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    3°) LE CURE

     

       Le curé se présente à ses paroissiens avec sa soutane préconisée par le Concile de Trente, à la fin du XVIe siècle (décrétale de Sixte V de 1569). Le noir de sa tenue correspond aux symboles de la simplicité, de sobriété. Il faut souligner que dans l’Eglise primitive le prêtre ne se distingue pas par un vêtement particulier. Quant à la tonsure, elle est préconisée.

    C’est l’Assemblée Constituante qui supprime le costume religieux suivi de la loi du 18 août 1792. Le port de la soutane reviendra lors de la Restauration.

    Ségolène de Dainville-Barbiche mentionne que toutes les cures des paroisses « n’étaient pas desservies par le clergé séculier ; certaines appelées aussi prieurés-cures, dépendaient d’un ordre monastique ou de l’ordre de Malte : le curé était un membre de l’ordre, nommé par celui-ci et institué par l’évêque. »

    Elle rajoute que les curés détenaient le « gouvernement spirituel de leur paroisse », les paroissiens devaient être baptisés, mariés, enterrés dans la paroisse de leur résidence, excepté le jour des noces où elles devaient s’effectuer dans celle de l’épouse.

         Nous connaissons souvent le nom des curés en consultant les registres de délibérations des localités. Par exemple, pour le cas de Nay, nous savons qu’entre 1729 et 1734, le prêtre s’appelle Dupoux, et que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle deux curés dénommés Marsan et Castaing vont se succéder.

     Il doit servir de porte-parole des décisions royales à la fin de la messe (c’est lui qui du haut de sa chaire annoncera la tenue des Etats généraux ), a l’obligation de placarder à la porte de l’église les affiches de nature judiciaire, doit donner les sacrements, participe à l’assemblée de la communauté villageoise, peut servir d’interlocuteur avec le reste du « monde » - notamment le seigneur - vu qu’il est un des individus les plus alphabétisés du village. . ., annonce lors de la messe dominicale sur sa chaire les mariages à travers la publication des bans, les jeûnes …, les mandements épiscopaux…, contrôle la catholicité des sages-femmes…

    Il s’occupe également de l’assistance aux pauvres, de l’enseignement par le choix du maître d’école par exemple, de désigner la sage-femme.

    En écoutant les confessions de ses paroissiens, il connaît leurs secrets et peut détenir une mainmise sur la moralité de tous.

     

         Les cahiers de doléances d’Angaïs notent dans le préambule, après s’être plaints du mépris que subit le Tiers Etat – « surtout en Béarn » -,  que l’esprit de la philosophie des Lumières a touché le clergé béarnais ou du moins une partie. Les «... droits des curés mêmes, qui, par leurs lumières, leurs bons exemples, leur fidélité envers leurs souverains, apaisent leurs troubles et les séditions, font le bonheur du peuple, le consolent dans ses peines, l’aident dans ses nécessités, le visitent dans les maladies,  terminent leurs procès, veillent et fournissent, au préjudice de leur petit nécessaire, à la décoration des églises, sont foulés et presque anéantis, tandis qu’un autre ordre d’ecclésiastiques, qui n’ont aucune surcharge, vivent dans le luxe et l’abondance. » 1

    La vie de tout individu à l’époque, répétons-le, est rythmée par la religion.

    Le juriste Jousse mentionne qu’on « entend par Paroisse, une Eglise dans laquelle le peuple d’une contrée limitée anciennement, est obligée de s’assembler les Dimanches & Fêtes, pour entendre la Messe, participer à la célébration de l’Office Divin, & pour y recevoir les instructions concernant les devoirs de Chrétiens. » 2

    Le curé veille à ce que ses ouailles soient présentes lors des messes dominicales et celles que l’on qualifie « d’obligation ».

    A Nay, une lettre du Procureur nous apprend qu’un inquiétant absentéisme des fidèles est constaté lors des messes : de nombreux membres de « Naï ne font aucun exercice de Religion. ». 3

    Une lettre d’un curé du diocèse d’Oloron datée du 15 juillet 1755 est alarmiste en rapport avec les mœurs de ses concitoyens. « La dissolution des mœurs des gens de la campagne, pendant les dimanches et les fêtes, est portée à un tel point que, dans aucun temps, l’exécution des édits et ordonnances royaux se concernant n’a été aussi nécessaire. On ne voit, en ces saints jours entièrement consacrés au culte  qu’on doit à Dieu, que danses publiques, jeux scandaleux, attroupements dans les cabarets, d’où s’ensuivent  mille désordres et excès. Il y a plus de quarante ans que je travaille dans le ministère en qualité de curé, mais je n’avais jamais vu l’irréligion  et les débauches des gens de campagne portées à un pareil excès. Les cabarets défendus aux domiciliés, les fêtes et dimanches, sont remplis jusqu’aux basses-cours, tandis que les églises sont désertes, et les fêtes les plus solennelles sont les plus profanées. On voit aux cabarets d’un côté une bande de danseurs, une autre de joueurs et une troisième d’ivrognes et de scandaleux, qui ensuite courent toute la nuit, commettent des vols et portent l’alarme dans les paroisses. » . 4

     

          Au début du XVIIIe siècle, leur nombre s’élève à une centaine de jours. Ne pas s’y astreindre équivaut à un péché mortel, vu que sanctifier le dimanche - jour du Seigneur -  fait partie des dix commandements.

    Bien entendu, le prêtre peut être amené à accepter que l’on ne puisse pas assister à cet acte pour des raisons valables (maladie, animaux sollicitant des soins…), il accorde alors qu’au moins un membre de la famille vienne.

    Pour accommoder les paroissiens, le curé consent que deux messes (messe basse tôt le matin, grand-messe ensuite) lors des dimanches et des jours fériés soient célébrées, ceci pour des raisons pratiques. En effet, par peur d’être cambriolés ou de subir un incendie du fait de leurs absences, ils agréent qu’il n’y ait qu’un seul membre du couple à la fois.

    Ils s’attachent à qu’ils se comportent respectueusement, qu’ils chantent les cantiques en béarnais, qu’ils se confessent et qu’ils communient si possible une fois dans l’année, et ce, à la fin de Carême, au temps de Pâques.

    Au sujet de la confession individuelle, elle est crainte par les paroissiens surtout dans les campagnes, pour plusieurs raisons. On appréhende que le curé ne respecte pas le secret de la confession. La honte de révéler des péchés peut aussi être un frein.

    Le meuble, le confessionnal, se répand en grande partie à partir du XVIe siècle, exactement en 1551 au Concile de Trente lors de sa session sur le sacrement de Pénitence qui astreint tout fidèle à se confesser de tous ses péchés mortels avant de communier Le cardinal italien Charles Borromée - archevêque de Milan - aurait été l’instigateur du meuble en le recommandant en 1565 au Concile. De Milan, il se répandit en Europe.  C’est également le dit concile qui obligera les fidèles à se confesser « au moins une fois l’an ». Son but est de permettre l’anonymat de la confession. De plus en plus sa décoration l’embellira de plus en plus.

     

         Ségolène de Dainville-Barbiche précise que pour son entretien le curé « jouissait des biens et revenus attachés à la cure et distincts de ceux de l’église paroissiale : dîmes, portion congrue (fixée à 300 l. en 1686, à 700 l. en 1786), casuel, fondations, sur les produits desquels il payait les décimes, impôt dû par le clergé au Roi. »

    Les curés font payer les messes, à Pontacq : par exemple, elles sont facturées 12 sols en 1775, 10 sols en 1778.5  

    Outre le casuel (paiement des services religieux), l’administration des sacrements, subsistent les dons comme les quêtes. Ces dernières dépendent de la générosité des donateurs possesseurs de numéraires qui ne sont pas nombreux comme les aristocrates et les bourgeois. Ils peuvent aussi compter sur des legs, mais qui s’avèrent le plus souvent modestes.

     

         Michel Péronnet écrit que le gouvernement royal a cherché à uniformiser les conditions des curés. Si la portion congrue est fixée à 300 livres pour les curés de 1629 à 1768, celle des vicaires est de 150 livres. En mai 1768, les deux s’élèvent pour la première à 500 livres. Enfin, en septembre 1786, la portion congrue des curés passe à 700 livres et celle des vicaires à 350 livres.

    Le même auteur rappelle que les curés se sont battus pour une hausse de la portion congrue à partir de la deuxième partie du XVIIe siècle, particulèrement par le biais des cahiers de doléances.6

     

     L’Intendant Lebret  écrit en 1704 que presque tous les curés des paroisses béarnaises jouissent de petits revenus et  « sont réduits à la portion congrue ». 7

     

         Christian Desplat, analysant le recrutement des ecclésiastiques, note que « les gradués emportaient sans difficultés les meilleures cures, moins par la vertu de leur titre que par celle de leur naissance. » Le concours n’est pas d’un usage courant comme cela se produit en Bretagne. Le même auteur précise que l’évêque de Lescar a nommé seulement 14,08% des cures durant tout le XVIIIe siècle. Une enquête datée de 1680 portant sur 21 cures du diocèse de Lescar montre que 87,5 % des curés sont nommés par des laïcs. 8 Le recrutement des curés s’établit également par choix du roi, d’abbés.

       Jean Tucat, dans sa monographie sur Pontacq, donne une explication de la dîme qui permet d’assurer le service du culte. Mais elle a été souvent usurpée « en partie  par des féodaux  qui les gardèrent malgré la réforme grégorienne. La dîme varie suivant les temps et suivant les lieux. Deux catégories de dîme, celle « Ecclésiastique » et celle « Seigneuriale ». « Elle comprenait la grosse dîme et les petites dîmes  avec les novales prélevées sur les produits des terres nouvellement défrichées. » 9

    Il rajoute que les dîmes étaient affermées, il l’explique en énonçant plusieurs raisons. Il cite les convenances et les impossibilités matérielles. Le problème du recouvrement se posait, il fallait aller chercher les produits dans les champs, les fermes,  ce qui posait parfois des réactions négatives de la part des gens qui étaient tentés de faire appel à la justice, parfois d’utiliser la violence… Il fallait alors stocker les parties de la récolte recouvrée, la traiter (dépiquer, vanner…). Ce qui explique que l’on afferme. Il explique que les paysans sont opposés à la dîme, car sa part prélevée sur les récoltes est relativement élevée (sur le revenu brut) et qu’elle est soutirée par des « intérêts privés », ceci malgré le fait qu’elle a pour but de servir la religion. 10

         Christian Desplat, lui, écrit que le « principe de la dîme n’était pas remis en cause, mais, dans une province où cette redevance était presque totalement usurpée par des laïques, la perception aurait dû soulever des tempêtes. Ce ne fut pas le cas. Quelques communautés seulement évoquèrent la question de la quotité … ». Il ajoute que les Béarnais s’opposent à la « multiplication des dîmes : prémices (offrande religieuse perçue sur les premiers fruits de la récolte), la paccaire (sorte d’abonnement mensuel d’une partie de la récolte en plus de la dîme) , la dîme des oisons (dîme payée avec des animaux  alimentés avec des grains dont on avait payé déjà la dîme) et surtout les « dîmes novales » (terres nouvellement défrichées, mises en culture). Un constat est à avancer, le « poids de la dîme s’était alourdi et son revenu était détourné de sa destination légitime. » 11

    Dans les cahiers de doléances béarnais, on retrouve souvent ce grief, notamment dans celui de la communauté d’Aubertin dans l’article 14 : « Qu’on ne payera la dîme  à l’avenir que distraction faite de la semence, attendu que, suivant l’usage actuel, on paye chaque année la dîme du même grain, celui qui a servi pour la semence. » 12

       Pour citer l’exemple de Barzun, la grosse dîme est divisée en deux, pour une moitié, elle est versée à l’abbé laïque, tandis qu’une autre est divisée. Un quart est donné au curé qui l’afferme pour 184 livres en 1748 chaque année. Il l’augmentera par la suite fortement pour atteindre 600 livres en 1786. Un autre quart est destiné à l’abbé de Saint-Pierre-de-Bigorre qui lui-même l’afferme pour une somme moins importante, c’est-à-dire 38 livres pour une durée de huit ans chaque année, ceci en 1703. 13

    Les décimateurs, comme on vient de le voir, ne la perçoivent pas directement, ils l’afferment à un fermier des dîmes. Cela se fait juridiquement par le biais d’un contrat de bail écrit. Ce dit fermier se charge alors de sa perception après avoir décidé avec le décimateur de la somme. Il se fait rétrocéder ce montant négocié tout en ajoutant un certain gain. Le producteur peut s’acquitter en s’abonnant, un accord est conclu incluant le montant qui sera versé chaque année dépendant de la surface du terrain.

     

     La part de la dîme prélevée sur les revenus des paysans était importante. Mirabeau démontrant les raisons de son impopularité déclare qu’elle doit être supprimée et ceci sans rachat vu qu’elle était « oppressive » Il argumente en donnant des exemples.

    « Supposons le produit d’une terre quelconque à douze gerbes, les frais de culture, semences, avances, récolte, entretien, etc., emportent au moins la moitié ; ci (6). Les droits du roi sont évalués à un huitième  de la récolte ; ci, une gerbe et demie. (1et ½) Les droits du roi de nouveau, pour l’année de jachère ; (1 et ½) Reste au cultivateur s seulement trois gerbes. (3)Dont il donne au décimateur. (1) Il lui reste les deux tiers de son produit net. (2) Il conclut par conséquent : « le décimateur emporte donc le tiers de la portion nette du cultivateur. » Cette démonstration chiffrée lui permet d’affirmer que cette redevance entraînait pour l’agriculture des incertitudes vu que cela lui retire de la paille, de l’engrais, mais aussi d’autres produits touchés par elle comme le lin, les agneaux… Il finit par s’exclamer que la dîme n’est pas une « propriété ». 14 Non content de pénaliser le paysan sur des produits agricoles cultivés sur des champs, la dîme est perçue aussi sur des denrées dites de basse-cour. De plus, il faut se rappeler que la volaille était nourrie par des aliments eux aussi imposés.

    On ressent bien cette perception d’accablement  des paysans à ce sujet dans le cahier des griefs d’Arros. Article 5 : « Indépendamment de la prémice en grain, chaque habitant qui nourrit  des poulets, quoique nourris avec leur propre grain, duquel la dîme en a été payée, est obligée d’en donner un au sieur curé et un autre au gros décimateur. Ne serait-il pas d’une justice souveraine de fixer la rétribution ? de rejeter l’entretien des curés sur la dîme ecclésiastique et subsidiairement sur la dîme inféodée, ou bien de rejeter la dîme des dits curés sur les gros bénéficiers et décharger par là les pauvres habitants qui sont assez accablés  par le poids des impositions de l’Etat. » 15

     

         Il faut ajouter à ces prélèvements sur les céréales d’hiver (dominants) et l’élevage ce que l’on nomme la dîme verte (sur les fruits, les légumes, le lin…). En ce qui concerne les plantes nouvelles, par exemple le maïs en Béarn, la dîme novale est perçue. Par contre, les produits issus des jardins en sont exclus, ce qui explique que les propriétaires vont accroître leur production ignorée dans cet espace.  Cette exemption est d’ailleurs rappelée dans le cahier de doléances de la communauté d’Argagnon qui souhaite que cela perdurera dans le futur. Article 8 : « Que chaque habitant aura son jardin exempt d’aucune dîme ni prémice à y pouvoir prétendre sur aucune espèce de fruits ni légumages. »16  

     

         En théorie, dans le passé, les monastères n’imposent pas de dîme puisqu'ils sont autosuffisants du fait de leurs possessions foncières. Mais cette situation évoluera puisque les évêques, les couvents la récupèreront.

    Cette évolution est alors d’autant plus mal ressentie qu’elle peut prendre alors une connotation vindicative et même « révolutionnaire » de la part de ceux qui la payent (ici vis-à-vis des chanoines, de Lescar). Article 6 du cahier des doléances de Limendous : « Ils demandent à être déchargés d’une dîme que le chapitre de Lescar perçoit dans ledit lieu : attendu que ce corps est inutile dans la vigne du Seigneur, il doit être supprimé, attendu que dans les différentes calamités qui ont affligé la communauté de grêles presque tous les ans, d’épizootie et charbon pestilentiel, elle n’a jamais ressenti les effets de ces riches bénéficiers. » 17   

    De même que des laïcs, dans ce cas-là, on la nommera « dîme inféodée ».

     

        Christian Desplat mentionne que la « quotité de la dîme était variable mais plus souvent supérieure au dixième qu’inférieure… ». 18  

    Il indique que dans le diocèse de Lescar, les dîmes étaient « payées dans les maisons non dans les champs » pour la plupart, tandis que dans le diocèse d’Oloron c’est « sur le champ ». Les décimateurs laïques percevaient une grande part de la dîme ce qui rendait la condition des curés plus dramatique, les contraignant pour subvenir à se contenter que de la congrue.

    L’évêque d’Oloron conscient de ces difficultés écrit : « il en est peu où les revenus des ecclésiastiques soient aussi modiques et les charges aussi fortes et où cette portion du clergé qui porte le poids de la chaleur et du jour se présente sous un aspect plus touchant et plus propre à intéresser. » 19 Mais comme le constate Christian Desplat, l’évêque « déclarait enfin toute restitution impossible, la plupart des usurpateurs, petits domengers, tirant l’essentiel de leur revenu des abbayes laïques », ceci dans le but de ne pas se mettre à dos le Grand Corps.

    La congrue ne dépassait pas les 250 livres, selon le même auteur, sur les 80 vicaires du diocèse. De plus, « sur cent cinquante-six curés, quarante-sept  étaient à simple congrue, quarante et un disposaient de quelques revenus annexes. »

    Il termine par écrire : « c’était à une véritable indigence qu’était réduit le clergé qui ne pouvait compter ni sur les obits ni sur le casuel ».

    Prenons l’exemple du curé d’une ville, Pau, M. de Camplong, prêtre à la paroisse Saint-Martin de 1754 à 1780, qui déclare : Il n’y a qu’un seul curé, dans toute l’étendue de Pau… Le Sr curé a 4 vicaires. La modicité de ses revenus ne lui permet pas d’en avoir davantage ; toute la grosse de sa cure est affermée à 1.200 l., sur quoy il paye 300 l.de décimes et l’honoraire de 4 vicaires, lequel payé il ne lui reste pour sa portion que 300 l. L’étendue de la paroisse et la modicité des revenus font que le secours des Ordres Religieux est nécessaire au sr curé… La fabrique de la paroisse n’a pas assez de revenus pour fournir à ses charges ordinaires. On y supplée par des quêtes ; ainsy elle ne sçauroit rien fournir pour payer le prédicateur. » 20

     

       Le cahier des griefs des Etats de Béarn de 1789  nous donne une image donnée de ce que pensent les habitants sur les conditions de vie des curés. Dans la partie concernant « la religion, les mœurs et l’éducation » et plus spécialement l’article 5, on lit : « Qu’il soit pourvu à l’amélioration du sort des curés, chacun à raison de sa situation locale ; qu’il leur soit accordé un traitement suffisant pour les entretenir avec décence et les mettre à portée de soulager les pauvres de leur paroisse ; que pour leur procurer cette augmentation de revenu, il soit réuni des bénéfices consistoriaux ; et comme il est justement d’assurer une retraite aux prêtres qui ont vieilli dans l’exercice de leur ministère, qu’il plaise à Votre Majesté d’y pourvoir par les moyens convenables. » 21 

        En ce qui concerne leur recrutement, les ecclésiastiques de la province sont issus plutôt du milieu urbain que rural. On constate qu’une infime minorité des prêtres démissionna de leurs cures.

    Leur formation se réalise pour la majorité d’entre eux dans un séminaire. Certains ont au préalable suivi des études au Collège des Jésuites de Pau.

    Mais le séminaire du diocèse de Lescar n’a pas pu remplir complètement ses fonctions (en effet si l’enseignement théologique est accompli) l’encadrement et le recrutement ne sont nullement atteints. A la veille de la Révolution, plusieurs paroisses ne sont pas pourvues de clercs. On estime globalement qu’un tiers environ des prêtres sont originaires d’autres diocèses. Par contre, celui d’Oloron n’a pas autant souffert de ce problème.   

    Le séminaire de Pau est tenu par les Lazaristes - congrégation fondée par Saint-Vincent de Paul - et s’adresse au début aux futurs prêtres relevant des diocèses de Lescar et d’Oloron puis, par la suite, uniquement au diocèse de Lescar. A Pau, il est implanté à la rue Serviez. 

    Le séminaire, reconstruit en 1731 à la suite d’un incendie qui a détruit entièrement le précédent, depuis sa création, souffre de problèmes financiers, son budget est peu important vu que les donateurs sont peu nombreux. Il réussit à subsister surtout grâce à l’intervention de l’évêque de Lescar, monseigneur de Noé qui, après avoir supprimé le monastère de Larreule - de l’ordre religieux bénédictin -, lui attribue en 1773 le revenu de la manse. Deux dates démontreront l’augmentation lente des revenus, ceci quasiment en une génération : 1776, les recettes s’élèvent à 2 620 livres et les dépenses à 2 302 livres, en 1790, les recettes sont de 4 444 livres alors que les dépenses sont de 1 875 livres. Pas de dettes à signaler.

     

       A la veille de la Révolution, en 1789, le séminaire se présente comme un bâtiment composé d’un double corps de logis, d’une église. Cette dernière est consacrée le 18 juin 1702, on sait que l’unique nef se terminait par une abside  et mesurait 28 m de long pour une largeur de 12 m. Sa hauteur atteignait les 13 m. Le bâtiment connaît un incendie partiel en 1731. 22

    Actuellement son emplacement se situe place Georges Clémenceau.

    Cécile  Devos, dans son article sur ce séminaire, mentionne que sa donatrice se nomme Françoise-Marguerite de Chivré. Epouse du duc de Gramont et gouverneur de la Basse-Navarre et du Béarn Antoine III, elle concède 44 000 livres « pour la direction du séminaire », le 2 novembre 1683 lors de la signature d’un contrat « devant notaire avec le supérieur général de la mission des Lazaristes, Edme Jolly ».

    L’Intendant Lebret nous apprend en 1701 que le séminaire est tenu par «… 4 prêtres, 2 frères et ordinairement 25 ou 30 ecclésiastiques qui s’y forment aux exercices de piété…». A la veille de la Révolution, exactement en 1786, les maîtres ne sont plus que trois et les élèves séminaristes à six.

    La naissance du séminaire est acceptée à la fois par l’évêque de Lescar Dominique Desclaux de Mesplès et le Parlement de Navarre le 4 mai 1685. Il est à noter que cette fondation est à relier également dans la volonté de « faire de la ville une capitale de la Contre-Réforme, juste après la révocation de l’édit de Nantes… Cela se fait au détriment de la ville épiscopale de Lescar. » L’évêché d’Oloron dispose de son propre séminaire en 1712 qui est édifié dans la ville basse sous l’instigation de Mgr Joseph de Révol. Il le dote de 70 000 francs puis soumet en 1716 aux paroissiens l’obligation de donner une aumône pascale de 6 liards pour chacun d’eux, en échange, il leur permet de se nourrir d’œufs, de beurre et du fromage lors du Carême. L’achat du terrain se réalise en 1719 auprès d’un négociant, l’édification du corps central a lieu en 1738. 

     Le bâtiment est enrichi de deux ailes par François de Révol, son petit-neveu, en 1772. Ce dernier ajoute également une chapelle en 1762. Afin de financer le tout, il utilise le même procédé que son grand-oncle. L’aile gauche est achevée en 1772 tandis que l’aide droite le sera en 1783.  Le séminaire remplit sa fonction jusqu’en 1791. Actuellement son emplacement correspond au 14 rue Adoué.

    Celui de Pau sera démoli en 1789.

     

         Dans le premier article dudit séminaire, il est spécifié : « Le Séminaire est institué pour honorer le sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ et pour former Messieurs les ecclésiastiques à la vertu et à la science que leur Ordre et leur vocation demande d’eux. C’est pour cela que l’on y enseigne la théologie, la manière d’administrer les sacrements, le plainchant, les cérémonies de l’Eglise, la méthode de faire le catéchisme, de prêcher, de confesser et les moyens de le faire apprendre par pratique, la science des saints. C’est-à-dire les vertus chrétiennes et la vraye dévotion et les autres exercices semblables  qui s’y font et le bon exemple qu’on se donne les uns aux autres. » Quant aux « dispositions » requises  pour y entrer, ils sont mentionnés dans l’article 2, seulement « avoir premièrement une bonne volonté et une forte résolution de s’avancer dans la vertu et dans la science et d’y demeurer à cet effet du moins une année. Secondement une grande humilité et soumission à l’égard du supérieur et des autres qui seront destinés à les diriger et enseigner. Troisièmement, un grand courage et une ferme confiance en Dieu pour surmonter les difficultés qu’ils pourront y rencontrer, surtout au commencement. »  Leur vie dans le séminaire s’apparente à celle menée par les moines puisqu’il est spécifié par exemple qu’ils ne doivent pas contester (article 10), être soumis, rappelant le vœu d’obéissance des réguliers. De plus, ils sont tenus de garder le silence « hors le temps de récréation » et si le besoin se fait sentir de converser à un autre, il doit le faire « à voix basse, et jamais avant l’oraison, du matin, ni après la prière du soir. » (Article 24). A nouveau, lors de la récréation, ils s’abstiennent de railler, de chanter les chansons légères ou « peu honnêtes », de parler des « nouvelles du monde », des médisances. (Article 28).

     Il est contraint de se confesser au moins deux fois par semaine (article 8). Leur attitude à l’extérieur et leur tenue ne doivent pas ressentir « l’esprit du monde particulièrement aux habits, à la barbe et aux cheveux qu’ils porteront dans la modestie et la simplicité ecclésiastique. » (Article 16). Ils éviteront les cabarets, les lieux de plaisir où on joue au billard, aux cartes. S’ils sont contraints de manger ou de coucher au-dehors, ils devront demander la permission (article 31).

     Face à la gent féminine, ils doivent tâcher d’éviter « la conversation des femmes… que dans la nécessité en lieu où ils pourront être vus et le plus courtement qu’il se pourra. » afin de conserver « avec un grand soin la pureté requise aux ecclésiastiques. » (Article 19). Afin de leur apprendre l’humilité et « Dans la vue des humiliations que Notre seigneur a pratiquées » ils sont contraints à « faire les offices les plus bas, jusqu’à balayer la chambre et la maison où il était avec la Ste Vierge et St Joseph, chacun faira son lit tous les jours au matin, balayera sa chambre deux fois la  semaine et aura soin de la tenir bien propre et bien rangée. » (Article 23).

    Même les amitiés « particulières » sont à éviter vu qu’elles sont « préjudiciables à la charité, qui doit être universelle et commune à tous. », de même que les visites et les sorties. Si une affaire requiert sa présence à l’extérieur, l’accord du supérieur est requis, de même que son salut  au très Saint- Sacrement, avant et après. (Article 30).

    Leur journée débute à 5h, puis suivent « la méditation », la messe…, à 9h 30 débute la conférence de théologie jusqu’ après 10h suivie d’un examen particulier et le dîner. Viennent ensuite le salut au Très Saint Sacrement de la récréation. A midi trois quarts, direction la salle des exercices pour lire un chapitre du Nouveau Testament. A partir de 13h chant, lecture spirituelle, étude dans la chambre. A 16h jusqu’à 17h30, de nouveau Conférence de théologie. Par la suite s’enchaîneront, études, examen particulier, souper, récréation, prière du soir, examen général de conférence… Le coucher a lieu à 9h du soir après l’extinction des chandelles. Si l’on comptabilise les heures d’études on en  dénombre deux. 31Christian Desplat critique l’enseignement donné dans ce lieu et le trouve « peu susceptible de compenser les carences de l’instruction générale du postulat, s’il en avait. » 23

       Si on se penche sur la bibliothèque des ecclésiastiques béarnais, le même auteur nous informe que nous possédons seulement le contenu de cinquante-et-un livres . En pourcentage, la majorité des titres concerne des ouvrages de littérature pour 50,4 %, suivi de la théologie (11%) et d’autres s’y rattachant comme l’Homilétique (se rapporte à la prédication du pasteur aux croyants), la pastorale…, en tous derniers genres on trouve auprès de ceux consacrés à la controverse (0,4%)  des livres d’histoire (0,9%) et de géographie (1,9%).

    Pour Christian Desplat ce contenu diffère peu de ceux des laïcs, c’est-à-dire que « la littérature profane y domine et la part de la culture professionnelle y est limitée… ». 24 Il rajoute que « L’éloignement pour les lectures sacrées ne peut être à mettre au compte de la hiérarchie » peu soucieuse de « guider les pasteurs dans le choix de leurs lectures… ».24

    Quant à ce siècle dit des Lumières, le XVIIIe siècle, les bibliothèques de ces prêtres ne contiennent que 2,2 % d’ouvrages de philosophie. Et à propos du droit, seuls les livres portant sur les Fors de Béarn et les « Petits procès ou juridiction particulière, principalement pour les peuples de la campagne » sont présents.

    Le même auteur finit par constater néanmoins que si « la compétence théologique n’était pas toujours grande, le niveau culturel du clergé béarnais paraît avoir été satisfaisant «  l’administration royale le reconnaissait volontiers qui en 1774 préférait s’adresser aux curés qu’aux jurats pour dresser un état des pertes agricoles » lors de l’épizootie. Quant à sa moralité, « moins de 3% des prêtres furent accusés de mauvaises mœurs par l’enquête de 1802 ». 25 Si on se réfère aux cahiers de doléances, aucune allusion à leurs mœurs n’est observée.

     

    Ces mêmes cahiers de griefs font état du souhait de voir les conditions de vie des curés s’améliorer.

     

       Mais, à l’opposé, les plaignants revendiquent la gratuité des actes relatifs à la religion. Ainsi comme on peut le lire dans l’article 5 du cahier des Etats de Béarn sous la rubrique « Objets généraux qui regardent la religion, les mœurs l’éducation… » : « Que les dispenses de parenté et de publication de bans soient accordées sans frais ; que les visites des paroisses soient pareillement faites sans frais, et  que les curés des campagnes ne puissent exiger aucune rétribution ni pour les baptêmes, ni pour les mariages, ni pour les sépultures. » De plus, ce qui revient souvent est le rejet de toute appropriation de la dîme. L’article 27 du cahier des Griefs particuliers au Tiers Etat le spécifie bien : « Certains curés et autres décimateurs ont porté leurs prétentions au point d’exiger la dîme des œufs, des poules, des oies et des cochons, qu’on ne nourrit  qu’avec des fruits qui ont déjà payé la dîme. Cette prétention est des plus abusives, et il plaira à Votre majesté d’ordonner qu’on ne pourra prétendre aucun droit de dîme sur les œufs, les poulets, les oies et les cochons. » 26 Pour parer à cette usurpation, plusieurs cahiers de doléances béarnais, par exemple celui d’Angaïs dans l’article 13, sollicitent : « Il sera demandé qu’avant de payer la dixme , il soit permis aux laboureurs d’en prélever la semence. » 27

     Toujours dans les cahiers de doléances, on pointe d’autres abus, notamment d’autres droits perçus comme injustes, car s’additionnant à la dîme. La communauté d’Aressy note dans l’article 15 : « Plusieurs habitants d’Aressy, payent un droit au curé du lieu appelé paccaire, en orge et millet, qui s’élève à environ dix-huit quartaux, qui sont retirés par ledit seigneur abbé, qui représente le curé, comme lui payant la congrue, ce qui est un droit exorbitant, en ce que le curé a le quart de la dîme sur tous les fruits et le casuel, ce qui lui suffirait pour sa subsistance. » 28  

     La dîme est supprimée le 13 août 1789.

          Autre prétention commune aux autres de la plupart des cahiers du royaume et du Béarn, celle de l’égalité fiscale.  Dans les cahiers des griefs, doléances et réclamations de la ville de Pau, l’article 3 tiré des Doléances et réclamations particulières au Béarn et à la ville de Pau stipule bien  « Déclarer l’impôt réel par sa nature, et établir entre le clergé, la noblesse et le Tiers Etat l’égalité de contribution pour toute sorte d’impôts et charges du pays sans exception … ». 29

         Selon l’usage, les paroissiens devaient assurer le logement du curé au presbytère, avec lequel l’église et le cimetière formaient les bâtiments paroissiaux. »

    Des conflits éclatent entre les paroissiens et leurs curés lorsque ces derniers sont perçus comme des absentéistes. Pierre-Antoine de Laussat, curé de Lagor, est attaqué pour ce motif attendu qu’on lui reproche de ne pas célébrer les deux messes dominicales. Un jurat de Lagor, durant une assemblée du Corps municipal du 13 août 1784, fait référence à un acte «… de la part des sieurs de Veguier et de Seignor, dans lequel ils se plaignent que les officiers municipaux n’ont point voulu se donner la peine de représenter au sr de Laussat, curé, que le trois-quart des habitants manquent la messe les jours de dimanche et fêtes faute d’en avoir deux comme il étoit d’usage, quoy qu’ils ne puissent pas ignorer qu’ils ont eu toute la satisfaction de leur part, même obtenu du sr de Laussat, leur pasteur, une réponse favorable à leurs désirs. Mais, comme les sieurs requérants concluent dans leur acte en sommant lesdits sieurs officiers municipaux d’assembler la Communauté dans trois jours, ils ont délibéré, par unité de suffrages, qu’on suspendroit de faire assembler toute la Communauté attendu le désir ardent que le sr curé leur a témoigné avoir de reprendre ses fonctions précédentes dés que sa santé le permettra, s’en rapportant à sa prudence ». Le Corps de Ville prend une décision qui déplaît aux plaignants qui souhaitent qu’un vicaire soit nommé. L'affaire est traînée en justice. Le tribunal prend un arrêt qui impose aux jurats de se réunir «… dans trois jours pour délibérer sur le party qu’elle doit prendre afin d’avoir un vicaire et procurer à chaque habitant le moyen d’entendre la messe chaque jour de dimanche et de fête. » 30

         Le séminaire n’est pas le seul moyen pour un prêtre d’acquérir des connaissances dans le but d’agir correctement lors de son activité pastorale. En effet, les ordonnances épiscopales peuvent combler des lacunes. Deux évêques d’Oloron se sont astreints à remplir cette tâche, Joseph (1705-1735) et François (1742-1783) de Révol. De plus, notamment le premier, l’évêque tente, en publiant son Catéchisme à l’usage du diocèse d’Oléron » en 1706, d’aider les prêtres de sa circonscription. Pour y parvenir pleinement, il a l’idée de le faire publier en français, en béarnais et en basque. Il sera remanié par la suite par François de Révol en 1743.

        Pour les assister, comme on l’a vu précédemment, des vicaires. Toutes les paroisses n’en sont pas pourvues, comme on le voit à Nay en 1758. Ils sont mécontents d’assister aux messes et aux fêtes religieuses alors que le curé nommé Marsan est absent. Il n’est pas remplacé par un éventuel vicaire, une plainte est déposée contre lui. Celui-ci leur rétorque qu’il n’en est pas responsable, que les grands vicaires sont uniquement habilités à toute nomination (ces grands-vicaires ou vicaires généraux ont comme fonction de seconder les évêques dans leur diocèse). Le problème perdure puisque que les jurats notent toujours l’absence de vicaire sur le registre, en 1764. On se plaint que les fidèles ne peuvent plus assister à la messe du matin et surtout que les enfants ne pouvent plus bénéficier de l’instruction qui « tombait dans l’oubli ».

     La paroisse peut contenir des établissements congréganistes qui se chargent des écoles et des hôpitaux.

       Nous possédons les mémoires d’un curé, Jean Bonnecaze, natif de Pardies en 1726, et qui sera prêtre à Igos. Son frère aîné meurt à l’âge de dix-huit mois. Lui-même était de condition fragile, poussant sa mère à faire « dire des messes et des prières pour ma conservation » Puis, comme tous les enfants de son âge et de son milieu social, il aide ses parents, son père dans « les travaux ordinaires » et sa mère « dans le ménage ». Il apprend à lire auprès d’un régent nommé Augustin de Souberbielle durant deux mois. Il lui transmet le goût de lire. Puis un autre homme, ancien régent lui aussi, prend le relais. Il se nomme Claverie - « avait étudié le latin et fait sa théologie ». Au même, le chant devient une passion. Ses goûts s’orientent vers les cantiques, les « guerrières ». C’est sa mère qui le conseille d’opter pour le poste de marguiller à Notre-Dame-de-Piétat. Il y reste « trois ans avec tout le zèle possible ». Le vicaire de Piétat , M. de Castain, reconnaît en lui « la vocation » de devenir prêtre. Ses parents et ses frères comptent sur lui pour les travaux et à vingt ans il fait part de sa décision à son père et sa mère « qui s’en moquèrent ». Il décide alors d’aller étudier en Espagne et se sert du prétexte du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle pour convaincre ses parents d’accepter, mais il ne recueille que des propos injurieux et méprisants. Il quitte en cachette le foyer familial. Aidé par des amis, avec seulement trois livres d’argent sur lui, direction Saint-Jacques de Compostelle. Nous sommes le 1ermai 1748, à minuit. Lors de son pèlerinage, au retour, il contracte la « fièvre » et une « inflammation », il est à deux doigts de mourir. Pour subsister, il est contraint de vendre ses chemises. Ses parents lui pardonnent, le croyant mort d’après la rumeur. Mais on veut l’obliger à se marier, ce qu’il refuse en invoquant son souhait de « parvenir à  l’état ecclésiastique ». A nouveau, ses parents s’opposent violemment à son choix, prétextant qu’il était l’aîné et, par conséquent, qu’il « devait tenir et travailler le bien ». Il doit s’assurer l’aide de l’abbé d’Arette de Lescar et vicaire de Pardies pour qu’il défende sa cause. Lui donner du « secours » durant une année, aller en Espagne, à Huesca, pour étudier afin de leur « épargner la dépense ». Ils acceptent à contrecœur, en échange il doit s’engager à les aider dans les travaux. Mais comme tout ne se passe pas comme voulu, il faut l’appui d’un autre prêtre, M. de Rouset, nouvellement nommé à Pardies, qui l’oriente au collège de Saint-Pé-de-Bigorre où exerce un Père régent bénédictin nommé Mérigon aux exigences très dures (ne pas fréquenter les bourgeois, se confesser quatre fois dans l’année, de jouer…de subir le fouet si elles ne sont respectées). Les leçons sont gratuites toutefois. Notre auteur étudie comme un « forçat ». Son père vient le voir deux fois durant tout son séjour au collège. Par la suite, il entre en philosophie à Pau chez les Jésuites et il est fier de porter la soutane de noir, ceci en 1751. Il étudie la philosophie avec le statut d’externe. Il est précepteur en même temps de l’enfant du procureur du sénéchal de Pau. Il y est mal nourri, il y reste dix-huit mois. Il continue le préceptorat et reçoit la tonsure à la cathédrale de Sainte-Marie par l’évêque d’Oloron, Mgr de Révol, le 22 septembre 1753. Il subsiste par le biais du préceptorat et des services donnés à la paroisse de Pau (chants…). Il entre au séminaire en 1758. Le 23 décembre de la même année,  il reçoit les quatre petits ordres dits mineurs à Sainte-Marie, puis le 9 juin 159 l’ordre de sous-diacre, toujours à Sainte-Marie. Encore en 1758, le 22 décembre, il reçoit l’ordre de diacre, toujours au même endroit. Le 31 mai 1760, des mains de l’évêque Mgr de Révol, il est ordonné prêtre. L’auteur se plaint alors de l’attitude dudit évêque envers lui. N’ayant plus d’argent, il sollicite de sa part de lui faire grâce de 3 livres « des lettres de cet ordre ». Deux autres hommes vont tenter d’infléchir l’évêque (son aumônier l’abbé Casenave et son vicaire-général Laporte), rien n’y fait, l’évêque refuse, « insensible à ma misère » prétextant « que c’était son casuel ; il prenait trois livres, tandis qu’il ne pouvait exiger que 7s.6 deniers, selon le Concile de Trente, et un cierge, que je lui avais porté à l’offrande, pesant demi livre.»

    Il commence son vicariat à Asson le 15 juin 1760 et, dans sa biographie, il fait les louanges de sa voix lors des chants, il a trente-deux ans. Détenteur de deux cents livres d’économie amassés lors des préceptorats et des assistances aux enterrements, sa mère lui prête sept ou huit serviettes, une couette et coussin qu’il rendra, un pain et un pot de graisse. A partir de là, il sent qu’il doit se débrouiller seul, qu’il « doit acheter tout et de me mêler de tout…». Il écrit qu’il ne s’est pas enrichi car tel a été son souhait, parce que s’il avait « voulu être charlatan, flatteur, intrigant et demandeur, j’aurais amassé beaucoup de bien… » et qu’il a suivi l’exemple de Saint Paul. Il continue de prendre des écoliers. Il reste dix ans dans la paroisse. Ses actions ont été de corriger des abus des paroissiens comme celui d’amener douze moutons dans  l’église le jour des noces, gardés alors par un pasteur au fond ou dans une chapelle, en ayant pris soin de mettre des clochettes à cinq ou six d’entre eux (ceci malgré des menaces proférées à son encontre). Il acquiert en 1762 « une pièce de terre touya, appelée Serrepta, de contenance de dix arpents, grosse perche, en vue de faire du bien à ma famille… » mais cet acte se révèle être une erreur vu que cela ne lui donnera que des problèmes.  Cinq ans plus tard, en 1767, il est nommé vicaire en chef à Moncaup, mais n’y demeure que deux mois et demi, restant par la suite sans emploi pendant presque un an. En 1768, il continue d’acheter de la terre, appelée « lou Camp de l’homi », d’un prix excessif. En 1770, il se plaint à la fois de la lassitude due à la paroisse et à la correction des écoliers, mais aussi du curé qu’il juge ingrat. Il quitte la paroisse pour la chapellenie des forges d’Asson que le marquis de Louvie, M. d’Angosse, lui donne. C’est son « poste » définitif.  Il en retire 500 livres par an. Mais son attitude « larmoyante » persiste puisqu’il s’apitoie sur les « ennemis » qui s’acharnent sur lui durant les années 1770-1771car ils sont « jaloux de ma petite fortune, de mon avancement dans les affaires et de ce que je faisais des acquisitions utiles et avantageuses pour l’augmentation de ma famille… ». Son père, malade, ne pouvant « gérer les affaires domestiques », cette situation force le prêtre à les diriger lui-même. Il est fier de mentionner que sa famille « ne subsistait que par mon secours ».

    Ces dits ennemis utilisent, pour arriver à leurs fins, la calomnie et l’attaque en justice. Il les nomme.

    Son principal adversaire est le dénommé Peborde , seigneur de Pardies et syndic des Etats de Béarn. On peut également citer le seigneur d’Arros « prétendant la propriété en qualité de seigneur ». Son intention étant y « faire des garennes de lapin qui auraient ruiné tous les fruits des habitants ».

    Son affaire prend de grandes proportions puisqu’ un ordre royal lui interdit de venir à Pardies et de « s’immiscer… dans les affaires qui intéressent cette communauté…», le 9 avril 1771. Il innocente le roi Louis XV, ce seraient les ministres qui profiteraient de sa faiblesse.

    Par exemple, des communautés comme celle de Narcastet - qui prétend à la « jouissance du pacage » - se dressent contre lui et le traînent en justice.

    Le curé est accusé de fournir des « conseils de révolte et de sédition ». La jalousie n’est pas absente puisque les notables craignent que sa « famille pourrait être la plus riche de la paroisse ».

    Ce dernier sollicite le recours, entre autres, à deux nobles, le comte de Baillenx et le chevalier de Béla.

    Le 25 novembre 1772, le roi lui adresse une lettre lui signifiant son autorisation de revenir à Pardies en tant qu’habitant.

     Autre source de déception, il regrette que son père et son frère l’aient « abandonné » à son « triste sort » en refusant « de signer un placet que je voulais présenter en leur nom pour obtenir plus tôt ma liberté sous la réclamation de mon père. » Son discours victimaire se traduit jusqu’à écrire que son père avait oublié « qu’il était mon père et que j’étais son fils ». Il rajoute même que son frère - « premier cadet » - avait eu quelque secrète satisfaction de ma disgrâce… cela pourrait venir de l’intérêt de jouir de mes biens… néanmoins j’ai excusé son ignorance… il y avait en cela plus de bêtise que de malice…». De plus, il reproche à sa famille ne pas s’être déplacé pour venir le voir à Asson lors de sa « disgrâce ». Par contre, il reconnaît que Pierre, son dernier cadet, l’a défendu auprès du reste de la famille. Devenu paranoïaque, il se méfie de tous - voyant des espions de ses ennemis tout autour de lui-, prenant même ses parents pour des suspects. Il se décidera à rejoindre Pardies seulement deux mois plus tard.

    Magnanime avec un de ses ennemis, le sieur Péborde, une correspondance s’établit ceci « quoiqu’il eût voulu me perdre, je ne le haïssais pas, je voyais que Dieu se servait de lui pour m’éprouver, mais je ne succombai pas à la tentation…et je priai pour Dieu tous les jours pour mes ennemis… ». Néanmoins, il ne peut s’empêcher de rajouter que « Dieu a permis » à  ses dits ennemis de subir à leur tour des déboires par la suite – « des croix aussi pesantes » et de les détailler avec force détails…

    Obtenant la cure à Angos et Argelos avec l’appui de Jean-Paul d’Angosse dont il a été le précepteur de ses enfants. Acceptant la constitution civile du clergé, il est prêtre assermenté ou jureur. En 1795, il s’implante à Pardies où il se fait bâtir une chapelle privée qui nous allons voir lui apportera également des problèmes.

    L’abbé Salles, curé de Pardies, rapporte dans son historique de la fondation de la chapelle de Notre-Dame de la Purification que le fondateur de la nouvelle chapelle (bénie le 7 mars 1795), Jean Bonnecaze , est aussi accusé d’avoir été « agent de la commune pendant la Révolution . Son agence donna lieu à de nombreuses plaintes de malversations des deniers publics. » Il s’agit de l’administration de la chapelle de Notre-Dame de Piétat . Un commissaire est diligenté par le préfet  afin d’enquêter et, à cette fin, on rassemble les habitants et Jean Bonnecaze est obligé de « représenter devant le commissaire la somme de 750 l. 2s.6d., produits de ventes du bois communal faites pendant son administration. » Nous sommes le 9 prairial an X (29 mai 1802). Il a des prétentions sur les offrandes pratiquées à la chapelle, sur les revenus des terres, mais aussi sur «  propriété toute entière. Il soutenait que tout lui appartenait, parce qu’il avait tout payé de ses deniers. » Les marguillers de la chapelle portent plainte contre Jean Bonnecaze , les frais de justice sont supportés par ladite chapelle. Le préfet en décida autrement et décréta que la chapelle appartenait à « tous les habitants », mais aucun document auprès des Archives de la commune et des registres n’a été retrouvé depuis l’attestant. Serait-ce une preuve de la mauvaise gestion de la chapelle par le conseil municipal ? 31

    Autres griefs qui lui sont échus, d’abord celui d’avoir élaboré un « catéchisme évangélique de la doctrine chrétienne puisé dans l’Ecriture Sainte » républicain puisqu’il a pris fait et cause pour la Révolution. Dans cet ouvrage, il fait l’apologie de la liberté - « après douze siècles de servitudes » -  et attaque ceux que l’on distinguait par des titres comme ceux Sa Grandeur, Sa Majesté, Son Excellence et les surnomme  les « demi-dieux ».

     Ensuite, autre faute, celui d’avoir épousé Jeanne Malet. Il a 67 ans, nous sommes le 3 brumaire an VII (24 octobre 1793). Son geste plaît aux Révolutionnaires, car il est remarqué et publié par la « Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité » de Pau qui voit en son mariage un « acte de civisme de ce citoyen qui ne reconnoit pour son culte que la Raison et pour morale, la Liberté et l’Égalité ». 32

    Lors du Consulat, il n’apparaît pas dans la liste du personnel ecclésiastique.

    L’abbé M.V. Dubarat pense que ce faux mariage a été une stratégie pour éviter des problèmes vu que la Convention décrète le 13 novembre 1793 que tous les prêtres mariés ou en instance d’une déposition des bans « échapperaient à la déportation et à la réclusion ». Ceci d’autant plus que  tous les actes signés par Jean Bonnecaze depuis 1795 sont réalisés en tant que prêtre, notamment le procès-verbal de la bénédiction de la chapelle qu’il s’est faite construite à Pardies.

    Il meurt le 16 brumaire an VIII (7 novembre 1804), sur son acte de décès on lit : « prêtre domicilié à Pardies ». 33

    A travers cette biographie Jean Bonnecaze démontre que la prêtrise, bien qu’elle soit ressentie provenant de la volonté divine, soit un moyen de gravir les échelles de la promotion sociale. Il s’est enrichi, les terres acquises le prouvent bien, la terre constituant à l’époque un enjeu social et une source de richesse quoique ces achats lui aient apporté beaucoup de déboires. En 1789, veille de la Révolution, il peut s’enorgueillir de disposer approximativement d’un millier de livres de revenu annuel, somme importante pour l’époque. Autre action qui révèle son ambition sociale est sa candidature comme juge lorsque le Parlement de Navarre fut abrogé en 1771 (comme tous les Parlements en France du fait de leur résistance face au roi). Il écrit alors le 9 juin de la même année au chancelier Maupéou mû par « l’ambition et la folie » : «… obéissant et soumis à mon roi, prêt à verser tout mon sang pour le service de Louis le Bien-Aimé, le meilleur des rois, grand monarque, grand conquérant, faisant le bonheur des peuples en leur donnant une justice gracieuse, en les délivrant du labyrinthe de la chicane et des sangsues qui la dévoraient par des longueurs énormes. Je ne suis ni juge, ni soldat, mais j’en ai les sentiments et le courage… Je tâcherai de me rendre digne de l’état de juge par l’étude des lois, guides assurés de l’équité des jugements… ».

    Malheureusement pour lui, sa candidature ne fut pas retenue.31

     

         D’autres sources montrent que plusieurs curés laissent à leur mort des biens relativement importants comme celui de Lasseube, Jean Lacassaigne décédé en 1769. Ils s’élèvent à 2 660 livres, les biens meubles sont vendus et l’argent (2 507 livres) est donné  aux pauvres. 34

     

         Nous possédons également la biographie d’un autre curé nommé Pierre-Antoine de Laussat né en 1724 et mort à une date inconnue. Il naît à Oloron exactement le 1erjuillet 1724 dans une famille bourgeoise, son père est négociant. Il quitte le Béarn pour aller entreprendre des études à Toulouse à la Faculté des Arts. Durant deux ans, de 1740 à 1742, il suit des cours de philosophie. Ensuite, il part pour Paris où il reçoit la tonsure le 9 juin 1743, il continue ses études à la Sorbonne de 1743 à 1746. De nouveau, à Toulouse, il obtient le titre de maître-ès-arts, le 21 mars 1748. Plus tard, le 4 avril 1752, l’évêque de Lescar, Hardouin de Chalon de Maisonnoble, lui attribue la cure de Lagor attendu que le curé Laborde, le titulaire, vient de décéder. A cet effet, il a été appuyé par les Révérends Pères Barnabites de Lescar. Il commence à remplir sa charge le 6 avril. Il sera un prêtre exemplaire, présent, ne bénéficiant de l’assistance d’un vicaire seulement lors de quelques périodes.

    Dans les registres de délibérations de Lagor, il est mentionné sur plusieurs passages démontrant l’attachement de la localité pour le prêtre. Par exemple, le 30 novembre 1758 : « L’an 1758 et le 30 mois de novembre, la Communauté de Lagor a été convoquée sous la halle aux formes ordinaires, de l’ordre du sieur de Larrère, jurat, qui a dit à l’assemblée que le sieur Laussat, curé… a représenté au Corps de ville que la porte de l’église scituée directement au Nord est très incommode pour la célébration des divins offices par raport au vend et au froit qui entre par ladite porte ; il n’est d’ailleurs guière possible de monter en chaire que le prédicateur ne ressente les effets de l’air, que luy procurent très souvent des rumes considérables, que pour rermédier à ces inconvénients, il serait convenable de faire un petit tambour à l’entrée de ladite église avec une pettite porte à cotté opposée aux mauvais temps, qui ne sera pas d’une grande dépence… il est donc de l’intérêt d’un chacun de contribuer, autant que faire ce pourra n à la concervation d’un pasteur qui remplit sy dignement les devoirs de son état et qui épargne à la Communauté les frais d’un prédicateur qu’elle étoit obligée de payer avant il n’a été nommé en bénéffice… ».

         A une autre date, le 9 janvier 1787, les jurats font part de leur accablement à l’annonce du départ du curé. « L’an 1787 et le 9 janvier, le 9 janvier, le Corps de ville assemblé aux formes  ordinaires ainsi que Messieurs les notables de l’ordre du sr de Chesnelong, maire, qui a dit que la Communauté a été mise dans la plus grande consternation par un bruit qui s’est répandu que Mr de Laussat, curé, étoit dans l’intention de quitter la cure et d’exercer son ministère ailleurs. La manière édifiante dont le sr de Laussat a travaillé pendant 36 ans ou davantage à la santification de son troupeau, toutes les peines et les solicitudes qu’il s’est donné pour le conduire dans la voye du salut, la charité qu’il a exercée envers les pauvres , enfin son amour pour tous ses parroissiens en général sont des monuments qui doivent emporter avec lui nos regrets et nos larmes… Les larmes de tous les parroissiens, particulièrement des pauvres, qui pleurent à juste titre un père tendre et généreux, a engagé le sr maire à assembler le Corps et M.M. les notables pour tâcher de prendre des moyens afin d’engager le sr de Laussat de retarder encore de quelques années l’exécution de son projet et de se rendre aux désirs les plus sincères de toute la Communauté… ». On délègue alors quatre commissaires dans le but de le faire changer d’avis.35

    Quand la Révolution éclate, à l’opposé de Jean Bonnecaze, il refuse de prêter serment à la Constitution civile du Clergé et s’exile en Espagne où il meurt. Il a écrit les «  Mémoires sur les protestants, la danse et les cabarets ».

      Ces prêtres avaient-ils de bonnes relations avec leurs fidèles ? La plupart d’entre eux sont appréciés, surtout s’ils prennent parti pour eux lorsqu’ils sont confrontés à leurs seigneurs. Tel le curé nommé Jean Meslier, « rigide partisan de la justice », qui se heurte au « Seigneur de son village nommé le Sr de Touilly, ayant maltraité quelques Paysans, il ne voulut pas le recommander nommément au Prône : Mr. De Mailly Archevêque de Reims, devant qui la contestation fut portée, l’y condamna. Mais le Dimanche qui suivit cette décision, ce Curé monta en Chaire & se plaignit de la sentence du Cardinal. »  Le dit curé se plaint du « sort ordinaire des pauvres Curés de Campagne ; les Archevêques, qui sont de grands Seigneurs, les méprisent & ne les écoutent pas. Recommandons donc le Seigneur de ce lieu. Nous prierons Dieu pour Antoine De Touilly ; qu’il le convertisse, &  lui fasse la grace de ne point maltraiter le pauvre, & dépouiller l’orphelin. » Jean Meslier, meurt en 1733 à l’âge de 55 ans. « Par son testament, il a donné tout ce qu’il possédoit, qui n’étoit pas considérable, à ses Paroissiens, & il a prié qu’on l’enterrât dans son Jardin. »36

    D’autres, par leurs modes de vie, sont très liés aux paroissiens. Un prêtre nommé Mazet se fait remarquer pour son goût pour le jeu de boules et de la bouteille. Sa présence dans les cabarets du village de Barnave, dans la Drôme, était quasiment constante. Un jour, un homme, nouvellement converti, se présente à lui et lui quémande une messe moyennant une certaine somme d’argent. Il rejette, préférant vider une bouteille avec ses compères du cabaret, où on dénombrait des journaliers, des domestiques…37

        Le curé avait-il une bonne opinion de ses ouailles ? Un prêtre du diocèse d’Oloron, le 15 juillet 1755, se plaint du déroulement des fêtes dans lesquelles il ne voit que des occasions de se vautrer dans le pêché. « La dissolution des mœurs des gens de la campagne, pendant les dimanches et les fêtes, est portée à un tel point que, dans aucun temps, l’exécution des édits et ordonnances royaux ce concernant n’a été aussi nécessaire. On ne voit, en ces saints jours entièrement consacrés au culte qu’on doit à Dieu, que danses publiques, jeux scandaleux, attroupements dans les cabarets, d’où s’ensuivent mille désordres et excès. Il y a plus de quarante ans que je travaille dans le ministère en qualité de curé, mais je n’avais vu l’irréligion et les débauches des gens de campagne portées  à un pareil excès. Les cabarets défendus aux domiciliés, les fêtes et dimanches, sont remplis jusqu’aux basses-cours, tandis que les églises sont désertes, et les fêtes les plus solennelles sont les plus profanées. On voit aux cabarets d’un côté une bande de danseurs, une autre de joueurs et une autre d’ivrognes et de scandaleux, qui ensuite courent toute la nuit, commettent des vols et portent l’alarme dans les paroisses. » 38

    Le curé de Lay, en 1759, se dresse contre les agissements de seize individus qui ne respectent point les rites religieux. On trouve parmi eux des gens issus de différentes catégories socio-professionnelles comme des laboureurs, des artisans (tisserands), des charpentiers, des musiciens originaires de villages différents tels Dognen, Jasses, Lamidou, Lay.39  Nous sommes en présence d’une zone à forte présence protestante, ceci bien que cette religion soit interdite depuis l’Edit de Fontainebleau de 1685. Les fêtes sont également le moment propice pour se moquer des rites et des offices religieux catholiques. A Salies-de-Béarn, un texte signale que « les désordres du Carnaval sont portés à un excès sur lequel il n’est pas possible de fermer les yeux ; qu’une multitude considérables de gens masqués courent les rües pendant la nuit avec des tambours, enfoncent les portes des maisons et y pillent ver qu’ils jugent à propos ; que les jours de fettes et de dimanche les offices divins sont abandonnés et que pendant leur durée les cabarets, les rues et les places de la ville sont remplis de gens masqués, qu’ils entourent même souvent les églises et empêchent par leur tumulte la célébration de l’office… ».40

    A l’inverse, il arrive que certains paroissiens se plaignent de leurs curés et les assignent en justice. En Champagne, le desservant du village de Fagnières, le 10 septembre 1769,  ayant été déplaisant vis-à-vis de deux paroissiens, est contraint par le baillage de verser 10 livres d’aumônes, 400 livres de dommages et intérêts. Outre ces sanctions pécuniaires, il doit abandonner sa charge durant un mois.41

         Autre personnage perçu comme un individu important dans les paroisses ayant un lien avec la religion, l’abbé laïque. Lors de la naissance des paroisses au Moyen Age, des autorités locales apparaissent parallèlement, par exemple les seigneurs. Au même moment, l’intérêt de nommer les prêtres desservants et d’accaparer la dîme se manifeste.

    L’abbé laïque est l’héritier d’un propriétaire ayant construit une chapelle, une oratoire sur ses terres au Moyen Age lors de la christianisation. Usant de son droit de propriété, il s’arroge le droit de nommer le prêtre local, de recouvrir une part du budget destiné à l’entretien de l’église - la dîme. Les abbayes laïques ne sont donc point des bâtiments religieux, ce sont des édifices dans lesquels vivent l’abbé laïque et sa famille. Souvent, elles prennent un caractère militaire même si le propriétaire n’a aucune ascendance noble, elles sont bâties généralement proche de l’église.

     

     Références :

     1- Cahiers des doléances d’Angaïs, BULL.SSLA, 1886-87, 2e série, tome 16, p. 291.

    2- Jousse Daniel, Traité du gouvernement spirituel et temporel des paroisses, chez Debure père, 1774, p. 17.

    3- A.D.P.A., Nay BB 10, f° 255 v°.

    4- Lettre d’un curé du diocèse d’Oloron, 15 juillet 1755, Archives nationales, G643.

    5- A.D.P.A., III E 5395.

    6- Péronnet Michel, article « curés », Dictionnaire de l’Ancien Régime (dir. Par Lucien Bély), Editions Puf ,1996.

    7- Intendant Lebret, Mémoires sur le Béarn, BULL.SSLA, 1905, tome 33, 2e série, p.80-84.

    8- A.D.P.A.,  B 899, 900, 901.

    9- Tucat Jean, Histoire de la région de Pontacq (Béarn et Bigorre) de 1701 à 1789, Editions

          Lacrampe, Lourdes, 1951, p.19.

    10- Idem., p. 25.

    11-  Desplat Christian, Les cahiers des doléances des communautés de Béarn, Revue de

           Pau et du Béarn, n°25, 1998, p.217.

    12- Cahiers de doléances d’Aubertin, BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.322

    13- A.D.P.A., III E 5386.

    14- Œuvres de Mirabeau : discours et opinions, Honoré-Gabriel de Riqueti comte de

          Mirabeau,  Brissot-Thivars, 1825, p.204.

    15- Cahiers de doléances d’Arros, BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.307-308.

    16- Cahiers de doléances d’Argagnon, BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.306.

    17- Cahiers de doléances de Limendous, BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.405.

    18- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, tome 1, J & D Editions,  p. 614.

    19- A.D.P.A., G 350.

    20- Déclaration  de M de Camplong , curé de S Martin de Pau (1754-1780), sur sa

         paroisse, BULL.SSLA, 1927, 2e série,  tome 50, p. 159.

    21- Cahier des griefs, plaintes et doléances des Etats de Béarn [cahier de doléances]

           Archives Parlementaires de la Révolution Française, Année 1879 /6/p.499.

    22- A.D.P.A., Q 120, Q 353.

          Devos Cécile, Atlas historique des villes de France, Pau, volume 51, Ausonius, 2017,

           p. 190.

          Intendant Lebret, Mémoire de l’état présent des royaumes de Basse Navarre et pais

          souverain de Béarn, 31 décembre 1700.

    23- Règlements du Séminaire de Pau, BULL.SSLA ,2e série, 1906,  tome 34,    p.60 à 78.

    24- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, tome 1, J & D Editions,  p. 623.

    25-Idem., p. 625.

    26-A.D.P.A., C 1374.

    27- Cahiers de doléances d’Angaïs ,  BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.294.

    28- Cahiers de doléances d’Aressy,BULL.SSLA, 1886-1887, 2e série, tome 16, p.303.

    29- A.D.P.A., E 2355.

    30- A.D.P.A., Registres paroissiaux de Lagor, E dépôt GG 4 à GG et registres de délibérations

          de Lagor, E dépôt BB6 à BB 10.

    31- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k34697d/f294.item, site BNF, Etudes historiques et

         religieuses du Diocèse de Bayonne, autobiographie de Jean Bonnecaze, 5e année, 1892.

    32- Arch.com. de Pau, f°160.

    33- Les Variétés béarnaises de l’abbé Bonnecaze publiés par le curé MV Dubarat, curé de

          Saint-Martin de Pau, BULL.SSLA, 1906.

    34- A.D.P.A., 1.J.24/7.

    35- A.D.P.A., E  dépôt Lagor BB6 à BB 10.

    36- Testament de Jean Meslier (avec un Abrégé de la vie de l’auteur et un Avant-propos)

          édition 1762.     http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71566z  

    37- Officialité 6 G 14 aff. Mazet. Add. d'Inf. quatrième témoin.2

    38- Arch. Nat. G. 8 643.

    39- A.D.P.A.,  B 5436.

    40- A.D.P.A.,  B 5436 f° 124.

    41- Arch. Nat.  G631.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    LA RELIGION

     

     

     

    On a vu que la religion donne le ton pour tous les moments de la vie d’un paroissien, prenons l’exemple du mois de février, il correspond à la fête des chandelles, exactement le 2 février, soit 40 jours après Noël. Elle a comme origine la purification de Marie, la présentation de Jésus au temple dans la ville de Jérusalem, mais elle symbolise également une ode à la lumière et à la nature vu que la durée de la journée s’allonge ; les gens allumaient pour l’occasion toutes les bougies chez eux préalablement bénites par le prêtre. Bénédiction opérée dans d’autres circonstances comme lors des semences, les départs aux estives…On pourrait citer la semaine sainte… Les hommes sont tenus de suivre tous les préceptes religieux et les sacrements de la naissance à leur mort. Durant la journée, on se signe de la croix plusieurs fois, on procède de la même façon sur le pain que l’on va consommer, on formule les prières comme celle d’avant de manger, le bénédicité. N’importe quel acte entrepris peut devenir un événement sollicitant une bénédiction, par exemple la femme qui vient d’accoucher se doit alors de se faire bénir par le curé afin d’être purifiée du péché de chair. L’image de Dieu et de tous les saints est omniprésente à la fois dans le paysage à travers bien sûr l’église, le cimetière, les croix dans les carrefours, des oratoires, mais aussi chez soi avec les crucifix, les illustrations et les livres pieux.

     

    Surtout dans le monde des campagnes, la vie des individus est rythmée par le calendrier religieux. Les travaux agricoles sont très liés, par exemple, aux fêtes des saints et des fêtes liturgiques. La morte-saison correspond à Noël et à Pâques. A la Pentecôte, on bénit les semences. Au mois de mai, les agriculteurs invoquent des protecteurs, les « saints de glace », pour écarter tous les aléas climatiques liés comme le gel. Ces saints sont Mamert (évêque de Vienne sur le Rhône du Vème siècle qui a écarté la ville de nombreuses calamités) , Pancrace de Rome (protecteur de la fin IIIème siècle et du début IVème siècle des animaux domestiques dans plusieurs régions françaises) et Servais (évêque de Tongres du IVème siècle dont son tombeau connut un prodige, celui de ne pas être couvert de neige alors que la région en reçut toute la nuit) que l’on célèbre les 11, 12 et 13 mai.

     

     

     

    Si la religion est omniprésente dans l’univers mental de tous les paroissiens comme on vient de le voir, des curés se plaignent avant 1789 que les fidèles montrent des sites d’incroyance. En même temps, ils constatent que les superstitions et les récits « merveilleux » restent encore bien présents. Par exemple, à Paris, des comètes et des météores (17 juillet, un météore appelé le bolide de Melun est observé dans le sud de l’Angleterre et une large partie de la France) effraient tant les Parisiens que les prêtres voient affluer nombre d’entre eux dans leurs confessionnaux.

     

     

     

    Si avant la fin de l’Ancien Régime, le territoire d’une paroisse correspond plutôt à un village ou un quartier dans une ville, après la Révolution, nombre de paroisses deviendront des communes.

     

     

     

    Les confréries jouent également un rôle important dans les manifestations populaires de la croyance. En effet, il ne faut guère omettre ces associations de dévotion et de bienfaisance dont sont affiliés de nombreux paroissiens. Elles sont facultatives.

     

    Quel est le but d’une confrérie ? C’est une association de laïcs qui s’engagent à remplir des rites religieux sous l’invocation de saints patrons qui serviront d’intercesseurs à leur mort. Par conséquent, ils cherchent à garantir leur salut éternel. Installée dans une chapelle à l’intérieur d’une église, on la dote de statuts qui ont été approuvés par l’évêque. Parmi elles, certaines outre leurs rôles religieux et funéraires, servent de cadre à des institutions charitables ou professionnelles. 

     

     François Bluche cite une localité dont on dénombre 112 feux en 1789 et qui détient trois confréries actives, la confrérie du Saint-Sacrement, celle de la Vierge et celle des trépassés.1 Dans les provinces du Midi, les confréries de Pénitents se répandent des villes vers les campagnes.2

     

    Les confréries les plus communes sont celles du Saint-Sacrement et du Rosaire. Le même auteur écrit qu’elles augmentent en nombre dans tous les diocèses durant le XVIIème et le début du XVIIIème siècle. Leur objectif consiste à « favoriser parmi leurs membres la dévotion à l’eucharistie, notamment par la pratique de l’exposition et du salut du saint sacrement. Et de rajouter que les points communs de toutes les confréries résident dans le fait d’être des « sociétés de secours mutuel » » (spirituel et matériel) et d’assurer aux membres une « bonne mort » c’est-à-dire s’assurer que les confrères veillent à ce que le défunt ait des services funèbres, qu’ils prient pour le repos de son âme. En ce qui concerne le Béarn, la quasi-totalité des confréries nait à la suite du concile de Trente puisque celles qui existaient au Moyen Age à caractère corporatif étaient inexistantes au XVIIIème si on exclut celle des tisserands palois, ceci à la suite de la réforme protestante implantée par Jeanne d’Albret. Lors de sa venue en Béarn, Louis XIII ne fut pas étranger non plus à un renouveau du catholicisme. Christian Desplat 3 cite le nombre de quarante-quatre, la plus importante dédiée au Saint-Sacrement pour 43,1% d’entre elles.

     

    Le même auteur précise qu’il y aurait entre les XVIIème et XVIIIème siècles environ une cinquantaine de confréries véhiculant le message de la Contre-Réforme. « Plus de la moitié étaient sous l’invocation du Saint-Sacrement, ensuite venait la dévotion mariale, Saint-Jacques-de-Compostelle, les Ames du Purgatoire, les Compagnies de Pénitents, les Congrégations de bourgeois et artisans, les Saints intercesseurs et enfin les Charités. » 4 La venue de Louis XIII en 1620 en Béarn contribue aussi à leur diffusion. La durée de vie de ces confréries n’est pas élevée pour celles qui sont nées dans la première moitié du XVIIème siècle du fait de la désaffection des notables et de leur refus de participer à « des manifestations publiques ».

     

    Le XVIIIème siècle est une période florissante, on peut citer par exemple la naissance de confréries à Labastide Céseracq en 1703 ou celle de Nay en 1779. Celles qui perdurèrent sont celles qui revêtaient un caractère populaire dans les campagnes.

     

     En comparaison du milieu rural, la distinction sociale est plus nette en milieu urbain. La ségrégation sociale était de mise, Christian Desplat mentionne qu’à Nay, la confrérie Saint-Jacques était composée d’officiers issus des notables « les plus imposés des artisans de la laine » et rejetait les domestiques. Si on prend un autre exemple, celui de la confrérie des Pénitents Bleus, au moment de sa fondation et l’autorisation accordée par l’évêque Sr de Vigneau par l’ordonnance de février 1635 et par le Parlement de Navarre, on y trouve « huit dévots… recommandables par leur piété » (sous l’invocation de Saint Hiérôme ou Jérôme) c’est-à-dire des jurats, des bourgeois, des avocats au Parlement, tous habitant Pau. Ils acquièrent un terrain pour une valeur de douze cents livres tournois en 1639 dans le faubourg de Pau et édifient une chapelle dont les travaux dureront de 1639 à 1642. Ils sollicitent une participation du Corps de Ville de Pau, soit dix ou douze pieds d’arbres en argumentant sur le bien-fondé de leur action puisque le lieu de culte servirait à la fois aux croyants du quartier et offrirait un ornement pour la vue. On ne leur octroya que 6. Pour donner une idée de l’importance de cette chapelle, il faut s’imaginer un bâtiment de 26,30 m de long sur 15,60 m de large, l’ensemble couvrant environ 500 m2. L’intérieur est divisé en une nef centrale et de deux bas-côtés sur lesquels se dressent deux tribunes, à l’extrémité de l’un des collatéraux une cheminée trône sur un mur d’une petite chambre alors que sur l’autre une petite chambre n’en détient pas. Une chambre sert d’accueil aux prédicateurs qui sont sollicités par les pénitents. Un clocher et une sacristie réunis en un corps campent derrière le chœur qui peut être visible aussi par une tribune élevée au-dessus de la sacristie. Les murs sont faits de pierres de taille et de cailloux, les ardoises couvrent le toit. Dans la chapelle, la présence de sépultures nécessite le nivellement régulier du sol. La rue dans laquelle est édifiée ladite chapelle porta plusieurs noms, d’abord rue Saint-Jérôme pour finir avant la Révolution par la rue des Pénitents. Pour la tenue l’article 2 des statuts de 1603 nous en donne une description détaillée. « L’habit ou sac sera de couleur bleuë approchant du violet, pour mieux représenter le deuïl de la pénitence, ainsi que les Prélats et Princes sont ordinairement les jours des Advents et Carême. L’étoffe sera de treillis, la ceinture de la même couleur avec un dizain blanc qu’ils porteront sans aucun excez, ni superfluité, et les habits seront faits par un coûturier exprez sans aucun ply, tous d’une façon et sur l’épaule gauche chacun portera une petite image de S. Jerôme ». Le droit d’entrée, énoncé dans l’article 14, s’élève à deux écus que l’on verse au Trésorier plus un écu le Jeudi Saint de chaque année. Cette contribution sert à la fois à gérer les frais de la Compagnie, à célébrer le « service ordinaire » de l’autel et les messes pour les membres défunts. L’article 17 prescrit la présence des membres de la Confrérie à trois heures du matin des trois premiers vendredi du mois afin d’effectuer les dévotions (comme les Matines) avec un cierge à la main. Puis ils se rassembleront à nouveau l’après-midi « pour dire leurs Vêpres de la Croix, à voix pleine…». Ce rituel se pratique à huis clos excepté les Vendredis de Carême « qui est le temps destiné à la Pénitence ». L’article 18 fait référence au jeudi saint, les confrères sont tenus, pieds nus, munis de torches, de parcourir, vers six heures du soir, les différents « saints monuments de la ville par les quatre paroisses et Couvents de la Ville… en chantant choses de la Passion». Autre procession réglementée le « Dimanche à la Procession dans l’octave de la Fête-Dieu à sept heures du matin portant le S. Sacrement » toujours pieds nus et chantant des psaumes. Le règlement stipule dans l’article 16 que si un membre se comporte mal, il sera admonesté une fois - le menacer d’une amende -, s’il récidive encore il devra s’en amender selon « la discrétion des Supérieurs », par contre à la troisième fois, il sera exclu de la Confrérie.5   

     

     Les membres, globalement, sont peu nombreux. Christian Desplat écrit qu’à Pau « au milieu du XVIIIe siècle le nombre des confrères représentait à peine 10 % des Palois inscrits sur les rôles de la capitation. » De plus, il précise que les confréries se sont féminisées « largement jusqu’à la Révolution française et cela en dépit de leurs statuts, généralement hostiles à la présence de « confréresses ».

     Géographiquement, l’auteur les situe majoritairement aux environs de Pau, dans la vallée inférieure du gave de Pau, par contre, il constate qu’elles sont moins nombreuses dans le Piémont des Pyrénées, en Vic-Bilh et à l’Ouest du fait de la « survivance » du protestantisme. Ces confréries, datant pour la plupart d’entre de la fin du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, sont le résultat le plus souvent de la volonté du clergé. Elles incarnaient à ses yeux une affirmation envers les doctrines protestantes et leur interdiction de toutes processions (interdiction d’images pieuses, de reliques…).

     

    Autre constat, la féminisation des membres, par exemple en prenant le cas de la confrérie des Pénitents bleus de Pau, Christian Desplat dénombre un pourcentage de 8 % en 1754 tandis qu’entre 1779 et 1789 elles représentent 63,6 %. Il faut rajouter que si l’idée d’accepter des femmes dans la Confrérie est approuvée par l’ordonnance du pape Urbain VIII le 5 septembre 1641, il faut attendre le 14 mai 1733 pour que le Corps de ladite Confrérie dresse les règlements à cet effet. Il est alors prévu une tenue adéquate, c’est-à-dire de « deux aulnes de taffetas bleu, elles le porteront sur la tête en forme d’écharpe avec une petite plissure sur le derrière et les bouts pendants des deux côtés », on remarque que leur tenue est incomplète puisque, par exemple, elles ne portent point de cagoule. Il leur est assigné, dans la chapelle, une « tribune particulière où elles se tiendront avec la modestie convenable », elles sont dirigées par des hommes - exclusion d’autonomie propre -, elles sont exemptées de marcher pieds nus lors des processions et sont tenues de ne guère chanter avec les membres masculins. Pour finir, il faut attendre 1746 pour que l’acte officiel soit appliqué et, autre point, et pas des moindres, le droit de réception s’élève à trente livres plus deux cierges d’un poids d’une demie livre à quoi il faut ajouter une cotisation annuelle de quatre livres  ce qui montre bien le caractère quelque peu élitiste de l’admission.6

     

    Christian Desplat explique cette évolution par un « reflux de la piété des élites sociales ». Il note toutefois que le pouvoir décisionnel reste entre les mains des hommes. Il continue de préciser que les femmes sont plus nombreuses dans les confréries de type marial dans lesquelles le caractère social est important.

     

    Pour assurer leur mission, les confréries possédaient une chapelle dans les églises, par contre elles ne détenaient guère de propriétés foncières, vivant alors des contributions des adhérents, des dons.7

     

    Sous la Révolution, les confréries sont supprimées, leurs biens confisqués et vendus.

     

     Afin d’illustrer cette analyse, citons en exemple celle de Mirepeix nommée « Notre-Dame des Agonisants et du très Saint Sacrement » dans le but de préparer les malades à entrer au Paradis. A la fin de l’Ancien Régime, les adhésions augmentent. Périodiquement, on procède à des processions et à des pèlerinages, notamment le 1ermars, le jour de la Saint-Aubin, ancien évêque d’Angers, que l’on invoque pour guérir les enfants. Autre période de ferveur collective, l’été, exactement au mois de juillet, les Mirepeixois vont se recueillir au sanctuaire de Notre-Dame de Pietat, faire des dons. Les mêmes convient les marguilliers à préparer plusieurs événements festifs comme les feux de la Saint-Jean.

     

    Pour que ces processions puissent avoir lieu, les communautés se doivent de payer les déplacements des magistrats pour affaires communales. Par exemple, le garde de Gélos, le 20 mai 1694, mentionne sur le registre les sommes versées aux jurats, gardes, régent, chantre et sonneur de cloches afin de les dédommager lors de la procession de L’Ascension s’effectuant en direction du bois de la même localité. Toujours, en 1694, les mêmes sommes sont reversées pour la procession de la Fête-Dieu.8

     

     

     

                                       

     

     

     

    Références:

     

     

     

    1- Bluche François, La vie quotidienne  au temps de Louis XVI, Hachette littéraire, 1980, p 178.

     

    2- Lebrun François, Histoire de la vie privé, de la Renaissance aux Lumières, Editions Seuil, 1986,   tome  3, p. 90.

     

    3- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe, thèse doctorat Pau, collection « Terres et Hommes du Sud », tome 2, 1992, p.1161.

     

    4- Desplat Christian, La Principauté de Béarn, Société Nouvelle d’Editions Régionales et de Diffusion,  Pau, 1980, p.339.

     

    5- Laborde J.B. abbé, la Compagnie de Messieurs les Pénitents Bleus de la ville de Pau (1635- 1799), Bull.SSLA, 2e série tome 40, 1912-1913, p. 8 à 10, 14, 16, 27-28.

     

        Voir aussi: article intitulé « Chapelle des pénitents bleus » de Cécile Devos tiré de l’ « Atlas historique des villes de France », p.128.

     

    6-  A. C. de Pau, GG 207-GG 209      

     

    7- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe, op.cit., p. 1161 à 1173.

     

    8- Loubergé J., Quelques aspects de la vie à Gélos dans les siècles passés, Revue de Pau et du   Béarn, n°15, 1988, p.69.

     

     

     

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     PAROISSE, PREAMBULE

     

     

         La paroisse est la cellule de base de la vie religieuse, de la communauté des fidèles, ceci depuis le concile du Latran (1215).

    On en décompte approximativement 35 000 à 40 000 en France au XVIIIe siècle. Elle correspond à la subdivision d’un évêché et donc à l’élément de base de l’organisation de l’Eglise. Si tout individu est capable de nommer la paroisse dans laquelle il habite, ce n’est pas toujours le cas en ce qui concerne les autres circonscriptions comme le baillage, la sénéchaussée.

    Cette sensation d’appartenir à la même communauté entraîne malheureusement parfois un sentiment d’exclusion vis-à-vis de ceux que l’on considère comme des étrangers, le horsain.

     

    En 1789, Jean Bonvallet-Desbrosses 1 mentionne que le clergé béarnais, tant séculier que régulier, comprend quatorze cents individus. Il dresse le tableau ci-dessous :

    - Evêques, dignitaires de chapitres, chanoines, prieurs, curés, vicaires… : 800 membres

    - Religieux réguliers : 360 membres

    - Religieuses régulières : 240 membres

     

    Les curés, proprement dits, s’élèvent à trois-cent-quatre-vingt-seize.

     

       La carte de l’organisation de l’Eglise dans le Béarn ne correspond pas exactement avec les frontières politico-administratives de la province. L’Intendant Pinon 2 précise en 1698  que la majorité des paroisses qui dépendent du diocèse de Lescar s’élèvent à 178 tandis que celles relevant de celui d’Oloron sont de 209. Mais il ajoute que ce dernier « s’étend dans toute la Soule, qui est composé de 64 paroisses ». Pour compliquer le tout, certaines paroisses béarnaises relèvent alors à des diocèses tels ceux de Dax et de Tarbes. En ce qui concerne celui de Dax, quinze paroisses des environs d’Orthez en dépendent, quant au diocèse de Tarbes ce sont vingt et une paroisses du Vic-Bilh et des alentours de Pontacq. Mais selon Christian Desplat  cela n’a guère de conséquences sur la vie religieuse des fidèles, de plus, « les quatre évêchés tutélaires, tous bien minces, restèrent suffragants de l’archevêché  d’Auch. » 3

    Selon l’Intendant Pinon le chapitre d’Oloron, au début du XVIIIe siècle, est constitué de seize chanoines (prêtres membres d’un conseil de l’évêque qui célèbrent l’office), d’un archidiacre (administrateur du temporel de l’évêché) désignés par l’évêque et l’assemblée des chanoines et de huit prébendiers. L’évêque d’Oloron, qui réside à Sainte-Marie,  perçoit des revenus relativement peu importants, en 1786 ils s’élèvent à 13 000 livres. A ce montant, il faut ajouter ceux qui sont issus des seigneuries dont ils sont possesseurs et de la dîme. Le poste lui doit l’entrée aux Etats de Béarn.

    L’Intendant Pinon écrit au début du XVIIIe siècle que le revenu du chapitre monte à 10 000 livres. 1 L’Intendant Lebret, plus tard, mentionne 12 000 livres.

     

    Quant au chapitre de Lescar, le même Intendant Pinon nous apprend qu’il était composé de seize chanoines et de huit prébendiers (ecclésiastique qui prend rang au chœur après les chanoines) et évalue ses revenus à 13 à 14 000 livres. L’Intendant Lebret, plus tard, mentionne 24 000 livres, en rajoutant qu’il était endetté. Il précise aussi qu’il y avait en plus quatre musiciens et trois enfants de chœur. 4 En 1789, ce budget s’élève à 71 880 livres (les dépenses : 88 508 livres). .

    L’évêque est détenteur de plusieurs seigneuries (Bénéjacq, Bordères, Bourdettes…), dix en tout, et plusieurs dîmes, trente-neuf. En comparaison, le budget de l’évêché en 1762 est de 44 891 livres (dépenses : 28 345 livres) alors qu’en 1788 il monte à 46 119 livres (dépenses : 35 785 livres). 5

     

    Si le plus souvent paroisse et communauté coïncident, il arrive qu’une paroisse corresponde à plusieurs communautés, ou, à l’opposé, qu’une seule communauté soit divisée entre plusieurs paroisses. C’est le cas par exemple des communes de  Lacommande et d’Aubertin qui durant plusieurs siècles ont délégué leur vie religieuse dans une unique paroisse, ce qui a  d’ailleurs suscité la saisine d’une requête auprès de la Cour de la part des marguilliers au sujet des frais engagés par eux à l’église et au presbytère en 1783, notamment la refonte de 2 cloches fêlées. Nous sommes le 13 décembre, exactement lors de la séance de la communauté de Lacommande, lorsque le conseil prend acte de cette dite saisine. Déjà en procès avec cette communauté, celle d’Aubertin est déléguée par un syndic. Un des membres du conseil est étonné d’apprendre que le budget de la fabrique peut être consacré à cet usage. Il blâme les Aubertins  d’avoir engagé des dépenses, ils n’ont qu’en assumer les conséquences. Les Lacommandais se sont acquittés de leur quotité. Il est suivi dans son raisonnement par les autres membres de l’assemblée qui optent pour la désignation d’un syndic afin de suivre le procès. Il faudra que l’évêque, lors de sa visite, tranche l’affaire, il décide que l’on refonde les cloches. Les deux communautés s’inclinent et, lors de la délibération datée du 5 avril 1788, elles décrètent que chacune d’entre elles subventionne, pour 7/8 pour Aubertin et 1/8 pour Lacommande. Mais en réalité, l’affaire ne s’arrête pas là comme le démontre Jean-Claude Lassègues 6

     

    Cette attitude procédurière se retrouve également dans les relations entretenues par les conseils de fabrique et les conseils municipaux.

     

         L’édit d’avril 1695 permet aux évêques de créer de nouvelles paroisses.

    Selon le juriste Jousse (conseiller au Présidial d’Orléans) « la marque principale qui caractérise les Paroisses & qui les différencie des autres Eglises, est lorsqu’il y a des Fonts Baptismaux & un Curé qui exerce toutes les fonctions curiales. » 7

    La présence d’un curé est « la marque distinctive d’une paroisse. Il pouvait être soit une personne physique, soit une personne morale, comme un chapitre collégial, appelée alors curé primitif. » 8

    Elle possède ses institutions, son lieu de culte l’église (dont la cloche rythme le temps), son guide religieux le curé qui depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 et le concile de Trente de 1563 doit tenir le registre des baptêmes - pour contrôler la majorité ou la minorité (article 51), des mariages - afin de surveiller la vacance des bénéfices - et des sépultures. Les curés sont obligés de déposer ces registres au greffe du bailli ou du sénéchal royal. Un des canons du Concile de Trente ajoute qu’il faut y adjoindre les noms des parrains et des marraines. L’ordonnance de Blois de 1579 lui succède, imposant que les registres soient déposés au greffe du tribunal royal. De même, le For d’Henri II d’Albret de 1552, institue que les curés tiennent les registres de baptêmes, mariages et décès.

     

    Dans deux délibérations de Nay, datées de 1718 et 1734, on note qu’ils doivent être déposés à l’Hôtel de Ville. Quelques années plus tard, en 1773, une autre délibération fait mention d’un arrêt du Parlement de Navarre rappelant que les Corps de Ville de tous les chefs-lieux sont dans l’obligation de remettre « au greffe du bailliage sénéchaussée ou siège royal les registres des baptêmes mariages et sépultures déposés dans leurs archives et ce dans huitaine. » 9

     

    Comme le rappelle François Bluche, un Français lorsqu’il s’agit de localiser son lieu de résidence fait référence à la rue et à la paroisse. S’il a besoin d’un certificat de baptême, il va l’obtenir dans sa paroisse. Même pour l’acquisition d’un poste dans la fonction publique, il lui est nécessaire de se procurer une attestation de communion pascale et, même celui qui cherche à acquérir un office a besoin à la fois du curé pour qu’il lui donne un certificat de catholicité et de deux notables de la paroisse pour une attestation prouvant ses bonnes mœurs. 10  

     

    Ségolène de Dainville-Barbiche mentionne que l’on appelle, en matière financière, « paroisse » ou « collecte » la « circonscription de base pour la répartition et la collecte de la taille » depuis le XIVe siècle. Elle rajoute que la « paroisse fiscale ne recouvrait pas forcément la paroisse ecclésiastique ».8

    Sous la Révolution, exactement en 1792-1793 - la paroisse en tant que circonscription ecclésiastique et administrative - va laisser la place à la commune. Dans son souci de réorganiser le royaume - Etat, administration -  l’Assemblée nationale constituante subordonne l’Eglise.

    Déjà lors de l’adoption du décret sur la Constitution civile du clergé du 12 juillet 1790 promulguée le 24 août il est prescrit dans l’article 15 : « Dans toutes les villes et bourgs qui ne comprendront pas plus de six mille âmes, il n'y aura qu'une seule paroisse ; les autres paroisses seront supprimées et réunies à l’église principale. »

     

    Le nombre des évêchés passe de 134 à 83. Michel Vovelle rappelle que la « carte religieuse se modèle sur la carte administrative : les anciens diocèses sont supprimés, et l’on prévoit un évêque par département ». 11 Ce dernier est alors élu par une assemblée d’électeurs  départementaux au suffrage direct. Le curé est nommé par une assemblée d’électeurs du district au suffrage censitaire (par les citoyens riches). Vu que le patrimoine de l’Eglise est vendu comme bien national depuis les 2 à 4 novembre 1789 et que les redevances ecclésiastiques sont abrogées,  il est prévu que les ecclésiastiques reçoivent un traitement de l’Etat. Celui des évêques s’élève de 12 à 50 000 livres.

    En échange, ils doivent prêter serment à la Constitution comme tous les fonctionnaires publics. Ceux qui refuseront, comme le pape qui la condamne (de même qu'il rejette la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen), seront dénommés les prêtres « réfractaires ». De plus, certaines tâches dévolues aux prêtres leur sont enlevées telles l’éducation et l’assistance.

     

    Sous l’Ancien Régime, les paroisses étaient très diverses ce qui explique que la Révolution va chercher à les uniformiser, et, pour y parvenir va les circonscrire. Le décret du 28 octobre 1790 décide que ceux qui gèrent les biens des fabriques « seront tenus de rendre compte tous les ans en présence du conseil général de la commune, ou de ceux de ses membres qu’il voudra déléguer. » Deux ans plus tard, le 19 août 1792, la loi confirme  que « les revenus des fabriques seront régis et administrés par les officiers municipaux des lieux ». En 1795, une autre loi qui assure la liberté des cultes supprime le budget des paroisses. Démontrant que la séparation  existe entre les paroisses et les communes elle assure que ces dernières ne peuvent pas financer les dépenses des premières.

     

    Ce remplacement de la paroisse par la commune sera abrogé quelques années plus tard par le Consul Bonaparte et le pape Pie VII lors du Concordat de 1801.

    L’article  LX : « Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de paix. Il sera, en outre, établi autant de succursales que le besoin pourra l’exiger. » 12  

     

    Dans la paroisse, plusieurs autorités cohabitent, le seigneur, l’abbé laïque, le curé, le Corps municipal. Chacune d’entre elles cherche à faire prévaloir leurs droits. 

    Par exemple, à Pontacq, en 1773, l’abbé laïque mécontent que l’on n’ait pas respecté ses privilèges, la préséance saisit la justice : « La cour de Pau, par acte du 4 août 1773, considérant que Messire Pierre Daniel de Boyrie , Seigneur et Abbé lay de Nousty, Conseiller au Parlement de Navarre, s’est plaint de ce que Jacques Lestorte-Daban et Marie Despiaud, son épouse, ont fait brûler à diverses reprises et fait des honneurs sur la tombe de Despiaud, leur beau-père, à l’instigation de parents étrangers, ignorant que de tels honneurs appartiennent seuls à la Maison et famille du Seigneur, leur défend pareils actes ; les constituants reconnaissant leur tort et le droit du Seigneur, s’en excusent implorent grâce, promettant de ne plus recommencer. »  Ce dit seigneur leur pardonne  mais… se réservant une nouvelle action en cas de récidive et se désistant de l’action déjà intentée… ». 13  

     

     

    Références :  

     

    1- Bonvallet-Desbrosses Jean, Richesses et ressources de la France, Impr. J Jacquez, Lille, 1789.

    2-  Intendant Pinon, Mémoires concernant le Béarn,  BULL.SSLA., 1905, tome 33, 2e  série, p.49.

    3- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, tome 1,J & D Editions ,  p . 604.

    4- Intendant Lebret, Mémoires sur le Béarn,  BULL.SSLA., 1905, tome 33, 2e  série, p.73.

    5- A.D.P.A., L. 529.

    6- Lassègues Jean-Claude, Lacommande, de l’Hôpital à la commanderie et au village, Centre généalogique des Pyrénées-Atlantiques, 2012, p.114.

    7-Jousse Daniel , Traité du gouvernement spirituel et temporel des paroisses, chez  Debure Père, Saint Paul, 1769, p. 17.

    8- Ségolène de Dainville-Barbiche, article : paroisse, Dictionnaire de l’Ancien Régime, (dir : Lucien Bely, Editions Puf, 2002.

    9- A.D.P.A., Nay  BB 17, f°20 r°.

    10- Bluche François,  La vie quotidienne  au temps de Louis XVI, Hachette littéraire, 1980, p. 177.

    11- Vovelle Michel, Nouvelle histoire de la France  contemporaine, La chute de la monarchie, Editions Seuil, tome 1,  1999.

    12- Titre IV, section première, ARTICLES ORGANIQUES DE LA CONVENTION DU 26 MESSIDOR AN 9.

    13- A.D.P.A., III  E 5389. 

     

     

     

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  • LE PAYSAGE RURAL BEARNAIS

     

     

    Ce qui marque avant tout le monde agricole est son hétérogénéité.

     

    Comment se présentait le paysage béarnais au XVIIIe siècle ?  D’abord, précisons que la province couvre à l’époque 4 186 km2.

     

      Nous avons deux descriptions dressées par deux Intendants successifs qui nous ont laissé deux « Mémoires » lors du règne de Louis XIV. Le roi et le duc de Beauvilliers cherchent à partir de 1697 à dresser un tableau de la France afin de servir à ses successeurs dans leur gouvernement du royaume. En conséquence les Intendants établissent par le biais des « Mémoires sur l’état des Provinces » une description des provinces et des généralités qu’ils administraient. Ces Mémoires doivent également servir à instruire le successeur du roi, le duc de Bourgogne, afin qu’il puisse administrer le pays par la suite. Nous possédons grâce à eux un exposé géographique, économique, juridique... détaillé des territoires de leurs ressorts. Ces documents furent connus du public, notamment en 1727 par leur publication par le duc de Boulainvilliers en trois volumes.

     

    En Béarn, il s’agit des Intendants Pinon et Lebret. Le premier a écrit son « Mémoire » en 1698 et le second en 1703. 1

     

    L’Intendant Pinon commence l’analyse de la géographie du Béarn en se référant aux gaves qu’il appelle « Gave béarnois » (il s’agit du gave de Pau) et le « Gave d’Oloron »  constitué de ceux d’Ossau et d’Aspe. Pour chacun d’entre eux, il énumère les sources et les lieux de passage. Faisant le lien avec le domaine économique, il note que ces « rivières ne portent point de bateaux dans le païs à cause de leur rapidité », par contre, il constate qu’ils sont très poissonneux. 2 L’Intendant Lebret ne mentionne que l’étendue du Béarn et sa situation, il écrit que la province revêt une forme triangulaire de « seize lieues de Gascogne en sa plus grande longueur et douze lieues de largeur ».3

     

        Comme le remarque Christian Desplat , les deux Intendants ne dressent pas  une étude approfondie des montagnes si ce n’est M. Lebret lorsqu’il s’agit d’aborder les forêts. De plus, le même auteur souligne qu’ils n’ont guère insisté sur les coteaux et les hautes plaines béarnaises. Pour lui, « ils ont excessivement privilégié le rôle des « ribeyres » (les terrasses alluviales) dans la vie économique et sociale de la province ». 4

     

    Pourtant, il est vrai que pour le Béarnais du XVIIIe siècle comme celui d’aujourd’hui, les montagnes représentent un élément important. Nos trois grandes vallées montagnardes que sont celles d’Aspe, d’Ossau et de Barétous ne représentaient pas de véritables barrières puisqu’elles correspondaient à un axe Nord-Sud par rapport à l’axe dominant des montagnes Ouest-Est. Si elles pouvaient devenir un danger d’invasion pour des conquérants, elles recelaient aussi un avantage, celui des échanges qu’elles ont sus très bien développer. A l’époque, les densités humaines y sont très importantes.

     

    Les gaves dont nous avons fait allusion traversent des coteaux, eux-mêmes coupés par des vallées de moindre importance que nos vallées montagnardes, on peut mentionner celles de l’Entre-Deux-Gaves, le Vic-Bilh.

     

       Rappelons avant tout que la vision des champs que nous avons actuellement ne correspond guère à celle qu’elle offrait au XVIIIe siècle. Les parcelles à l’époque sont de dimensions plus petites qu’aujourd’hui, si elles nous apparaissent avec des formes bien régulières, ce n’est pas le cas dans le passé. En Béarn, dans les vallées des Gaves et les vallées montagnardes, elles couvrent généralement une quinzaine d’hectares, voire seulement dix. Elles sont plus importantes dans les zones de collines.

     

    Quant au sol, selon le type de labour pratiqué, il peut apparaître plus ou moins inégal. Si l’on utilise la culture sur billons surtout sur des terres argileuses lourdes, le sol ne montre pas la même apparence que si l’on pratique le labour en planches, on cultive avec une charrue non réversible. Le contemporain de l’époque pouvait s’émerveiller des nombreuses couleurs qu’il voyait en apercevant les champs. Sur une parcelle donnée, plusieurs variétés de plantes coexistaient, d’où des contrastes de tous types, la hauteur, la couleur. Si le paysan actuel emploie fréquemment des herbicides, au XVIIIe siècle les plantes sauvages comme les herbes et les fleurs étaient davantage présentes, par exemple le coquelicot.

     

    Quant aux bois et forêts, ils offrent de nombreuses variétés qui s’expliquent par le climat océanique qui domine (forte pluviosité dans les zones de plaines notamment), la diversité des terrains (par exemple des terres lourdes ou couvertes d’humus) et des types de reliefs comme la plaine ou la montagne.

     

     On y trouve comme essences des chênes (pédonculés ou tauzins), des hêtres et des châtaigniers, dans les zones du piémont et sur les coteaux, sur les versants montagneux les mêmes essences jusqu’à près de 1 000 mètres d’altitude, au-delà des sapins. Le constat de l’Intendant Lebret dans son rapport de 1701 et le recensement général des forêts de 1785 déplorent l’état de dégradation de la forêt béarnaise dans son ensemble. Plusieurs causes expliquent cet état de fait. La croissance démographique, les défrichements, l’exploitation par la marine royale soucieuse de doter ses navires de mâts, des pratiques exercées par les Béarnais comme le soutrage (se procurer les feuilles mortes, le bois mort dans les forêts), le pacage (droit de faire paître le bétail dans les forêts), les forges sont également en prendre en compte (il en existe 9 en 1771).

     

    D’après ledit recensement de 1785, il ressort que les bois communaux sont moins étendus en plaine que dans les zones montagneuses. Dans ces dernières, ils sont implantés sur les versants pentus et bien exposés. L’essence prédominante est le chêne. 

     

    L’avocat Charles de Picamith, dans son volume 2 de sa « Statistique générale des Basses-Pyrénées »  datant de 1858, mentionne que par rapport à la superficie du département qui s’étend alors à 762 265 ha l’étendue de la forêt n’est que de 145 700 ha approximativement, qu’elle a baissée. Si on écarte les bois appartenant à l’Etat, aux communes et à quelques particuliers, il ne reste que « des bouquets d’arbres éparts sur des landes incultes ou à l’état de pâture et trop clairsemés pour mériter la dénomination sous laquelle ils se trouvent inscrits aux matrices cadastrales. »

     

     Les deux vallées correspondant aux Gaves d’Oloron et de Pau atteignent des longueurs avoisinant les 60 à 80 kilomètres. Ces deux « arribères » sont orientées toutes les deux selon un axe Sud-Est/Nord-Ouest. Les orages et fontes des neiges les grossissent et provoquent des crues dévastant parfois les terrasses alluviales.  

     

    Christian Desplat en décrivant les ribeyres (terrasses alluviales)  nous dépeint un paysage agraire composé « d’un habitat fortement concentré,... une grande diversité de cultures très imbriquées. Les rivières des gaves de Pau et d’Oloron offrent des paysages comparables. Un habitat groupé s’est installé sur la moyenne terrasse... ». Plus précisément, l’habitat groupé était un plus relâché sur la rive gauche du gave de Pau.

     

    Entre les localités d’Orthez et de Pau, les terrasses alluviales sont plus étroites expliquant des superficies agricoles restreintes et des habitats moins groupés. Près de Pau, la lande a néanmoins dominé durant longtemps, ce qui permettait aux paysans de pratiquer le pacage et le soutrage. L’habitat était plus dispersé, les exploitations agricoles se greffant davantage aux champs.  

     

    Au bord du gave, « le lit majeur... comportait une « saligue », véritable forêt galerie aux multiples ressources » notamment pour les plus pauvres « qui lâchaient des troupeaux de chèvres dévastateurs ».  Cedit lit majeur est pavé de galets où poussent  des saules, des aulnes , des noisetiers… mais également des chênes et des peupliers par l’entremise des hommes.

     

    En ce qui concerne la ribeyre d’Oloron le « cloisonnement est un peu moins prononcé », la cause en revient aux « enclosures du XVIIIe siècle et surtout du XIXe siècle » 5

     

     Il nous rappelle qu’à l’époque les crues des gaves étaient dévastatrices, comme cela a été mentionné plus haut. A l’origine, ces terrasses ne sont pas globalement fertiles vu que le sol argileux qui repose sur des galets souffre d’une insuffisance de chaux et de phosphates. L’homme, par son travail, réussit à drainer, à fertiliser, ce qui explique l’habitat groupé propre à l’organisation collective.

     

    Il rajoute que dans les ribeyres la céréaliculture était associée à l’élevage. Les Béarnais ont cherché à introduire la viticulture au début du XVIIIe siècle, mais n’ont pu produire qu’un vin de moindre qualité. Le même auteur mentionne que les ribeyres ont connu « une prolifération nouvelle d’enclos » mais « les rotations, la vaine pâture restèrent toutefois longtemps encore les traits dominants de leur économie agraires ». 5

     

     Si l’on se penche plus profondément sur la plaine de Nay située globalement à la confluence des cours d’eau l’Ouzon et l’Ousse. Enserré par deux lignes de coteaux, le Gave de Pau dans lequel l’Ouzon se jette sert également de limite occidentale et est encadré par la saligue. La plaine s’allonge sur une distance d’ une vingtaine de kilomètres.  Le Gave a imposé aux hommes sa loi lors des crues parfois si dévastatrices qu’elles détruisaient les habitations et les cultures obligeant la population à s’unir. La solidarité villageoise, le travail fait en commun afin de faire front aux caprices du cours d’eau expliquent, comme cela a été écrit plus haut, l’habitat groupé. Des règles furent prises, par exemple, pour forcer les habitants à ne pas édifier des bâtiments et à planter des arbres dans des zones bien délimitées. Bénéficiant de coteaux boisés aux alentours, la communauté se servait des terres lui appartenant pour l’usage du pacage des animaux et du soutrage. Ce dernier consistant dans ce cas à permettre chaque année la récolte de la fougère qui servait de litière, procurant ainsi de la fumure. La plaine de Nay a toujours été considérée comme une zone agricole riche, notamment dans la culture céréalière, surtout en blé et en maïs. L’élevage n’était pas négligé (chevaux, bovins).

     

       Les rivières, au XVIIIe siècle, jouent un rôle de plus en plus important économiquement et même politiquement puisque les villes qui s’y rattachent dominent celles des coteaux. Il cite l’exemple de Morlaàs qui a « dû céder la place ». Même les routes royales ont abandonné les crêtes pour suivre les cours d’eau.

     

    Le plateau de Ger est composé de « villages groupés », celui de Morlaàs, au contraire se distingue par des « villages dispersés, de fortes exploitations... et une présence nobiliaire importante... ».

     

    Le Pont-long, « immense glacis alluvial », est un relais « de la grande transhumance », où les touyas, véritable fumier, permettaient aux cultivateurs de se passer de la jachère.

     

          Le Nord et l’Ouest du Béarn sont constitués d’habitat dispersé avec une association polyculture et élevage. »

     

    Le Vic-Bilh – vieille circonscription -  présente un habitat dispersé où la viticulture et l’élevage étaient associés.

     

    Son paysage est formé de vallées et de collines. Les versants est sont plutôt secs et sont plantés de bois alors que ceux de l’ouest sont davantage propices à la culture.

     

    Les fermes ont des toits pentus, les façades sont plutôt orientées vers l’Est afin d’éviter les inconvénients dus à la pluie et au vent en provenance de l’Ouest. La tuile prédomine.

     

    Quelques communes ne comptaient pratiquement que des fermes isolées enserrant un petit centre : Claracq, Sévignacq, Ribarrouy. 

     

    Ce que l’on appelle le pays des Luys et du Gabas, qui s’étend du Vic-Bihl au Nord-Ouest du Béarn, est aussi composé de collines avec des bois de chênes et de châtaigniers et de vallées constituées de landes et de bois. Les localités sont édifiées sur les hauteurs.

     

    Aux environs de Morlaàs, nous sommes en présence d’une « haute plaine » dans laquelle les villages sont « de taille médiocre ». « De fortes exploitations ponctuent un parcellaire coupé de très nombreuses haies. » 6

     

    « Du Nord-est d’Oloron au Nord de Sauveterre-de-Béarn »  les coteaux sont le « pays au bois ».  Les vallées sont « encaissées, trop étroites... ». 7 Les « villages sont constitués d’exploitations isolées ».

     

          « Autour de Bougarber et d’Arthez-de-Béarn, tous les villages sont de petite taille et l’habitat dispersé l’emporte au sein d’un bocage inégal. A une céréaliculture longtemps médiocre ces petits « pays » associèrent toujours un élevage vigoureux de porcs qui furent vendus à Arthez (« lou bitous d’Arthez »). Salés à Orthez, ils étaient enfin négociés à Bayonne ». 7

     

    Toujours d’après le même auteur, la mise en valeur de la province se serait opérée « par épisodes successifs, sans toujours commencer par les meilleures terres. Dans tous les cas, il n’y eut aucune vague brutale de défrichements et la tradition attestait le lent passage d’une activité strictement pastorale à l’équilibre agro-pastoral qui prévalait encore au XVIIIe siècle. » 8

     

         Jean Caput , pour sa part, dans son étude sur les anciennes coutumes agraires dans la Vallée du Gave d’Oloron écrit que « les vieilles formes d’exploitation », c’est-à-dire l’assolement triennal et l’exploitation communautaire, caractérisent les « ribères » (ou « ribeyres »). Les communes sont quasiment autosuffisantes, elles détiennent des forêts importantes « sur les coteaux bordant de part et d’autre les vallées… échappant au monopole d’un particulier » même si ce dernier appartient à la noblesse vu que les paysans à l’époque détenaient des droits d’usage, et de citer la coupe, le ramassage du bois mort, la glandée et le pacage. 9

     

     Prenons un exemple, le cas de Bruges.

     

       La part de l’élevage dans ce village du piémont pyrénéen est importante, du fait des nombreux conflits constatés entre la cité et les communautés environnantes telles Asson et Igon. Même si Annie Suzanne Laurent observe que « dans chaque propriété agricole, les surfaces de prés dont le terroir de 1782 donne la superficie, paraissent bien réduites. Leur total ne donne que 319 arpents sur 2911 arpents de terre, soit à peine 11% ». Elle ajoute pour expliquer ce chiffre relativement bas : « Il faut déjà penser que les terres labourables peuvent servir de terrain de pâture entre les récoltes et l’ensemencement. En fait, l’été, l’essentiel du bétail des membres de la communauté étant dans les estives, les prés n’ont d’intérêt que pour faire des réserves de foin et nourrir des animaux, peu nombreux, restés près de la ferme en raison de leur utilité journalière : quelques bêtes de somme, éventuellement une vache pour le lait… Au demeurant subsistent partout les vastes espaces que sont les châtaigneraies, bois et fougeraies. »

     

    Ensuite, l’auteure se penche sur l’agriculture de subsistance. Les terres labourables concernent les 2/3 des terres. 10

     

     Autre exemple, celui de la vallée du Gave d’Oloron qui est couverte de champs « découpés en longues lanières, groupés par quartiers et soumis à deux contraintes : l’assolement  obligatoire et la vaine pâture ». Ce dit assolement était biennal et « la jachère inconnue ». Jean Caput  l’explique par l’utilisation importante du fumier. « On faisait alterner les grains menus (millet, avoine et orge) semés au printemps et les gros grains (froment et seigle) semés en automne. La vaine pâture s’avérait presque inexistante  « puisque la sole en jachère était utilisable seulement pendant quelques mois » puis lorsque la moisson avait été faite « les champs retombaient dans le domaine commun (devenaient vains)… » permettant au cheptel de la communauté de « pâturer sur les chaumes et dans les bois mêlés de landes », toutefois il fallait tenir compte du privilège du seigneur des « herbes mortes » (location vis-à-vis des « pasteurs transhumants ») tant décriées par les paysans comme on l’a vu dans les cahiers de doléances. La même auteure explique l’existence de ce système comme un résultat d’une « structure sociale particulière et une mentalité abolie ». Au niveau historique, les gens, constitués de petits propriétaires, « se partageaient une très mince bande de terre alluviale » et se regroupaient afin de ne pas « gaspiller des bonnes terres », écartant tout procédé de clôture comme les murettes et les haies. Tout le monde, même les paysans les moins fortunés, bénéficiait du « pacage commun ».

     

    Une division est opérée au niveau du terroir entre une « plaine supérieure » et une « plaine inférieure » correspondant aux surfaces cultivées « en amont ou en aval du village, ou bien des deux côtés du principal chemin rural, des croix précisant les limites ».

     

    Quand les récoltes sont achevées, on introduit le bétail sur la moitié des terres du fait de la rotation des cultures. Mais au XVIIIe siècle, comme nous le verrons ultérieurement, certains propriétaires veulent corriger tout le système que nous venons de voir, c’est-à-dire que « Certains laboureurs voulurent échapper à ce repos forcé et faire prédominer l’intérêt de l’agriculture intensive sur l’élevage extensif », une des raisons à ce phénomène est l’apparition d’un certain individualisme. 11

     

    Lorsque les clôtures sont dressées, de quels matériaux sont-elles composées ? Le même auteur nous détaille plusieurs types comme celle constituée de sep, de pieux ou de branches comme on pouvait l’observer à Sainte-Marie d’Oloron, de « muraille cimentée » dressée par les riches propriétaires de Barreau à Bugnein en 1754, de barrière afin de faciliter le passage du bétail, d’aubépines, de pieux (ou pau). 12

     

      Les paysages montagnards béarnais sont découpés par les trois vallées que sont celles de Barétous, d’Aspe et d’Ossau. Les monts sont auréolés de croyances surnaturelles, ils occasionnent de la crainte. Les Béarnais pensaient que le pic du Midi d’Ossau servait de résidence à des géants qui s’engouffraient dans ses entrailles par le biais d’un escalier, de même que le pic d’Anie aurait été un lieu habité par des sorcières.

     

    Du fait des contraintes climatiques, les vallées sont densément peuplées à l’opposé des montagnes. Aux villages qui parsèment le fond des vallées, les flancs des montagnes sont occupés par des champs, des prairies et des forêts qui se superposent. Leurs dispositions dépendent de leur localisation en rapport avec les versants correspondant à l’ombrée (ou ubac dans les Alpes, correspond à la partie à l’ombre) ou à la soulane (ou adret dans les Alpes, soit la partie ensoleillée).

     

    Les hommes ont dû édifier des murettes de pierre pour consolider les bandes de terre qui leur servaient de champs. 

     

    Les toits des fermes sont couverts d’ardoises produites localement.

     

        Si l’on se penche sur la vallée d’Ossau, celle des trois la plus importante sur le plan démographique, est partagée en deux zones. La première, d’une altitude moyenne de 500 mètres,  est plus évasée, ce qui explique que les Ossalois y ont établi plusieurs villages. Elle s’étend de Sévignac à Laruns approximativement. Les hommes y ont planté des grains, mais ont dû faire face à des crues.  La seconde se poursuit jusqu’à la frontière espagnole et s’élève en altitude. L’élevage lié à la transhumance a son importance vu que la production céréalière s’avère insuffisante. Les Ossalois retirent de la vente des animaux et des produits laitiers de quoi compenser ce manque à gagner. L’épizootie de 1774 qui décima grandement le cheptel bovin amena les Ossalois à privilégier les ovins.

     

    Quant à la vallée d’Aspe, elle s’étend du défilé d’Escot jusqu’au col du Somport sur une distance avoisinant une trentaine de kilomètres. Elle est plus encaissée que la précédente, sauf au niveau du bassin de Bedous. Si dans cette zone il était possible de récolter des grains vu son caractère plat, par contre dans tout le reste l’élevage prédominait. Le contrôle par les Aspois des pâturages était essentiel, ils appartenaient à la communauté, alors qu’au fond de la vallée la propriété était davantage individuelle. Comme dans la vallée d’Ossau, les pâturages à travers le droit de pacage étaient réglementés. De même, au niveau des villages, une véritable organisation sociale s’était établie depuis longtemps au profit des maisons dites casalères. La vallée, grâce à l’altitude moins importante du col du Somport par rapport à ceux des autres vallées, était une grande voie de passage des hommes et des marchandises vis-à-vis de l’Espagne et plus particulièrement de l’Aragon.

     

    Enfin, concernant la vallée de Barétous , on peut la diviser, elle aussi, en deux parties, une située autour d’Arette, d’altitude moins élevée puisque la moyenne est de 400 mètres. On y trouve des collines sur lesquelles les prairies dominent et les bois sont peu importants, à l’opposé de la haute vallée dans laquelle on relève la forêt d’Issaux et le gouffre de la Pierre Saint-Martin niché dans un paysage calcaire.

     

    On note que cette vallée offre de bons pâturages aux bovins qui ont été peu touchés par l’épizootie de 1774 et aux ovins. L’élevage a été aussi l’activité économique qui a compensé la faiblesse des productions céréalières.

     

          Dans l’ouvrage de Pierre-Yves Beaurepaire 13, une étude est entreprise sur l’appréhension et la représentation des paysans sur les terroirs. Pour eux, « l’espace vécu est d’abord un espace perçu ». Le temps est appréhendé en journées de travail ou selon le moyen de déplacement (pied, cheval) et non en heures, il travaille selon le rythme des saisons ou celui de « la course du soleil ». S’il doit aller vendre le fruit de sa récolte au marché de la ville voisine, il estime le temps qu’il met pour l’atteindre et pour revenir avant que tombe la nuit. Des éléments de bornages répartis dans le zonage vécu lui permettent de se repérer comme les croix dans les carrefours, les chapelles… Et de citer Jean-Michel Boehler 14 lorsqu’il écrit : « la traditionnelle lieue est une mesure bien trop grande par rapport à l’univers étroit de la paysannerie. On préfère s’exprimer en langage imagé : les distances sont évaluées en portée de mousquet ou en jet de pierre… Le paysan apprécie le monde qui l’entoure en utilisant comme étalon les parties de son propre corps : le pied, la coudée, le pouce ». A travers les régions françaises, on peut discerner différentes unités de superficie mais elles sont déterminées en fonction du temps consacré au travail, si on prend l’exemple du laboureur qui utilise la charrue il appellera  « arpent » l’ensemble de la zone que peut labourer ses bœufs ou ses chevaux entre l’aube et le crépuscule. De plus, sa perception de l’espace dans lequel il baigne est différente de celle du seigneur et de l’agent fiscal. Il privilégie les chemins, les bois, les terres, l’église, le château de son seigneur. Son monde gravite autour de son village, de la ville voisine où il se rend au marché. Quant au seigneur, il perçoit sa seigneurie « comme l’étendue de sa mouvance, comme un espace juridique ». Il en fait dresser des cartes pour mieux asseoir ses droits qu’il prélève, ce que l’on nomme les « plans terriers », surtout à partir du milieu du XVIIIe siècle.

     

     Notes :

     

     1- Mémoires des intendants Pinon et Lebret, Bull.SSLA de Pau, 2e série, tome 33, 1905.

     

    2- Idem., p. 38.

     

    3- Idem., p. 72.

     

    4- Desplat, Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe siècle, Editions Terres et Hommes du Sud

        J & D  Editions, 1992, tome 1, p. 20.

     

    5- Desplat Christian : « Principauté du Béarn », Edition « société nouvelle d’éditions

       régionales et de  diffusion », 1980, p. 24.

     

    6- Idem., p. 25.

     

    7- Idem., p. 27.

     

    8- Idem., p. 32.

     

    9- Caput Jean : « Les anciennes coutumes agraires dans la Vallée du Gave d’Oloron »,

        Bull.SSLLA.  de Pau, 3e série, tome 15, 1955, p. 62-63.

     

    10- Annie Suzanne Laurent, La bastide de Bruges de ses origines à la Révolution, TER,

         Université de  Pau et des Pays de l’Adour, Histoire de l’art et archéologie, 2001,  

         p. 67.

     

    11- Caput, Jean, Opus cité, p. 65.

     

    12- Idem., p. 68.

     

    13- Beaurepaire Pierre-Yves : « La France des Lumières (1715-1789) », Collection

         « Histoire de France » sous la direction de Joël Cornette, Belin, 2011, p. 549-553-569.

     

    14- Boehler J.M : «Une société rurale en milieu rhénan : la paysannerie de la plaine

          d’Alsace (1648- 1789) », Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1994,

          tome 1, p.46.

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  • AUTRES PLANTES  RECOLTEES EN BEARN AU XVIIIe SIECLE

     

     

    1)      1)  Les céréales

     

         La plupart des céréales que nous allons aborder dans ce paragraphe correspondent à ce que l’on nomme des « céréales panifiables », outre le maïs abordé précédemment.

     

    La farine constitue la base de l’alimentation vu que le pain est un des principaux aliments des gens. En effet, le pain, il faut le rappeler, est consommé soit sous forme de pain - que l’on peut tremper dans la soupe -, de galettes ou de bouillies. Les paysans cultivent les céréales pour leur propre subsistance et de celle de leurs animaux. Le surplus sera vendu, ce qui leur rapportera des revenus afin de payer les taxes, les impôts, les baux et des biens qu’ils ne peuvent pas réaliser eux-mêmes.

     

    a-    Généralités

     

    Jean-Marie Moriceau 1 écrit que les grains servent à mesurer les taxes comme la dîme, les rentes que l’on doit au propriétaire. Ils peuvent aussi être utilisés dans la rétribution du travail accompli en tant qu’ouvriers agricoles ou même dans l’évaluation de douaires et des pensions viagères.  

     

    Or, au XVIIIe siècle, les agriculteurs doivent répondre à trois besoins. D’une part, répondre à la demande de plus en plus importante d’individus du fait de la croissance démographique, d’autre part, alimenter les centres urbains quoique modestes à l’époque, mais qui prennent peu à peu de l’ampleur et, enfin, satisfaire les nouveaux modes de consommation de la part notamment de la bourgeoisie.

     

    Lorsqu’on fait référence au froment, parfois, on inclut le seigle (blat) introduit par les Germains, l’épeautre dont la balle couvre le grain, le méteil qui est un mélange de froment et de seigle. On peut ajouter l’orge (oerdi) qui est une céréale de complément ayant reculé au profit du froment, mais qui est utilisé dans la fabrication du pain au moment des disettes et de la bière, le méteil (carron) et le millet (milh) qui, dans le passé, fut considéré comme l’aliment de base de la population. Mais, à la veille de la Révolution, cette dite plante connaît un rejet puisqu’on considère que le pain obtenu est indigeste et même de nocif, juste bon à lutter contre les disettes. L’avoine, réservée généralement à l’alimentation des animaux, surtout celle des chevaux, peut être consommée en période de disette.

     

    Etienne-François Dralet 2 , agronome, situe les terres à blé et au millet sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne : « sur le bord des rivières, sur les pentes douces qui avoisinent les plaines et sur celles qui s’abaissent vers les deux mers… » Se référant au froment, il écrit qu’il est  : « de très bonne qualité dans les contrées dont il s’agit. Le sac de semence en rend ordinairement cinq à six. Il donne sept à huit… » dans les vallées « où les fourrages d’hiver sont assez abondants pour entretenir de nombreux bestiaux, et où l’on a conséquemment beaucoup de fumier. L’on voit que le système de culture est le même pour les premiers gradins des Pyrénées que dans les bonnes terres des plaines voisines. Quoique nous n’ayons parlé que du blé et du millet, on pense bien que le cultivateur ne néglige pas de se procurer, suivant ses besoins et la qualité du terrain, de l’orge, de l’avoine, du seigle et des pommes de terre. » S’agissant du seigle cultivé dans les Pyrénées, dans les gorges étroites et sur le flanc des monts escarpés… elles sont moins étendues… proportionnellement au nombre des cultivateurs ; elles sont donc travaillées plus fréquemment : c’est ainsi que, malgré l’infériorité de leur qualité, leurs productions seraient très considérables si le laboureur était aussi entendu que laborieux, s’il semait moins, et qu’il se procurât plus de moyens d’engrais… » Ensuite, étudiant le sarrasin appelé « blé noir », il note que l’on le trouve sur les « lopins qui se trouvent dans les intervalles que laissent entre eux les rochers escarpés… celles qui sont exposées au nord, et que l’on appelle ombrées… ». Il écrit que son nom ou celui de « mil des Maures » proviendrait du nom des peuples de l’Afrique qui nous la firent connaître dans le huitième siècle ». Sa qualité réside dans le fait qu’elle s’accommode des terrains les plus légers et les plus froids. Six semaines suffisent pour la semer et la recueillir ; elle rend jusqu’à quarante pour un, lorsque la fleur n’a pas été desséchée par les vents du midi ou gâtée par les gelées. C’est pour l’habitant des montagnes, le plus précieux des grains, et l’on peut assurer qu’il a puissamment contribué à la population de ces contrées.» Analysant le seigle, il mentionne qu’il est semé « sur les terres qui ont produit le foin rouge ou le lin, après leur avoir donné deux façons, dont la première est retardée jusqu’au mois de mai, afin de ménager le pâturage aux bestiaux… »

     

    Toujours dans les Pyrénées, les céréales telles que l’orge, le froment et l’avoine, « sont confiées… au sol qui a produit le maïs ou la pomme de terre, sans autre façon que celle qui est nécessaire pour la semence. Le peu de froment que l’on sème dan les terres dont il s’agit rend à peine trois pour un, dans les terres où le cultivateur inconsidéré l’expose à la rigueur des froids violens ; mais dans les bons terrains, lorsqu’il n’a point été endommagé par les brouillards de la Saint-Jean, il produit jusqu’à sept… » dans les montagnes « où les étables fournissent un fumier abondant. Immédiatement après la récolte des plantes céréales, le cultivateur choisit les meilleurs terrains qui viennent d’en être dépouillés, pour y semer le lin, le foin rouge et le sarrasin, qui, à leur tour, feront place aux semences du printemps ».

     

     Mais voilà, comme le souligne l’historien Marca en 1640, la province ne couvre pas tout à fait la moitié de ses besoins en céréales. L’Intendant Lebret 3  signale que «  les deux tiers de terre de Béarn sont en friche ; il semble même que la plupart de ces friches qui ne portent que de la fougère seraient très propre à porter du grain ; mais les paysans sont persuadés que cette fougère leur est absolument nécessaire pour fumer les terres qu’ils cultivent… ».

     

    Foursans-Bourdette, M.P. 4 mentionne  : « Le millet jusque-là important est en régression, il est encore cultivé dans la plaine de Nay et dans la vallée du gave d’Oloron. L’avoine est semée principalement dans la plaine de Nay et sur les coteaux (Vic-Bilh et coteaux de Monein et Gan), mais ne fournit tout de même que le tiers de la consommation courante et on doit en importer habituellement de la Bigorre et de la Chalosse où elle est bien meilleure. Quant au froment, il est cultivé un peu partout, mais les meilleures récoltes en sont dans la vallée du gave de Pau (région de Lacq et Sauveterre et plaine de Nay). Toutefois, même dans les meilleures années, la moitié seulement de la consommation annuelle est couverte par la production locale. »

     

    Quant à l’Intendant Lebret, il écrit que « Les champs de la plaine de Pau, de la vallée de Josbaigt, des plaines de Navarrenx et de Sauveterre ne se reposent jamais ; on les trouve toujours semées, tantôt de froment, tantôt de seigle, d’avoine, de lin, de millet et très souvent de maïs. Ce qui fait juger qu’elles ne paraissent pas grasses, elles sont cependant très fertiles… ». 3

     

    Jean Lassansaa, dans sa monographie sur Billère, mentionne  que « Chaque famille produisit assez de blé pour fabriquer son pain. Longtemps, le millet (milh) avait eu la prépondérance sur tous les autres grains et le pain fabriqué avec cette seule céréale... Au XVIIIe siècle, on sema les graines en lignes, afin que les mauvaises herbes puissent être enlevées pendant la  pousse des céréales.» 5

     

     L’abbé Roubaud précise en janvier 1774  que :« Les grains les plus abondamment cultivés dans ce pays sont le froment, le bled d’Inde et l’orge. On sème peu d’avoine. Il n’y a point presque point de millet... ». 6  

     

         Dans les vallées montagnardes, on pratique une culture intensive avec assolement biennal vu l’étroitesse des espaces. Comme le note Jean-François Soulet « les céréales formaient la base du système agricole. Pendant des siècles, une céréale d’automne : le seigle… et trois céréales de printemps - l’orge (notamment la paumelle), l’avoine et les millets - occupèrent quasiment le terrain. Puis s’ajoutèrent, le sarrazin, dont le cycle végétatif bref et les rendements élevés firent, selon Dralet, le « plus précieux des grains », et, au XVIIIe siècle, le maïs. Ce dernier, gêné par les conditions climatiques, ne progressa que lentement dans les hautes vallées. » 7

     

             b- le seigle

     

       Jean-Marie Moriceau analyse le seigle et le dépeint comme une plante moins exigeante en azote, acide phosphorique et potasse. Elle se développe dans les « arènes granitiques des massifs anciens ou des sols sablonneux des bassins sédimentaires. Céréale hâtive et résistante au froid, il venait assez bien en montagne. Caractéristique qui rejoint celle déjà avancée par l’agronome Dralet que nous verrons plus loin. L’auteur ajoute que le seigle se trouvait aussi dans les plaines fertiles  « car sa longue paille, souple et résistante, servait à faire les liens de « glui » pour engerber la moisson, botteler le foin et échalasser les vignes.

     

    Amoreux Pierre-Joseph écrit, après la moisson, que le seigle est battu lors de l’opération à l’aire. « On couche à plat les gerbes sur l’aire, en les déliant. On les met bout à bout, de manière que les épis des unes reposent sur l’extrémité opposée des autres, ce qui forme un lit en recouvrement, ou en manière de toit. » Le fléau est utilisé pour battre la plante. Comme pour le blé, l’aire doit être exempte de pierres, d’herbes… et de surface plane. Sa superficie est proportionnelle à celle du domaine. Sa situation n’est pas prise au hasard, elle doit être orientée face au vent («à celui du Nord sur-tout »), dans un lieu élevé bien exposé. Si ce n’est pas possible, on procède comme pour le blé en répandant de l’argile… Pour que l’aire s’affermisse d’année en année, il ne faut pas la labourer. Cela dit, les batteurs disposent les gerbes en carré long, « passent & repassent en se succédant & en se rangeant toujours par ordre deux à deux vis-à-vis l’un de l’autre... ils font enfin sortir le grain de la bale & de l’épi sans le blesser… Lorsqu’on a jugé que les épis sont dépouillés, on tourne & retourne la paille longue avec des fourches, on la repasse au fléau, on la secoue encore, en la soulevant avec les fourches & la poussant pied à pied sur une autre place. Le grain a resté sur l’aire, on le nettoie comme on fait pour le blé.»8

     

     

         c- l’épeautre

     

    Quant à l’épeautre, Jean-Marie Moriceau  note qu’il « acceptait des sols plus froids que le froment, donnait une farine presque aussi blanche encore appréciée dans certaines régions. » Il se penche aussi sur le méteil qui permettait d’obtenir un pain de ménage « moins blanc certes (« bis méteil », dans les proportions inverses) mais qui se conservait davantage. »

     

            d- le sarrasin

     

       Le sarrasin était la céréale du pauvre car, selon Jean-Marie Moriceau, était « peu exigeant », « poussait  vite (cent jours) et, pourvu qu’il fût semé tôt - dès le début de mars en climat doux et humide -, il assurait deux récoltes dans l’année après de nouvelles semailles à la fin du mois de juin. »

     

    Dans un article du médecin J.J. Menuret sur la jachère tiré de ses Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique publiées par la Société royale d’agriculture de Paris, on peut lire qu’il  recommande le blé-sarrasin comme plante dans l’année de repos mais « même dans les pays où on l’on récolte les grains en Juin ou Juillet, il peut être semé sur le chaume, dès qu’on a coupé & enlevé les épis, il donne à la fin d’Octobre une récolte qui n’est point sans intérêt pour le Cultivateur. » Il mentionne que si la farine obtenue donne un pain nourrissant et lourd et sert dans la confection des potages, son grand mérite consiste à alimenter le bétail (volaille, dindes et cochons) en grains ou en farine.

     

    Autre qualité, sa paille sert à la confection du fumier surtout si « on l’enterre la plante dans le tems de la floraison… »  9

     

    Denis D’Alband 10 regrettait que le sarrasin souffre en Béarn d’une « production trop peu connue ici… » en ce qui concerne l’alimentation animale. Son constat est réalisé aux lendemains de l’épizootie de 1774.  

     

            e- le millet

     

    Enfin, au sujet du millet « important dans le Sud-Ouest (Landes et Gascogne), Jean-Marie Moriceau écrit qu’il « était consommé en galettes ou en bouillies assez amères ».

     

            f- l’avoine

     

    Vis-à-vis de cette plante, voici ce qu’un agronome écrivait,   l’abbé Rozier 11 : « Chaque pays a ses usages, & la culture varie du plus au moins d’une province à l’autre. La nature du sol contribue pour quelque chose, & la coutume décide  plus souverainement, que la valeur du terrain. Dans certains cantons, on destine les terrains maigres aux avoines ; dans d’autres, ce sont les terres fortes, & dans quelques uns  où l’on alterne,… l’avoine est semée dans les bons fonds. » Il conseille, dans un premier temps, après l’hiver « un léger labour avec la charrue à versoir, afin d’enterrer les herbes  » et non pas l’utilisation de l’écobuage. Selon lui, cette dernière équivaut la dépense de deux ou trois labourages, mais qu’il est « démontré que la récolte sera au moins du double  plus forte. » Il continue dans sa démonstration au sujet du labourage à préconiser pour l’année suivante de procéder à un labour plus profond car ainsi « les racines des plantes auront pénétré plus profondément dans la terre ; de sorte qu’au moment de semer, ce terrain auparavant si maigre, si dépouillé de principes, équivaudra à un terrain léger & bien amendé. » Au lieu de pratiquer le brûlis - « on ne rend à la terre qu’une partie de la portion saline & terreuse » -, il serait plus profitable d’enfouir le chaume lors du labourage puisque la partie saline est préservée et ceci aussitôt après avoir « passé fleur, afin de multiplier le terreau ou terre végétale ».  

     

    La jachère, selon l’auteur, est bénéfique parce qu'elle permet à la terre de « recouvrer les sucs qu’elle a perdus pour substanter… » mais le fait d’enterrer les plantes est tout aussi profitable puisque ces dernières « pourrissent & fermentent dans son sein. » Par contre, il déconseille l’usage de l’alternance notamment avec le blé car les deux peuvent épuiser les « sucs de la superficie » et laisser « intacts ceux de la couche inférieure. » A la lecture de son article, il s’avère que l’auteur est opposé à la plantation de l’avoine, vu qu’elle « effrite trop la terre » et qu’il est dommageable de sacrifier des terres à froment pour leur culture. » Selon lui, il vaut mieux « Une récolte passable de froment, & même de seigle… » à la plus « superbe récolte d’avoine ».

     

    Au sujet de la moisson, il conseille au moment : « avant sa maturité complète » de couper l’avoine avant qu’elle soit bien mûre afin d’éviter qu’elle s’égrène. «  A sa maturité complète », il faut attendre que la feuille soit bien fanée et que la tige soit d’une couleur jaune doré pour la couper.  A ce moment-là, il est indispensable de faire appel à de nombreux moissonneurs pour ne pas de perdre du temps et être sujet à un orage, une grêle ou une pluie trop importante qui seraient préjudiciables. Lors de ladite moisson, l’usage de la faux est pointé comme néfaste puisqu’elle égrène les graines. Il préconise d’utiliser la faucille, vu que le moissonneur « en décrivant un cercle… il coupe ces tiges, sans contre-coup & sans secousse, & le grain reste renfermé dans sa balle. » Mais l’auteur déplore que cela se pratique en coupant trop l’avoine trop verte, ce qui est mauvais puisque, couchée sur le sol, elle se gorge d’eau lors de la rosée, entraînant des complications au bétail par la suite. Cette plante, si elle est donnée à la volaille ou aux cochons rend en ce qui concerne celui-ci « un lard doux, & d’un goût excellent… ». Pour ce qui est des vaches et des brebis, le lait est plus abondant et plus gras. Quant à l’homme, le pain obtenu à partir de l’avoine est très compact, noir foncé et amer. Pour finir, l’auteur achève de démontrer les vertus médicinales de la plante, elle calmerait la toux, la colique néphrétique due à des graviers l’asthme convulsif et tempèrerait la soif…

     J.J. Menuret écrit que l’avoine et l’orge peuvent être semées dans les « jachères » au mois de mars « comme les plantes légumineuses » mais il ajoute qu’elles « nourrissent moins la terre qu’elles, soit que leurs racines ou leur manière de végéter soient trop analogues à celle du blé, soit qu’en s’élevant elles entretiennent moins d’humidité à la surface de la terre, ou laissent échapper moins de  feuilles , d’insectes, &c. » 12 Il écrit encore que les grains d’avoine et d’orge semés avant l’hiver « forment dans cette saison un bon pâturage, donnent du fourrage au Printems, & peuvent, comme les autres prairies artificielles, être ensuite reversés dans la terre ; alors ils y portent un véritable engrais. Il est très-ordinaire de mêler dans cet objet de l’orge & de l’avoine à la vesce ; ils servent de soutien à cette plante, qui, de son côté entretient plus d’humidité ; leur végétation se favorise mutuellement. »

     

       2) Les Plantes nouvelles et artificielles

     

    Les plantes nouvelles les plus significatives sont le maïs et la pomme de terre. Cette dernière a été introduite en France plus timidement que la première. Ce qui est, a priori, incompréhensible vu qu’elle a la capacité d’alimenter cinq fois plus de gens sur une même superficie que le froment. F. Bayard et P. Guignet affirment que cette « répugnance persistante des Français pour ce type de consommation est à tout prendre le signe d’une certaine abondance alimentaire de l’ancienne France. » Cette attitude française est à comparer avec celle des flamands des Pays-Bas autrichiens où le tubercule a remplacé à 40 %  la consommation céréalière.

     

            a- La pomme de terre

     

    Cette plante est originaire d’Amérique du Sud, plus exactement de la Cordillère des Andes (lac Titicaca) où elle pousse à l’état sauvage depuis environ 8 000 ans à l’époque néolithique. Les Incas l’appellent « papa » et la domestiquent, pense-t-on dès le XIIIe siècle. Elle est, avec le maïs, un des principaux aliments de base. Elle est découverte par les Européens par l’intermédiaire du conquistador espagnol Pedro Cieza de Leon lors de sa participation de la conquête du Pérou entre 1536 et 1551. Il fait référence à la plante dans ses « Cronicas del Peru , nuevamentes escrita ». Des historiens dateraient l’événement de 1534. C’est la première « vague », la « patata »  se répand en Espagne (d’abord dans les îles Canaries), en Italie, dans les Etats pontificaux et en France méridionale au XVIe siècle. Elle correspond à une variété où la couleur rouge domine. On mentionne qu’elle aurait été plantée vers 1540. Ce serait l’Anglais Sir Walter Raleigh qui l’aurait apportée en Angleterre au milieu du XVIe siècle sous le règne d’Elisabeth I - ce qui correspondrait à une seconde « vague » et à une variété de couleur jaune - et delà aurait gagné l’Amérique du Nord.  Antoine Parmentier, lui, écrit que c’est  l’Anglais Sir Walter Raleigh qui l’a fait connaître en Amérique du Nord (Virginie). Enfin, d’autres historiens avancent l’hypothèse que les Anglais l’auraient introduite en Angleterre à la suite de leur lutte contre les Espagnols en Colombie en 1586.

     

    La plante n’intéresse que les botanistes et les pharmaciens qui, peut-on lire dans le Mourre, lui attribuent des pouvoirs aphrodisiaques et antirhumatismaux. En 1588, le roi d’Espagne Philippe II qui a reçu quelques plantes en fera parvenir au pape Sixte V qui souffrait de la goutte. Elle se répand de façon importante en Irlande au XVIIe siècle et en Angleterre, gagne la Flandre, l’Allemagne où elle est remarquée par les soldats français lors de la guerre de Sept Ans.

     

    Jean-Marc Moriceau 13 signale que cette plante resta en France, comme le maïs, une culture secondaire. Elle est d’abord cultivée dans les jardins. La pomme de terre se répand probablement en France « suivant deux axes… : le premier, plus ancien, d’ouest en est à travers le nord de la Flandre et le Brabant ; le second, du sud au nord, originaire des Vosges, touchant à la fin du XVIIe siècle l’Alsace et la Lorraine puis le Namurois (1740) et le sud des Pays-Bas autrichiens. » Il continue à préciser qu’elle s’est implantée de manière importante en dehors des régions où ses concurrents  - le maïs, le sarrasin et la châtaigne - existaient.  Aliment de substitution, elle « fut bien accueillie dans les pays pauvres et les montagnes pour répondre à la croissance démographique et remédier aux crises… » Il rajoute que les agronomes du XVIIIe siècle ne s’intéressèrent à elle vraiment que durant la seconde moitié du siècle.

     

    La pomme de terre a été décriée pour plusieurs raisons. Vu qu’elle pousse dans la terre, elle est désignée comme une racine et, de ce fait, méprisée par les élites, car trop éloignée de Dieu. En effet, dès le Moyen Age, on a établi une hiérarchie des valeurs appelée « la grande chaîne de l’être » dans laquelle les aliments sont distingués par leur position, du haut vers le bas (feu, air, eau, terre). On pense notamment qu’elle répand la lèpre, qu’elle est responsable d’indigestion pour l’homme ; en ce qui concerne sa culture, elle aurait des effets nocifs sur la terre puisqu’elle l’appauvrirait.

     

    Olivier de Serres l’aurait fait connaître en France du Sud (il écrit le « Théâtre d’agriculture et mesnage des champs » en 1600 et la cultive dans sa ferme modèle de son domaine du Pradel) et Charles de Lescluze dans l’Est au commencement du XVIe siècle. Des historiens mentionnent que l’introduction de la pomme de terre en France serait le fait d’un moine franciscain nommé Pierre Somas qui l’aurait connu en Espagne. Il l’aurait cultivé dans ses jardins à Saint-Alban-d’Ay, commune de l’Ardèche (plus exactement au hameau de Bécuze) dont il est originaire, ceci vers 1540. A l’époque elle était nommée « truffole », mot francisé du patois « la trifolà ».14 

     

    Le jeune roi Louis XIII a l’occasion d’en manger en 1613, mais il ne l’apprécie pas. La majorité des gens la dédaigne, on la donne à consommer aux animaux notamment les porcs ou on l’utilise comme plante ornementale. On lui reproche ne pas être panifiable, ceci est dû au manque du gluten. 

     

    Le contrôleur général des finances et physiocrate Turgot a bien cherché dans les provinces d’ Anjou et du Limousin, en 1740,  de la répandre, mais en vain. Des médecins, outre le fait qu’ils prévenaient à tort qu’elle pouvait engendrer la lèpre, mais aussi des fièvres. De plus, son goût n’était pas des plus appétissants, on la trouvait amère. 

     

    La plante est analysée en 1596 par le naturaliste suisse Gaspard Bauhin dans son livre intitulé : « Pinax theatri botanici »  

     

    Son nom de pomme de terre aurait été donné par Henri-Louis Duhamel du Monceau, agronome de la Nouvelle-France.

     

    Antoine Parmentier peut reconnaître ses qualités lors de sa captivité en Prusse, en Westphalie lors de l’expédition de Hanovre en 1757 - durant la guerre de Sept Ans (1756-1763) -  en tant qu’apothicaire  des armées puisqu’elle est donnée à manger par les geôliers. Il la consomme pendant deux semaines sous forme de bouillies. Il découvre ses vertus nutritionnelles.  Duhamel de Monceau, en 1762, conseille également son alimentation, ce qui aura comme effet positif l’éloignement de la famine dans l’Est de la France en 1770. Dans le Mourre, on peut lire que l’Académie de Besançon honora les études entreprises par Parmentier. Le sujet proposé est :  "Quels sont les végétaux qui pourraient être substitués en cas de disette à ceux que l'on emploie communément et quelle en devrait être la préparation ?" Parmentier démontra alors les vertus du féculent,  son potentiel à lutter contre la disette et sa substitution au blé dans la confection de pain, ceci en 1772. Il faut rappeler le contexte, la France venait de subir des disettes en 1769 et 1770. Il démontra par ailleurs qu’il était possible d’extraire de l’amidon capable de nourrir à partir de plantes et de racines (davantage que le gluten). La même année la faculté de médecine de Paris décrète que la plante est sans danger, ce qui contredit l’arrêt du Parlement de Paris qui avait décidé, en 1748, son interdiction dans la France du Nord. Parmentier tente de prouver que la pomme de terre n’est pas dangereuse à travers son « Examen chimique » paru en 1778 et de plus qu’elle a la capacité de bonifier les terrains jugés incultes. Notamment, pour prouver concrètement ses dires, il la cultive sur un terrain loué à des religieuses, les sœurs de la Charité administratrices de l’hôpital, près des Invalides. Il organise des dîners auxquelles assistent de grandes personnalités comme le chimiste Antoine Lavoisier et l’Américain Benjamin Franklin. Il leur fait déguster diverses préparations.

     

    Le philosophe Voltaire écrira le 1er avril 1775 que la plante peut être  transformée en un « pain très savoureux ».15   

     

    Parmentier, soucieux de son extension, propose au roi Louis XVI en mai 1786 l’autorisation de planter le tubercule dans la plaine des Sablons, au village de Neuilly près de Paris. L’année précédente, la France a connu une sécheresse catastrophique.  Si ce n’est pas lui qui a introduit la plante en France, il a pourtant contribué fortement à la faire connaître aux Français, à la faire cultiver et à la manger.

     

     En 1786, le terrain militaire apparaît inculte et sec, de plus il n’est pas question d’utiliser de l’engrais et la plantation se fera avec un décalage de six semaines par rapport au calendrier agricole. Action intéressante pour les paysans vu qu’il pourrait leur permettre de mieux organiser les temps de semailles qui s’effectuent généralement à la fin du mois de février et lors du mois de mars 16. L’opération se réalisera sur un total de 23 ha. La légende veut que son souhait était de donner l’illusion que la culture opérée était un produit rare et onéreux destiné à la table du roi et de l’aristocratie. De ce fait, il l’aurait fait surveiller durant la journée par des soldats, mais non pas la nuit, ce qui aurait incité les paysans alentour à piller les plants. Le stratagème aurait réussi, car les paysans planteront des pommes de terre par la suite. En réalité, s’il y a bien eu vol, cet acte ne plaisait pas à Parmentier qui avait besoin d’observer ces plants en vue de son étude scientifique. De plus, la présence des soldats militaires était normale vu le statut du terrain considéré comme un terrain militaire. Il se serait d’ailleurs exclamé : « cupides rapines ». Un an plus tard, le 24 août 1787, à la veille de la fête de Saint Louis, le terrain est parsemé de fleurs, Parmentier en fait un bouquet qu’il amène à Versailles et le donne au roi lors de sa promenade dans les jardins. Louis XVI en accroche une à sa boutonnière et en pique une autre dans la perruque de Marie-Antoinette. Alors que les courtisans se moquaient de lui, il aurait dit au roi : « Si le dixième du territoire de la France est planté de pommes de terre, voilà du pain tout fait ».  Puis, il lui aurait ajouté : « La France vous remerciera un jour d’avoir inventé le pain des pauvres. ». Le roi est venu assister à la récolte. L’agronome réitère l’expérience dans la plaine du village de  Grenelle sur une surface de 7 ha. Le 21 octobre 1787, il convie Louis XVI et Marie-Antoinette à un repas aux Invalides - il occupe le poste d’apothicaire des Invalides depuis 1766 - constitué essentiellement de plats à base de pomme de terre, près de vingt. C’est un succès, les a priori tombent.

     

     Plus tard, en 1789, il rédige un "traité sur la culture et les usages des pommes de terre, de la patate, et du topinambour" afin de démontrer aux Français que ce n’est pas seulement une alimentation pour les aliments, mais qu’elle peut nourrir l’homme, selon plusieurs manières.

     

    En ce qui concerne sa culture, il ne tarit pas assez d’éloges pour elle. Elle « se plaît à tous les climats ; la plupart des terrains & des expositions lui conviennent ; elle ne craint ni la grêle, ni la coulure, ni les autres accidents qui anéantissent en un clin d’œil le produit de nos moissons ; enfin, c’est bien de toutes les productions des deux Indes, celle dont  l’Europe doit bénir l’acquisition, puisqu’elle n’a coûté ni crimes ni larmes à l’humanité. » 17 Il regrette que de tristes familles paysannes ne la plantent pas vu qu’elle écarterait toute crise de subsistance sur leurs terrains couverts de landes et de bruyères. Ils pourraient accorder autant de « considération » pour elle qu’ils en ont pour les semences légumineuses & autres plantes potagères. » Il rappelle d’autres avantages qu’elle procure, l’aisance qu’elle procure dans sa consommation : «… ils peuvent aller dans leurs champs déterrer ces racines à onze heures, & avoir à midi une nourriture comparable au pain… ». Il est conscient qu’il faudra du temps pour que les agriculteurs renoncent à leurs « préjugés », à la « routine qu’ils ont héritée de leurs pères, & qu’ils transmettent à leurs enfans… ». Il compte sur l’exemple, les conseils et les exhortations. Les seigneurs et les curés sont d’après lui, ceux qui sollicitent son aide pour parvenir aux mêmes buts. Il écrit un mémoire aux Etats de Bretagne en vantant la plante.

     

    Dans son traité, il cite, comme les agronomes qu’ils suivront dans cette étude, les observations faites, les descriptions des différentes variétés, les qualités, mais aussi les maladies qui peuvent l’affecter comme le « Pivre », nom donné en Flandre, qui a la particularité de rendre les feuilles « repliées sur elles-mêmes, bouclées, maigres & voisines de la tige, marquées de points jaunâtres… » 18, l’attaque d’animaux comme le ver blanc…

     

    Au sujet de la plantation, il suggère une période qui s’échelonne du début du mois d’avril jusqu’à la fin du mois de mai. Puis, il propose plusieurs méthodes. La première consiste d’abord à herser, puis à pratiquer une raie bien droite, deux paysans suivent, l’un jetant du fumier et l’autre des pommes de terre « du côté où marche la charrue », puis on trace deux raies auxquelles on ne met rien, à la troisième on recommence comme précédemment. Les plantes doivent être séparées entre elles par une distance d’ un pied et demi. 19 Lors de la seconde, le fumier est répandu uniformément avant de planter la pomme de terre. Enfin, la troisième correspond d’abord à un labourage, à un hersage et à un creusement de nombreux rangs de trous d’un pied de profondeur et de deux de largeur, l’écartement des trous est d’environ trois pieds. Chaque trou est rempli de fumier que l’on foulera et dans lequel on met une pomme de terre que l’on recouvrira de terre ensuite.  La quatrième se pratique avec deux individus creusant, l’un avec une bêche et l’autre avec une houe des tranchées de cinq à six pouces de profondeur et de largeur. Ceci tandis que deux autres ouvriers jettent la plante à une distance d’un pied et demi et l’autre du fumier par-dessus. Il cite une dernière consistant à « renverser, à l’aide de la charrue, trois raies l’une sur l’ autre en forme de sillons, ce qui élève le  terrain, & fait des ados d’ environ  trois pieds de large ; le fonds de chaque sillon est fumé & ensuite labouré à la bêche… », à l’intérieur du trou, on remplit de fumier que l’on met la plante à l’aide de la houe ceci à un pied de distance, les rangs étant séparés de trois pieds et chaque plante d’un pied. Après avoir décrit ces méthodes, il ajoute que l’on peut se cantonner à deux principales. Celle qui est la plus praticable est celle où on plante après le passage de la charrue et à la recouvrir en faisant le sillon suivant, celle qui suit est la culture à bras où on « pratique en échiquier, en quinconce, par rangées droites, dans des trous, des rigoles… ». 20  La récolte s’effectue dès le commencement du mois de juillet jusqu’au mois de novembre. Cette opération se tient lorsque les feuilles jaunissent et flétrissent naturellement, ce qui se produit généralement au cours de la fin du mois de septembre et du début d’octobre. On pourrait alors dans ce cas laisser les ovins brouter le feuillage auparavant. La récolte peut se pratiquer soit à bras d’hommes ou à l’aide d’une charrue vu qu’elle « déchausse promptement les racines, & met en rigoles ou raies ce qui étoit en sillons , en jetant dehors les pommes de terre, qu’on détache des filets fibreux qui les attachent ensemble, pour les mettre dans des paniers. » 21  Cette opération peut se réaliser avec des enfants vu que ces derniers n’ont pas besoin de se pencher, se baisser. En ce qui concerne la récolte à bras d’hommes, lorsqu’elle est faite sur des terrains légers il suffit de tirer les tiges à soi pour arracher les racines et les tiges ensemble. Par contre, lorsque la terre est « forte » il est nécessaire d’utiliser un instrument, la charrue, sinon il reste la bêche, la houe, mais elles ont l’inconvénient « d’entamer les pommes de terre ».

     

    La plante a le mérite de supporter une double récolte si l’on prend soin de laisser les espaces nécessaires, par exemple, au pied de châtaigniers , de vignes,  de maïs …Il rajoute que la pomme de terre a la particularité de préparer la terre pour d’autres végétaux comme par exemple le froment, l’orge ,le chanvre… vu qu’elle nettoie notamment le terrain des mauvaises herbes. Donc, sa culture n’est guère « préjudiciable à celle des blés ».  22 Il cite des individus qui ont expérimenté des méthodes, qui ont écrit des ouvrages d’agronomie comme des dénommés Chancey , Duhamel…

     

    Remarque altruiste, il conseille les grands propriétaires, les paysans « humains » de « permettre aux indigens du voisinage de planter un rang de pomme de terre au bout de leurs sillons, le long des chemins, des haies, & de tout autre objet qui termine les champs ensemencés… ». 23

     

       J.J.  Menuret 1décrit cette plante comme un « végétal admirable qui contient abondamment du corps muqueux très doux & très-développé , susceptible des assaisonnements les plus recherchés & des préparations les plus simples, propre à être transformé en mêts délicats & variés  pour la table des riches & à fournir une nourriture facile & simple à tous les ordres des Citoyens… ». Elle est intéressante comme « jachère » car elle peut être ensemencée, cultivée et recueillie durant l’année de repos. De plus, cette opération peut être réalisée « sans perdre une seule année, dans l’intervalle qui s’écoule entre la coupe des blés & les semailles, & c’est ce qui a lieu dans nos contrées méridionales ; dans les pays plus froids & plus humides, cette culture renvoyée au Printems ne laisse pas très-profitable. Lorsque le terrain est maigre, il faut y ajouter un peu de fumier… ». Il continue à vanter la pomme de terre en écrivant qu’elle lui «procuré beaucoup d’avantages ; les pommes-de-terre ont abondamment fourni aux usages économiques & à la table des maîtres , des grangers, des domestiques, à la nourriture des volailles, des dindes, des cochons ; il y en a eu pour distribuer aux indigens, pour vendre , &c. » 24  

     

    M . de la Bergerie de Bleneau 25, dans ses « Observations sur la Culture et l’Emploi des Pommes de terres » de janvier 1787, constate que tout le monde, hommes qui soient riches ou pauvres et animaux, louent les bienfaits de cette plante. Ce résultat serait dû notamment à M. Parmentier et aux instructions opérées par la Société royale d’agriculture de Paris et par l’Intendance. Il cherche à démontrer que la pomme de terre peut se planter sur n’importe quelle terre, qu’elle soit sablonneuse ou qu’elle soit exposée au soleil et composée de cailloux et de pierres. La pomme de terre est associée à de la vigne qu’il a plantée au mois de mars. Il a fait mettre dans le trou creusé par un ouvrier du terreau, puis deux plants de vigne, en faisant attention de remplir ledit trou qu’aux deux tiers et en espaçant les différents trous de deux pieds et demi ; les rangs sont distants les uns des autres de quatre pieds et demi. Ces critères sont choisis pour utiliser les bienfaits de l’ensoleillement, optimiser le plus possible « la nourriture pour le pied »  et « tirer parti du terrain  qui est entre les ceps, & qui peut,  en quelque sorte, dédommager des frais coûteux de façon de Vigne ». Ensuite, l’auteur a fait planter dans l’espace « intermédiaire des rangs de Vigne… alternativement des Pommes de terres & du Maïs, & des Haricots au-dessus des ceps de vigne ». Ce procédé lui donne pleine satisfaction puisqu’il ajoute : « mes végétaux m’ont donné une récolte abondante... » et l’explique par ces commentaires : « la Vigne s’est bien trouvée de l’ombrage du Haricot, la Pomme de terre de celui du Maïs, & de ce dernier des nombreux Pêchers plantés çà et là… ». Enfin, il termine par démontrer que de donner de la pomme de terre à manger à des bœufs a été dans l’ensemble probant.

     

    L’abbé Rozier consacre vingt-quatre pages dans le cours complet d’agriculture théorique, pratique, économique, et de médecine rurale et vétérinaire 26, il précise que les avantages de la plante sont multiples, « elle ne craint ni la grêle, ni la coulure, ni les autres accidens qui anéantissent en un clin d’œil le produit de nos moissons… étant en l’état de mieux alimenter les cultivateurs & leurs bestiaux pendant la saison la plus morte de l’année… que la race humaine pourra elle-même s’augmenter, puisqu’il est démontré par un grand nombre d’observations que cette plante est favorable à la population… » La plante assure, en Irlande, d’après l’auteur, des bienfaits pour les très jeunes enfants en les préservant de maladies et en leur procurant une plus grande robustesse. Il recommande aux paysans de la planter dans des jardins ou des vergers pour qu’ils soient sûrs d’être assurés d’une subsistance assurée et leur éviterait la disette. Au niveau du terrain, il n’y a pas « de terrains assez arides, assez ingrats, qui, avec du travail, ne puissent convenir à cette culture… Combien de landes où de bruyères,  autour desquelles végètent de tristement plusieurs familles, seroient en état de procurer la subsistance, le superflu même, à beaucoup de nos concitoyens… » En effet, donnant une sorte de « pain tout fait »,  les pommes de terre… cuites dans l’eau ou sous les cendres, & assaisonnées avec quelques grains de sel, elles peuvent, sans autre apprêt, nourrir à peu de frais le pauvre pendant l’hiver… ». Si la plante ne craint pas trop les aléas (si c’est le cas, la saison suivante, elle rebondira), il rappelle qu’il est nécessaire pourtant d’enlever les mauvaises herbes qui pourraient «… l’affamer & de lui porter une tige haute & effilée qui ne donne que de petits tubercules. » , d’où la nécessité de sarcler. Bien sûr, comme toutes les plantes, elle subit l’attaque de maladies comme la rouille qui touche également le blé et d’animaux (taupes, mulots, vers blancs…).

     

    D’après lui, sa plantation doit s’effectuer lors d’une période qui débute au 15 mars jusqu’à la fin du mois d’avril et « même plus tard dans les provinces méridionales ».  Il note qu’il existe plusieurs méthodes selon la nature du sol et l’étendue du terrain. Par exemple, une consiste à tracer le sillon avec la charrue tandis que deux individus, en arrière, y introduisent du fumier et la pomme de terre. Puis, on réalise « deux autres raies dans lesquelles on ne met rien, ce n’est qu’à la troisième qu’on recommence à fumer & à semer, & ainsi de suite jusques la fin, en sorte qu’il y ait toujours deux raies vides… ». Autre méthode qui consiste d’abord à labourer la terre, de la herser afin de l’ameublir et de procéder à la réalisation de nombreux rangs de trous « d’un pied de profondeur sur deux de largeur, éloignés les uns des autres de trois pieds environ, on remplit ce trou de fumier qu’on foule exactement, & sur lequel on place une pomme de terre ou un quartier, qu’on recouvre ensuite avec une partie de la terre qu’on en a retirée… », mais l’auteur prévient qu’elle utilise beaucoup d’engrais et, par conséquent, elle est davantage préconisée aux alentours des villes importantes. Des cinq méthodes développées, il insiste sur la nécessité de laisser une distance suffisante entre les pieds, de mettre la semence à cinq ou six pouces de profondeur. Ensuite, il est important de sarcler et butter jusqu’à la récolte qui aura lieu dès le  mois de juillet jusqu’au mois de novembre. Le choix se fera d’après le climat et le terrain. L’intérêt de la plante réside aussi dans la possibilité de la diviser pour ainsi la multiplier. La sève est si importante que souvent il se forme le long des tiges aux aisselles  des feuilles & aux pédoncules  qui soutiennent les baies. » La récolte s’opère lorsque les feuilles jaunissent et flétrissent, ce qui advient généralement à la fin du mois de septembre et durant le mois d’octobre.  Le travail se fait soit par le biais de la force humaine en l’aide de la houe à deux dents, soit par l’utilisation de la charrue. Les femmes et les enfants « détachent des filets fibreux (de la pomme de terre) qui les attachent ensemble. » 

     

       D’après Jean Lassansaa aucun document écrit ne fait référence à la pomme de terre en Béarn avant 1780. 27

     

    Les Etats de Béarn démontrèrent leur intérêt au tubercule vu qu’ils diffusèrent notamment une brochure pour sa divulgation en 1781 : « Mémoire instructif sur la culture des pommes de terre, ouvrage très propre aux propriétaires de biens et cultivateurs » paru chez l’imprimeur J.P. Vignancourt à Pau. 28  Il est envoyé aux jurats des localités telles Morlaàs, Pau, Oloron, Orthez c’est-à-dire essentiellement des lieux de marché.

     

    Denis d’Alband dans son ouvrage - écrit après l’épizootie de 1774 - remarque que la pomme de terre a des vertus, mais lui reproche la trop grande utilisation d’engrais pour la cultiver et préconise de ne pas trop l’étendre. 10

     

     b-    Le lin

     

         Louis de Cahuzac, dans son   article tiré de l’Encyclopédie de Diderot, écrit à son sujet  : « genre de plante à fleur en œillet ; elle a plusieurs pétales disposées en rond, qui sortent d'un calice composé de plusieurs feuilles, et ressemblant en quelque sorte à un tuyau ; il sort aussi de ce calice un pistil qui devient ensuite un fruit presque rond, terminé pour l'ordinaire en pointes et composé de plusieurs capsules ; elles s'ouvrent du côté du centre du fruit, et elles renferment une semence aplatie presque ovale, plus pointue par un bout que par l'autre. » Quant à l’encyclopédie Wikipidia , on peut y lire : «  espèce de plantes dicotylédones de la famille des Linaceae, originaire d'Eurasie. C'est une plante herbacée annuelle, largement cultivée pour ses fibres textiles et ses graines oléagineuses ». Elle est née dans le Croissant fertile durant la haute  Antiquité. A son sujet, on affirme qu’il est le plus ancien textile au monde puisque sa trace - sous forme de fibre -  remonterait vers l’an 36 000 ans AVJC lors des fouilles entreprises en Géorgie dans la  grotte de Dzudzuanas dans le Caucase en 2009.  Le lin est utilisé en Egypte dans la pratique de la momification et dans l’habillement. Au musée du Louvre, on peut voir une tunique de lin plissé confectionnée en 2033-171O trouvée dans la tombe de Neferrenpet. Les Egyptiens le cultivaient dès 3000 avjc.  En France, elle se développe au XIIIe siècle notamment dans les Flandres, l’Anjou et la Bretagne. Elle se généralise davantage aux XVIIe et  XVIIIe siècles. 300 000 ha de surfaces de lin couvrent la France au XVIIIe siècle, permettant à quatre millions d’ouvriers d’en vivre.

     

    Le lin permet à la fois de confectionner du tissu et de fournir une huile non comestible. Le résidu des grains broyés permet de réaliser des tourteaux de lin. Il peut atteindre une hauteur de 90 à 120 cm et donne des fleurs bleu pâle.  Au moment de sa récolte, si on désire obtenir de l’huile, on le laisse mûrir. 

     

    Le préfet des Basses-Pyrénées Charles Achille de Vanssay, dans son rapport daté de 1811, estime la surface consacrée au lin dans sa circonscription à 5 115  ha. Sa répartition correspond, par ordre décroissant, à 3 270 ha pour Pau, 1 300 ha pour Orthez, 380 ha pour Oloron et, enfin, 165 ha pour Mauléon.

     

    L’abbé Rouhaud écrit que le lin « est un objet considérable de culture et de commerce pour notre Province. Les lieux qui en fournissent en plus grande et de meilleure qualité sont Gand, Lons, Lescar, et presque tous les villages placés sur la ligne jusqu’à Bayonne. On en fait des toiles, des mouchoirs, du linge de table ... ».29 

     

    En Béarn, on le plante soit dans des champs pour satisfaire la demande des tisserands, notamment palois, soit dans des jardins pour le tissage familial. Mais il faut noter également que sa culture alimentait une industrie textile domestique importante vue la durée relativement longue de l’hiver et la possibilité de recourir à des ressources complémentaires lorsque la culture des terres et l’élevage des animaux  devenaient moins contraignants. Les artisans présents dans les villages œuvraient à façon pour ces paysans qui leur vendaient leur surplus. Mais dès le XVIIe siècle, les villes exerçaient peu à peu leur emprise sur ces artisans. Par le biais des « marchands fabricants », ces cités, avec leurs foires et leurs marchés, accaparaient quelque peu les productions rurales. La ville de Nay, par exemple, au XVIIIe siècle, comptait une vingtaine de ces « marchands fabricants ». Pau, pour sa part, détient dans ses murs 600 métiers de toile de lin en 1765, ce qui correspond à un tiers environ de l’ensemble béarnais. 30

     

    La production brute s’élève à 20 000 quintaux. Le Béarn jouissait d’une grande réputation en ce qui concerne le textile. Il suffit de rappeler que ses mouchoirs et ses toiles étaient confectionnés par deux mille métiers en 1782.

     

     La culture du lin ne suffisait pas à fournir la confection au XVIIIe siècle. Le Béarn dut au XVIIIe siècle importer des fils de lin du Bas-Maine.

     

    Mais à la fin du XVIIIe siècle, la production manufacturière ruine la production artisanale. Ce n’est pas la seule cause, l’usage des cotonnades est également responsable, de même que les tendances vestimentaires qui délaissent les tissus dits grossiers. De plus, comme le signale Christian Desplat, les manufactures souffrent d’une main-d’œuvre rare et chère, d’une matière brute devenue insuffisante à la production, provoquant alors son importation de l’étranger. 31 On peut aussi adjoindre un défaut consistant à présenter des dessins souffrant d’un manque de variété.  « A peine trouve-t-on dans la province, six ou huit tisserands capables d’exécuter un dessin qui sorte de la routine ordinaire… ». 32   

     

    La plante bénéficie dans la province de bonnes conditions climatiques. Naturellement pour sa croissance, elle nécessite surtout des régions tempérées et humides. Elle est peu gourmande en eau et elle ne nécessite pas de travaux d’irrigation, les terres peu argileuses sont à privilégier, par conséquent limoneuses.

     

    Le lin peut être semé au printemps (mars-avril) pour parer les gelées, dans ce cas-là il fleurit en juillet et connaît sa pleine maturité en trois mois. Les champs prennent alors une coloration bleu violet. S’il est semé en automne (septembre-octobre), le lin éclot au début du mois de mai.

     

     Le travail du lin s’avère fastidieux.
    Jean Poueilh 33 nous rappelle que l’ « arrachage et bargage » étaient des opérations pratiquées par les femmes et cela « réclamaient une grande force de poignet ». Lorsqu’on arrache les tiges de lin, on les assemble en bottes (massouns) « que l’on dispose en faisceaux posés verticalement sur le sol et alignés le long des règues : elles resteront là sécher pendant un mois environ… Lorsqu’il a suffisamment séché, le lin est battu, dépiqué sur l’aire (degrua), afin d’en détacher les graines mucilagineuses (liolos, carros)… Deux opérations agricoles, le rouissage et le teillage, sont ensuite nécessaires pour rendre le lin propre au tissage. Le rouissage du lin (naia lou lin) a pour objet de dissoudre la matière gommo-résineuse qui unit entre elles les fibres textiles et la tige de la plante ou chènevotte, afin de pouvoir isoler plus aisément les premières de la seconde. Dans ce but, on immerge les bottes de lin, entièrement et pendant un certain temps, dans l’eau courante d’un ruisseau ou dans une pièce d’eau stagnante, un routoir, un bassin à rouir (nài). On l’expose ensuite au soleil sur un pré fauché, et on achève la dessiccation en le passant au four. » Puis vient le teillage qui « consiste à séparer les fibres textiles du lin roui d’avec la partie ligneuse, en broyant les chèvevottes à l’aide de la macque ou broie (bargue, bàrgo, bràgo, brègo, brégou, bargadouiro). Ce brisoir se compose de plusieurs lames de bois, cinq d’ordinaire, assujetties sur une espèce de chassis ; deux de ces lames sont mobiles et forment battoir. Les broyeuses (barguedoures, bregarellos), plaçant de la main gauche le lin sur la surface inférieure de l’instrument, actionnant vivement de la droite la partie mobile (hourrigue, manchein), laquelle, frappant les chèvenottes prises entre ces deux mâchoires, les brise sans toutefois rompre les fibres. Un second teillage, plus minutieux, est effectué avec des sérançoirs ou peignes spéciaux (barguèros, pientis de ferri). Du lin ainsi sérancé (sarrancé), on retire la filasse, l’étoupe, dont sera chargée  l’extrémité de la quenouille (counoulho de lî)… ».

     

    c-    Le mûrier

     

         Les mûriers sont, d’après l’abbé Roubaud, des arbres nouvellement introduits dans le Béarn. Il en existe deux espèces, le noir et le blanc. La première catégorie donne des feuilles plus grandes, plus épaisses et d’un vert plus foncé. Sa croissance est plus lente. C’est la seconde espèce qui est utilisée pour nourrir les vers à soie.

     

    En France, la culture des mûriers se développe notamment lors de la période qui nous intéresse, le XVIIIe siècle, et ceci dès sa première partie.

     

    L’Encyclopédie de Diderot a cherché à inciter les particuliers à planter les mûriers blancs. Voici ce qu’on peut lire dans son article traitant le mûrier : «… il s’en fait une consommation si considérable dans ce royaume, que malgré qu’il y ait déja près de vingt provinces qui sont peuplées de mûriers, & où l’on fait filer quantité de vers à soie, néanmoins il faut tirer de l’étranger pour quatorze ou quinze millions de soies. Et comme la consommation de nos manufactures monte à ce qu’on prétend à environ vingt-cinq millions, il résulte que les soies qui viennent du cru de nos provinces ne vont qu’à neuf ou dix millions. Ces considérations doivent donc engager à multiplier de plus en plus le mûrier blanc. Les particuliers y trouveront un grand profit, & l’état un avantage considérable. C’est donc faire le bien public que d’élever des mûriers. Quoi de plus séduisant ! » 34  En province, des responsables de l’autorité royale cherchèrent eux aussi à le développer, on cite communément l’Intendant Joly de Fleury en Bourgogne.

     

     D’après lui, ce sont les négociants oloronais qui les auraient apportés d’Espagne, mais ces arbres auraient été « dédaignés ». Cela a été effectif dans le premier quart du XVIIIe siècle.

     

    Il existait bien une pépinière à Pau, exactement dans les jardins royaux du château, elle datait du XVIe siècle. En 1742, on plante sur ordre de l’Intendant de Sérilly une pépinière de mûriers dans un tronçon Sud-Ouest - dans l’ancien potager des rois de Navarre - à la suite d’une mesure prise par les Etats de Béarn en 1724, mais par la suite en raison du manque d’entretien, elle se trouvait dans un triste état (dans une lettre de l’Intendant d’Etigny ce dernier mentionne qu’on y avait semé «  du petit linet, des haricots, et autres menus grains et légumes ») 35. En 1747, on distribue des mûriers pour inciter au développement de leurs cultures.

     

    Lorsque l’Intendant d’Etigny prend ses fonctions dans la province, 1 157 pieds de mûriers (mais aussi 900 noyers) ont été ainsi alloués. Il est annoté que la pépinière a rapporté 27 livres, 17 sols et 6 deniers, tandis que les dépenses s’élevaient à 510 livres et 3 sols.36

     

     Elle sera supprimée en 1774 par les Etats qui avancèrent le prétexte suivant : « celle-ci n’ayant eu aucun succès ». 37

     

     A travers l’action de l’Intendant d’Etigny pour développer sa culture en 1752 (augmentation d’un quart la superficie des plantations, ce qui permit à la soie du Béarn de surpasser celle des autres provinces et même d’Espagne, plantation privée, fondation d’ateliers pour la fabrication de la soie à Auch), son exemple est suivi et « on vit des mûriers dans toute la Province au moins sur la lisière des champs, et les pépinières furent épuisées ». Les comptes de l’année 1752 enregistrent un succès puisque la production représente dix fois plus de celle de l’année précédente. Les mûriers sont présents aux alentours de Pau, de Sauveterre-de-Béarn et d’Oloron.

     

      L’abbé Roubaud mentionne ensuite le nom de M. de Laclède que nous avons vu et que nous retrouverons plus tard, qui est propriétaire de plantations de mûriers dans la vallée d’Aspe. 38 Cette tentative d’introduction et d’incitation se retrouve dans d’autres généralités françaises, par exemple celle administrée par l’Intendant de Tours Jacques-Etienne Turgot de Sousmont (1704-1709). Ce dernier, dans son Mémoire, relate l’échec de l’essai entrepris au XVIIe siècle pour développer l’élevage des vers à soie, ceci malgré le fait que l’on ait distribué aux gens des plants de mûriers. Il écrit, en effet, que cette action suscita « peu de curiosité de la part des habitants indifférents ». Néanmoins, il tenta lui-même à nouveau de relancer l’opération en 1722. Il réussit alors à obtenir un meilleur résultat.39   

     

     L. Madel Bodel 40 dans son essai prévient que la culture réussira que si l’instigateur est un «… homme instruit & capable d’en diriger toutes les opérations… », alors «… il  est certain que dans moins de quinze ans, on y verroit la culture du Murier solidement établie, & son  produit  déja très-considérable… ». Il prévient toutefois que si le murier  provient d’un pays chaud où on en  trouve « des Forêts entieres » et  « qu’il se naturalise assez bien par tout, cependant plus on s’éloigne de son véritable climat, & plus il demande pour le multiplier, une culture qui suplée à ce que la nature lui refuse.» En effet, la feuille a un «… grand penchant à dégénérer… » notamment dans les contrées dans lesquelles il fait froid. Il fait référence surtout, dans ce cas-là, au mûrier blanc qu’il a davantage étudié en Bourgogne, durant une dizaine d’années.

     

     Bien qu’avocat au Parlement de Navarre, Jean de Laclède délaisse sa fonction par manque de motivation. Par contre, la culture du mûrier l’intéresse et, en mars 1756, il en plante 300 dans la localité de Bedous,  200 autres près d’un an plus tard, en janvier 1757 et, encore, 200 à la fin de la même année, en décembre. Quelques années plus tard, le 9 mars 1763, il prend ses fonctions de maître des Eaux et Forêts de Pau et se marie, non pas comme son père, avec une aristocrate, mais avec une fille de commerçants palois, Cécille Bourbon. Son projet de culture de mûriers ne l’a pas quitté puisque toujours à Bedous le nombre de pieds s’élève à 3 000. Il le poursuit à Pau où sa première tentative de soie, en 1764, se solde par un résultat mitigé, car cette dernière présente des imperfections. Par la suite, la pépinière royale lui donne davantage de satisfaction vu qu’elle procure plus de deux mille plants. Pour y parvenir, il emploie des ouvriers languedociens plus spécialisés dans la sériciculture, notamment des femmes. Ils jouent aussi le rôle de formateurs dans la province.

     

    Mais il ne faut point omettre qu’il était également critique vis-à-vis de l’avenir de son projet. Il était conscient que les dividendes de l’entreprise n’assuraient guère que leur entretien et que le travail était seulement assuré durant deux mois dans l’année.

     

    Mais cela n’empêche pas de poursuivre les démarches et, trop impatient devant leur lenteur,  il a le tort par ailleurs d’en adresser aussi au représentant du pouvoir royal, l’Intendant, ce qui déplaît aux Etats de Béarn, très suspicieux envers les programmes royaux, qui en prennent ombrage. Surtout que la lettre qu’il envoie au dit Intendant est une invitation à l’utilisation de l’autorité.41  Laclède voit son projet tomber à l’eau en 1768 . A cette date, il leur présente un « Mémoire sur les moyens à prendre pour multiplier les mûriers  et les soyes , faire tirer les soyes , et préparer les flurets dans la province de Béarn » 42 qui est rejeté. Les dépenses prévisionnelles selon lui sont réparties de la manière suivante : 100 000 livres seront réservées à des gratifications obtenues par des crédits d’ordre public, cette part correspondant à la majeure partie, il est prévu 2 100 livres annuels afin de rémunérer ceux qui travaillent soit 1 400 livres versés à un contrôleur, 900 livres pour des tireurs de soie et, enfin, 800 livres pour payer quatre arboristes. Un local est envisagé pour la transformation, il cite à nouveau le collège des Jésuites abandonné comme cela a été écrit. Il dresse également un bilan à long terme et envisage une dépense de 133 400 livres au bout de dix ans. Elle serait à la charge pour une moitié de l’Intendant d’Etigny qui se serait engagé et, pour la seconde partie, confiée à la province. Cette dernière récupèrerait une grande partie de son investissement préalable et n’aurait alors à débourser que 752 livres 10 sols annuellement.

     

    Il est à noter néanmoins que plusieurs personnes appartenant à l’administration royale aient eu soin de lui délivrer des lettres de recommandations. Parmi eux nous retrouvons l’Intendant des finances Daniel-Charles Trudaine, économiste éclairé, qui écrit à l’Intendant d’Etigny, quelques années auparavant, le  17 décembre 1766 exactement : « Je verrai avec plaisir ce genre d’industrie se multiplier » et quelques mois plus tard à l’intéressé même, Laclède, le 18 février 1767 une lettre l’affirmant qu’il le soutenait et l’encourageait. 42 Autre personnage important dans la province, l’évêque Marc-Antoine de Noé, président des Etats de Béarn, alla jusqu’à proposer une somme de 1 000 Livres afin de l’indemniser. 43 Sur les dix-neuf membres présents du Grand-Corps, malheureusement douze appuyèrent son projet. Les adversaires les plus  radicaux se trouvaient parmi les délégués du Tiers, prétextant que sa demande se rapprochait davantage plus d’une « gratification » que d’un « dédommagement ». Cette décision d’après le baron de Navailles se rapprochait plutôt d’une intrigue. En effet, ce membre du Grand Corps, regrettant ce refus, s’en explique à l’Intendant d’Aine dans une lettre du 15 septembre 1768, démontrant son regret.41  Un mémoire rédigé  par un personnage - resté anonyme - auprès du pouvoir royal mentionne que : «…  Tout cela est le fruit de l’intrigue, de la jalousie, des préjugés, des faux raisonnements, et du goisme… » et de rappeler que même parmi les membres du Grand Corps seuls quatre d’entre eux s’avéraient être des mûriers. Au  sujet de Laclède, il dénonce le jugement porté par les opposants en affirmant qu’au contraire il a montré par «…son arrêté du 11e may 1768 son indifférence et son aveuglement pour ses propres intérêts… ». 41

     

    Par une lettre du contrôleur général  Laverdy à l’intendant d’Aine datée du 2 juillet 1768 on apprend 41  qu’il a pris l’initiative personnelle de lui allouer une dotation de 1 200 livres au titre de dédommagement. 

     

    Plus tard, en  1772, Les Etats, par le biais des députés du Tiers, refusent à nouveau le projet de Laclède et vont même jusqu’à supprimer la pépinière de Pau - trop onéreuse selon eux vu que sa charge coûte à la province 2 000 à 2 400 livres annuellement - et à décider d’allouer l’argent, lors de la délibération du 2 juillet 1768,  «… à des pépinières plus utiles et plus conformes au sol de la province qu’à leur défaut aux ouvrages des chemins. » De plus, ils notent que les mûriers «... sont nuisibles parce que cette espèce d’arbres a une quantité de racines qui s’étendent au loin et qui appauvrissent beaucoup le terrain… ». 44  Il est vrai qu’en 1766 un constat dressé par Laclède lui-même fait remarquer que le nombre des pépinières est trop élevé et que la sériciculture est une pratique trop compliquée pour les agriculteurs béarnais. Il va jusqu’à écrire que l’échec est dû en partie «… au peu d’intelligence des cultivateurs… ».

     

    Deux ans plus tard, exactement le 4 janvier 1774, le contrôleur général donne son accord à cette décision prise lors de la délibération des dits Etats et on réunit les fonds des Ponts et Chaussées et de la pépinière. 45

     

    Il aura toutefois la satisfaction de voir planter 103 000 mûriers près de deux ans plus tard, en cause surtout le conservatisme de l’élite béarnaise, notamment des parlementaires qui ne daignèrent guère investir, mais aussi du fait de la défaillance d’une main d’œuvre qualifiée incapable de s’occuper correctement des cocons. On fit venir des ouvriers du Languedoc que l’on dut rémunérer fortement. On réussit néanmoins à réaliser une soie de bonne qualité particulièrement dans une filature paloise qui employait huit salariés, mais ce n’était pas suffisant.  Des petits exploitants agricoles tentèrent bien de leur côté d’en planter, mais sans grand succès. 

     

    Beaucoup d’entre eux rechignaient à s’investir, découragés par les frais d’achat, en effet, chaque pied coûtait 2 sols et 6 deniers. 46 Ceci malgré les sollicitations et les aides  octroyées, par exemple la baisse des prix et les distributions offertes.

     

    Christian Desplat s’inscrit en faux lorsqu’on accuse les Etats de Béarn de freiner le succès du projet et d’avancer qu’ils participèrent à hauteur de 40 000 livres dans la période qui s’échelonne de 1742 à 1773 et d’acheter 210 000 mûriers entre 1747 et 1768. Parmi les acquéreurs, on trouve des parlementaires dont le président du Parlement de Navarre lui-même. La faute de l’insuccès réside plutôt à des « carences structurelles et conjoncturelles » dont le manque de « tradition manufacturière, défaut de main d’œuvre qualifiée, difficultés postérieures à la crise des années 1770 et surtout désintérêt des principaux bailleurs de fonds de la province : les nobles ». 47  

     

    Toujours selon l’auteur, ces décideurs étaient davantage préoccupés de ne pas perturber « un équilibre de plus en plus précaire »  de « l’économie sylvo-pastorale ».

     

    D’après le même auteur, les véritables « muriomanes » sont des « ruraux modestes ». Il écrit également que « l’échec n’était pas donc technique comme ce fut le cas dans d’autres provinces ; en 1768 le produit brut des ventes de soie se montait à 21 656 livres 5 sols (en poids : 984 livres de soie). »49 Plus loin, il rajoute que « La démarche des novateurs comme Laclède tendait à briser les tendances autarciques et communautaires  de l’économie provinciale ; elle trouvait ses limites dans la méfiance des capitaux locaux, l’absence de main d’œuvre qualifiée et la difficulté à s’intégrer au marché national sinon par pure gravité. Dans un univers où dominaient les petites propriétés, mais aussi les servitudes communautaires, l’individualisme agraire, précurseur d’un véritable capitalisme agraire, avait peu de chance de triompher. »

     

    Enfin, l’abbé Rouhaud se lance dans un réquisitoire sur l’élevage du ver à soie, démontre que le climat béarnais par son irrégularité des saisons n’est pas très propice, puis, selon lui, en se référant aux mûriers, prévient : «… il ne faudroit pas que ces arbres usurpassent de bons terreins, que ces vers dévorassent les brebis, et qu’une culture très-subalterne devint une manie dominante  ».

     

    Les effets du climat seraient également responsables de l’échec de l’implantation de mûrier puisque des documents attestent que sur 210 000 arbres plantés seulement 105 000 d’entre eux survécurent. 41

     

       Cette opposition va à l’encontre de l’avis de L. Madel Bodel qui préconise sa culture. Il constate que le murier fait la richesse « de tous les Pays où il a été transporté, & ces richesses sont d’autant plus précieuses, qu’elles ne seront jamais arrosées du sang des malheureux… », il fait référence alors aux mineurs péruviens et mexicains que l’on exploite afin d’extraire l’or et l’argent et qui succombent à la tâche, conséquence de « l’avidité de ces métaux »  et qui a provoqué le dépeuplement de l’Amérique. A ces malheureux américains, il ajoute les Africains - il s’agit bien sûr des esclaves noirs touchés par le commerce atlantique  - que l’on tue dans les « Colonies du nouveau Monde », provoquant aussi le dépeuplement de continent africain.50  Il cite enfin l’exemple du Languedoc qui, avec la production de céréales, de vins, de fruits, s’enrichit davantage grâce à la soie et, de ce fait, est devenue « la plus riche Province du Royaume ».  Enfin, il déplore que le pays est obligé d’importer des soies afin d’alimenter nos manufactures et, par conséquent, dépenser des « sommes immenses ». Pour éviter ce manque à gagner, il est nécessaire de se lancer dans la culture du mûrier nécessaire aux vers à soie. Il reconnaît que les Etats, en général, ont tenté de la développer à travers les pépinières publiques, comme nous l’avons vu en Béarn. 51

     

     

     

    Références :

     

    1- Moriceau Jean-Marie, article : céréales, Dictionnaire de l’Ancien Régime, puf quadrige, 1996.

     

    2- Dralet Etienne-François, Description des Pyrénées considérées principalement sous le rapport de la Géologie,  de l’Economie politique, rurale et forestière de l’Industrie et du Commerce, Paris Arthus Bertrand 1813, tome 2.

     

    3- Mémoires de l’Intendant Lebret, Bull.SSLA de Pau, 2e série, tome 33, 1905, p. 121 et 122.

     

    4- Foursans-Bourdette, M.P., Histoire économique et financière du Béarn au XVIIIème, Bordeaux :  Bière,  1963.p. 34-35.

     

    5- Lassansaa Jean, Billère au fil des siècles, histoire d’un village béarnais de la fin du Moyen-Age à nos jours, Revue Régionaliste des Pyrénées, 56e année, n° 201-202, janvier à juin 1974, p.55.

     

    6- Abbé Roubaud, extrait du Journal, du Commerce, des Arts et des Finances par l’abbé Dubahat, Bull. SSLA de Pau, 1911, 2e série, tome 39, p. 211.

     

    7- Soulet JF, Les Pyrénées au XIXe siècle, Organisation sociale et mentalités, tome 1, Editions Eché, 1987,  p 74.

     

    8- Méthode battre et de fouler les grains à l'aire, dans les Provinces méridionales de la France,  par  M. Amoreux, fils, Correspondant, à Montpellier. Mémoire d’agriculture, d’économie rurale et domestique  publiée par la Société d’agriculture royale de Paris, p. 48.

     

    9- Menuret J.J., Mémoire sur la culture des Jachères, Mémoire d’agriculture, d’économie rurale, et domestique    publiée par la Société royale d’agriculture de Paris, p. 78.

     

    10- D’Alband Denis, Moyens d’entretenir la culture des terres après l’épizootie des bâtes à cornes,  Pau, J.P. Vignacour, 1776, Pau.

     

    11- Rozier abbé, article battage, Cours complet d’agriculture théorique, pratique, économique, et de médecine rurale et vétérinaire, Paris, 1782,  tome 2, p. 94.

     

    12- Menuret J.J., op.cit., p. 79.

     

    13- Moriceau J.M., article «  Pomme de terre » tiré du Dictionnaire de l’Ancien Régime, PUF quadrige, 1996.

     

    14- D' après Charles du Faure de Saint-Sylvestre, La Truffole en France, 1785. 

     

    15- Dr Lemay Paul, Une lettre de Voltaire à Parmentier, Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 25, 29 août 1937,    p. 126.  

     

    16- Thouin, Broussonet, Dumont, Cadet-Levaux, Rapport sur la culture des pommes de terre faite

     

          dans la plaine des Sablons & celle de Grenelle, Mémoires d’agriculture, Société Royale d’Agriculture de Paris,  Paris, Buisson, trimestre d’hiver, 1788, p. 47.

     

    17- Parmentier Antoine,  traité sur la culture et les usages des pommes de terre, de la patate, et du topinambour,  chez  Barrois Libraire, Paris, 1789, p. 4.

     

    18- Idem., p.63.

     

    19- Idem., p. 100.  

     

    20- Idem., p. 105.

     

    21- Idem., p. 115.

     

    22- Idem., p. 162.

     

    23- Idem., p. 143.

     

    24- Menuret J.J., opus. cit., p. 81.

     

    25- M. de la Bergerie de Bleneau,  Observations  sur la Culture et l’Emploi des pommes de terre, Mémoires  d’agriculture, d’économie rurale et domestique   publiés par la Société royale d’agriculture de Paris,  janvier 1787, p. 81.

     

    26- Rozier abbé, op.cit., p. 179.

     

    27- Lassansaa Jean, op.cit., p. 54.

     

    28- A.D.P.A.  C 1337.

     

    29- Dubarat abbé : Article de l’abbé Rouhaud sur l’Agriculture, le Commerce, et l’Industrie en 1774  dans  Bull.SSLA , 2e série, tome 41, 1914-1917,  p. 215

     

    30- Caput J., L’évolution géographique d’une petite capitale pyrénéenne : Pau, Revue géographique Pyrénéenne  Sud-Ouest, XVIII-XIX, 1947-48, p. 132-152.

     

    31- Desplat Christian, Principauté du Béarn, partie 2, Edition « société nouvelle d’éditions régionales et de  diffusion », 1980, p 595. 

     

    32  A.D.P.A.  C.278.

     

    33- Poueilh Jean, Le folklore des pays d’oc, la tradition occitane, petite bibliothèque payot, 1976, p. 97.

     

          Voir aussi : Sandinis P., L’industrie familiale du lin et du chanvre, Annales de la Fédération pyrénéenne d’économie montagnarde, Toulouse, 1940-1941, p. 100 à 116.

     

    34- Encyclopédie de Diderot, exemplaire Mazarine, volume X, p. 872.

     

    35- A.D. du Gers, C 3, lettre de d’Etigny au garde des Sceaux, 8 août 1752.

     

    36- A.D.P.A.  C 1303.

     

    37- A. Nat.  H 86, Lettre de M. de Sus au contrôleur général  du 26 février 1774.

     

    38- Dubarat abbé : « Article de l’abbé Rouhaud sur l’Agriculture, le Commerce, et l’Industrie en 1774 » dans Bull.SSLA , 2e série, tome 41, 1914-1917, p. 216.

     

    39- Archives nationales : mémoires et notes littéraires, 745AP/17 dossier 5 et 745AP/21, dossiers 2-4.

     

          Voir aussi Maillard Brigitte, Les campagnes de Touraine au XVIIIe siècle, chap. 7 : les fruits de la terre, pages  

     

          171-208, Presses universitaires de Rennes.

     

    40- L. Madel Bodel, Essais sur la culture du mûrier blanc et du peuplier d’Italie, et les moyens les plus surs d’établir solidement & en peu de tems le Commerce des Soies,  Edition 1766, Imprimeur Defay, page III de la   préface .

     

    41- A.D.P.A.  C 280.

     

    42- A.D.P.A. C 1303.

     

    43- A.D.P.A. C 804.

     

    44- ADPA C 280 et ADPA C 283   et voir aussi - Laumon Raymon,  Histoire de la vallée d’Aspe, Editions  Monhelios, 2006, p. 92

     

    45- A.D.P.A. C 286.

     

    46- A.D.P.A.  C 279.

     

    47- Desplat Christian,  Économie et société rurales en Aquitaine aux XVIIe-XVIIIe siècles . In: Histoire,  économie et société, 1999, 18ᵉ année, n°1. Terre et paysans, sous la direction d’Olivier Chaline et François- Joseph Ruggiu.  2002, p .152.

     

    48- Desplat Christian, Pau et le Béarn au XVIIIe,  thèse doctorat Pau, tome 2,  chez J. et D. Editions  Biarritz, 1992, p. 84.

     

    49- Idem, tome 1, p. 93.

     

    50- L. Madel Bodel, Op.cit., p.2.

     

    51- Idem, p.6.

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