiens des Statuts des chirurgiens parisiens et par le refus par les médecins de les entériner. On vit le chirurgien du dépôt de mendicité, en 1772, en signe de protestation, ne plut raser les barbes des mendiants.6 Cela se termina par la défaite des chirurgiens puisque le Parlement de Navarre qui prit parti pour les médecins décréta, en 1778, que les chirurgiens devaient assurer un apprentissage auprès d’un maître et se plier à un jury composé de médecins afin d’obtenir la licence.
De même, les médecins sont plus nombreux en ville qu’à la campagne. Ses consultations sont relativement coûteuses, il faut compter une demi-livre en province en moyenne. Pas d’honoraires tarifés. Comme le rappelle Jean-Pierre Goubert dans son article sur les médecins, il ne dispose ni de vacances ni de tour de garde et doit chevaucher « jour et nuit dans un rayon de vingt à trente kilomètres autour de sa ville. » Comme se sont des « Hommes à talent et hommes de plume, ils contrôlent l’accès à leur profession, organisée en collèges dans les villes...Ou bien ils composent un mémoire à destination d’une société savante, rédigent des observations ou même une topographie médicale qu’ils adressent à la Société royale de Médecine...Quelques-uns, enfin, font figure de personnalités locales ou régionales, soit en raison de leur réputation, soit parce qu’ils exercent une responsabilité, par exemple à l’échelon du corps municipal. » Pour illustrer ce dernier point on peut citer le cas de Jean Bergeret qui sera élu Premier maire de Morlaàs mais aussi Vice président du Conseil d’agriculture et Professeur à l’Ecole centrale. Docteur en 1788 et botaniste, auteur de « la Flore des Basses Pyrénées » en 1803, il mourra lors d’une épidémie de typhus en tentant de soigner des malades.
Le Béarn est de toutes les provinces de France l’une des mieux pourvues en médecins. La moyenne établie est d’un praticien pour 1 370 habitants, à la veille de la Révolution. Si les villes ont un encadrement médical correct, les campagnes souffrent d’une insuffisance (situation à nuancer puisqu’on constate une différenciation dans les zones géographiques, si l’encadrement médical est satisfaisant dans les vallées pyrénéennes il est franchement déplorable dans le Vic-Bilh. Quelques données pour illustrer tous ces propos : dans la subdélégation paloise, sur près de 90 000 habitants, un médecin pour 6 600 individus, un chirurgien pour 4 444 ; ce qui explique que les chirurgiens prennent le relais. Durant le Premier empire, en 1808, une enquête d’ordre administrative a été assurée et nous révèle l’encadrement médical dans la cité paloise, on y dénombre six médecins, quatre chirurgiens et quatre officiers de santé. A eux, on adjoint quatre pharmaciens. On désigne comme officier de santé un praticien non pourvu du baccalauréat mais possédant une solide pratique médicale validée au départ par un jury départemental selon la loi 19 ventôse an IX (10 mars 1803) puis, par la suite, par un jury composé d’universitaires. Ces chiffres démontrent que le rapport entre le nombre de praticiens et la population paloise correspondait de un pour 620. 6 A Pau, le médecin « de ville » est généralement choisi parmi les meilleurs de leur catégorie par le Corps de Ville et le Parlement de Navarre. Christian Desplat, toujours en ce qui concerne la ville de Pau, nous cite le nombre de praticiens durant la première moitié du XVIIIe siècle en se basant sur les chiffres de la capitation. « un praticien pour 266 habitants en 1701, un pour 307 en 1714, un pour 294 e 1726, un pour 428 en 1733. » A ce « centre administratif, judiciaire et culturel » bien pourvu en médecins, on peut opposer la cité d’Oloron, « premier centre manufacturier de la province » où on recense qu’un praticien pour 1 200 habitants. Ce qui est relativement modeste par rapport à Orthez où on dénombre un pour 714 habitants, cité plus modeste. Le même auteur conclut que si on avance l’opposition ville-campagne il faut « ajouter l’antagonisme entre les villes elles-mêmes selon leurs fonctions. » En ce qui concerne les vallées montagnardes, l’encadrement est « tout à fait honorable » de même que les « rivières » à l’opposé des coteaux « moins favorisés ».7
Les médecins, en Béarn, font partie de milieux aisés pour la plupart. Il existe le plus souvent une véritable dynastie qui s’opère. On peut citer les exemples des Bordeu à Pau au XVIIIe siècle
Certaines communautés, comme celle d’Espoey, passaient des contrats avec un médecin l’obligeant à effectuer des visites de façon périodique - dans les campagnes, c’est le système de l’abonnement - ce que l’on nomme des « médecins gagés » dans les villes. C’est le cas également de Nay qui rétribue le médecin à l’année, 150 livres. Si de 1700 à 1756, il n’existe qu’un seul médecin, ensuite, la municipalité fait appel à deux médecins et même trois en 1786. Fabienne Godin qui a étudié la ville de Nay sous l’Ancien Régime précise que « lorsque deux médecins travaillaient ensemble, un était le « médecin de ville », l’autre, quant à lui, était coadjuteur » (dans ces cas-là, ils doivent se partager les 150 livres). 8 En contrepartie, il s’oblige à visiter gratuitement les malades et les pauvres de l’Hôpital. La raison de cette pratique réside bien entendu par l’impossibilité pour la localité de rémunérer un médecin de ville. Le contrat se déroulait devant le notaire. A Nay, avant de prendre ses fonctions il se doit d’aller à l’Hôtel de Ville afin de prêter serment auprès des jurats puis de présenter ses « grades ou lettres de doctoral », en latin, au secrétaire communal pour qu’il les enregistre. Autre exemple, celui d’Aydius, où un contrat est signé avec un médecin pour un montant de 150 livres par an qui se doit de visiter les malades deux fois dans la semaine lorsque ces derniers feront appel à lui. Ce salaire peut être plus élevé comme à Bedous, toujours dans la vallée d’Aspe, où le médecin, un dénommé Laffargue, est rémunéré 250 livres annuellement.
François Millepierres nous rappelle que le médecin novice, lors de son installation, ouvre une « étude », ce que nous nommons actuellement un cabinet. Pour s’installer, s’il n’est pas très argenté il devra emprunter, se contenter d’abord d’un local dans un appartement. Plus tard, il pourra s’acheter une maison. Dans son étude, il le meuble d’une bibliothèque où il range les œuvres classiques de la médecine, d’Hippocrate, de Galien... Il se procure les ustensiles indispensables à sa fonction, c’est-à-dire des seringues à clystère, des bassins et des fioles.9
En ce qui concerne le métier de chirurgien, il a peu à peu évolué .En 1691, un édit royal fait la distinction entre le chirurgien-barbier et le chirurgien proprement dit. Puis se crée l’Académie royale de chirurgie au XVIIIe. Dans le Béarn du moins, il devait, comme cela se pratiquait dans une corporation, gravir des échelons, d’abord celui d’apprenti chez un maître, puis, comme on vient de l’écrire plus haut, passer un examen pour être jugé par des médecins. En règle générale, les études pratiquées durent moins longtemps que celles des médecins, deux ans le plus souvent. S’ils désirent se perfectionner, ils peuvent aller à Paris, à Toulouse ou encore participer aux cours donnés à l’amphithéâtre non loin de l’hôpital , cela au XVIIIe siècle , où on dispense des leçons d’anatomie…A eux également, il leur est demandé de passer un examen devant des praticiens , des jurats…et de prêter serment de respecter les statuts. Un arrêt du Parlement de Navarre stipule que « Les statuts de la chirurgie enregistres en la cour ont deffendu à toute personnes d’en exercer aucune partie si elles nont été recues et approuvées après un apprentissage et differents examens pour constater leur capacité… », ceux qui souhaitent pratiquer ce métier doivent « …en faire les fonctions et de présenter ses lettres de réception aux jurats des lieux lesquels en feront lecture dès la première assemblée… » . 10 Un exemple démontre bien que les chirurgiens cherchaient à revaloriser leur rôle. En 1777, le chirurgien du dépôt de mendicité de la ville de Pau entreprend la démarche d’être déchargé du rasage des mendiants pour le motif que sa charge est de soigner. 11
Ce sont eux qui pratiquent les saignées, qui arrachent les dents, qui cautérisent les plaies en utilisant les fers rougis au feu...tout cela sans anesthésie ; on ignore l’antisepsie et l’asepsie.
Leur salaire est moindre par rapport aux médecins et ils sont moins considérés. Fabienne Godin nous relate la présence de chirurgien à Nay. Elle précise qu’il est un auxiliaire du médecin qui surveille ses interventions effectuées sur les malades. Pour elle, les chirurgiens sont numériquement plus nombreux que les médecins et se doivent, comme ses derniers, de prêter serment auprès du Corps de Ville qui les nomme de « bien et fidèlement servir la Communauté sans distinction des riches et des pauvres ».
En 1786, les subdélégués sont très critiques vis-à-vis d’eux, notamment celui de Sauveterre, qui les compare à des « fléaux de l’humanité que des secours pour la conserver. »
Au sujet de leurs revenus et de leur niveau de vie, Christian Desplat écrit que seulement que quelques uns « parvenaient à une situation enviable, souvent au prix d’une rigoureuse politique dynastique...la plupart...s’apparentait davantage au monde de l’artisanat qu’à la société des élites où voisinaient déjà avocats et médecins. » D’après Christian Desplat leur nombre a augmenté durant le XVIIIe siècle « mais pas dans des proportions comparables à celles d’autres provinces. » Leur répartition « paraît avoir été inversement proportionnelle à celle des médecins. » A Sauveterre, on note deux médecins pour trente-deux chirurgiens. Dans les centres urbains importants, par contre, le rapport s’équilibrait.
Outre les chirurgiens et les médecins, existaient les apothicaires dont leur principal rôle consistait à faire les médicaments. Leur monopole était garanti par le For en Béarn. En France, organisés en communautés, ces marchands sont assimilés aux droguistes et aux épiciers, et ceci dès le Moyen Age. Ils vont chercher durant le XVIIIe siècle à se démarquer, mais la Faculté de médecine veille à ce que leur métier ne soit pas assimilé à une profession libérale mais plutôt à ceux d’artisan ou de commerçant. Comme toute corporation, ils suivent les étapes classiques : apprentis (vers 14 ou 16 ans, jusqu’à 25 ans âge limite) durant quatre ans, compagnon, ouvrier, la maîtrise …Puis le passage d’examens suit portant sur la connaissance des plantes, la composition des remèdes et leur préparation. Comme il se doit, ils présentent un chef-d’œuvre. Tous les examens et les chefs-d’œuvre diffèrent selon les villes au niveau des exigences. Il faut attendre la déclaration royale du 27 avril 1777 créant le Collège de pharmacie de Paris pour que l’on distingue les maîtres apothicaires des épiciers mais cela ne concerne que la région autour de Paris. Ils prennent alors le titre de pharmacien. Les apprentis des différentes villes de province universitaires sont tenus d’assister aux cours dispensés par un professeur de médecine mais peu à peu suivant l’exemple donné à Paris lors de la fondation du Jardin du Roy des plantes médicinales en 1635 (dans lequel on enseigne en français et non plus en latin la botanique, l’anatomie et la chimie et où, bien sûr on plante plusieurs milliers de plantes qui serviront grâce surtout à Buffon de centre de recherche) d’autres organisations similaires se fondent entraînant une progressive professionnalisation de la pharmacie.
Les remèdes utilisés par eux sont pratiquement issus de plantes, le lis pour soigner les maux d’oreille, la rue contre la gale...ou issus de la faune comme la poudre du crapaud.
En Béarn, comme il n’existe pas de métiers jurés, la profession d’apothicaire est ouverte à quiconque le souhaite. Il est à noter que les jurats avaient un droit de regard sur eux. Comme l’écrit Christian Desplat : « pour les fils d’apothicaires en particulier, l’examen était une simple formalité suivie de la prestation de serment entre les mains des jurats...malgré un stage d’apprentissage, la formation des apothicaires relevait avant tout de la pratique ; par ailleurs le contrôle des jurats de Pau cessa après 1752, aucun examen ne fut plus enregistré ». 12 Cette décision ne s’explique pas par une dégradation de l’apothicairerie. Selon l’auteur, au contraire, leur art s’est amélioré. Les plaintes à leur encontre sont rares.
Les progrès de la médecine au XVIIIe siècle
La médecine opère une évolution au XVIIIe siècle , on commence à s’éloigner des théories d’Hippocrate et de Galien, de la théorie des quatre humeurs correspondant aux quatre éléments qui composent l’univers que sont la terre, le ciel, l’eau et le feu (sang, phlegme, bile, bile noire : selon leur hiérarchie, déterminent les quatre tempéraments que sont le sanguin, le flegmatique, le bilieux et le mélancolique ; il est impératif qu’il y ait un équilibre) datant de l’Antiquité qui voyait dans le corps humain le pendant du dit univers, en plus petit.
Le diagnostic du médecin se fait par le biais de l’examen du pouls, des urines (par un ballon transparent on peut à la lumière voir si le patient est en bonne santé quand l’urine est orangé), les selles, le sang à travers sa consistance et sa couleur, la couleur de la peau, l’aspect de la langue...Le médecin utilise ses cinq sens.
On peut procéder -directement lié à cette dite théorie- à l’usage de la ventouse pour soigner la bronchite. On imagine extraire l’air et, par conséquent la tumeur maligne, en chauffant l’intérieur d’un pot en verre et en l’apposant sur le dos du patient. Ou encore la fameuse saignée soit par incision soit par le biais d’une sangsue qu’on laisse agir durant une demi-heure. Heureusement, on s’oriente davantage vers une médecine qui applique les recherches et les études faites par les sciences naturelles. Depuis la fin du XVIe, la médecine a fait des progrès dans la connaissance du corps humain bien qu’elle ne sache pas bien distinguer la fonction des organes (anatomie, pathologie…). Le microscope inventé en 1595 par le Hollandais Zacharias, fabricant de lunettes, permet d’observer les infimes parties du corps.
Harvey nous éclaire sur la circulation du sang.
Françoise Hildesheimer, toujours dans son article, mentionne que la « conjonction de l’observation des faits cliniques » (accrue par le perfectionnement des moyens d’investigation comme la prise de la température, l’auscultation...) et « des contestations anatomiques débouche sur la science du diagnostic... ».
Le raisonnement et la méthodologie font davantage leur entrée dans la sphère de la médecine. On saisit l’importance de l’air, on prescrit l’ouverture des fenêtres afin que l’air évacue toutes les émanations malsaines. N’oublions pas que c’est l’époque où l’urbanisme tente d’ouvrir des brèches dans la ville pour mieux permettre de circuler et par conséquent d’aérer. Au XVIIIe, elle s’affranchit de plus en plus de la tradition qui reste encore ancrée dans l’enseignement universitaire.
Jean-Pierre Goubert dans son article intitulé »médecins » dans le même Dictionnaire de l’Ancien Régime note que l’enseignement de la médecine est assuré par une vingtaine de facultés dont deux se détachent par leur renom, Paris et Montpellier. D’ailleurs, il nous précise que seuls les docteurs diplômés par ces deux dernières « ont le droit d’exercer dans tout le royaume » alors que « que les docteurs issus d’une faculté ne peuvent exercer que dans le territoire de son ressort. » Sept années minimum afin d’obtenir leur diplôme à Paris et au prix de six mille livres en 1750.
Les réformes s’effectuent dans d’autres lieux comme la Société royale de Médecine crée en 1767… L’Etat a tente également d’insuffler la modernité par l’entremise de l’édit de Marly de 1707 reliant la théorie et la pratique dans l’observation opérée sur le malade mais également par la décision royale d’assembler les chirurgiens et les médecins, à partir de 1776 dans la dite Société royale de Médecine. Mais Françoise Hildesheimer précise que « l’enseignement universitaire reste marqué par la tradition et le dogmatisme. Mais, en dehors des facultés, il existe des lieux plus ouverts : le Collège du Roi fondé en 1530 où sont enseignées la médecine, la chirurgie, la pharmacie... ». Elle rajoute que « ...la Société royale de médecine fondée en 1767 se donne pour but de rompre l’isolement entre les médecins de province par l’établisse-ment d’une correspondance suivie et de réunir en un corps de doctrine les renseignements collectés par des enquêtes nationales. »
Mais au XVIIIe siècle le diagnostic et le traitement se différencient d’un médecin à l’autre.
Les acteurs qui jouèrent un grand rôle dans la médicalisation des Béarnais sont d’abord les Etats de Béarn lors de la fondation d’une école de sages-femmes en 1783 à Pau dans laquelle des médecins dispensaient leurs cours gratuitement et octroyaient un diplôme suivie d’un autre à Oloron quelques années plus tard. Le second acteur est l’Intendance (notamment en 1772, quand les Quatre-Vallées subirent une épidémie, elle et l’Intendance dépêchèrent deux médecins qui l’éradiquèrent) et enfin, le dernier, des individus comme Théophile de Bordeu. Ce médecin et philosophe béarnais travailla à Paris, devint ami de Diderot, rédigea un article dans l’Encyclopédie sur la crise, lança le thermalisme pyrénéen, créa l’école vitaliste (croyance que la vie peut être dirigée de l’intérieur, par une force spirituelle), fit des recherches sur le tissu muqueux, les glandes….et qui influença le Corps de Ville palois dans son accord donné à la vaccination en 1790 sous condition expresse toutefois que les vaccinés aillent hors de la ville en quarantaine. Il faut noter que les Etats de Béarn avaient rejeté en 1776 la vaccination. 13
Le malade se soigne la majeure partie des cas chez lui. De ce fait, il a affaire à un médecin.
Comment les médecins pratiquaient-ils leur profession ?
Le diagnostic est posé le plus souvent en examinant les excréments notamment l’urine des malades, à prendre le pouls, la respiration... Comme cela a été très bien dépeint par la pièce de Molière « le Malade imaginaire », la thérapie se résume souvent par la saignée (afin d’éliminer les toxines et les mauvaises humeurs), la purge (avec le clystère, par la consommation de bouillons laxatifs avec par exemple de la rhubarbe mais également des liquides comme le lait, l’huile, la tisane ou l’eau afin de favoriser les déjections), les potions, le vomissement, le lavement, et la diète. Quelquefois on prescrit la cure thermale. Ensuite, l’organisme devait guérir par lui-même en dormant, mangeant et si possible aller à la campagne pour la convalescence pour profiter de l’air pur. Celle des chirurgiens, elle consiste à amputer, trépaner, cautériser les plaies au fer rouge …sans anesthésie et sans désinfection…on imagine sans peine les dégâts occasionnés, à poser les sangsues… Une consultation coûte une demi-livre voire une livre en moyenne en ville ; à quoi il faut ajouter le prix du déplacement à domicile, dans les campagnes jusqu’à trois à quatre fois plus. Il faut adjoindre après les soins ce qui peut décourager ceux qui n’ont pas beaucoup de revenus de faire appel aux médecins.
Si la médecine du XVIIIe siècle bénéficie de la diffusion du savoir et de la science comme les traités sur l’anatomie pathologique qui fleurissent, les tentatives de classification des maladies (William Cullen, Boissier de Sauvages), les expérien-ces…on est surpris par les prescriptions de médecins même célèbres. Raymond Laulom 14 nous conte une anecdote qui nous interloque, en effet, dans les années 1780, une affiche est apposée dans toutes les maisons communales de la vallée d’Aspe, elle provient d’un grand médecin de l’époque, Antoine Portal, qui soigne le frère du roi Louis XVI, le futur Louis XVIII. Il a comme autres titres : professeur d’anatomie humaine au Jardin du roi (nommé par Buffon), adjoint à l’Académie Royale de Sciences, auteur d’une Histoire de l’anatomie et de la chirurgie…sa brillante carrière ne s’arrête pas là puisqu’il finira Président à vie de l’Académie Royale de Médecine sous Louis XVIII. Ce même homme de science prescrit pour ceux qui se noient – le Gave, il et vrai, est dangereux dans la vallée d’Aspe et est source d’accidents fréquents – par exemple « Lui chatouiller le dedans de la gorge et de narines avec la barbe d’une plume, avec la fumée de tabac » (article VIII), « La saignée ne doit point être négligée(…). La saie à la jugulaire est la plus efficace en pareil cas : à son défaut, on saignera du pied » (art. IX), « …Lui souffler dans les poumons, à la faveur d’une ouverture pratiquée à la trachée artère. » (art. X), « Enfin, pour dernier secours, lui introduire de la fumée de tabac dans le fondement. » (art.XI).
Est-ce que les patients étaient-ils bien soignés ?
Dans les villes, on s’en va quérir les remèdes chez les apothicaires qui les concoctent à partir de plantes. Par exemple on use du lis pour le mal d’oreille, la violette pour lutter contre les affections pulmonaires…
Pour ce qui concerne les dentistes, au XVIIe siècle, ils n’existent pas. Ceux que l’on surnomme les « arracheurs de dents » sont des colporteurs, des montreurs de foire, ce ne sont pas des « professionnels », ils opèrent surtout en utilisant des outils peu conventionnels tels les tenailles. Sinon, on usait de traitements classiques comme la saignée ou les opiacés. C’est à partir de 1669, par le biais du Premier chirurgien de Louis XIV, Félix, que la fonction de dentiste entre dans le monde officiel de la médecine. Par l’édit de 1669 et la création de l’Académie royale de 1731, en effet, on exige du praticien des soins dentaires qu’il ait des connaissances reconnues car on l’inclue dans le monde de la chirurgie. Pour acquérir ce savoir, il fallait entreprendre un apprentissage chez un maître chirurgien. De ce fait, il était nécessaire de suivre le cursus : apprenti, compagnon, puis accéder à maître après avoir satisfait au chef-d’œuvre. A partir de 1743 puis 1772 , le chirurgien , et par voie de conséquence, le dentiste, doit suivre des études plus poussées puisque la chirurgie est considérée comme un art libéral à part entière. Des collèges royaux apparaissent dans les grandes villes, le dentiste est amené à faire des études universitaires mais son titre lui est décerné par la communauté des chirurgiens puisque le système corporatif perdure.
Des études sont réalisées comme celle portant sur la carie. Le dentiste Lécluse à Paris démontre que l’on peut enlever la dent, la ligaturer, la nettoyer, la plomber et la remettre ben place. D’autres auteurs se distinguent comme Pierre Fauchard qui écrit un traité sur l’art dentaire qui sera plusieurs fois réédités, son œuvre sera renouvelée par Bourdet en 1757.
On entreprend de réaliser des prothèses, notamment avec l’aide de tailleurs d’ivoire.
Pour ce qui est des accouchements, comme nous l’avons vu dans un autre article (natalité), on fait rarement appel aux médecins et aux chirurgiens, on laisse ce soin aux sages-femmes. Les femmes accouchent dans leurs domiciles, on fait appel aux membres de la famille et aux voisines, on exclut le mari. La position que l’on prend pour accoucher est celle de la position assise sur le lit, celle allongée préconisée par les médecins s’instaurera par la suite. Auparavant, la pratique de l’accouchement était le fait de matrones souvent des mères de famille mariées, issues de véritables dynasties, n’ayant aucune formation si ce n’est que le savoir se transmettait oralement et par application pratique. Sa rétribution était minime, souvent en nature, voire gratuite. Ce dit savoir pouvait être dangereux, le crâne était parfois remodelé par ses mains ce qui occasionnait des conséquences désastreuses comme l’endommagement des cerveaux, elle incitait la mère à sauter pour faciliter la sortie du bébé, elle usait de pansements non stériles…
Une école de sages-femmes a été fondée en 1783 à Pau. Une femme du nom d’Angélique Marguerite du Coudray , de son vrai nom Angélique Le Boursier, au début matrone , écrit un traité sur l’accouchement – Abrégé de l’art des accouchements -,doté de croquis anatomiques en couleurs , elle arpente le royaume de France afin de transmettre ses connaissances à de futures praticiennes et à des chirurgiens, elle fera des démonstrations à l’Hôpital de Pau, elle formera 5 000 sages-femmes avant de prendre sa retraite. A cet escient, elle utilisait un mannequin obstétrical inventé en 1756 par souci pédagogique, il représentait une femme grandeur nature, confectionné avec du coton jaune clair, du cuir souple et de véritables os et comportant une matrice. De plus, une poupée avec un corps souple était reliée au mannequin par un cordon ombilical. . En ce qui concerne Pau, ce sont les Etats de Béarn qui prennent l’initiative en 1785 de lancer un concours afin d’employer un professeur capable de dispenser des cours. C’est un palois qui est choisi du nom d’Adéma. Puis se pose le problème délicat de décider de l’utilisation soit du fameux mannequin conçu par Mme du Coudray soit par la « matrice de verre ». La solution est vite trouvée, on se saisit du mannequin laissée à Auch par la sage-femme, une poupée de son. L’école forme, entre 1786 et 1788, quarante personnes et on en ouvre une autre à Oloron. 15 En général, dans le reste du royaume, elle dispensait ses leçons pendant une période de deux mois puis ses élèves devaient se former auprès de chirurgiens durant deux semaines.
Mme du Coudray, sage-femme officielle de Louis XV, avait reçu une mission de la part du roi –elle obtient un brevet royal en 1759 - favoriser l’essor de la population en apprenant à des femmes peu expérimentées notamment dans le monde rural de pratiquer l’accouchement sans aucun risque. Elle même avait obtenu un diplôme du Collège de chirurgie. Afin de se déplacer seule parmi les hommes, surtout lors des premières années, elle avait emprunté ce nom noble. En 1767, une pension annuelle octroyée par le roi s’élève à huit mille livres, de plus vient se greffer une pension de retraite qu’elle prend à l’âge de soixante-sept ans. Elle a formé près d’une dizaine de milliers de sages-femmes sur près d’une quarantaine de villes à travers la France.16
Madame du Coudray. From Aloïs Delacoux, Biographie des sages-femmes célèbres, anciennes, modernes et contemporaines (Paris: Trinquart, 1834) Source: Wikipedia
La "machine" de Mme du Coudray, sage-femme. Mannequin utilisé pour enseigner l’art des accouchements. XVIIIe s. Musée de l'Homme, Paris.
Source: Wikipedia, Ji-Elle
Un chirurgien après avoir examiné les compétences d’une prétendante à la fonction de sage-femme lui décernait le diplôme. Par exemple, prenons l’exemple du « maître en chirurgie , Lieutenant de Mr le premier chirurgien du Roy en la présente de pau » , Louis d’ Arracq . Nous sommes le 7 mai 1788, suite à la requête de Marie Sauce de Morlaàs. Agée de trente huit ans, elle est mariée à Bernard Girval . Elle fait « profession de la religion catholique apostolique et romaine » et elle déclare « ...quelle Sest apliquée a Lart des acouchements et quelle a fait deux Cours d’accouchement sous le sieur paul admea professant à pau faisant les certificats du d.maitre en datte du quatre avril 1787 et Lautre en datte du vingt trois septembre 1786 et desirant parvenir a la maitrise pour la ville de morlaàs, elle nous aurait requis de Lui donner jour pour etre procedé à ses Examens Sur Laquelle requette avons ordonné quelle Serarait Communiquée au prevaut en charge Lequel en ayant eu Communication a Consenti qu’il fut Donné jour a la suppliante... ». Le dit chirurgien la convoque donc le 7 mai à une heure et demie « a notre chambre de Juridiction de la d.ville de Pau » afin de l’interroger et de l’examiner. L’assemblée « la trouvée capable » et de ce fait a « recüe et admise recevons et admetons maitresse Sage femme pour la Ville de morlaàs pour y exercer le d.article prendre enseigne et avoir toutes les marques ordinaires et accoutumées , ala charge que dans les accouchements laboriueux et dans lesquels il y aura risque de la vie fait pour la mere soit pour Lenfant elle sera tenüe dappeler a temps au maitre chirurgien de cette ville pour operer et luy donner Conseil a peine de nullité des presents, en temoin de ce nous avons pris et recu de la d.marie gerval le Serment en tel cas requis et accoutumé et avons signé Ses presentes a y celles fait apposer le Scel et cachet de notre chambre de Juridiction et Contresignée par notre Greffier ordinaire et de notre chmabre de Juridiction fait et donné a Pau le sept may mil sept Cens quatre vingts huit signés Darracq lmieutenant, fourticot Greffier. » 17
Le recours à la religion, aux empiriques et aux charlatans
Au XVIIIe siècle, on sent des prémices de changement dans la perception de la médecine et de son contenu. Du point de vue du patient, comme il a été écrit plus haut, être malade est perçu comme une punition divine, beaucoup de gens évitaient de montrer aux autres leur état et s’alitaient que si la santé était vraiment chancelante, car rester au lit pouvait être ressenti comme de la paresse.
Ce qui explique que l’on s’adresse d’abord à la religion pour guérir, on s’adresse à Dieu ou à des saints (exemple Saint-Laurent quant on a été victime de brûlures vu qu’il a subi le supplice du gril…), on fera volontiers un pèlerinage sur un lieu d’un saint guérisseur (Sainte Quitterie pour la débilité mentale, Saint Eutrope pour les membres estropiés, Saint Lazare pour la lèpre...) ou encore se déplacer aux sources. Plusieurs possibilités, soit le malade boit de l’eau, soit il fait des ablutions ou encore il trempe ses vêtements. On peut citer quelques exemples telle celle de la fontaine des Bains du Brouca de Gan où coulaient des eaux aux vertus médicales, ou celle d’Aubous, dans le Vic-Bilh, la « houn de Sente Quiteyre », renommée pour la guérison des maux de tête et des affections cutanées. Cette dernière est connue en raison d’une légende racontant que la sainte forcée de quitter ses parents et poursuivie par les soldats de son père soit à bout de force et morte de soif .Elle frappe d’une branche de genêt le sol du coteau sur lequel a été édifiée une église de style roman et fait jaillir une source , depuis, tous les 22 mai, lorsque le soleil se lève, les gens de la région , s’ y rendent afin de boire et se laver. 18 La sainte est réputée également pour avoir répandu le christianisme au Ve siècle en Aquitaine. Pour finir citons celle de Lombia près de Sedze réputée pour les guérisons des maladies des yeux. Dénommée « houn de la Pitangue » ou « houn de Sen Yan », elle est fréquentée par les pèlerins le 24 juin, elle aurait perdue tout pouvoir quand deux pèlerins se seraient battus et que l’un d’eux après avoir reçu un coup de couteau aurait été jeté dans la fontaine colorant alors l’eau d’un rouge sang .19
Parallèlement, existent tout un monde de charlatans vantant des remèdes miracles.
Il existe les guérisseurs, des personnages qui exercent illégalement la médecine et concurrencent malheureusement la médecine officielle, des sorciers, les rebouteux. On les trouve dans les villes et dans les villages. Ils proposent des recettes, ils appliquent des remèdes empiriques (la botanique possède des propriétés curatives ce qui explique la confection d’onguent susceptibles de guérir comme la menthe sauvage qui aurait la particularité de guérir de la fièvre, la rhubarbe d’être un laxatif…, pour soulager une brûlure, ils recommandent de prendre de la graisse d’un porc mâle, la faire rouir (macérer) avec du blanc de poireau, puis de passer l’ensemble dans un linge et l’appliquer sur la zone à traiter...).
Il y a ceux que l’on surnomme les « marchands d’orviétan » qui proposent à la fois un spectacle de théâtre ou de mime et un remède universel. Le Corps municipal palois ne voit pas d’objection qu’ils exercent leur talent dans la ville, ils les accueilleront même à l’hôtel de ville jusqu’au moment où le Parlement de Navarre, au XVIIIe siècle prendra des arrêts à leur encontre.
Mais aussi on achète des livres vendus par les colporteurs comme « Le Grand Herbier ». Ces remèdes liés aux plantes et les recettes revêtent un avantage pour ces gens, leur coût relativement faible.
Si malgré tout, leur application s’avère inefficace on a recours à la médecine.
Les Hôpitaux
Le malade peut se faire soigner à l’hôpital. Comme le Béarn est un lieu de passage de pèlerinage vers Saint-Jean-de-Compostelle, depuis le Moyen-Age s’était mis en place tout un réseau d’hôpitaux pour les pèlerins surtout à partir du XIIe. Lieu de refuge (on y loge, on y mange), c’est également un lieu où on se soigne grâce à des infirmiers qui prennent soin d’eux. On a compté une douzaine d’hôpitaux sur le chemin de Saint-Jacques, dans le Béarn, depuis la partie est de la province jusqu’au col du Somport, ceci du XIIe siècle (la période du grand démarrage du pèlerinage) jusqu’au XVIIIe siècle.
Il suffit de visiter celui de Lacommande pour imaginer ce que devait être un hôpital malgré les quelques vestiges qui restent. On en compte plus de 25 hôpitaux pour pèlerins dans l’ensemble du Béarn, toujours entre ces deux dates.
Le Béarn, étant sur le passage du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, des relais sont implantés sur les 3 voies existantes, en majorité au XIIe siècle. Le pèlerin y est assuré de trouver le « gîte et le couvert », un lieu pour se faire soigner. A l’est de la province, sur la voie surnommée de « Provence », une dizaine de ces hôpitaux s’échelonnaient, notamment ceux de Morlaàs, de Lespiau près de Lescar, Lacommande, Oloron Saint-Christau, Sarrance et, en Espagne, Sainte-Christine du Somport. On dénombre aux environs de 25 établissements hospitaliers en Béarn pour les pèlerins durant la période qui s’échelonne du XIIe au XVIIIe siècle. Mais en 1789, la plupart d’entre eux sont déficients, la Guerre de Cent Ans et les guerres de Religion ont été dramatiques sur le sort du pèlerinage de Compostelle.
Mais les évêques basco-béarnais sonnent pour ainsi dire le glas de ce type d’hôpital puisqu’ils les dévalorisent à partir des années 1720 en associant le pèlerinage en une superstition. Si quelques hôpitaux de pèlerinage perdurent, ils le doivent à l’insistance de certaines communautés qui voient en eux des institutions de charité, comme par exemple celle de Mifaget. Il dépendait de Sainte-Christine du Somport et, par conséquent, était régi par les chanoines réguliers de Saint Augustin.
Eglise de l’hôpital de Mifaget, du début du XIIe, bâtie par le vicomte Gaston IV le Croisé. Sur la route de la voie d’Arles (ou de Provence) du Chemin de Saint-Jacques .
Crypte circulaire de l’église de Mifaget avec deux chapiteaux qui proviennent de l’ancienne nef.
Les hôpitaux avaient pour vocation, au préalable, d’accueillir tous les malades. Au Moyen-Age, on peut y adjoindre les léproseries. Si les lépreux sont exclus du monde des vivants après avoir subi la cérémonie funèbre et on les isole dans des léproseries ou maladreries. Le premier centre d’accueil béarnais est créé au XIIe siècle dans la localité de Morlaàs, au moment où elle est la capitale du Béarn. Par la suite, s’ajoutera Lescar, Oloron et Orthez. Leur emplacement est toujours le même, à l’extérieur des villes.
En ce qui concerne les hôpitaux, en 1789, on en compte onze. Ce sont à la fois des établissements où l’on procure des soins, mais aussi des lieux où on accueille des pauvres
Celui de Pau, au début situé rue de Morlaàs (actuellement rue Maréchal Joffre), puis déplacé dans le faubourg de la Porte-Neuve lorsqu’il sera jugé trop petit en 1676. Il changera de statut et deviendra Hôpital général (voir l’étude faite précédemment). En 1789, les hôpitaux béarnais sont au nombre de 11, ils ont comme vocations à la fois d’accueillir des malades mais aussi des miséreux et les enfants abandonnés de par une décision royale qui cherchait avant tout à promouvoir une politique que l’on pourrait qualifier d’assistance publique. L’Etat trouvait un relais certain chez les Intendants et les municipalités puisque souvent ce sont les Corps de Ville qui s’occupent de la gestion des hôpitaux. Malheureusement les charges qui incombaient à ces lieux de soin grevaient le budget alloué, notamment surtout la part consacrée à l’alimentation. . Or les revenus provenant en général de l’exploitation d’un patrimoine mobilier et immobilier, en Béarn, se révélaient insuffisant d’où les situations de déficit. Dans les petites localités, il s’avérait souvent que les établissements hospitaliers ne correspondaient, en fait, qu’à de simples hôpitaux n‘ayant qu’une vocation de type charitable comme celui de Bruges. Ici, la cité ne peut offrir qu’aux enfants trouvés, les miséreux de la localité et les nécessiteux de passage qu’une salle. 20 351) Une autre cité, Navarrenx, ne peut offrir à ses concitoyens un hôpital digne de ce nom, en 1777, il est « menaçoit d’une ruine prochaine et il y avait danger évident à y laisser les malades.» ? 21
Quelques mots sur les eaux et leur pouvoir de guérison.
Les eaux thermales des Pyrénées sont connues depuis l’Antiquité. Pline les mentionne. Christian Desplat nous apprend qu’elles étaient réputées pour favoriser la fécondité et guérir les arquebusades (plaies extérieures provoquées par les armes à feu). Agrippa d’Aubigné - soldat, conseiller du futur Henri IV et auteur des « Tragiques » dans lesquelles il dénonce les persécutions subies par le protestants - fait l’éloge de ces eaux, lui qui fut plusieurs fois blessé.
Les Eaux-Chaudes (ou Aigues-Caudes) localisées sur un site encaissé sont fréquentées par les princes de Navarre et leurs Cours, ce qui explique qu’on les appelle « Eaux d’Albret ».Sont venues entre autres personnalités Jeanne d’Albret en 1561, 1562 et 1567, sa belle-sœur , Marguerite de Navarre en 1579 pour lutter contre sa stérilité. Puis, elles seront surnommées « Les àygues emprégnadères » au temps d’Henri IV. Ce dernier fera un séjour en 1581 et 1583.
L’abbé Bonnecaze nous informe que les eaux minérales « tiennent du soufre et du salpêtre ». 22 L’Intendant Pinon, lui, écrit en 1698 qu’elles « sont bonnes pour les meaux de teste et d’estomach. » 23
Elles étaient réputées aussi notamment pour la source de l’Esquirette reconnue pour lutter contre la stérilité (en 1579, Margueritte de Valois y vient en cure). Jusqu’au début du XVIIIe siècle, tous les individus, de toutes classes confondues, fréquentaient le site pour se soigner ; des localités, villes ou villages, assuraient le déplacement gratuitement des personnes malades sans moyens financiers, comme par exemple Pau.
Par la suite, elles sont délaissées. La commune de Laruns, elle-même, s’en désintéresse jusqu’à l’action entreprise par Théophile de Bordeu. En effet, natif d’Izeste et fils d’Antoine médecin des Eaux-Bonnes mais également seigneur du domaine de Jurançon et lui-même médecin- sera le médecin de Louis XV -, il informe les Etats de Béarn de l’état délabré des deux stations, Eaux-Chaudes et Eaux-Bonnes. Les Etats le délèguent lui et un autre médecin, Bergeron, assisté d’un ingénieur, pour se rendre dans la vallée afin de dresser un bilan, le 13 mai 1739. Ce dernier établi, les jurats de Laruns sont informés des plans envisagés par les commissaires mais les ils prétextent qu’une inondation a ravagé une commune. La réalisation des projets traîne, en 1745 rien n’est encore fait. Lorsque les jurats clament la nécessité d’ouvrir une route en direction de l’Espagne, des commissaires mandatés par les Etats de Béarn en profitent pour vérifier l’état des établissements dans les Eaux-chaudes et les trouvent dans un état de « désordre affreux ». En effet, les jurats de Laruns, « confiants dans l’efficacité des eaux », s’occupent très peu de l’entretien des logements tout en continuant de percevoir des droits élevés. Le subdélégué de l’Intendant à Oloron nous a laissé une description des logements peu élogieuse, il écrit que l’on entassait sur un lit quatre personnes lors des grandes affluences – alors que l’on facture pour quatre lits - , « les matelas ne sont bons que pour les gens de la basse lie ». 23 En 1772, les toits sont percés laissant la pluie ruisseler, les planchers sont troués. Pourtant, les sources continuent de rapporter de l’agent puisqu’elles procurent 4 580 fr en 1776. En 1765, on enregistre 183 personnes au mois de septembre « et autres ». 24 A la veille de la Révolution, exactement à partir de 1781 les travaux de reconstruction sont mis en adjudication. Mais le montant ne cessa de grimper. La commune de Laruns dut emprunter et demander à certains propriétaires les plus fortunés de garantir la caution. En l’an XIII de la République, la Révolution nationalise les sources thermales.
Quant aux Eaux-Bonnes (ou Aigues-Bonnes) , c’est la bataille de Pavie de 1525 qui les font connaître puisque Henri II y amènent ses soldats blessés se soigner dans les « eaux des arquebusades ».Que lui-même a l’intention de s’y rendre accompagné de Français Ier.
L’abbé Bonnecaze écrit à leur sujet que l’on les vante et que leur fontaine se situe « au-dessus de la paroisse d’Aast. Elle est spécifique pour les palies et ulcères...». 22
Par la suite, au XVIIIe, c’est Théophile de Bordeu, que l’on a vu précédemment, natif d’Izeste, qui soutient à Paris une thèse sur « Les eaux minérales d’Aquitaine dans les maladies chroniques » et qui sera présenté à Diderot lui permettant ainsi de collaborer dans l’Encyclopédie notamment dans l’article « Crise » (il est aussi médecin de Madame du Barry). Il lance le thermalisme pyrénéen en 1748. Il revient dans les Pyrénées en tant qu’ « Inspecteur des eaux thermales de la généralité d’Auch ». Il a lancé le thermalisme en 1748.
Comme pour les Eaux-Chaudes, le constat qu’il fait des Eaux-Bonnes est alarmant. Des quatre sources ,en 1739, il y a seulement une seule qui est en usage. L’eau est amenée par un tuyau en bois d’une longueur de 22 pieds. 25 Les logements sont dans le même état de délabrement qu’aux Eaux-Chaudes. Ici, ce sont les jurats d’Aas qui renâclent à engager des frais de réparation. En 1771, le bilan est toujours aussi calamiteux. Le subdélégué de l’Intendant à Oloron énumère quatre cabanes contenant 9 chambres dotées de 25 lits. Le prix de la « paillasse » , de l’usages des ustensiles de la cuisine et du bois revient à 3 sols par jour, quant à celui des bains il dépend de la catégorie sociale. Un gentilhomme paye 4 sols , un bourgeois 3 sols et un homme du peuple 6 liards. 26
La réputation des eaux thermales pousse l’Intendance, suivi des Etats de Béarn, à œuvrer afin de bénéficier de cette manne économique. Ils tentent d’assurer des infrastructures correctes (voies de communication, hébergements) dans le but d’accueillir des clients aisés vu que les stations ne possèdent que de modestes cabanes .Par exemple, en 1745 les Etats de Béarn forcent la localité de Laruns à réaliser des aménagements qui eurent lieu en 1781. Mais l’auteur affirme que l’usage des eaux thermales était, en Béarn, un « espace de grande mixité sociale…Les conditions de vie matérielle y étaient à peu de chose près les mêmes pour les riches et les humbles et la promiscuité complète ». La ville de Pau, rappelle-t-il, « organisait, à dos-d’âne, le transport de ses pauvres malades aux eaux. » 27 et 28 ,14 et 15
Nous possédons un autre témoignage relatif à l’état des deux stations thermales béarnaises, celui du docteur Bergerot. Il dresse lui aussi un bilan alarmant à travers un rapport qu’il adresse à la province en 1759. Il met en avant le mauvais état des routes, des logements et prévient que ce sont autant de points négatifs susceptibles de décourager la venue des curistes, ce qui serait un manque à gagner.
Il existe d’autres sites détenant des eaux thermales . L’Intendant Pinon cite les exemples d’Escot dans la vallée d’Aspe « qui sont fort rafraîchissantes. », d’Ogeu près d’Oloron « de même qualité... ».23
Christian Desplat écrit que l’activité thermale prend un essor important à partir de 1776, le coût de l’eau s’accroît, des particuliers ouvrent des bains. Il cite l’exemple d’un dénommé Sallenave à Sévignacq en 1773 pour guérir la « gravelle ».
Notes :
1- Desplat, Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, tome 2, Editions Terres et Hommes du Sud, 1992, p.796.
2- Hildesheimer. F., Dictionnaire de l’Ancien Régime, (dir. Lucien Bély), Editions PUF Quadrige, 1996, p.811.
3-voir Docteur Verdenal, Paul., Médecins et apothicaires en Béarn sous le régime du For de Henri II, roi de Navarre, Bull.SSLA, 2e série, année 1921, tome 44, p.15.
4-A. C. de Pau, BB 13, f° 178.
5- Desplat, Christian , L’encadrement médical dans le ressort de l’intendance d’Auch et de Pau au XVIIIe,», Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Année 1988, volume 100, n° 184, p. 464.
6- A.D.P.A., C 101.
7- Desplat, Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, tome 2, Editions Terres et Hommes du Sud, 1992, p.7vb85.
8- Godin ,Fabienne, La vie municipale de Nay au XVIIIe à travers les délibérations, maîtrise UPPA,1988, p. 109
9- Millepierres, François, La vie quotidienne des médecins au temps de Molière, Hachette, 1965, p.43
10- A.D.P. A ., Nay, BB 18, f°32
11- A.D.P.A., C 301.
12- Desplat, Christian, L’encadrement médical dans le ressort de l’intendance d’Auch et de Pau au XVIIIe, p. 461-463.
13- Eloge historique de M. Théophile de Bordeu par J.J. Gardane, chez Ruault , librairie de la Harpe, 1777.
14- Laumon, Raymon, Histoire de la vallée d’Aspe , Editions Monhelios, 2006, p. 60.
15- Desplat, Christian , L’encadrement médical dans le ressort de l’intendance d’Auch et de Pau au XVIIIe,», Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Année 1988, volume 100, n° 184, p. 459-475.
16- Gelbart, Nina Rattner, The King’, Midwife : A history and Mystery of Madame du Coudray,Berkeley and Los Angeles : University of California Press, 1998.
17- A.C. de Pau, BB 26, 7 mai 1788.
18- Lacoste, G, Fontaines de Sainte Quitterie en Béarn, Pau, 1952.
19- Lacoste, M-C, Quelques fontaines guérisseuses, Bull.SSLA de Pau, 3e série, tome 22, 1962, p. 57-97.
20- A.D.P.A., C 610.
21- Laharie, Muriel , Histoire de la médecine dans la principauté du Béarn (IX-XVIIIe) : traits généraux et perspectives , Bull. SSLA, n°19, 1992, p. 219.
22- Variétés béarnaises de l’abbé Bonnecaze, Bull.SSLA de Pau, 1910, 2e série, tome 38, p. 125.
23 Intendant Pinon, BULL. SSLA de Pau, 1905, 2e série, tome 33, p.42.
24- A.D.P.A., C 86.
25- A.C. de Laruns ,GG 15.
26- A.D.P.A., C 1285.
27- A.D.P.A., C 86.
28- Desplat ,Christian, La vie en Béarn au XVIIIe , Editions Cairn, 2009, p. 111.
29- Soulice, M.L., Notice historique sur les Eaux-Chaudes et les Eaux Bonnes, Bull.SSLA de Pau, 1876-1877, 2e série, tome 6, p. 231.
Bibliographies :
- Laignel-Lavastine, M-P.(dir.), Histoire générale de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire et De l’art vétérinaire, 3 vol., Paris, 1936-1949.
-Lebrun, F ., Médecins, saints, et sorciers aux XVIe et XVIIIe siècles, Se soigner autrefois, Paris, rééd.1995.
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Par Michel64a le 16 Juillet 2020 à 15:11
Population béarnaise au XVIIIe
Natalité- Petite enfance- Emigration
1) La natalité
La famille du XVIIIe siècle est composée en moyenne de 4 ou 5 enfants. Si on part du principe qu’une femme se marie vers 27-28 ans, qu’elle sera ménopausée après la quarantaine – plus tôt qu’actuellement - , qu’il faut tenir compte de l’allaitement maternel - qui rend « stérile » une femme durant 2 ans , l’aménorrhée ou une mise en nourrice -, de la mort potentielle d’un des deux conjoints (si on se base sur une espérance de vie de 40-45 ans, la durée du couple , lui-même, oscille dans les quinze ans), elle donnera naissance à six ou sept enfants, c’est-à-dire en moyenne un tous les deux ans et demi ,et, enfin, d’une part minorée des couples ayant eu plus d’enfants , la moyenne correspond aux chiffres donnés précédemment.
A Bilhères-d’Ossau, on note que pour la période qui s’échelonne entre 1740 et 1779, la « proportion des femmes restées cinq années sans avoir eu d’enfant augmente constamment avec l’âge : elle représente la part la plus importante à partir de 40 ans... », par contre celles comprises dans le groupe d’âges 25-29 ans ayant eu trois enfants en cinq ans de vie conjugale leur proportion est réduite et « atteint un maximum de 16 % ». 1
Le même auteur s’est penché sur les conceptions prénuptiales et constate qu’entre 1740 et 1859, "sur 245 premières naissances, 20 se sont produites à moins de 8 mois du mariage, soit une proportion de 8,1 %. " Puis, il note que « 12,9 % des premières naissances issues du groupe d’union 1740-1779 surviennent avant 8 mois ; ce pourcentage tombe à 7,7 % pour le groupe 1780-1819... » Il conclut qu’à la fin du XVIIIe siècle, « la fréquence des conceptions prénuptiales diminue fortement ; cette époque correspond ,on le sait pour Bilhères, aux progrès dans la limitation des naissances... »2
Ce qui a surtout fait baisser le nombre d’enfants c’est l’arrêt précoce des conceptions. La pratique de la contraception a été analysée. On connaît le fameux « coitus interruptus » (mais peu efficace) - un des « funestes secrets et les pernicieux exemples » - mais aussi l’usage de drogues ou de recettes (comme un breuvage à base de soufre). Elle s’avère être bien entendu un frein à ce bond démographique. Les lavements vaginaux et les préservatifs sont aussi des pratiques que l’on use à l’époque notamment en ce qui concerne le condom (constitué par exemple d’intestin de mouton et de consistance relativement épaisse que l’on devait assouplir en le trempant dans du liquide comme du lait) apprécié notamment par les libertins. L’exemple vient des classes supérieures (noblesse, grande bourgeoisie) où on constate que les naissances durant le XVIIIe siècle passent de cinq à deux en ce qui concerne surtout la noblesse - ce qui est en contradiction avec un phénomène observé par les démographes, celui d’une baisse du mariage de 19,3 ans à 18,4 ans et avec ce qui se passe chez les classes populaires - se propage très lentement au sein des classes inférieures, des classes urbaines vers les classes rurales notamment lorsqu’elles se détachent quelque peu des préceptes religieux et moraux de l’Eglise, ceci à la fin du XVIIIe (alors que l’Eglise condamne toute pratique contraceptive, n’est-ce pas un péché mortel ?).
Hélène Bergues cite les propos de l’abbé Coyer en parlant des agriculteurs : « Il se répand un bruit peut être trop fondé que ces hommes grossiers dans le sein même de leur mariage ont trouvé l’art de tromper la nature » 3
Ces pratiques contraceptives correspondent pour l’Eglise à une totale fermeture à la vie. Elles ont davantage touché certaines zones rurales dans la seconde moitié du XVIIIe puis se sont étendues à peu près partout dans la décennie 1790-1799. Une des conséquences de cet acte est la mise en valeur de l’enfant dans le couple. Moins d’enfants, c’est plus de temps pour s’occuper d’eux. Mais le relâchement des mœurs au XVIIIe sera plus perceptible à partir du XIXe. Cela n’empêche pas que des cas d’enfants illégitimes ou d’enfants abandonnés soient constatés, dans les campagnes, le pourcentage gravite autour de 1%, il est un peu plus fort en ville, à Lille, par exemple où il atteint un chiffre très élevé, 12,5% des baptêmes.
A Pardies, Delphine Nougué 4, comptabilise trois naissances illégitimes en 1774, deux autres en 1775. Voici ce que l’on peut lire sur le registre : « le 18 avril 1774, née Marie de Cazaubon de Nay, fille illégitime de Jeanne de Casaubon de Nay, sa mère, son père est un passant inconnu. Sa fille nouvellement née a été transportée dans ce lieu pour y être nourrie et baptisée par le consentement du curé de Nay le lendemain ». 5
A Bilhères, Michel Fresel-Lozey constate qu’à partir de 1780 qu’une « régression générale des taux de fécondité légitime » a eu lieu, de même qu’une « diminution de la taille des familles et un abaissement du temps de constitution de ces familles », « un accroissement sensible de l’espacement entre les naissances successives » et, enfin, « une évolution de la fréquence de l’infécondité définitive et son corollaire, une fécondité d’autant plus forte que l’âge au mariage de la femme est plus élevé ». Son analyse lui permet d’en conclure qu’il y a bien eu « la présence de pratiques contraceptives ». 6
Le même auteur note une faible part des naissances illégitimes à Bilhères, de l’ordre de 2,1 %. 7
Pourtant, le concile de Trente de 1563 a bien tenté d’interdire les naissances hors mariage, cette proscription sera par la suite renforcée par l’ordonnance royale d’Henri II qui contraindra les femmes (« toutes filles et femmes veuves, lesquelles se seraient laissées séduire et rendre enceintes ») à déclarer leur grossesse « dans les bourgs et villages au maire ou officier principal de justice, dans les villes au prévôt ayant juridiction ou au lieutenant général du baillage, chacun selon sa condition, dont sera dressé acte… ».
Ces femmes, si elles ne réussissent pas à trouver un mari, sont sujettes à l’opprobre de la société, surtout si elles vivent dans un village dans lequel elles sont considérées comme des filles de mœurs légères. Michel Fresel-Lozey mentionne qu’à Bilhères « la proportion des célibataires à 50 ans et plus... progresse..., un net ralentissement de la nuptialité se dessinant dès la fin du siècle... il faut noter cependant un net accroissement du célibat définitif concernant principalement les femmes et ce dès les générations précédant la fin de l’Ancien Régime : 9,5 % de célibataires dans la génération 1700-1729 contre 17,6 % dans celle de 1756-1785. » 8
Certaines femmes tentent de conclure un accord à l’amiable, comme une dénommée Marie Darrigrand qui ne parvient pas à décider Jean de Loustau de se marier. Elle décide de le poursuivre en justice auprès du sénéchal et gagne son procès puisqu’elle obtient 450 livres de dédommagements afin de nourrir et de soigner le bébé. Ceci se passe le 14 février 1708. Quelque temps plus tard, le fils naturel sera reconnu par le père et l’enregistrera en son nom et, même mieux, contractera un mariage avec Marie Darrigrand le 17 novembre 1709. L’acte notarié ne nous dit pas si Jean de Loustau n’a pas tenté par ce biais de récupérer son argent. 9 Malheureusement pour ces infortunées, cela ne se conclut pas toujours de cette manière. Plusieurs d’entre elles seront acculées à abandonner leurs enfants. On parle d’enfants « abandonnés » lorsque les parents sont connus, qu’ils les ont élevés, mais qui ont dû les abandonner sans que l’on sache plus tard ce qu’ils sont devenus. Tandis que les « enfants trouvés » sont ceux qui ont été exposés dans un lieu en général public comme un hospice par un ou par les deux parents.
Dans ce dernier cas, on n’abandonne pas les nourrissons dans la voie publique si la mère est acculée à la dernière extrémité (naissance non désirée, baisse drastique des revenus, accident), elle dépose le plus souvent dans le « tour » d’un hospice comme à Pau, où un tambour cylindrique permettait à la mère de rester anonyme, il suffisait alors d’attirer l’attention de quelqu’un pour reprendre le bébé par une sonnette en toute discrétion. Rouen est la première ville française où le « tour » est utilisé en 1758. La mère laisse parfois un message (le « billet ») sur le berceau ou une quelconque indication, pensant probablement revenir plus tard le reprendre. Ou alors elle le dépose devant la porte des notables – à l’occurrence les jurats -, d’une église ou d’une chapelle, d’une maison particulière ... Un trousseau, pour la moitié des cas, est associé. Toujours à Pau, l’abandon des enfants se déroule surtout en hiver et au printemps, Christian Desplat écrit qu’un seul enfant « exposé » est retrouvé mort (à Paris, 60 % des enfants-exposés de l’Hôpital des Enfants-Trouvés, institution créée par Vincent de Paul en 1638, décèdent avant d’atteindre l’âge d’un an) , il s’agit un nourrisson de sexe féminin âgé de cinq mois décédé « à la sortie du sein de sa mère », l’événement se déroule en juin 1772, le bébé ayant été déposé sur le ruisseau du Hédas. Pour près de 43% des enfants exposés il s’avère qu’ils sont âgés de quelques jours. D’autres chiffres afin d’illustrer ces propos, pour l’année 1789, on dénombre 128 exposés, « 32 avaient moins d’un jour, 26 moins de huit jours, 20 moins de 15 jours, 5 moins de six mois, 5 seulement moins d’un an. » 10
Le même auteur émet l’hypothèse que ce sont les enfants de sexe féminin qui ont été essentiellement abandonnés par les parents, vu que leur efficacité était jugée moindre pour les grands travaux. Il termine en précisant que l’abandon d’enfant se faisait dans la douleur : « Que l’abandon soit la réponse du désespoir à l’exclusion sociale qu’entraîne l’illégitimité, ou le seul remède des pauvres contre les crises conjoncturelles, aucun doute sur ce point ». 11
En effet, si on observe l’allure générale de la croissance économique et celle des abandons d’enfants, elles se suivent. Quand la conjoncture est bonne, le nombre des abandons diminue lorsqu’elle devient dramatique, c’est-à-dire synonyme de chômage, de misère sociale, elle augmente. Il faut y adjoindre également la pression exercée par la famille et la communauté. Qu’adviennent-ils plus tard ? On sait, en ce qui concerne l’Hôpital de Pau, pour l’année 1786, que la moitié des enfants exposés meurent avant d’atteindre leur première année et que 83 % décèderont avant de parvenir à l’âge de sept ans.
Le même auteur affirme que l’avortement et l’infanticide sont des pratiques rares. Il rajoute que la « croissance, tant rurale qu’urbaine du taux des naissances illégitimes fit de l’abandon, « l’exposition », le fléau de la fin de l’Ancien Régime » et de citer l’exemple de la commune de Billère dans laquelle « le nombre d’enfants illégitimes l’y emporta pendant plusieurs années sur celui des enfants légitimes ». 12
Christian Desplat nous cite un exemple de billet laissé avec l’enfant abandonné que les jurats palois conservèrent à partir de 1770 : « Cet enfant est né et baptisé le 12 du mois de mars dont le nom est Bernard, mes sœurs de l’hôpital je vous prie de le faire nourrir, devant Dieu vous serez récompensées. »
On connaît l’œuvre entreprise par Vincent de Paul pour recueillir les enfants abandonnés » notamment par la fondation en 1633 de l’Ordre des Filles de la Charité et, en 1638, de l’Hôpital des Enfants-Trouvés mentionnés plus haut grâce aux dons provenant des gens de la haute société et du roi Louis XIII qui versera 4 000 livres. Son exemple fut peu ou prou suivi par d’autres villes du royaume. Déjà à l’époque, certaines personnes accusaient ces hospices d’enfants trouvés d’inciter les parents à les abandonner tout en soulageant leur conscience.
Les registres paroissiaux enregistrent plusieurs cas, soit de naissances soit de décès d’enfants illégitimes. Jacques Staes qui a étudié ceux d’Aramits note que « dans les quatre décennies de l’Ancien Régime, le nombre des enfants illégitimes ait été particulièrement élevé : en 1767, sur 29 baptêmes, on compte 4 enfants illégitimes ; en 1768, sur 27 baptêmes, 4 enfants illégitimes ; en 1769, sur 24 baptêmes, 4 enfants illégitimes ; en 1784, sur 30 baptêmes, 4 enfants illégitimes ; en 1786, sur 35 baptêmes, 5 enfants illégitimes ». Il rappelle qu’une femme célibataire enceinte se devait se soumettre aux lois et déclarer son état et informer le nom du père devant un jurat. Le curé, quant à lui, lors de l’enregistrement du nourrisson sur le registre des naissances, faisait état de la paternité. Toutefois, certaines femmes ne nommaient guère le père comme cette jeune fille âgée de 25 ans nommée Catherine de Labat originaire de Gastes dans le diocèse de Bordelais qui le 19 mai 1711 « n’ayant pas voulu déclarer le père ; Bernard Bégué, du présent lieu d’Aramits, où elle s’étoit réfugiée, est intervenu et m’a répondu de la susdite fille, me promettant d’en avoir le même soin que si c’étoit sa fille et pour cet effet, il s’est offert pour parrain et sa femme pour marraine ». 13
Delphine Nougué, dans son analyse de Pardies, comptabilise pour l’année 1774 trois naissances illégitimes et deux en 1775. Elle mentionne l’exemple de Marie de Cazaubon de Nay, fille d’un « passant inconnu ». Elle a été baptisée par le curé, car elle réside à Pardies auprès de sa mère Jeanne de Cazaubon et de ses parrains vivant également dans la même communauté, Pierre Carrère-Lus et Marie de Loustalet. 14
Dans certains cas, les parents, par le biais d’un mariage, reconnaissent leur enfant illégitime ce qui advient notamment le 17 août 1764 : « L’an Mil Sept Cens soixante quatre et le dix sept aout ont recu la Benediction nuptialle aux formes prescrites par l’Eglise Paul Castagnet dulieu de St James ... et Jeanne Lamouzé... dud. lieu de St James... sans quil ait apparû d’aucun empechement civil où canonique n’y d’opposition de personne la Ceremonie a été faite par Nous Curé sous Signé présents et témoins..., non les Epoux pour ne scavoir a ce qu’ils ont declaré et en presence des mêmes temoins les dits Epoux ont declaré quil est né d’Eux le premier aout l’Année Mil sept cens Soixante deux, un Enfant Mâle Appelé Pierre, Lequel ils reconnoissent Comme Légitime et né Sous la foy du Mariage. » 15
Comme le monde gravitant autour du village est assez restreint et que la faute devient visible, assurément soit l’infortunée s’en allait ailleurs, particulièrement en ville, soit elle légitimait par un mariage. Delphine Nougué précise pour le cas de Pardies que la plupart des baptêmes considérés comme illégitimes sont le fait d’étrangers à la communauté venait se réfugier, car note-t-elle, la conception étant considérée comme non officielle, la faute rejaillissait sur la famille. En 1774, par exemple, les parents de ces enfants domiciliaient auparavant à Monein, Navarrenx, Gan ou Arros. Elle rajoute alors que l’on attribue le nom de l’individu à l’enfant illégitime qui en prend soin.
A Billère, proche de Pau, le taux du nombre d’enfants illégitimes entre 1693 et 1715 est de 6,1 % pour atteindre celui, très important, de 30,4 % durant la période 1773-1790. Comme nous l’explique Christian Desplat, Billère est devenu à la fin du XVIIIe siècle «… le lieu de refuge des rurales fautives mais surtout l’exutoire de l’immoralité urbaine toute proche. » 16
Dans le milieu rural, une autre stratégie pour diminuer la fécondité réside dans l’allongement des intervalles entre les naissances ou intergénésiques. Une autre explication peut être avancée, vu que les décès d’enfants amorcent une relative baisse, pourquoi continuer à tenter de compenser comme cela se faisait préalablement ?
L'allaitement a été avancé pour expliquer aussi la baisse de la fécondité. L'explication donnée a été contrée par ceux qui répondaient qu'en ville le recours des nourrices était de plus en plus pratiqué .
A quelles époques se déroulaient les naissances ? Majoritairement, à la fin du printemps et au début de l’été, c’est-à-dire en mai et juin, puis, moins intensément, à la fin de l’automne et au début de l’hiver, soit de novembre au mois de février et, enfin, les périodes de la fin de l’été et l’hiver correspondaient à des phases mineures. Les causes sont soit naturelles, soit religieuses (correspondant au rythme saisonnier imposé par l’Eglise aux mariages, un temps liturgique définit les moments dans lesquels les relations charnelles sont autorisées) ou soit économiques (fin des travaux agricoles les plus éreintants). Le mois où on se marie le plus et où les conceptions sont les plus nombreuses à Pardies est le mois de février. Delphine Nougué l’explique par le ralentissement des travaux agricoles et la présence de nourritures. Le mois d’octobre suit, car les récoltes ont été faites.
Michel Fresel-Losey a analysé dans le village de la vallée d’Ossau, Bilhères-d’Ossau, les fluctuations saisonnières des conceptions et a constaté que le mois le plus dominant est juin, entre 1700 et 1799, suivi des mois de mai et avril. Par contre, les mois les moins représentatifs correspondent à l’hiver (janvier, février et mars). 17
Avant l’accouchement, la future mère continue à vaquer à ses occupations habituelles parfois même jusqu’au dernier jour, elle tente d’éviter bien entendu tout accident fâcheux, mais aussi celui qui pourrait avoir des répercussions ultérieures comme de regarder une personne atteinte d’un tic et qui immanquablement se transmettrait sur l’enfant. A cet effet, elle doit se protéger elle et son enfant en utilisant soit des talismans ou amulettes qu’elle se procurera auprès d’un sorcier afin de le conjurer du « bisatgle » - ce que l’on nomme couramment le mauvais œil - ou ira en pèlerinage dans une des fontaines miraculeuses qui existent en Béarn comme à Doumy, lieu de pèlerinage en l’honneur de Sainte-Quitterie. On disposera autour de l’enfant du sel, de l’oignon, de l’ail...
L’accouchement se déroule le plus souvent à la maison, dans la pièce principale peu éclairée si ce n’est par la cheminée. Il s’opère rarement à l’extérieur, aux champs... Pas d’hommes (par contre souvent présent à proximité afin peut-être d’aller quérir un prêtre...), seulement les parentes et les voisines (pas de jeunes filles, des femmes mariées ou des veuves) qui assisteront l’accouchée alitée en position assise jusqu’à ce que la position allongée préconisée par les médecins soit adoptée peu à peu. Une matrone, ce que nous qualifions de « sage-femme », participe et par son expérience gère l’accouchement. Cette dite expérience est le résultat de son observation acquise auprès d’une autre matrone, d’avoir accouché elle-même plusieurs fois et par un savoir transmis oralement. Ce sont généralement des mères de familles mariées, issues de véritables dynasties. Sa rétribution est minime, souvent en nature, voire gratuite. Ce dit savoir pouvait être dangereux, le crâne était parfois remodelé par ses mains ce qui occasionnait des conséquences désastreuses comme l’endommagement des cerveaux, elle incitait la mère à sauter pour faciliter la sortie du bébé, elle usait de pansements non stériles…
La scène a lieu près du feu pour l’éclairage et la chaleur, le lit et une chaise renversée afin que l’on l’utilise comme un dossier… Le nécessaire consiste également en des bassines d’eau, des chiffons..., des outils qui traînent dans la pièce comme une pelle à feu s’il y a une complication...,par conséquent, il s'avère restreint. Le manque d’hygiène est indéniable. Il existe plusieurs pratiques. Elle opère sans désinfection, pour extraire le nourrisson, par exemple elle appuie sur le ventre de la mère. Si l’accouchement ne se déroule pas « naturellement », que des complications surviennent, la vie du nourrisson ne tient qu’à un fil du fait souvent du manque de compétence des sages-femmes. Elle lui coupe le cordon ombilical (parfois avec les dents), pour ce qui concerne le sexe mâle elle le coupera sur une longueur plus ou moins longue tandis que pour le sexe féminin elle le tranchera au ras. Le reste est fréquemment enterré au pied d’un arbre.
Si le nourrisson a un physique jugé désavantageux, il sera façonné par ses soins vu que l’ossature est encore délicate.
Pour ce qui est des accouchements, on fait, par conséquent, rarement appel aux médecins et aux chirurgiens.
Mais une école de sages-femmes a été fondée en 1783 à Pau. Une femme du nom d’Angélique Marguerite du Coudray, de son vrai nom Angélique Le Boursier, au début matrone puis sage-femme officielle de Louis XV par la suite, écrit un traité sur l’accouchement – Abrégé de l’art des accouchements -, doté de croquis anatomiques en couleurs, elle arpente le royaume de France afin de transmettre ses connaissances à de futures praticiennes et à des chirurgiens, elle fera des démonstrations à l’Hôpital de Pau, elle formera 5 000 sages-femmes avant de prendre sa retraite. A cet escient, elle utilisait un mannequin obstétrical inventé en 1756 par souci pédagogique, il représentait une femme grandeur nature, confectionné avec du coton jaune clair, du cuir souple et de véritables os et comportant une matrice. De plus, une poupée avec un corps souple était reliée au mannequin par un cordon ombilical.
En ce qui concerne Pau, ce sont les Etats de Béarn qui prennent l’initiative en 1785 de lancer un concours afin d’employer un professeur capable de dispenser des cours. C’est un Palois qui est choisi du nom d’Adéma. Puis se pose le problème délicat de décider de l’utilisation soit du fameux mannequin conçu par Mme du Coudray, soit de la « matrice de verre ». La solution est vite trouvée, on se saisit du mannequin laissé à Auch par la sage-femme, une poupée de son. L’école forme, entre 1786 et 1788, quarante personnes et on en ouvre une autre à Oloron. 18
En général, dans le reste du royaume, elle donnait ses leçons pendant une période de deux mois, puis ses élèves devaient se former auprès de chirurgiens durant deux semaines.
Mme du Coudray avait reçu une mission de la part du roi - elle obtient un brevet royal en 1759 - favoriser l’essor de la population en apprenant à des femmes peu expérimentées, notamment dans le monde rural de pratiquer l’accouchement sans aucun risque. Elle-même avait obtenu un diplôme du Collège de chirurgie. Afin de se déplacer seule parmi les hommes, surtout lors des premières années, elle avait emprunté ce nom noble. En 1767, une pension annuelle octroyée par le roi s’élève à huit mille livres, de plus vient se greffer une pension de retraite qu’elle prend à l’âge de soixante-sept ans. Elle a formé près d’une dizaine de milliers de sages-femmes sur près d’une quarantaine de villes à travers la France. 19
Au même moment, des instruments apparaissent comme les forceps...
Le baptême, le premier des sept sacrements catholiques, a lieu dès les premiers jours (le jour même ou le lendemain si possible) du fait de la forte mortalité infantile, afin que l’âme du bébé ne puisse point errer jusqu’au Jugement dernier et devenir un enfant de Dieu. Par principe, c’est un sacrement qui a pour mission d’annihiler la tache originelle. Mais il symbolise également un « rite de socialisation ».
Ce qui explique aussi que lors de l’accouchement, si le nourrisson meurt la « matrone » peut administrer le sacrement du baptême par ondoiement si elle a été agréée par le curé. C’est le cas à Pardies le 9 février 1780, la sage-femme baptise Jean Laulhé, fils de Jean Laulhé et de Jeanne Camy .Toujours dans la même paroisse, le 6 octobre 1778, on peut lire dans le registre des naissances : «... est né raymond de toulet, fils illégitime des ms jean de toulet et catherine de brèque de ce lieu ses père et mere ; le d : fils a été Baptisé d’abord ...par la Sage femme de ce lieu à cause ...de sa mort et les cérémonies de leglise ayant été..., le même jour de la reception de Son Bapteme , par le curé. »20 On connaît les noms des sages-femmes qui opéraient dans la communauté, Marie Clos et Marie Vergé de Saint-Abit.
Autre exemple pris dans les registres d’Orin. « Ce Lundy vingt Cinquième du mois D’avril mil Sept Cen Soixante quatorze est né et a été ondoyé a Cause du peril de mort un garçon qui mourut D’abord après londoyement fait par Catherine de Labaraque femme Sage d’Orin, né du légitime mariage de jeanpierre hounie du lieu D Esquiule et de marguerite de Laborde de Préchacq en Josbaig habitan chéz r… dorin Laboureur de profession ainsi qu’il nous Conte par l’examen que nous avons fait de lamanière dont a été administré ledit ondoyement par laditte Catherine de Labaraque , femme sage… » 21
Dans le registre d’Arette, on peut lire une mention du serment prêté devant le curé permettant à la sage-femme le droit d’exercer sa fonction. Nous sommes le 17 mars 1705 : « par moy pretre et vicaire d’Arète et Le sr Benedit, chirurgien Soubs Signez chacun en ce qui regarde notre ministere, a Eté examinée Catherine de Betbeder, dud. lieu, pour voir si elle étoit capable d’assister Les femmes dans Leurs acouches et, après son examen, m’ayant preté serment de fidélité sur les sacréz Evangiles des s’acquiter dignement de tout ce qui Regarde cette fonction commune sage femme doit faire tant pour la Santé de la Mere que pour le Salut de L’enfant, avec toutes Les précautions possibles, en bonne chretienne, Je lui ay donné pouvoir d’exercer cette charge. Temoin Jean de Rachou qui a Signé avec les det.Sr , De Benedit et moy ».22
A Morlaàs, à la lecture des registres de naissances de la paroisse Saint-André, la sage-femme nous apparaît par contre plus stricte sur la pratique des ondoiements. S’il y a un doute, elle baptise sous condition comme on peut le constater : « Le quatrième Juillet mil sept cens trente Sept a esté baptisé dans leglise st andré de morlaas sous condition le nommé pierre dans la maison de... de cette paroisse le quinzième de juin dernier et Lad. de pedebeye... sage femme nous ayant declare quelle doute de la validite du bapteme dud. Pierre attendu que lorsquelle elle luy donna leau du bapteme il nestoit pas encore né et estoit encore dans le ventre De sa mere... »23
S’il meurt après le baptême, il acquiert la béatitude éternelle. Les bébés n’avaient pas de nom, ils n’appartenaient ni dans le monde des vivants ni dans celui des morts. Ils allaient dans les limbes. On les excluait lors de leur inhumation de la terre consacrée, par conséquent du cimetière paroissial. Ce qui expliquait qu’on les enterre chez soi, c’est-à-dire dans son jardin par exemple. Il arrivait que l’on puisse les inhumer dans une partie du cimetière non consacré.
L’acte se déroule le jour même de sa mort également. Encore à Pardies, le 27 juillet août 1774, « est décédé louis de Beseille de pau, fils illegitime de srs Beseille et lardos de pau, ses père et mere , agé de 20 mois , muni du sacrement de Bapteme ; son cadavre a été inhumé 13 heures apres son decesdans le Cimetiere de cette église , avec les Ceremonies Celestes , pratiques en pareille fonction innoscente , faite par le curé... » . 24
Delphine Nougué cite un autre exemple pris dans le même registre de décès de Pardies, nous sommes le 23 novembre 1774, un enfant mort-né est baptisé. «... décès de Marie Nougues de Pardies avant sa naissance complète, après avoir été baptisé ; la mort est survenue avant l’extraction de sa tête. » 25
Si le nourrisson réussit à survivre même après l’administration du sacrement par la sage-femme, le prêtre « prend la main » et organise, lui aussi, la cérémonie.
Le synode d’Avignon de 1337 exigeait que le baptême se fasse vingt-quatre heures après la naissance, le concile d’Aix de 1585 allait plus loin puisqu’il menaçait d’excommunier les parents s’ils ne baptisaient point leur nourrisson avant le huitième jour. Lors de la cérémonie, sont présents les parrains et les marraines, leur importance est importante puisqu’ils sont considérés comme des seconds parents. Ils représentent les « témoins de la foi en Jésus-Christ » .A ce titre, par le symbolisme que représente la tenue du bébé sur les fonts baptismaux par eux, ils auront la charge de remplacer les parents s’ils décèdent. Ils devront assurer l’éducation religieuse de l’enfant et accompagner leur filleul (le) à chaque sacrement. A eux leur incombent les tâches d’offrir les cadeaux traditionnels que l’on donne le jour du baptême, de leur procurer de l’amour à partir de ce moment. Qui sont-ils ? En général, on les choisit parmi la famille (frères ou sœurs, oncles…) ou on opte pour le seigneur.
Par exemple, en 1786, à Pardies, le seigneur Samson François de Péborde et sa fille, Josèphe de Péborde, sont le parrain et la marraine de Josèphe Bergerou. Comme ils ne sont pas présents lors de la cérémonie, ils sont représentés par deux habitants de la localité dont un jurat. On remarque que ce n’est pas la première fois, Delphine Nougué précise que cette pratique symbolise le besoin de protection surtout lors des périodes difficiles.
Ce jour de baptême qui permet au nourrisson d’être préservé par le biais de l’eau bénite et de l’huile sainte est tellement perçu comme important que les parents y adjoignent d’autres rites. Faire bien attention à ce que les cloches sonnent, par exemple, par crainte que l’enfant devienne sourd ou alors s’assurer que le cordon ombilical ne se perde pas, on l’enterrera sous un rosier afin qu’il soit beau et qu’il évolue en bonne santé, ou alors enfoncé dans une entaille de la poutre maîtresse de la maison et surtout pas le brûler sinon on risquerait de provoquer sa mort à l’âge adulte, passer plusieurs fois sous le dolmen de Busy....
Quelques mots sur le rite du « desbatiat » ou le « débaptisé », les Béarnais redoutaient que le nourrisson soit enlevé par les sorcières et lors du Sabbat soit débaptisé et appartienne dorénavant au Diable.
Le choix du prénom n’est pas pris au hasard. Le Concile de Trente oblige de prendre des prénoms de personnages canonisés, pris dans le Nouveau Testament, de martyrs, de saints, Ainsi pensait-on que l’on établissait une relation privilégiée entre l’enfant et le saint, lui servant d’exemple et le protégeant, on dit que l’on place l’enfant sous le patronage du saint. L’Eglise tente d’éviter que l’on prenne des prénoms ridicules ou profanes, comme Apollon, Diane… et que l’on s’inspire de saints symbolisant plutôt une piété profonde vis-à-vis du créateur. Chez les protestants, on opte davantage pour les prénoms que l’on trouve dans l’Ancien Testament, ceci du moins avant la Révocation de l’édit de Nantes, car par la suite, ils doivent montrer profil bas. On donnait les prénoms des parrains et marraines en les masculinisant ou les féminisant. Les parlementaires cherchèrent à se singulariser du reste de la population en donnant à leur progéniture des nouveaux prénoms ou très peu usités telle Angélique pour les filles ou encore certains issus de l’Antiquité comme César. Les prénoms issus des patronages locaux sont de moins en moins choisis tels Quitterie, Bertrane…
Du fait qu’à l’époque le lien entre le passé (les morts ...) et l’avenir (la naissance...) était considéré comme important dans l’imaginaire des gens, la coutume de donner le prénom des grands-parents a perduré longtemps. On pensait que l’âme des défunts renaîtrait alors. Croyance qui s’inscrivait également dans le souci de perpétuer la famille.
Le prénom de Marie pour les filles est celui qui domine (suivie de Jeanne, Anne...), pour les garçons on opte plutôt pour ceux des Apôtres comme celui de Pierre.
Ce sont les marraines et les parrains qui sont, en principe, ceux qui choisissent le prénom. Il n’est pas rare comme à Pardies que les parrains ou marraines donnent leurs prénoms. Prenons l’exemple du baptême de « Guilhaume Camarade » le 3 septembre 1786 parrainé par un dénomme « Guilhaume moncla ». 25
Lors du baptême, la mère n’est point présente, vu qu’elle est considérée, par son état, impure. Par contre, quarante jours après l’accouchement s’il s’agit d’un garçon et quatre-vingts si c’est une fille, elle a la possibilité, lors de sa première sortie avec le nouveau-né, de faire célébrer une messe dite de relevailles afin de se purifier. Il s’agit à la fois d’une messe et d’une bénédiction, la mère tenant un cierge allumé tout au long de la cérémonie (rappel de la venue de la Vierge Marie au Temple de Jérusalem lors de la cérémonie de la purification en application de la loi de Moïse
(voir Lévitique XII et Luc II, 22-24 ).
A ce stade, il est capital de faire enregistrer le nouveau-né dans les registres paroissiaux. Ces derniers sont édictés par l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts de 1539 qui ordonne la tenue des baptêmes dans chaque paroisse, complétée par celle de Blois de 1579 qui élargit aux mariages et aux sépultures. Plus tard, en avril 1667, l’ordonnance royale surnommée « Code Louis » règlemente précisément la tenue des registres. L’article 8 est bien clair, deux registres seront tenus chaque année et comporteront pour le premier (constituant la « minute ») les actes de naissance, de mariage et de décès, les signatures des témoins (« demeurera aux mains du curé ou vicaire » tandis que le second (« la grosse » ou la copie) « sera porté au greffe du juge royal ». Les deux registres « seront fournis annuellement aux frais de la fabrique avant le dernier décembre de chaque année ». L’article 13 menace les ecclésiastiques, si les règles ne sont pas respectées, ils seront punis par vingt livres d’amende. L’on sait que les curés ne suivront pas scrupuleusement le règlement jusqu’à ce que l’ordonnance royale de 1736 édicte de nouvelles prescriptions. Il est stipulé que les curés devront tenir deux originaux, l’un sur papier timbré, sera destiné à être préservé par le prêtre et, l’autre, sur papier ordinaire sera confié au greffe. Cette fois-ci, les règles seront respectées. Dix ans plus tard, en 1746, on décide que les registres soient séparés.
Qu’en est-il des baptêmes protestants ? Depuis l’édit de Révocation de 1685 signé par Louis XIV, les protestants sont tenus de faire baptiser leurs enfants dans la foi catholique sous peine de payer une amende s’élevant à 500 livres en plus de subir l’enlèvement du nourrisson.
Les Huguenots n’ont pas d’autres choix que de se soumettre, de faire baptiser leurs enfants dans la foi catholique ou de « résister » à leur manière. Certains ne sont point présents lors de la cérémonie, ils délèguent à la sage-femme et au marguiller (personne membre du conseil de Fabrique qui a pour fonctions de gérer le mobilier de l’église et de s’occuper du bon déroulement des rites) les rôles de parrain et marraine. D’autres font baptiser leurs enfants dans la clandestinité, au Désert.
Les autorités incarnées par le Parlement de Navarre sont plus ou moins tolérantes, entre 1756 et 1778, elles n’enregistrent que 7 procédures au sujet des baptêmes. Marie-Hélène Grintchenko qui a étudié les baptêmes protestants au XVIIIe écrit que cela représente « 0,3% des sacrements célébrés au Désert » durant cette période. Elle rajoute, que pour la plupart d’entre elles, elles n’aboutissent guère, par contre, elles se montrent moins intraitables vis-à-vis des « pasteurs, les assemblées et les mariages du Désert ». Comme en mars 1778, date à laquelle les dragons du régiment de Belzunce sont mandatés par l’évêque de Dax afin de poursuivre les pasteurs Berthezène et Marsoo à Orthez, mais ces derniers réussissent à leur échapper. Lors de cette dernière dragonnade, leur mission consiste également à rechercher et à incarcérer ceux qui fournissent leurs granges aux huguenots afin qu’ils puissent s’y rassembler et à y apposer des scellés.
Les curés sont par ailleurs soucieux de faire pression sur les protestants, la même auteure rappelle par exemple que souvent, ils écrivent dans les registres paroissiaux au sujet des bébés morts, nés de l’union entre des huguenots mariés au Désert, que ce sont des bâtards au moment des obsèques. Elle précise aussi qu’ils « allèrent même jusqu’à invalider des baptêmes protestants pour pratiquer des rebaptisations, contre l’avis de la hiérarchie catholique », pourtant le baptême « avait été un trait d’union fragile entre les deux communautés chrétiennes de la Révocation à la reconstitution des Eglises réformées. Le curé Suhare se fait remarquer, à Osse, par sa virulence à l’encontre des Huguenots puisqu’on constate une baisse du nombre des baptêmes protestants à partir de 1766.
Après l’arrivée des pasteurs, le baptême devint une cause de conflits constants entre catholiques et protestants.
La même auteure constate « un léger tassement du nombre des baptêmes au cours des ans « après 1766. Puis dans la décennie avant 1789 la tendance augmente. La persécution n’a point trop d’impact à la fois sur les baptêmes et les mariages.
Voilà les chiffres tirés d’un tableau dressé par elle : entre 1756 et 1768, 1560 baptêmes, entre 1769 et 1781, ils baissent pour atteindre le nombre de 1173 et, enfin, leur chute s’accentue entre 1782 et 1793 puisqu’on obtient le chiffre de 941. 26
En ce qui concerne la religion protestante, à partir du milieu du XVIIIe, et notamment depuis le synode de Béarn du 17 juillet 1758 et les retours de pasteurs dans la province, la Réforme protestante renaît de plus en plus. Déjà durant la phase de 1745 à 1751, on note une recrudescence de la R.P.R. grâce à l’action et aux prêches lors d’assemblées de certains paysans, particulièrement à Bellocq et à Salies-de-Béarn. Tout cela scandalise bien entendu des prêtres catholiques conservateurs comme l’abbé Bonnecaze. N’écrit-il pas pour l’année 1755 : « ... ils commencèrent par se lever contre la police et les édits de sa majesté.Ils firent des assemblées considérables et nombreuses aux environs de Salies, dans le bois de Bellocq et à Orthez... On y alla célébrer des mariages, faire baptiser les enfants. On donnait au ministre, les riches 24 l. pour les mariages, et les autres 12 l. et pour le baptême 6 l. les protestants y accouraient de dix et douze lieues, même beaucoup de catholiques y allaient par curiosité. Du commencement, les ministres furent fort modérés dans leurs discours, afin de mieux faire goûter le venin de leur doctrine et faire des prosélytes. »
Louis XVI signera l’édit de tolérance - appelé de « Versailles » - le 7 novembre 1787 qui sera enregistré par le Parlement le 29 janvier 1788. Il permettait aux protestants de bénéficier de l’état civil. Christian Desplat recense dans la même année la présence en Béarn de 1 083 familles protestantes, soit approximativement 4 742 individus. Il précise qu’il s’agit « presque exclusivement » de personnes à majorité « populaire » et de ruraux. 27
Le baptême déroulé, on va se restaurer à la maison.
Il est de coutume dans les régions que la mère ne quitte pas la maison durant quarante jours et s’astreigne à ne point commettre certains actes comme avoir des relations sexuelles avec son conjoint, d’aller au puits chercher de l’eau... On pense qu’elle est souillée, impure à la suite de l’accouchement.
Quant au nourrisson, durant cette période propice à des dangers (troubles digestifs, toxicose… surtout en période estivale,) des accidents de tous ordres, on tentait d’en absoudre les nouveau-nés. Ces vicissitudes pourtant pouvaient survenir à tout moment (un enfant sur quatre meurt dans la première année). Comme ils vivaient constamment au contact des adultes et des autres enfants dans les quelques nombreuses pièces de la maison, il pouvait mourir étouffé dans le lit des parents s’il manquait un berceau malgré les recommandations religieuses , on l’emmaillotait sans savoir que cela pouvait le rendre bossu afin que ses membres ne se déforment pas, on ne le lavait pas pensant que la crasse serait une bonne protection contre les attaques de l’extérieur (par exemple, on ne nettoie pas la tête, car on croit que la crasse est un engrais), on le surveillait moins durant les gros travaux d’autant plus que le lait de la mère pour les enfants de moins de 1 an souffrait d’un manque de qualité ...
L’utilisation du maillot - bande de tissu enroulé serré autour du corps - qui nous apparaît actuellement comme une contrainte est déjà combattue sous la Renaissance, au XVIe, par des médecins qui s’insurgent par la même occasion contre ce modèle de perfection qui pousse les accoucheurs ou les accoucheuses à manipuler les crânes pour qu’ils répondent à un canon soit en le déformant à l’instant soit en faisant porter au nourrisson des bonnets et des béguins.
Si le couple ne parvient pas à avoir d’enfants, cette absence est mal perçue vu que le problème de la succession se pose alors. Déjà, cette crainte a lieu au bout d’un an d’union Les gens soupçonnent que la stérilité est due à la femme, on se moque d’eux. Le couple encourt alors à des remèdes, à des potions ou à la vénération de saints comme saint Léonard.
Plusieurs enfants sont confiés à des nourrices habitant pour ceux qui habitent en ville dans des villages alentour. Cette coutume se développe surtout au XVIIe d’après Philippe Ariès malgré le fait qu’elle soit combattue par les éducateurs moralistes soucieux que les nourrissons soient nourris par leurs mères.
Utiliser du lait des vaches était davantage le lot des pauvres, posant alors le problème de l’hygiène notamment lors de sa récolte et de son ingurgitation par le bébé. Cette dite coutume persiste jusqu’à la fin du XIXe dans les catégories sociales aisées - aristocratie et bourgeoisie - ceci malgré les mises en garde des philosophes des Lumières comme Rousseau. D’après le même auteur, ce sont « les progrès de l’hygiène, de l’asepsie « qui écarteront les dangers liés au lait animal.28
Le sevrage s’effectue plutôt au moment de la poussée des premières dents, c’est-à-dire durant une période comprise entre vingt et trente mois.
C’est alors que l’enfant mute peu à peu dans l’enfance « publique ». Les parts « privé » et « public » vont s’interpénétrer. L’enfant a été noyé d’abord dans la sphère privée, auprès des parents, il va, ensuite, s’essayer progressivement à l’autonomie et à entrer dans la sphère publique.
Au niveau alimentaire, alors la mère, pour les nourrir, leur donne des bouillies (pas toujours aussi élaborées...) et, pour boire, des eaux pas toujours exemptes de pollution. Ces effets, si on les ajoute aux chaleurs estivales, nous ramènent à ce que nous avons abordé préalablement, le fort taux de mortalité infantile.
La superstition, l’ignorance... poussaient les Béarnais à repousser le mauvais sort des « brouches », les actes malfaisants du Démon... On disposait, comme cela a été plus haut, près de lui de quoi le protéger, du sel, du pain et de l’ail en occurrence. Il existait toute une panoplie de rites relatifs à la lutte vis-à-vis des sortilèges, surtout lors du baptême. Dans certaines contrées de France, on pend à son cou des dents-de-chien, on invoque des saints censés le protéger tel saint Blaise qui aurait la faculté de guérir des maux de gorge.
2) L'enfance
Philippe Ariès écrit, d’une part, que la découverte de l’enfance débute probablement au Moyen Age, au XIIIe siècle, mais davantage à partir de la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle et, d’autre part, que dans le passé l’idée d’enfance « était liée à l’idée de dépendance » et nous rappelle que les mots « fils, valets, garçons » correspondent à des « mots du vocabulaire des rapports féodaux ou seigneuriaux de dépendance ». Il mentionne alors qu’on « ne sortait de l’enfance qu’en sortant de la dépendance... », ce qui explique que ces dits mots ne concerneront que les « hommes de basse condition » soumis comme les « laquais, les compagnons, les soldats. » Pour ce qui est des petits enfants, le même auteur précise qu’en France, on emprunte alors à d’autres langues étrangères ou « à des argots d’école ou de métiers » des mots , par exemple, celui de l’italien bambino qui devient bambin ou du provençal pitchoun employé par Mme de Sévigné. Philippe Ariès note qu’à l’époque la différence entre l’enfance et l’adolescence n’est pas nette, toutefois il lie adolescence et virilité. Le conscrit au XVIIIe siècle correspond à l’adolescent. 29
On posait le berceau par terre dans la salle commune des maisons rurales - surtout des gens peu fortunés - et ceux qui veillaient sur le nourrisson œuvraient à d’autres tâches comme la confection de panier, des petits travaux comme la dentelle. Si l’enfant se manifestait, on poussait du pied le berceau. Dans certaines contrées, un des parents s’attachait une ficelle autour d’un des poignets et reliait l’autre bout au berceau afin de bercer le nourrisson. Des chansons dans le but de les endormir leur étaient chantées, le plus souvent sur des musiques douces, qui souvent comportaient des allusions aux aliments.
Le bébé grâce à cette proximité baignait dans la chaleur humaine, regardait les gens vivre quotidiennement.
Un préjugé propre à la relation que les parents entretenaient avec leur enfant persiste encore. On imagine à tort qu’en raison d’un taux de mortalité infantile élevé, l’amour parental était peu significatif.
Autre idée reçue qui corroborerait ce point de vue réside dans le sentiment d’« utilité » que les gens percevaient vis-à-vis des enfants. En effet, chez les nobles, l’enfant revêt une grande importance vu qu’il assure la continuité du lignage et chez les classes populaires, il constitue la main-d’œuvre nécessaire dans l’agriculture et une « l’assurance-vieillesse ». Mais cela n’exclut guère à un attachement certain. Jacques Gélis écrit :" Il est difficile de croire qu’à une période d’indifférence à l’enfance en aurait succédé une autre pendant laquelle, le « progrès » et la « civilisation » aidant, l’intérêt l’aurait emporté... L’intérêt ou l’indifférence à l’égard de l’enfant ne sont pas vraiment la caractéristique de telle ou telle période de l’histoire. Les deux attitudes coexistent au sein d’une même société..."
Le même auteur mentionne qu’à partir du XVIe siècle, l’homme porte « un autre regard sur lui-même », il cherche à mieux se soigner et à guérir. « Les liens de dépendance vis-à-vis de la parenté... se distendent ; le corps gagne en autonomie, s’individualise... » Comme l’homme sait que son corps est « périssable », il le perpétue à travers celui de son enfant qui prend alors « une place aussi importante dans les préoccupations du père et de la mère : un enfant qu’ils aiment pour lui-même et qui fait leur joie de chaque jour. » Où le changement s’est-il opéré ? D’abord en ville puisque c’est là que la famille centrée autour des parents s’est implantée peu à peu à partir du XVe siècle. 30
L’enfant va évoluer, comme on l'a vu plus haut, dans deux sphères, l’une « privée » et l’autre « publique ». Il est né entouré de personnes proches, mais également issues du voisinage, il déambulera dans des lieux publics comme l’église, la place...
L’enfant, s’il parvient à l’âge de neuf ou dix ans, - voire sept ans (la moitié d’une classe d’âge décède avant les 10 ans) - voit la perception que les adultes ont de lui se modifier. Si auparavant les enfants des deux sexes étaient élevés ensemble par les soins des femmes (ils portent une robe unisexe), on les sépare, les garçons seront pris en charge par les hommes. L’Eglise considère que l’enfant rentre dans un âge dit de raison, qu’il est capable de suivre le catéchisme vu qu’il est apte à juger. C’est l’âge de la première confession pour la même explication, plus tard vers douze, treize ou quatorze ans selon les diocèses on lui administrera la première communion. Le catéchisme a lieu le dimanche la majeure partie du temps sous forme de question et de réponse à l’oral. En ce qui concerne la première communion solennelle, elle se pratique lors d’une cérémonie collective qui a lieu durant la semaine de Pâques, plus précisément les lundis ou les mardis, ou encore lors des dimanches qui succèdent. En 1215, lors du quatrième Concile du Latran, il est décidé que la première communion soit rapportée au moment dans lequel on considère que l’enfant est à même de faire la différence entre le pain ordinaire et le pain eucharistique (ou hostie devenue le corps de Jésus après la prière consécratoire), par la suite lors du Concile de Trente de 1545 on en fera une cérémonie solennelle vers les âges mentionnés plus haut, un véritable rite de passage. D’ailleurs tout concourt lors de ce jour pour qu’il soit lumineux et qu’il revêt pour l’enfant un jour mémorable : l’habit, le cierge, la messe...
Les garçons et les filles, séparés, que l’on a revêtu des plus beaux habits, tiennent un cierge à la main. Cet âge crucial n’est pas seulement ressenti comme tel par l’Eglise mais aussi par ceux qui entourent l’enfant puisque ses parents l’habillent avec une tenue d’adulte alors qu’à partir du sevrage on avait délaissé le maillot pour revêtir le bébé le plus souvent d’une robe unisexe.
On lui confie des tâches d’adulte comme l’entretien de la cuisine pour les filles et les travaux agricoles pour les garçons toutefois adaptés à leur morphologie comme l’usage de la houe au préalable avant de lui confier celui de la charrue. On lui confie la garde de troupeaux.
Jacques Gélis écrit : « Les apprentissages de l’enfance et de l’adolescence devaient donc tout à la fois forcir le corps, aiguiser les sens, rendre l’individu apte à triompher des mauvais coups de sort et, surtout, capable de transmettre à son tour la vie, afin d’assurer la permanence de la famille. Il y avait là une forme d’éducation en commun, un faisceau d’influences qui faisaient de chaque être un produit de la collectivité et qui préparaient chaque individu au rôle que l’on attendait de lui. Peu d’intimité dans un tel contexte... ». 33
La ségrégation sociale entre les enfants est plus vive en ville vu que le cursus éducatif les séparera entre ceux que l’on inscrira au collège et plus tard à l’université et ceux qui suivront un apprentissage. L’autorité du père devient pour le garçon plus importante à partir de sept ans, comme on vient de le voir du fait que celle de la mère est amenuisée, on y a vu la renaissance du droit romain, l’incarnation de l’image de Dieu le Père. Mais il est de son devoir d’être celui qui éduque.
Après qu'on a quitté le maillot à l’enfant, Philippe Ariès écrit, en ce qui concerne celui qui naît au XVIIe siècle dans une famille aisée, aristocrate ou bourgeois, qu’il n’est plus revêtu d’habits de grandes personnes comme dans le passé.
Jacques Gélis montre que le cas du maillot est symptomatique des débats abordés dans les discours des médecins des littérateurs, bien avant le XVIIIe siècle. Il est pointé du doigt vu qu’il symbolise pour certains comme une contrainte, car l’enfant n’est plus libre de ses mouvements. Au XVIe siècle, Simon de Vallambert démontrait qu’il avait des répercussions à sa croissance et à sa santé. Comme Jacques Gélis le mentionne, un nouveau sentiment de l’enfance est discernable dès la première partie du XVIIe siècle. 34
On lui met des vêtements plus appropriés à son âge. Les filles sont « vêtues comme de petites femmes ». Par contre, il constate que les enfants portent « deux larges rubans... attachés à la robe derrière les deux épaules, et qui pendent dans le dos » les différenciant des adultes, ils disparaîtront à la fin du XVIIIe. 35
Pour lui, on perpétue l’usage des « traits des coutumes anciens que les grandes personnes avaient abandonnés, parfois depuis longtemps. C’est le cas de la robe ou de l'habit long, des fausses manches. C’est aussi le cas du béguin des petits enfants au maillot... ». Le passage du vêtement d’adulte à celui de l’enfance touche d’abord les garçons, surtout dans les familles bourgeoises ou aristocratiques, car les ceux issus des classes populaires s’habillent encore avec le costume des adultes.
3) L'émigration
Autre phénomène qui a touché la population béarnaise, l’émigration. Elle remonte assez loin dans le passé, notamment au Moyen-Age quand les chevaliers, les commerçants et autres franchissaient les Pyrénées assez aisément soit pour guerroyer au moment de la « Reconquista » soit pour des raisons économiques. Bien entendu, elle variait en importance lorsque le Béarn subissait des crises démographiques et économiques. L’Espagne restait un lieu d’accueil privilégié pour ces Béarnais désireux d’améliorer leur niveau de vie. Les régions les plus prisées restaient l’Aragon, Valence, l’Andalousie (Cadix) et la capitale espagnole, Madrid. Henry de Charnisay 36 écrit que la plupart des émigrants étaient issus des classes pauvres et louaient leurs bras dans les ports, sur les routes, les « tuileries et les briqueteries où ils étaient très appréciés » ou alors s’adonnaient dans l’agriculture. Ils travaillaient pour une durée équivalente à la moitié d’une année pour revenir chez eux en hiver. Ces migrants sont d’origine paysanne comme on vient de le voir, mais aussi bourgeoise comme ces négociants oloronais qui décidaient d’envoyer leurs fils en Aragon ou même au Portugal. Il cite notamment l’exemple des paysans de la vallée d’Ossau qui sont réputés comme « châtreurs de bestiaux ». Quelques émigrants réussirent à établir des carrières importantes comme ce Joseph de Fondeville originaire d’Accous à qui on décernera le titre de marquis de la Torre et à qui on confiera le poste d’intendant en Estrémadure.
A Aydius naquit un dénommé en 1754 Pierre Loustaunau, véritable aventurier qui de berger devint général – profitant des rivalités entre les princes locaux et du talent de militaire révélé en accostant aux Indes, ce qui lui fera d’ailleurs perdre une partie de sa main gauche - puis un personnage important. Il est détenteur d’un palais à Accra, est surnommé « le chef invincible à la main d’argent ». Fortune faite, il reviendra en France avec sa famille en 1793 et achètera le château de Lacassagne près de Castelbajac. N’oubliant pas le Béarn, il acquiert, au nom de son épouse, la forge d’Abel où il installe le premier haut-fourneau dans les Pyrénées à la place des traditionnelles forges catalanes. 37 Il est nécessaire de préciser que Pierre Loustaunau n’était pas un cadet, mais un héritier, ce qui n’est pas courant.
En ce qui concerne les cadets, nous connaissons plusieurs d’entre eux qui se sont rendus célèbres. Par exemple, le frère de Jean Laclède, maître des Eaux et des Forêts en Béarn, Pierre. Il naît à Bedous le 22 novembre 1729, étudiera d’abord au collège des Jésuites à Pau et à la faculté de droit de Toulouse. Il deviendra le fondateur de la ville américaine de Saint-Louis. Son père était avocat au Parlement de Navarre. D’abord militaire (et grand escrimeur) - dans la compagnie d’Aspe -, Pierre quitte la France pour l’Amérique du Nord et s’installe à la Nouvelle-Orléans en 1755. Il devient officier dans l’état-major du colonel Gilbert-Antoine de Saint-Maxent qui reçut de la part du gouverneur de Louisiane, de Kerlerec, le monopole de traite des fourrures avec les Amérindiens dans la Haute-Louisiane (englobant le Haut-Mississipi et le Missouri). Gilbert-Antoine de Saint-Maxent s’associe avec Pierre dans l’intention de s’enrichir et créent tous les deux une compagnie commerciale pour une durée de dix ans. C’est Pierre, accompagné de vingt-sept autres aventuriers et chargé de fourrures, qui quitte la Nouvelle-Orléans en 1763 en remontant le Mississipi. Ils atteignent le lieu qui va devenir la ville de Saint-Louis – en l’honneur du roi de France Louis XV ou Louis IX dit Saint Louis , source de débats - au bord du Missouri confluent du Mississipi, véritable colonie qui sera peuplée de près de 1 000 habitants en 1778, date de sa mort, et 1200 vers 1800. Mais depuis 1770, la ville était aux mains des Anglais. Actuellement, afin de commémorer sa mémoire, un quartier de la ville porte le nom de « Laclede's Landing » au bord du Mississipi et une statue a été dressée face à l’hôtel-de-ville.38
On pourrait encore citer le cas de Jean Lajusan-Laclotte, natif de Salies-de-Béarn narré par Pierre Tucco-Chala, ou encore de Prudent de Casamajor né à Sauveterre-de-Béarn. 39
D’autres émigrés ne sont pas issus de monde du travail, mais de l’aristocratie. Pierre-Tucco Chala écrit qu’il s’agit « d’une colonisation en grande partie aristocratique menée par des familles aisées dont les membres partageaient leur vie entre les îles et le Béarn ». Il cite alors des exemples comme ceux des Darracq-Casaux de Gan ou les Perpinaa de Pau. 40
Les zones béarnaises de départ les plus importantes étaient celles d’Oloron, de Monein… Mais les Béarnais n’hésitaient pas non plus, comme les Basques, à braver les mers et les océans pour aller s’installer dans de lointains continents comme l’Amérique et plus spécialement les Antilles. On retrouve là l’appât de l’argent, le désir de faire fortune. Nous détenons un recensement des émigrés pyrénéens transitant par Bordeaux au XVIIIe à destination des Antilles, exactement de 1712 à 1787. On comptabilise plus d’un millier provenant soit de l’Ariège, du Comminges, de la Bigorre et, enfin, du Béarn. Les Béarnais, à eux seuls, représentent quasiment 60 % de l’ensemble. Leur destination première privilégie Saint-Domingue pour 70 % d’entre eux, puis viennent la Martinique pour 16 % et seulement 7 % pour la Guadeloupe. On en dénombre un certain nombre qui, ayant réussi, revenaient au « pays ». La nostalgie ? Avec leur argent, ils acquéraient de la terre, véritable symbole de richesse et de réussite à l’époque, surtout si c’était une terre noble. 38 D’autres, comme Joseph Laborde natif d’Oloron qui partit exploiter au Mexique les mines d’argent de Taxco dont il fut le commanditaire de l’église et, bien que son exploitation se conclue par une faillite, persévère dans les mines de Zacatecas. 40
A côté de cette émigration choisie, dirions-nous, il faut ajouter celle que l’on nomme actuellement la migration forcée.
Il s’agit à l’époque qui nous concerne de l’exil de milliers de protestants – les huguenots - fuyant les persécutions édictées par Louis XIV lors de la fameuse révocation de l’Edit de Nantes de 1685. Si de nombreux calvinistes béarnais optèrent soit pour la conversion afin de ne pas subir les dragonnades, soit pour la discrétion ou même pour la clandestinité, d’autres préférèrent quitter le royaume de France pour continuer à pratiquer leur religion.
En ce qui concerne les « nouveaux convertis », l’Intendant Lebret écrit : « Il y en a beaucoup qui ne laissent pas lieu de douter qu’ils ne soient bien convertis ; d’autres (et c’est le plus grand nombre) remplissent tous les devoirs extérieurs de religion, sans qu’on puisse répondre de la sincérité de leur retour. D’autres, mais en assez petit nombre, se négligent ; enfin, très peu se dispensent entièrement d’aller à la messe et aux instructions ; mais aucun ne s’en dispense scandaleusement, en sorte qu’il ne semble pas qu’il y ait encore beaucoup à travailler pour consommer en Béarn le grand ouvrage des conversions. » 41
Historiquement, ce désir de vivre en accord avec leurs conceptions religieuses de la part des huguenots n’est pas nouveau. Dès le commencement des guerres de religion (1562-1598), on observe une migration, surtout à partir du massacre de la Saint-Barthélemy de 1572 qui s’estompe quelque peu avec l’édit de Nantes de 1598 par lequel Henri IV leur confère une « relative » tolérance pour connaître, à nouveau, une remontée avec sa révocation par Louis XIV.
Les historiens avancent plusieurs raisons à la décision de Louis XIV : confirmation de l’adage « Cujus regio, ejus religio » soit tel prince, telle religion (monarchie absolue de droit divin), la peur d’une instauration d’une république aux mains des réformés depuis la décapitation du roi anglais Charles Ier en 1649 par les anglicans et le souci d’écraser le particularisme huguenot.
Cette législation sera renouvelée bien entendu en 1685 lors de la Révocation de l’édit de Nantes qui n’interdit pas la foi réformée en privée, mais rend illégaux l’exercice du culte en public, les assemblées... en attendant leur conversion en la foi catholique. 42 Les sanctions « sexistes » consistaient, pour les hommes s’ils étaient appréhendés, à être envoyés aux galères et les femmes à la confiscation de corps et de biens (soit l’enfermement dans un couvent ou dans une prison). Leurs biens furent confisqués au bénéfice du Domaine et de la religion catholique par le biais des églises, des écoles...
La fuite se révélait dangereuse puisque le roi avait expressément défendu dans un édit daté de plusieurs années auparavant, en 1669 (renouvelé en 1682), que «… tous nos sujets, de quelque qualité et condition qu’ils soient de sortir de notre royaume pour aller s’établir, sans notre permission, dans les pays étrangers par mariage, acquisition d’immeubles et transport de leur famille et biens pour y prendre leurs établissements stables et sans retour à peine de confiscation de corps et de biens, et d’être censés réputés étrangers sans qu’ils puissent être ci-après rétablis ni réhabilités, ni leurs enfants naturalisés pour quelque cause que ce soit… » 41
La destination ? Les Etats protestants bien entendu, par exemple la Hollande, l’Angleterre, la Prusse mais aussi des contrées plus lointaines comme l’Amérique.
On estime actuellement que cette migration a concerné entre 150 et 200 000 individus ce qui correspond à l’époque à ¼ des huguenots français à la fin du XVIIe siècle (800 000) et à 1% de la population française.
Leur impact dans leurs pays d’accueil s’avèrera non négligeable notamment pour la diffusion de la culture française. Les huguenots sont pour la plupart des gens très instruits ce qui explique que la langue française sera choisie pour être la langue savante de l’époque (parallèlement avec l’impact des philosophes français comme Diderot, Voltaire...).
Les huguenots détenaient la réputation d’habiles artisans et industriels et, par conséquent, susceptibles d’apporter avec eux leur savoir-faire notamment dans le tissage dans une période où débutait le système de la manufacture (forme de production en série).
Pour citer deux exemples de dirigeants allemands soucieux d’accueillir ces huguenots en fuite, mentionnons Charles Ier de Hesse-Cassel et l’électeur de Brandebourg.
Charles 1er de Hesse-Cassel recevra près de 4 000 huguenots dans sa ville de Cassel et créera une ville sur la Weser, Bad-Kartshofen. Une des raisons du landgrave de recevoir ces immigrés religieux réside dans le fait que la région a été dépeuplée par la guerre de Trente Ans (1618-1648).
L’électeur de Brandebourg et duc de Prusse, Frédéric-Guillaume 1er a un souci, son territoire est déchiré par des conflits internes entre luthériens et calvinistes qui luttent pour le pouvoir. Etant lui-même calviniste l’intérêt d’introduire des huguenots est d’ordre politique et économique. Il cherche à asseoir son autorité face à la population luthérienne et à redresser l’économie qui a souffert des ravages de la guerre et des épidémies. Il signe et publie l’édit de Postdam le 29 octobre 1685 peu de temps après la révocation de l’édit de Nantes. Près de 20 0000 protestants français répondent à son invitation très alléchante puisqu’il garantit de nombreux avantages. Dans l’édit, il est stipulé que l'on leur assure : un sauf-conduit, la liberté de leur culte (autorisé dans leur langue d’origine), des pasteurs payés par le prince, une exonération d’impôt temporaire (les quatre premières années), d’habiter dans des logements vacants ou d’en construire avec des aides, l’entrée sans frais dans les corporations d’artisans et même d’être naturalisé sans intégration obligation immédiate. A Berlin, un faubourg concentrera de nombreux huguenots, Friedrichstadt-Berlin). Leur apport est important tant dans le domaine démographique, que culturel (en 1700, ils représentent les deux tiers des membres fondateurs de l’Académie Royale des Sciences et des Lettres, en 1700 ; la langue française est si importante que la presse de la Prusse est francophone). Sur le plan économique, ils contribuent à développer les manufactures.
Mais il est à noter que les relations entre les autochtones et les nouveaux arrivants ne furent pas toujours des plus cordiales, par exemple les huguenots issus de la paysannerie eurent des débuts difficiles. Les références culturelles étaient différentes, notamment par l’usage du patois par les huguenots. Par contre, les aristocrates réussirent à s’incorporer plus facilement, au sein de l’armée et de la Cour. 43
En ce qui concerne les Béarnais, on estime que la migration au moment de la Révocation de l’édit de Nantes concernerait près d’un millier d’entre eux. Ce chiffre s’avère peu élevé vu que le nombre des huguenots béarnais avoisinerait les 25 000, ce qui correspond à seulement 5%.
L’Intendant Pinon écrit dans ses mémoires en 1698 : « De tous les nouveaux convertis de cette province, il en est sorti du royaume un très petit nombre. » 44
La moyenne nationale se situe plutôt autour de 20%. Pour quelle raison ?Albert Sarrabère avance, par exemple, plusieurs raisons. L’éloignement des pays anglo-saxons – protestants -, la peur des sanctions (frontières gardées, prime accordée aux délateurs, une vingtaine de Béarnais condamnés aux galères) mais aussi un lien « harmonieux » unissant les catholiques et les huguenots béarnais avant 1685. D’après cet auteur, c’est seulement la moitié des pasteurs qui émigrèrent dans notre contrée, le reste optant pour une conversion. Il rajoute que toutes les catégories sociales ont été impactées par l’émigration (nobles, négociants, paysans...).
Albert Sarrabère précise qu’au point de vue numérique, la Hollande est la principale destination des Béarnais (on y trouve le baron d’Abère qui termina Général-Major dans l’armée des Pays-Bas).
On cite souvent la colonie fondée par les protestants originaires d’Osse-en-Aspe à Londres - plusieurs d’entre s’installèrent comme négociants et commerceront avec leur Béarn natal longtemps -, mais aussi un groupe de près de trois cents Béarnais qui migrèrent en Prusse (une centaine à Berlin même). On peut citer l’exemple d’un dénommé Jean de Forcade de Biaix dont sa famille est originaire d’Orthez. En effet, on retrouve un de ses ancêtres à un poste élevé puisqu’il est fermier des monnaies dans la province du Béarn et devient noble en 1658 en acquérant notamment le domaine de Rontignon. Notre sujet protestant rejette l’idée de se convertir et préfère servir le roi Frédéric 1er de Prusse. Il se fait remarquer et on lui confie des postes prestigieux comme lieutenant-général puis gouverneur militaire de Berlin. C’est un Béarnais qui créa la première berline en transformant un fiacre. 45
Mais tous n’auront pas de semblables destinées, beaucoup connaîtront une vie plus humble dans leurs pays d’accueil.
Christian Desplat faisant référence au Parlement de Navarre signale que ce dernier « engagea régulièrement des poursuites contre des « évadés » durant la période 1700-1728. Il cite l’exemple de ces quinze femmes incarcérées en Béarn entre 1722 et 1724.
Ces émigrés proviennent dans leur grande majorité des localités suivantes : Orthez, Salies-de-Béarn, Sauveterre et Bellocq. Les Huguenots usent des filières comme celle reliant Orthez et Bayonne en passant par Sunarthe, Burgaronne et Andrein à destination pour la plupart d’entre eux les Provinces-Unies.46
Notes :
1- Fresel-Losey, Michel, Histoire démographique d’un village en Béarn, Bilhères d’Ossau (XVIII- XIXe siècles), Bordeaux, 1969, p 111.
2- Idem, p. 142-143.
3- Bergues, Hélène, La Prévention des naissances dans la famille, Paris, PUF, 1960, INED, Cahiers « Travaux et Documents », n°30 ; Abbé GF Coyer, La Noblesse commerçante, Paris, Duchesne, 1756.
4-Nougué, Delphine, La monographie de Pardies-Piétat , Maîtrise de l’UPPA, 2001.
5- A.D.P.A., registres paroissiaux et d’état civil de Pardies-Piétat, 5MI444, 1758-1889, p.91
6- Fresel-Losey, Michel, Op.cit., p. 166.
7- Idem., p. 213.
8- Idem., p. 214.
9- A.D.Pyr.-Atl., III E 1565
10- Desplat, Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe, tome 1, chapitre 4, p. 436-438.
11-Desplat, Christian, La vie en Béarn au XVIIIe, éditions Cairn, 2009, p. 175.
12- Desplat, Christian, Billère, aujourd’hui ville, hier village », Revue de Pau et du Béarn, n° 18, 1991,p .69.
13- Staes, Jacques, Les registres paroissiaux et l’état civil, une source pour l’histoire de la Vallée de Barétous du XVIIe au XIXe siècle, Revue de Pau et du Béarn, n°26, 199, p.76.
14- Nougué, Delphine, Op.cit.
15- A.D.P.A., registres paroissiaux de Morlaàs, CBMS STANDRE, 1763-1772, p. 13.
16- Desplat, Christian, L’encadrement médical dans le ressort de l’intendance d’Auch et de Pau au XVIIIe, Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale , Année 1988 Volume 100 ,Numéro 184 ,pp. 459-475
17- Fresel-Losey, Michel, p.88.
18- Desplat, Christian, La vie, l’amour, la mort, rites et coutumes-XVIe-XVIIIe siècles, éditions Cairn, 1995, p. 43.
19- Gelbart, Nina Rattner, the King’, Midwife: A history and Mystery of Madame du Coudray, Berkeley and Los Angeles: University of California Press, 1998.
20- A.D.P.A., registres paroissiaux et d’état civil de Pardies-Piétat, 1758-1889, p. 44.
21-A.D.P.A., registres paroissiaux et d’état civil d’Orin 1697-1889, p. 572.
22-A.D P.A., registres paroissiaux d’Arette, 1658-1814, f° 182.
23- A.D.P.A., registres paroissiaux de la paroisse Saint-André de Morlaàs, Morlaàs CBMS STANDRE, 1733-1742, p.35.
24- A.D.P.A., registres paroissiaux et d’état civil de Pardies-Piétat, 1758-1889, p.26.
25- Nougué, Delphine, Op.cit.
26- Grintchenko, Marie-Hélène, Les réformes protestantes en Béarn du désert à la Révolution..., Revue de Pau et du Béarn, n°28, 2001, p.119.
27- Desplat, Christian, La Principauté de Béarn, Société nouvelle d’éditions régionales et de diffusion, Pau, 1980, p.325.
28- Ariès, Philippe, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, éditions du Seuil, Histoire, 1980, p.265-266.
29- Ariès, Philipe, Idem., p. 40-70.
30- Gélis, Jacques, Histoire de la vie privée, De la Renaissance aux Lumières, Editions Seuil, 1986,p. 116, 326.
31- Ariès, Philippe, Idem., p. 84.
32- Ariès, Philippe, Idem., p. 89.
33-Gélis, Jacques, Op.cit., p. 315.
34- Idem., p. 320.
35- Ariès, Philippe, Idem., p.80.
36- Charnisay, Henri de, L’émigration basco-béarnaise en Amérique », éditions du Cairn, 1996, p.50 à 54
37- Laborde-Baden, Louis, voir le site : https://www.partage-culture-aspe.com/les-conférences-passées/1-histoire-régionale-et-locale/russell/loustaunau-chevrier/
38- Labarère, Lucien, Pierre de Laclède-Liguest : le Fondateur de Saint-Louis, Missouri, 15 février 1764, 1984
39- Tucoo-Chala, Pierre, Le pays de Béarn, MCT Edition, 1984, p. 31-34.
40- Tucoo-Chala , Pierre, Petite histoire du Béarn (du Moyen-Age au XXe siècle), chez Princi Néguer, 2000, p. 106.
41- Intendant Lebret, Mémoire sur le Béarn, BSSLA de Pau, 2e série, tome 33, 1905, p. 91.
42- Voir le site : http://huguenotsweb.free.fr/histoire/edit1685.htm
43- Préludes et suites de la Révocation de l'édit de Nantes
Collections numériques de la Sorbonne Année 1855 4 pp. 13-28
Fait partie d'un numéro thématique : Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, recueillie et mise en ordre par G. B. Depping. Tome IV et dernier. Travaux publics – Affaires religieuses – Protestants – Sciences, lettres et arts – Pièces diverses
44- Intendant Pinon, Mémoire concernant le Béarn, BSSLA de Pau, 2e série, tome 33, 1905, p.54.
45- Albert Sarrabère , Bulletin des Amis de Nay et de la Batbielle .
46-Desplat, Christian, La Principauté de Béarn, Société nouvelle d’éditions régionales et de diffusion, Pau, 1980, p.321.
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